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Le mercenariat en Afrique au Sud du Sahara : approche endoscopique et perspectives
Par Yllias LAWANI, Correspondant à Cotonou - Bénin
La réapparition des mercenaires aujourd’hui dans l'actualité (les récents procès, à Malabo et Harare, de mercenaires accusés d’avoir tenté de renverser le président équato-guinéen en mars 2004 et dans lequel serait impliqué Mark Thatcher, le fils de l’ancien Premier ministre britannique Margaret Thatcher ) et dans certaines crises africaines, rappelle l'acuité du problème et la nécessité de le cerner pour mieux l'appréhender. D’une brûlante actualité avec la crise que traversent la Côte d’Ivoire et le Darfour au Soudan, le mercenariat est un sujet très sensible qui suscite de vifs débats et qui touche des questions fondamentales comme l’indépendance politique et l’intégrité territoriale des États, l’égalité souveraine, les droits de l’homme, le non recours à la force dans les relations internationales, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la responsabilité des Etats et le comportement à tenir dans des situations de conflit armé ou de violence organisée.
De l’évolution du mercenariat
Le mercenariat a connu une évolution dans le temps en passant d’une forme classique à une forme plus élaborée, celle des Sociétés Internationales de Sécurité . Le phénomène sera cependant réprimé, en particulier sur le continent africain. Des réponses ont été élaborées par les Etats afin d’en contrer l’évolution. A travers tous ces aspects, il conviendra ensuite de dégager les perspectives d’avenir pour l’Afrique.
Phénomène très ancien, le mercenariat est né avec
l'apparition, chez l’Homo sapiens sapiens, de la belligérance.
Mais c'est en Grèce Antique qu'il recouvrit sa forme traditionnelle,
celle d'un soldat qui monnaie son “talent” militaire. Pendant tout
le Moyen-Age et l’Ancien Régime en Europe, ces gens d'arme d'un
type nouveau , utilisés comme des unités d’élite
ou comme des conseillers de guerre, constituèrent des corps importants
au sein des armées. Le mercenariat passa ensuite du statut d'activité
autorisée à un statut d'activité non autorisée.
Cette délégitimation fait que le mercenariat apparaît dans
la première moitié du XXème siècle comme une anomalie
puisque marginalement légitimé par les deux guerres mondiales.
Mais les guerres d'indépendance à travers les mouvements de libération
nationale et l'affirmation par l'ONU du Droit des peuples à disposer
d'eux memes, donnent au phénomène une nouvelle jeunesse. Les mercenaires
seront ensuite utilisés par les puissances coloniales pour renverser
les gouvernements qui semblent s'écarter de leur “précaré”
ou comme outils d'agression extérieur par les Etats souverains . C'est
l'époque glorieuse des Bob Denard et autres Christian Tavernier, qui
sèment la terreur sur le continent africain du Katanga aux Comores en
passant par le Biafra et le Bénin .
Cependant depuis les années 1960, le mercenaire n’apparaît plus dans les conflits inter-étatiques mais au contraire dans les conflits intra-étatiques qui offrent moins de visibilité. La chute du Mur de Berlin et la décristallisation de la tension Est/Ouest par la fin de la guerre froide, a vu une recrudescence du mercenariat partout dans le monde et un changement progressif de la nature des conflits, nouveaux champs d’expression de ce phénomène qui a muté au fil des années en passant de sa forme « classique » à une forme plus élaborée, celle des « Sociétés Internationales de Sécurité » (À des fins de simplification nous regroupons sous ce vocable les Sociétés Militaires Privées et les Sociétés de Sécurité Privée.
Les premières assurant principalement des activités à finalité militaire (assistance et entraînement des forces gouvernementales, acquisition d’armements, analyse stratégique des menaces, conseil militaire et soutien logistique).
Les secondes se spécialisant dans la sécurité civile et la prévention de la criminalité. En somme les Sociétés Internationales de Sécurité peuvent organiser et assurer, à la demande d’une entreprise, d’une organisation non gouvernementale (ONG) ou même d’un Etat, des tâches de sécurité, de logistique, de renseignement, de formation militaires, voire suppléer aux forces gouvernementales à certaines occasions. Ces entreprises disposent de réserves d’hommes plus ou moins importantes (plusieurs milliers de soldats, ex-professionnels, désormais sous contrat et bien payés pour leurs qualifications militaires et leur expérience ), de matériels performants et de cadres expérimentés provenant des unités d’élite et des institutions militaires les plus prestigieuses au monde. En majorité d’origine anglo-saxonne ( américaine, anglaise ou sud-africaine), mais aussi française et israélienne, elles agissent sur l’ensemble de la planète au gré des conflits et des besoins, le plus souvent dans des pays en développement marqués par une instabilité chronique.
Même si le recours à ces forces privées semble se justifier par la multiplication dans le monde, et plus particulièrement en Afrique, des crises de faible intensité , il n’en demeure pas moins qu’elles font l’objet de débats passionnés au sein des Nations. En effet la ligne de démarcation entre leurs activités et le mercenariat est très infirme, parfois même inexistante. Certains auteurs soutiennent que les hommes qui acheminent des soldats et du matériel militaire sur le champ de bataille, qui participent à l'entretien, à l'entraînement, au renseignement, à la planification ou à l'organisation, participent autant à l'opération militaire que ceux qui utilisent les armes.
La communauté internationale a toujours condamné sans équivoque les activités des mercenaires, mais les efforts déployés pour réglementer ces dernières ont été entravés par des divergences quant à la méthode à adopter et par des préoccupations opposées.
Un certain nombre de questions clefs demeurent sans solution et la situation a été rendue encore plus complexe par l’apparition de nouvelles formes, plus subtiles, de mercenariat que constituent les Sociétés Internationales de Sécurité.
De plus les rapports qu’entretiennent certains Etats avec ces sociétés, tendent à faire de celles-ci des outils de politique étrangère (il est plus facile pour ces acteurs non-étatiques de fomenter des coups d’états, de déstabiliser des régimes dits « illégitimes », de mener des activités d’intelligence économique et/ou politique, de perpétrer des actes de terrorisme, de participer à des conflits aux côtés de mutins, d’insurgés, de rebelles ou autres oppositions armées dans le but de déposer des gouvernements).
L’extrême fragilité de la barrière entre leurs activités et le mercenariat, la collaboration efficace entre ces sociétés et certaines entités gouvernementales, non gouvernementales, Onusiennes et autres acteurs, sont de nature à remettre en cause le rôle exclusif de l’Etat et de l’ONU en tant que principaux garants de la sécurité publique et collective respectivement, et de la protection des Droits de l’Homme.
Le défi auquel est confrontée la communauté internationale consiste à traduire les condamnations en mesures concrètes propres à remédier efficacement aux effets pervers des activités mercenaires contemporaines. En effet les différents textes existant en matière de répression du mercenariat ( La Convention de l’OUA sur l’élimination du mercenariat en Afrique, la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, etc…) paraissent caduques face aux manifestations du mercenariat entrepreneurial. Cependant ils fournissent un cadre utile pour la poursuite des infractions et la définition de modalités de coopération entre les États, en faisant particulièrement de la participation à des activités mercenaires une infraction relevant de la compétence universelle obligatoire, ce qui signifie que l’auteur de l’infraction, s’il n’est pas extradé, doit être jugé par tout État sur le territoire duquel il se trouve.
Sur le continent noir, les faiblesses des armées nationales souvent inefficaces , ainsi que le déploiement tardif des casques bleus de l’ONU, ont amené les Organisations sous régionales et régionales africaines à renforcer leurs capacité de préservation de la Paix et la sécurité continentale, à travers des initiatives qui tendent directement à prévenir et arrêter les conflits ou à renforcer les capacités coercitives des Etats membres en vue de faire disparaître toute velléité de crise favorable au déploiement d’activités mercenaires. C'est le cas du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union Africaine et du Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de sécurité de la CEDEAO.
De même, conscients des problèmes, mais peu désireux pour autant d’intervenir eux-mêmes militairement, plusieurs pays occidentaux ont développé des doctrines d’aide à la sécurité régionale. L’Afrique subsaharienne est aujourd’hui la première zone d’expérimentation de ces nouveaux concepts. Les plus étoffés de ces programmes sont ceux américain ( l'African Contigency Operations Training and Assistance Program : ACOTA) , britannique (British Peace Support Team : BPST ) et français ( Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix : RECAMP).
Toutes ces initiatives paraissent impuissantes face au développement inquiétant du mercenariat aujourd'hui sur le continent africain. Il nous est alors paru nécessaire de préconiser la révision des textes de lois existant en matière de lutte contre le mercenariat en les adaptant aux nouvelles structurations du phénomène ( ceci passe par l'élaboration, en accord avec les Nations Unies, d'une définition claire du mercenariat et du mercenaire) et le renforcement de la coopération internationale tant en matière pénale, politique, que militaire. De plus l'Union Africaine pourrait se pencher réellement sur la question des Sociétés Internationales de Sécurité, non pas en niant leur existence, mais en élaborant un mécanisme de contrôle et de régulation de leurs activités sur le continent.
Enfin le rôle à jouer par les Etats africains
eux-mêmes dans la lutte contre le phénomène mercenarial
dépend dans une large mesure des dispositions, à souhait restrictives,
de leurs législations internes, et de l’affirmation effective sur
le plan continental de leur volonté politique de lutter contre l’impact
négatif des activités mercenaires sur leur souveraineté
et sur leurs populations.
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