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L’argent du pétrole congolais dilapidé à Genève
Sur la base de documents exclusifs, la DB a analysé le modèle d’affaires de Philia et les clauses d’un contrat, conclu en 2013, liant cette petite société de négoce à la raffinerie étatique de la République du Congo. Ce contrat et les factures en notre possession ne laissent aucun doute : Philia a bénéficié des largesses de la Coraf. Cette dernière offre notamment du financement gratuit à la firme genevoise, lui permettant au passage d’échapper aux procédures de conformité (compliance) que les banques mettent en œuvre avant d’accorder un prêt pour financer les transactions. Philia agit comme un pur intermédiaire entre la Coraf et les marchés internationaux, se contentant de revendre immédiatement ses cargaisons à des tiers, parmi lesquels d’autres négociants suisses. Elle empoche ainsi des profits substantiels sans fournir aucun effort logistique. Ces avantages ont permis à cette société aux mains d’un actionnaire unique de se faire une place dans l’aval pétrolier, sur le dos de la population congolaise.
Il faut dire que la Coraf est un véritable gouffre financier pour le trésor public congolais. Depuis trois ans, l’Etat ne perçoit pas un centime en contrepartie du pétrole qu’il octroie à la raffinerie. Le fait que celle-ci soit dirigée par le fils du président, qui contrôle l’intégralité des ventes de pétrole de cet Etat ultra-corrompu, n’y est sans doute pas étranger. Alors que la population vit dans la misère, Denis Christel Sassou Nguesso se distingue par ses dépenses faramineuses, minutieusement recensées dans le cadre de l’instruction menée en France de l’affaire dite des « Biens mal acquis ». Il y a dix ans, un tribunal londonien montrait aussi comment il avait bradé, à son propre profit, d’importantes quantités de pétrole brut étatique revendues à Glencore et Vitol.
L’histoire de Philia raconte comment les contrats pétroliers peuvent être pipés dans les arcanes du pouvoir, tout en gardant les apparences de la légalité. La transparence des paiements et des contrats conclus entre les sociétés suisses et les entités étatiques permettrait de lutter contre le détournement de la rente par des élites corrompues. Le Conseil fédéral refuse toutefois d’adopter de telles dispositions pour les activités de négoce, en dépit des parts de marché importantes dont disposent les négociants suisses en Afrique sub-saharienne. La DB demande en outre la création d’une autorité de surveillance sectorielle, la Rohma, qui imposerait aux firmes des devoirs de diligence relatifs à leur chaine d’approvisionnement et à leurs partenaires d’affaires.
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