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L’Europe et la tentative de coup d’Etat en Turquie : auto-enfermement et construction de l’ennemi turc
Par Doudou Diene
Vice President du Conseil Scientifique de l’Institut international de Recherche de Politique de Civilisation d’Edgar Morin
(Paris Janvier 2017)- Que s’est il factuellement passé dans la nuit du 15 au 16 août en Turquie ?
Une partie de l’armée a pris le contrôle des medias, annoncé le renversement du Président élu démocratiquement, bombardé avec des missiles le siège de l’Assemblée Nationale, tiré sur la population civile faisant plus de 200 victimes. Cette tentative de renversement par la force d’un pouvoir légitime, démocratiquement élu, aurait échoué sur le plan interne du fait de plusieurs facteurs : la résistance populaire, la division des forces armées, la condamnation unanime par toutes les formations politiques représentées à l’Assemblée nationale. Le gouvernement Turc a en réaction déclaré l’état d’urgence, procédé à des centaines d’arrestations de militaires et de civiles.
La lecture dominante de cette tentative avérée de coup d’Etat en Europe, tant par les gouvernements que par les medias constitue un indicateur significatif de l’état des rapports de l’Europe au monde et signale une mutation géostratégique profonde dont les conséquences pourraient se révéler globales et non seulement régionales.
LECTURE DOMINANTE DE LA TENTATIVE DE COUP D’ETAT
Le journal Le Monde du 10 juillet 2016, a publié en référence à la tentative de coup d’Etat, un appel d’un « collectif » intitulée « Il faut sauver la democratie enTurquie ».Ce texte, illustre ,la lecture selective,àcharge dont la tentative de coup d’etat a fait l’objet dans la grande majorité des medias occidentaux. Ses redacteurs,personnalités éminentes de l’establishment Français ,dont un ancien Ministre de la justice ne se donnent pas la peine de condamner et donc de reconnaître la realité de la tentative de coup d’etat.Mais , econome avec des faits incontestables, l’appel au sauvetage de la democratie en Turquie, fait silence sur l’election democratique du President Turc et la condamnation unanime de la tentative de coup d’etat par tous les partis politiques representés au Parlement,toutes tendances confondues.Plus grave,peut etre,ce document occulte le nombre elevé,plus de 200, de victimes civils des tirs indiscriminés des militaires insurgés, le bombardement aux missiles du siége du Parlement et la resistance populaire massive contre la tentative de coup d’etat. Pour l’essentiel l’appel developpe un requisitoire contre le gouvernement qui aurait pu,a posteriori ,en cas de reussite constituer un argumentaire de legitimation de la tentative de coup d’etat par ses auteurs. Les redacteurs de l’Appel centrent ce requisitoire sur la rection du gouvernelment Turc : le grand nombre d’arrestatiions et de limogeages dans l’armée , la magistrature et l’administration.Mais la solemnité de l’appel au sauvetage de la democratie et la personnalité de ses signataires incitent à s’interroger sur sa selectivité democratique .Un Appel similaire au sauvetage de la democratie a t ‘il eté lançé en reaction au coup d’etat militaire en Egypte dont les conséquences sont contemporaines de la tentative de coup d’etat en Turquie :emprisonnement du President democratiquement elu,arrestations et detentions massives de centaines de citoyens egyptiens, tant partisans averés ou soupsonnés des Freres musulmans que militants laics progressistes et defenseurs des droits de l’homme ?
La question de la reponse democratique à toute forme de violence politique ,de nature à destabiliser ou remettre en question les institutions legales ,est legitime .
Cette question est devenue un marqueur fondamental du respect des droits de l’homme depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats Unis et l’utilisation consécutive par des gouvernements democratiques de moyens non democratiques,notamment , la torture ,les transferts et executions extrajudiciaires pour repondre,dans leur pays et à l’etranger à la montée de la violence politique de masse,à connotation religieuse perpetrée par des groupes et mouvements divers .Mais la vigilance democratique s’impose egalement face à la recrudescence actuelle de formes diverses de legalisation ,comme l’etat d’urgence et la restriction deliberée des libertés fondamentales pour repondre à ces formes nouvelles de violence politique.
La tonalité dominante des reactions ,en Europe ,à la tentative de coup d’etat revéle dés le lendemain de cet évenement ,un glissement de la condamnation formelle de principe à la suspicion ou la mise en accusation du gouvernement Turc .Les qualificatifs dominants vont de « coup d’etat enigmatique » pour caracteriser la tentative de coup d’etat , à « coup d’etat civile » pour caracteriser les reactions du gouvernement Turc.La presentation factuelle et objective des evenements a fait place à un requisitoire systematique sur la responsabilité directe ou indirecte du gouvernement Turc dans les evenements.Les qualificatifs de « purge »,de « chasse aux sorciéres » traduisent un transfert implicite de responsabilité des auteurs du coup d’etat aux autorités Turcs.
La lecture dominante du coup d’etat dans de nombreux medias européens et americains est revelatrice d’un desequilibre manifeste entre la legitimité de l’examen critique au regard des droits de l’homme des mesures prises ou annoncées par les autorités Turques ,en reponse à la tentative de coup d’etat et la necessité du traitement objectif,sinon la condamnation sans ambiguité de la tentative de coup d’etat .
De quoi cette lecture selective de la tentative de coup d’etat est elle le nom ?
Elle est marquée par plusieurs tendances lourdes significatives .La personnalisation obsessive de la question Turque sur la figure « autoritaire » du President Erdogan,nouveau « Sultan Ottoman »,en est la plus manifeste. Cette personnalisation est accompagnée de l’occultation de sa legitimité democratique qui ne serait sans doute pas en conformité avec l’image mediatique de la nature despotique de son regime.Le rappel de la profondeur historique de l’omnipresence de l’armée dans la vie politique Turque et notamment de ses nombreuses terntatives de coups d’etat fait place à la promotion de l’image d’une armée Turque,gardienne du caractere laic intangible de la Republique Kemaliste contre l’islamisation de la societé.La tentative de coup d’etat serait ainsi un evenement ex nihilo, ponctuel . Et enfin l’identification de la population Turque aux partisans du President Turc et aux militants de l’AKP,masque non seulement sa pluralité politique ,ethnique et sociale et la massivité de la resistance populaire à la tentative de coup d’etat mais s’accompagne du silence ou au mieux de la relativisation du nombre elevé de victimes civils .Les nombreux attentats indiscriminnés et meurtriers precedant la tentative de coup d’etat ont fait l’objet,generalement, d’une couverture mediatique dominée par la suspicion et le doute quant aux responsabilités eventuelles du pouvoir Turc.La tentative de coup d’etat est en conséquence presentée comme visant uniquement ,de maniére reactive, le pouvoir autoritaire du President Turc .
CONSTRUCTION DE L’ENNEMI TURC
On assiste donc au processus historique de la construction politique et mediatique d’une image de la Turquie ,d’alliée strategique de l’Occident, à celui d’ennemi irreductible.
La position de la Turquie sur les enjeux fondamentaux de la region constitue t’elle un element d’explication à ce virement historique?Sur la question de la responsabilité centrale du gouvernement Syrien actuel dans la guerre civile et les violations graves des droits de l’homme qui en resultent ainsi que sur le depart du President Assad ,comme condition d’un reglement democratique durable de la crise Syrienne,la position du gouvernement Turc est plus ferme que celle de plusieurs gouvernements occidentaux,de plus en plus enclins à des accomodements .En ce qui concerne la violence politique de l’etat Islamique,la population ,toutes origines confondues ainsi que le territoire Turcs continuent d’etre les cibles d’attentats meurtriers. Suspicion sur la responsabilité de ces attentats et rappel de la nature autoritaire du gouvernement Turc dominent la couverture mediatique de ces attentats. Sur la question des refugiés d’origine Syrienne et d’autres conflits regionaux, la Turquie, avec l’accueil de plus de deux millions d’entre eux et l’octroi à un grand nombre de la nationalité Turque,assume d’avantage à l’exception morale et politique notable de l’Allemagne,ses responsabilités humanitaires .La plupart les pays Européens ,notamment en Europe centrale erigent murs et barbelés contre ces refugiés. Ces facteurs,geostrategiques lourds sont soit passé sous silence soit relativisé non seulement dans la presentation objective de la situation enTurquie par les medias mais egalement sur le positionnement politique de la majorité des gouvernements Européens sur la tentative de coup d’etat.
MUTATIONS GEOSTRATEGIQUES CONSECUTIVES
Tous ces developpements consécutifs à la tentative de coup d’etat sont porteurs de mutations profondes de nature à influencer dans la durée la nature des conflits en cours dans la region ainsi que les alliances stratégiques qui leur sont liés,à alterer les processus democratiques dans la region et à donner sens et substance à la theorie du conflit des civilisations.
La question de l’islam a progressivement emergée comme une variable determinante dans l’appreciation politique et la couverture mediatique de la tentative de coup d’etat et de ses conséquences.La posture ideologique de l’incompatibilité de l’islam avec la democratie et les droits de l’homme,dogme fondateur de la theorie du conflit des civilisations, a refait surface ,explicitement ou implicitement dans le positionnement sur la tentative de coup d’etat. Les mesures prises(arrestations,detentions,licenciements) ou annoncées ( peine de mort) par le gouvernement Turc ont eté opportunément considérées a posteriori comme des obstacles à la demande d’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.La menace d’une « fermeture definitive » du processus a même eté soulevée .La realité de la tentative de coup d’etat dans un pays ,partenaire strategique decisif sur des enjeux pressants ,ne constitue donc pas un argument favorable à cette entrée qui aurait legalement garantie l’adoption et le respect par la Turquie des normes européennes des droits de l’homme y compris l’abolition de la peine de mort.La longue histoire de la demande d’admission de la Turquiue dans l’Union euroopéenne se confirme ainsi comme une course d’obstacles permanents dont l’inventivité ideologique auto justificatrice n’est alterée par aucune circonstance favorable au rapprochement entre la Turquie et l’Union Européene comme la grave et durable crise des refugiés Syriens .Mais un facteur pregnant tout au long de ce processus, refait surface dans l’appreciation de la tentative de coup d’etat :la lecture ideologique de l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne , articulée autour de la construction ,à droite comme à gauche,de l’image de la Turquie comme une double menace à l’Europe par sa religion,l’islam et sa population à l’identité et à la securité de l’Europe .La lecture essentialiste de l’islam profondément construite dans l’imaginaire populaire et explicitement formulée dans le discours politique et intellectuel en Europe, brouille la perception de sa diversité et plus gravement ,dans le contexte regional,occulte les differences fondamentales entre l’islam Jihadiste de l’Etat islamique et l’islam pluraliste Turc ,profondément enracinée dans une riche spiritualité mystique,.Ainsi ,l’AKP,le parti dominant continue de faire l’objet dans les medias de l’appelation d’ « islamo –conservateur » , qui est un ORNI (un objet religieux non identifié).La fixation sur l’islam de la crispation identitaire en Europe , nourrie par la surdetermination securitaire face à la violence politique à connotation religieuse de l’etat islamique qui vise tous les pays et frappe massivement les pays musulmans dont la Turquie,semble desormais teintée les lunettes ideologiques principales de lecture des evenements politiques et des alliances strategiques regionaux.La theorie du conflit des civilisations et des religions qui amalgame religion, race et culture et qui privilegie l’ideologie sur la realité est ainsi manifestement actée dans le contexte de la tentative de coup d’etat.La tentative de coup d’etat enTurquie est donc revelatrice d’un processus de reconstruction contemporaine de l’image de la Turquie comme ennemie irreductible nourrie par l’imaginaire historique hostile de la Turquie Ottomane Musulmane.
Une mutation de tous les paradigmes relationnels est donc entrain de s’operer.
Sur le plan geostrategique ,la Turquie,confrontée au fait que son partenariat strategique historique avec les pays membres de l’Otan ne s’est pas traduit par une condamnation claire de la tentative de coup d’etat et donc par une solidarité de principe de ses pays membres a entamée un virage strategique en direction de deux acteurs mageurs de la region :la Russie et l’Iran.Les forces profondes de la geographie,de l’histoire et du peuplement qui lient ces trois pays sont de nature à etre plus determinantes dans le long terme que les alliances strategiques,issues de la guerre froide qui sont desormais perçues comme inamicales et donc fragilisées.
L’antagonisation de la population Turque constitue une dimension revelatrice du processus de construction ideologique de la Turquie comme ennemie.Deux facteurs attestent de ce processus.La personnalisation disproportionée,à la limite de la fixation nevrotique ,de la question Turque à Erdogan,se traduit par une ignorance ou au mieux une indifference à l’egard des sentiments profonds de la population , de sa mobilisation contre la tentative de coup d’etat et pour la defense de la democratie et donc du role du Peuple Turc comme acteur de sa propre histoire.Les souffrances physiques subies et les angoisses quotidiennes generées par les nombreux attentats dont elle est victime ,de longue date ,sont delegitimées dans certains medias par leur caracterisation comme ex
Trois formes de mutation sont en germe dans cette construction d’un ennemi :
Sur le plan politique,la vieille alliance stratégique et ideologique entre l’Occident et la Turquie,determinante dans le contexte de la guerre froide,est en voie de se transformer en partenariat tactique froid de nature purement militaire face à l’etat islamique et de motivation humanitaire pour le traitement de la question des refugiés et migrants,Syriens et regionaux.Un processus de reconstruction strategique profonde est donc en cours.
.La grille de lecture de conflit de civilisation et de religion est desormais partagée par des acteurs influents dans les medias et le monde politique en Europe, et egalement par l’etat islamique dont elle favorise la metastase dans toutes les regions par ses avatars,qui ne sont pas des forces militaires ou territoriales,mais ideologiques.
OPPORTUNITE HISTORIQUE POUR LA TURQUIE.
Dans ce contexte,la Turquie est en mesure de jouer un role determinant pour l’evolution sinon la solution de trois defis mageurs pour l’avenir.
La Turquie symbolise plusieurs facteurs lourds du reglement durable de la question de la Syrie : sa position de principe sur la necessité du depart de Bashar Al Asad comme condition d’un reglement politique,la preservation de l’integrité territoriale du pays,le dialogue avec deux acteurs mageurs :l’Iran et la Russie,sa centralité geographique et politique sur la question des migrants Syriens et regionaux.
L’Islam contemporain est confronté à deux questions fondamentales pour son avenir.Sur la question inconturnable de l’utilisation de la violence par des mouvements se reclamant de l’islam,la seule reponse militaire à l’Etat Islamique est de nature à credibiliser la theorie du conflit des civilisations, par les alliances militaires qu’elle implique et le discours essentialiste sur l’Islam qui l’accompagne.La reponse durable à l’islam jihadiste ,devrait d’abord emaner du monde musulman et s’articuler autour de deux questions fondamentales qui concernent la Turquie :la necessité de privilegier et d’approfondir la dimension theologique et spirituelle de toute reponse durable à l’islam djihadiste qui doit s’inscrire dans la durée et en profondeur dans les societés à dominante musulmane et la manifestation de la compatibilité de l’islam avec la democratie et les droits de l’homme .La Turquie doit donc , en reponse à la tentative de coup d’etat donner sens et substance aux valeurs dont elle se prevaloie :democratie politique , pluralisme de sa societé et respect des normes universelles des droits fondamentaux de l’homme.
Le défi mageur porte sur l’opportunité historique offerte à la Turquie , dont l’identité eurasiatique est indeniable ,de contribuer au « retour de l’Europe dans l’atmosphere »,dans le « Tout-Monde » en mutation .En effet les ambiguités de l’Europe face à la tentative de coup d’etat sont l’ex
La crise identitaire qui la secoue doit donc etre comprise comme l’ex
L’election imprevue de Donald Trump à la presidence des Etats Unis et surtout sa vision geostrategique annoncée,pourrait dans ce contexte constituer un accelerateur de bouleversements à venir : l’entreé dans la veritable post guerre froide (fin de l’Otan),l’emergence d’une culture ethique de resistance(lanceurs d’alerte et villes sanctuaires ) et preeminence de la spiritualité sur la religion face à l’islam politique.Dans ce contexte la tentation previsible de retractation de la Turquie sur elle même, par le retrait de sa demande d’integration à l’Union européenne,serait une acceptation de la surdetermination de l’ideologie du conflit des civilisations sur les forces profondes de l’histoire,de la geographie et de la culture.L’Union Européenne face à ces bouleversements, pourrait etre amenée à reconnaître ces forces profondes et à solliciter l’entrée de la Turquie,pays-pont de l’Eurasie et avec le monde musulman en transformation.
Source: Blog Mediapart.
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