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«Le Sénégalais s'accommode bien de la séparation des pouvoirs».
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Mme, pouvez - vous nous faire un clin d'oeil historique
sur les confréries ?
L’histoire des confréries au Sénégal et surtout son développement sont
étroitement liés à la pénétration coloniale. Seulement, il faut reconnaître
que les confréries religieuses découlent de l’expérience soufie qui remonte
à l’aube de l’Islam à travers des personnages comme Hasan al Basri, Rabia
Al Adwiyya ou Al Hallaj qui sera crucifié en 922 sous le pouvoir des Abbassides.
La première confrérie, la Qadrya née à Bagdad sous la houlette
d’Abd Al Khadr al Jylani, arrivera en Afrique noire, à partir de Tombouctou
au XVIIIes. Elle est la plus ancienne des confréries au Sénégal mais la moins
importante sur le plan numérique. D’ailleurs son implantation au Sénégal est
étroitement liée aux Bambaras et Maures. Il faudra attendre le XIXes
pour voir les confréries se développer au Sénégal. Ceci face à la pénétration
coloniale. Néanmoins, on peut distinguer quatre grandes zones caractérisées
par la durée de l’implantation de l’Islam et par le rôle joué par les communautés
religieuses :
Les pays riverains du Fleuve Sénégal où
on peut situer le Tekrour dont le roi, War Djabi se convertit à l’Islam
au VIIIes. Y partira, la confrérie Tidjane sous la houlette d’El
hadj Omar Tall au XIXes et plus tard Malick Sy
La Mouridya aussi, va s’y implanter sous la direction de Cheick Ahmadou Bamba dont les démêlés avec l’administration coloniale est une dimension importante de l’identité mouride.
En résumé, au Sénégal l’islamisation ne s’est pas faite par le biais du djihad comme ce fut le cas sous d’autres contrées comme le Califat de Sokoto et que même les Djihad de El Hadj Omar, Ma Ba Diakhou ressemblent, à des formes de résistance plutôt qu’à une volonté de convertir par la force des populations.
La réaction des rois ceddo étant parfois sans concession et militait fortement pour la séparation des pouvoirs, malgré l’ancienneté des foyers religieux et écoles dans le Kajoor et le Niambuur.
Les Guides religieux ont pris une place considérable dans la vie politique sénégalaise pendant la période coloniale, et leur emprise n'a cessé d'augmenter après le départ du Colon. Peut - on cependant dire que nous sommes en face du même type de marabouts aujourd'hui ?
Le Sénégal est entrain de changer. Qu’on le veuille ou non, la sécularisation gagne inévitablement les familles religieuses et l’émergence de la citoyenneté modifie la donne. Toute organisation humaine, au bout d’un certain temps ne peut pas échapper à la loi naturelle des mutations et modifications. Dans la plupart des confréries, on assiste à un élargissement de la base avec l’arrivée massive de petits enfants et arrières petits enfants. Le système de dévolution du pouvoir et les mécanismes de légitimation vont être tôt au tard questionnés. La transmission par la voie utérine et le contrôle de la spritualité vont-ils continuer à coïncider ? Ou va -t-on assister à l’émergence de nouveaux pôles confrériques ( Médina Gounass, Médina Ndiatbé, Mbour… ? Par exemple, que signifiera demain Tivaouane, la capitale de la Tdjanya en milieu wolof face aux différents « guides » descendants des anciens lieutenants de Malik Sy ou muqqadam ? Ou va -t-on assister à un renouveau à partir d’autres milieux ? L’inflation des petits - fils ne manquera pas d’avoir des conséquences sur la cohésion des différentes confréries.
Les marabouts se succèdent de pères en fils et nous savons que dans d'autres confréries ou sectes religieuses en Iran ou en Irak, la succession est plus due à l'érudition, le marj'a "émerge". Quelle lecture faites - vous de cette situation au plan social, politique et religieux ?
Aujourd’hui au Sénégal, la fonction sociale et politique des marabouts prend le dessus sur tout le reste. Il y a quelques années, le Hizbut tarqiya a provoqué un véritable séisme en milieu mouride en posant la même question que vous. Il est évident que le soufisme dans ses critères d’austérité, de renoncement, d’isolement ne cadre pas tout -à- fait au fonctionnement confrérique actuel, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas au sein des familles confrériques de véritables soufis. Seulement, l’organisation ne laisse émerger les individualités porteuses de renouveau ou de réformes.
Les marabouts se sont mobilisés dans la lutte contre le Sida. Sur le plan politique, Abdou Diouf a beaucoup utilisé leur influence pour calmer le front social à chaque fois qu’il était embrasé. Ils sont écoutés et pourtant, les talibés ne se sentent plus liés à leur « ndiguel » ou mot d’ordre politique. Comment on en est arrivé là ?
L’effort d’individuation se développe et la citoyenneté s’accompagne d’une prise de conscience allant dans le sens de sérier les champs d’intervention du politique et du religieux.
Malgré les remises en question de la laïcité, le Sénégalais s’accommode bien de la séparation des pouvoirs. Il refuse l’instrumentalisation du religieux. Les partis se réclamant de la religion ont souvent de faibles scores, durant les différentes compétitions électorales.
Le Sénégal charme par sa coexistence religieuse. Mais depuis l'alternance avec Wade, les gens sont devenus inquiets de pouvoir maintenir cette cohésion à terme. Ont - ils raison. Que préconisez - vous?
A chaque fois que c’est nécessaire, les démocrates
sénégalais n’ont pas manqué de tirer sur la sonnette
d’alarme.
C’est vrai la tentation est trop grande, d’aller vers une forme
de césaro-papisme et le jeu confrérique étant trop tentant, mais dangereux pour la stabilité du pays. Nous avons tous intérêt
à rester vigilants.
Le Sénégal confrérique a –t- il encore un avenir?
Le Sénégal a une très vieille société qui a du mal à se transformer. Je pense que même le fonctionnement confrérique mérite réflexion si nous voulons aller résolument vers le développement.
Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade NDOYE
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