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Une Africaine à la tête de l’OMC, et après ?

Publié le, 24 mars 2021 par ABDOU DIAW

Fin du suspense ! L’ancienne ministre nigériane des Finances, Dr Ngozi Okonjo-Iweala, 66 ans, a été nommée, avant-hier, Directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce (Omc). Sa désignation met fin à un long feuilleton empreint de tractations et de manœuvres suite à la démission anticipée du Brésilien Roberto Azevêdo qui a pris la décision de rendre le tablier à un an de la fin de son mandat. La période qui a précédé la nomination de l’ancienne Directrice générale de la Banque mondiale a cristallisé les attentions et suscité des fantasmes en Afrique. Avec huit candidats, dont trois Africains sur la ligne de départ, Ngozi Okonjo Iweala a bénéficié du retrait de la course de la Ministre sud-coréenne du Commerce Yoo Myung-hee. Le boulevard pour le fauteuil de la Direction générale était largement ouvert à la Nigériane.
Le choix porté sur cette tête bien faite au sommet de l’Omc constitue une belle victoire pour la diplomatie économique africaine. L’élan de solidarité en faveur de la candidature de l’ex-Dg de la Banque mondiale et l’espoir que celle-ci a suscité dans le continent appellent à quelques réflexions. C’est presque devenu une tradition. À l’approche d’une compétition à un poste de dimension mondiale (organismes onusiens et autres), on jubile et on exulte espérant voir un fils ou une fille du continent porté au pinacle. Quoi de plus normal ? L’image du continent ne s’en porterait que mieux. Cependant, avons-nous vraiment tiré les leçons des récentes nominations ?

Quoique n’étant qu’un descendant d’Africain, on se souvient de l’espoir suscité par l’élection de Barack Obama. Pourtant, celle-ci n’a rien changé au destin du continent. Les exemples foisonnent. L’on se rappelle également la brûlante sortie du Directeur général de l’Oms, l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui, lors de l’apparition des premiers cas de la pandémie de Coronavirus, avait prédit le pire pour l'Afrique, avec ses lots de décès. Malgré qu’il soit à la tête de l’Oms, son continent, excepté quelques pays, peine encore à accéder aux premiers vaccins contre la Covid-19. L'Afrique semble être en marge de la course aux vaccins. Le seul espoir reste l’initiative Covax.

 Quand est-ce qu’on aura véritablement une déconstruction du discours sur l’élection ou la nomination des Africains à la tête des Organismes dits de prestige dans le monde ? Même si c’est une Africaine qui préside désormais aux destinées de l’Omc, il faut se rappeler que cette instance mondiale du commerce n’est ni un titre foncier ni une propriété et moins encore un patrimoine ou la chasse gardée de l’Afrique. Dr Ngozi Okonjo-Iweala n’a pas été désignée pour représenter ou défendre uniquement les intérêts de son continent. Qu’on se le tienne pour dit, le commerce mondial est un rapport de forces pour le moment très défavorable à l’Afrique. Au-delà du concours de certains États du continent, elle a aussi bénéficié de la confiance et du soutien des autres puissances économiques comme les États-Unis. Un appui qui est loin d’être fortuit au regard des enjeux géoéconomiques et commerciaux du monde.

L’Afrique sera-elle une priorité pour la toute nouvelle Directrice générale de l’Omc ? La nomination de la Nigériane permettra-t-elle au continent noir de quitter la barre des 3 % de contribution au commerce mondial ? Quoiqu’il en soit, les défis sont déjà énormes.


La remplaçante du Brésilien Roberto Azevêdo devrait faire face à une kyrielle d’urgences pressantes. Elle prend les rênes de l’Omc dans un contexte où tout est super-priorité. La première mesure consisterait, sans doute, à s'attaquer rapidement aux conséquences économiques et sanitaires provoquées par la pandémie de Covid-19. L’autre grande équation demeure l’affermissement des relations commerciales tendues entre les États-Unis et la Chine. Des perturbations qui ne sont pas sans conséquence sur l’économie mondiale vu le poids de ces deux mastodontes sur les échanges internationaux. La seule bonne nouvelle pour Dr Ngozi, c’est le changement d’administration à Washington, changement auquel elle doit, en grande partie, sa nomination. Avec un Biden plus attaché au multilatéralisme que son prédécesseur, il est à espérer que les lignes vont bouger afin de surmonter le blocage de l’Omc créé par Trump.
Pour l'Afrique, l’une des attentes, c’est de faire de sorte que l’accord de la Zone de libre-échange continental, entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2021, soit une réalité sous son magistère. Gageons que la nouvelle patronne de l’Omc aura les coudées assez franches pour exercer en toute autonomie son mandat.