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GENEVE- Ousmane Sow fils de Mactar, sculpteur sénégalais, qui a connu son apothéose en 1999 lors d’un rendez-vous majeur de l’artiste avec le public sur le Pont des arts à Paris (3 millions de visiteurs), préside le Festival international du film des Droits humains qui s’ouvre ce matin en marge du Conseil des Droits de l’Homme à Genève. Il vient juste de vendre pour 120 millions de Francs CFA une œuvre dédiée aux « Sans Papiers » à la Ville de Genève. Calme, serein, son regard tendre cache sa forte corpulence, sa modestie sa notoriété internationale. Il travaille toujours à Yoff à Dakar dans son pays natal. Il nous a reçu hier matin.

Pauvreté, Injustice, Conflits

Le génie du Sénégalais se révèle au bout de ses doigts. Dans ses mains magiques, Ousmane le fils de Mactar Sow module et modère des formes qui seront bientôt des œuvres d’art. Mais notre compatriote ne peint que des histoires qui réveillent les consciences, qui rappellent la Dignité humaine, l’Honneur et le Courage. Il serait incapable, nous dit-il, de sculpter des personnages qui ont trahi leur peuple. Son art silencieux, est bien une haute expression politique parce que citoyenne. Il nous confiera dans son calme créateur « Je ne peux rien faire avec des crapules». L’artiste est très préoccupé par la pauvreté au Sénégal. Il est furieux de voir dans ce lot de pauvreté des arrivistes « dont l’unité de compte est le Milliard». Ousmane Sow dénonce la démolition du stade Assane Diouf à Dakar. Issu du quartier de Rebeuss, Ousmane a joué dans ce terrain de football. D’où son agacement face « à la boulimie foncière des arrivistes » qui mettent son pays en danger. « Ces gens sortis de nulle part et d’une arrogance singulière!». Ces nouveaux riches dont le seul mérite est d’applaudir un politicien ou de l’encenser, poursuit le sculpteur. Notre compatriote a peint les Noubas non pas par affinité mais pour donner un écho à une revendication. « Les Noubas étaient massacrés dans un silence total par le Gouvernement du Soudan. On l’a su après» révèle Ousmane qui nous a reçu hier matin. « Les conflits ethniques, sont un gâchis» martèle –t-il. « Et personne n’est à l’abri. Même si le Sénégal est protégé dans une moindre mesure, la rébellion indépendantiste en Casamance mérite que l’on soit vigilant». Pour l’artiste, la vigilance doit être de mise car il est fréquent au Sénégal d’entendre quelqu’un dire : « Je ne vais pas voter pour tel parti parce que tel ministre qui est de notre ethnie a été balayé par un remaniement ou un autre n’est pas de telle région ou de telle autre ethnie ». Certes, reconnaît Ousmane Sow, ces revendications régionalistes ou ethnicistes se font pour l’heure de manière pacifique mais avertit-il : « Dans une démocratie majeure, cela ne devrait pas être le cas. On choisit les hommes et les femmes suivant leurs compétences». Si Ousmane Sow n’est pas un homme politique comme son homonyme Ousmane Sow Huchard, il n’en demeure pas moins vrai que ses émotions reflètent un engagement réel de l’homme pour construire dans la justesse et la beauté la Cité. « Oui, il y a une part de politique dans mes œuvres car je ne représente que des personnalités qui me touchent. Effectivement, c’est purement politique car ce sont des personnes qui ont de la valeur à mes yeux.». Notre compatriote est en train d’immortaliser dans une Collection dite « Merci » des personnalités ( Nelson Mandela, Gandhi, Che Guevera, Ho Chi Minh etc) qui ont marqué l’histoire de l’Humanité dans le bon sens et vu la situation actuelle du monde et notamment en Afrique, il s’exclame dans une interrogation emphatique: « Ont-elles vraiment existé?».

Milliards et Justice

« Il y a un pan de notre société qui ne mange pas à sa faim mais on a l’impression que le Sénégal est bâti sur une mine d’or. Il y a des gens qui ont gagné honnêtement leur vie, à la sueur de leur front tandis que d’autres se pavanent dans de belles voitures et construisent de belles villas alors qu’ils ne travaillent pas ». Ousmane Sow dénonce cette société sénégalaise qui a perdu ses valeurs. Pour lui, « l’achat des consciences » fait qu’on a l’impression que tout peut arriver au Sénégal aujourd’hui. Les gens ne croient plus qu’à l’argent. « C’est dramatique » dit-il. « L’honnêteté est la valeur que beaucoup de Sénégalais ont perdue. On poursuit quelqu’un parce qu’il a volé des milliards mais cela ne débouche sur rien ». « On a même perdu la notion du convenable ». « Si le voleur des milliards est dénoncé par un journaliste parce que c’est son métier, l’accusé ne se fait aucun soucis car il pense qu’il peut détourner la justice en sa faveur.» Heureusement qu’il y a encore des juges qui disent le Droit, reconnaît notre compatriote. Pour ce dernier « On a perdu des repères » mais Ousmane Sow, n’est pas de ces personnes du 3ème âge qui disent « de notre temps, c’était merveilleux». Le sculpteur sénégalais de renommée internationale qui vit toujours à Dakar clarifie : « On a toujours eu dans chaque génération des crapules. Mais ces crapules d’aujourd’hui sont secrétés hors du temps.»

« Un Sans papier » à 120. millions de FCFA.

La notoriété et le travail bien fait a un prix. Trois cent mille francs suisse (300.000 Ch), c’est le prix d’une œuvre en bronze moulée par l’un des meilleurs fondeurs du monde, qu’Ousmane a réalisée pour la Ville de Genève. La fonte de ses œuvres est faite à la fonderie Coubertin. Cette entreprise dont les professionnels sont appelés les « Compagnons du Tour de France », a réalisé Rodin, la statue de la Liberté à Tokyo etc. Ousmane Sow n’a pas fait payer cher aux Genevois dans la perspective que ce sont des gens qui ont de l’argent. Il a dû même faire une faveur à Patrice Mugny, le Maire de Genève, un fan d’Ismaël Lô et au Conseil municipal qui a ordonné le paiement de la commande du Maire qui a voulu rendre un hommage particulier aux « Sans Papiers ». L’œuvre sera inaugurée au mois de mai prochain. Ousmane Sow a voulu représenter un « Sans Papier» dans toute sa Dignité. Un Homme debout !

Par El Hadji Gorgui Wade NDOYE