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De la Foi à la Raison ou itinéraire du Moi- Anà au Soi- Nefsy
Par Ghawthy Hadj Eddine Sari Ali*, membre de la Fédération Européenne des Réseaux scientifiques (F.E.R. /C.E. Strasbourg ). hadjeddine2000@yahoo.fr
Préambule : pour un Monde solidaire par la foi et la raison
Un Monde solidaire
relève d’une responsabilité collective des politiques qui « gèrent » les sociétés humaines, mais les responsabilités
individuelles sont supposées participer « démocratiquement » à cela. En admettant une structure de « fractal » du Monde, c’
est à dire que chaque élément d’un tout est l’image du tout, le citoyen est l’image de la cellule familiale, image du
quartier où elle évolue, quartier image de la cité, image du pays, lui même image du continent…L’effort individuel , la prise
de conscience d’une nécessaire solidarité envers le milieu immédiat, génèrent par « effet butterfly » , une prise de
conscience collective. Déjà, au XVIème siècle, Sidi ‘Abd Errahmàn El Mejdoub , radya Allah ‘anhu, imputait l’absence de
solidarité entre les peuples aux « Raïs » de ces peuples :
Tskheltets walà bghàts tsesfà Wetlà’ el
khez fewq màhà
Rayàs ‘alà gheyr mertsbà Humà sbàb khlàhà
La marre s’
est troublée et ne veut se clarifier Et l’algue polluante couvre son eau
Des Raïs incompétents
Ceux sont eux qui font sa perte
Plein d’espoir par sa confiance en l’homme
perfectible, il invite ses contemporains à tisser le lien de la solidarité par l’amour et la foi en Dieu :
Elli ‘aleynà dernàh Welli ‘alà Allah, huwa bih edrà
Kheyt el m’hebbà ftselnàh Mà khaçù
ghil el mderrà
Ce qui relève de nous, nous l’avons fait Ce qui relève de Dieu, Lui le
sait
Le lien de l’amour, nous l’ avons filé Ne lui faudrait que « le peigne à tisser »
Telle est « El ‘urwatsu el wuthqà », le « habl Ellah », l’anse très sûre, la corde Divine, que l’on doit
prendre en main, solidarité essentielle, comme cela fut transmis par le sage Loqmàn à son fils. Un monde solidaire repose,
ainsi, sur la connaissance par chaque être humain de sa propre nature, l’éducation ,l’harmonie nécessaire entre pensé et
vécu…Qu’est-ce que la foi ? la raison ?le moi ? l’âme ?l’altérité ?la gouvernance ?Voici quelque jalon, une réflexion qui s’
inscrit dans la nécessaire connaissance des hommes, durant la vie terrestre, enseignement cher à mes père et mère, Allah
yerhamhum : marifats err’jàl, kenz - connaître les gens est un trésor…Conjurant le sort d’une Tour de Babel où régnait la
confusion des langues, j’utilise la langue Française, un des « anfàl » culturels ( comme dirait Kateb Yacine, rahimahu
Allah), créature de L’Ordonnateur de l’univers, subhànahu wa ta’àlà, Qui fit de la diversité des langues et couleurs des
peuples une « ayat », signe de la Grâce Divine .
Introduction :
Approche sémantique de la définition de la foi , la raison, selon les acceptions grecques et arabes : Aristote, Platon, Muhasiby,Ghazaly, Ibnu ‘Araby
« Une connaissance claire fondée sur les
démonstrations , les preuves et les arguments rationnels, démontrent la vérité de notre Torah et la certitude de notre foi… »
« Dans un hadyth le Prophète, ‘aleyhi essalàm, enseigne : la foi-imàne, se compose de soixante dix des plus
belles qualités. La première de ces qualités est la reconnaissance de l’Unité Divine, et la dernière d’enlever un caillou sur
un chemin qui pourrait nuire à autrui… »
« Voilà ce qu’est la foi : Dieu sensible au cœur , non à la raison… »
« La connaissance se divise en quatre éléments proportionnels : la science en premier, la pensée discursive en
second, la foi en troisième et l’imagination en dernier… »
La « Foi » , comme de nombreux concepts culturels, est
loin d’avoir un sens « universel ». Pour en juger de la diversité des sens, il suffirait d’examiner les commentaires ,
parfois polémiques, suscités par les traductions du grec ancien vers le latin ou l’hébreu des Bible et Evangiles . En effet,
le premier recueil connu de l’Ancien Testament fut rédigé en grec par « soixante douze » rabbins d’Alexandrie sous le règne
de Ptolémée II ( IIIème siècle avant J.C), d’où sa désignation par « Septante » . Il fut traduit en hébreu , un millénaire
plus tard, en sa forme actuelle. La foi en hébreu se dit « émounah » , du lexème sémitique « a,m,n » ,elle est la traduction
du grec « pistis » ; Paul ( ou Saul de son nom hébreu) rédigea ses Epîtres en grec, qui , traduites en latin, font de pistis
le signifié par fides en latin. Or, pour les auteurs grecs, notamment les philosophes, pistis ne signifie pas la croyance
sûre des hébreux, ni la fidélité et confiance de la foi chrétienne, il ne s’agit pas d’un engagement ferme, spirituel, du
croyant..
Dans la tradition philosophique grecque, le mot pistis n'a aucune connotation religieuse. Platon en
fait un des modes de connaissance du réel ; Aristote y voit l'adhésion qu'un orateur persuasif et talentueux obtient de son
auditoire .Pour Platon , pistis-la foi permet de connaître certaines réalités du monde.Le monde platonicien se divise en deux
parties : le monde visible, et le monde intelligible qui n’est autre que le monde des « idées ».Le premier appelle le second
: c’est en partant de l’observation du réel qu’on peut avoir accès aux Idées du monde supérieur. Chacun de ces deux domaines
est lui-même divisé en deux. Le monde connaissable est donc divisé en quatre parties : les images, les objets, les idées
inférieures et les idées supérieures ; à chacune de ces parties appartient un mode de connaissance spécifique : aux images,
l’imagination ; aux objets, la foi (pistis) ; aux idées inférieures, la connaissance discursive (dianoia) ; aux idées
supérieures, l’intelligence (noùs) .Platon résume cela dans un schéma linéaire :
A - images D - objets
G - idées inférieures E - idées supérieures B.
Où est signifiée la proportion
AG/GB=AD/DG=GE/EB : Platon explique , par ailleurs, ces rapports « ce qu’est la science par rapport à la foi, la connaissance
discursive l’est par rapport à l’imagination …», et, comme le souligne Robert Baccou dans sa traduction et commentaire de La
République de Platon, « les notions mathématiques mesurent exactement les originaux du monde visible (DG=GE).De la sorte,
c’est simplement l’ordre de gauche à droite des segments de la ligne (AB), et non leur distance, qui indique le degré relatif
de clarté et de vérité des objets auxquels ils correspondent ».(voir aussi note 4)
Aristote rapproche le mot
pistis du verbe peithomai, qui signifie persuader, convaincre un interlocuteur. Son point de départ est donc une réflexion
sur le discours et le langage. Tout discours, pour Aristote, repose sur un socle de convictions que partagent l'orateur et
son auditoire. La pistis aristotélicienne est donc à la fois force de conviction, ensemble de croyances communes qui forment
le socle de la réflexion, et confiance accordée à l’orateur : « Si notre connaissance, notre croyance, provient de prémisses
premières, ce sont celles-ci que nous connaissons le mieux et auxquelles nous croyons davantage, parce que c’est par elle que
nous connaissons les conséquences » .Pour Aristote en effet, nous ne pouvons raisonner que parce que nous partageons des
convictions communes. Ces convictions sont préalables à toute démarche scientifique. Ainsi, le soleil nous paraît plus petit
que la terre : pourtant, nous savons qu'il est plus grand ; une telle pistis- foi n'est fondée sur aucune expérience mais
est indispensable à tout ce que nous pouvons dire à propos du cosmos…
Étymologiquement, "foi" provient du latin
fides "avoir confiance"… comme pour pistis ,le mot latin fides n'a aucune connotation religieuse ; il provient du
vocabulaire profane, et évoque la simple confiance que l'on peut avoir en quelqu'un. Dans le Nouveau Testament, il est
surtout utilisé dans les Epîtres dans ses traductions latines, pour traduire le mot hébreu emounah qui désigne l'attitude de
l'homme devant Dieu. Le latin utiliserait plutôt le mot religio, dans le sens d'une observation scrupuleuse des rites et le
grec threskeia, eusébès, ou mieux encore hosion dans le même sens. L’hosion , selon le sens de cette valeur exprimé par
Platon, traduirait correctement la teqwa du Coran, dimension primordiale en Islam de la Foi- Imàn. La démarche mathématique
dans l’abord de la science et la connaissance, de la « physique » et « métaphysique », use des calculs de rapports et
proportions, de « mesures » ; ce formalisme mathématique caractérisant l’Antiquité grecque, subit des ruptures, selon les
épistémologues , mais toujours dans la continuité « C’est par les mathématiques qu’on peut vraiment explorer le réel
jusqu’au fond de ses substances et dans toute l’étendue de sa diversité » . Ainsi la « Raison » est « calcul », « compte »,
du latin ratio. En la traduisant en arabe par hasb , signifiant « compte qui suffit », la foi-imàn est alors cette « raison »
signifiée par la formule coranique que disent tous les croyants- mu’minùn : hasbya Allah là ilàha illà huwa - ma raison est
Dieu nul autre que LUI . Cette approche de la foi-imàn par la raison « transcendantale », point d’autre calcul que le
tsewekkul ‘alà Allah- l’appui ferme en Dieu , diffère de la notion aristotélicienne ou platonicienne de « foi – croyance
rationnelle » en un dieu « conceptuel », par « intellection » du noùs , elle relève du nouménal tel que l’entendrait Kant .
Noumène est un terme emprunté par Kant à Platon dans Le Timée, désignant les idées. Kant désigne par ce terme les « choses en
soi », pensées mais échappant à la connaissance objective humaine, qui ne connaît que les « phénomènes ». Ainsi, Dieu seul,
Créateur connaissant les choses en soi, pour Kant : « En supprimant le savoir pour lui substituer la foi, l’homme admettra
Dieu, la Liberté, l’immortalité, selon les besoins qu’en a ma raison dans mon usage pratique nécessaire… »
Cela
correspond à la démarche des Maîtres musulmans, Muhàsiby, El Ghazaly, Ibn’Araby, qui situent la foi-imàn dans le « ghayb »-ce
qui échappe aux sens.
Le choix de ces trois Imâms, radya ALLAH ‘anhum, n’est, bien sûr, pas exhaustif, ni fortuit
: ils sont toujours cités dans les silsilas- chaînes de transmission des enseignements spirituels , jusqu’à nos jours, dans
les zàwias- écoles traditionnelles . Citant souvent un dit du Prophète ‘aleyhi essalàm « qui se connaît, connaît son
Créateur »,tous les trois enseignent l’introspection , mohàsaba, examen de conscience menant à la « translucidité de la
conscience, l’imàn », foi qui est acquise par :
a) les discernements-fiqh- furqàn
- entre ‘aql et
‘ilm , car toute connaissance théorique n’est pas « raisonnable »
- entre imàn et ma’rifa , car toute profession
de foi n’est pas agrée par Dieu, l’obéissance doit primer l’observance.
‘Aql est traduit généralement par « raison
», le Lisàn d’Ibn Mundzer, indique un sens explicite de ce terme : le licou grâce auquel le cavalier « retient et guide » sa
monture…‘Ilm signifie science, ma’rifa est traduit soit par « sagesse », soit par « gnose »…
b)dzikr- évocation,
invocation- faculté de rappel
- dzikr Allah, Essence du Rouh mis en chacun par Son Amour envers toute
créature
- tseqwà et wara’, manifestées et attestées-schahàda par khachya et schukr de L’aimé, Dieu.
Dzikr , l’être de foi rappelle en son cœur-qalb le pacte primordial ou mythàq, engagement qu’il prit envers Le Seigneur ,«
balà schahidnà … », de ne point L’oublier, car Dieu intervient entre l’homme et son propre cœur « wa’lamù enna Allaha yahùlu
beyna elmar’i wa qalbihi … » , c’est aussi là, le premier ‘ilm ou savoir nécessaire à la foi. Rouh est l’esprit d’essence
divine, immortel, invariable, inaltérable, à ne pas confondre avec nefs, âme , ego, mortels, variables, altérables par le
choix de chacun : comme l’enseigne le Coran dans les chapitres 90 à 97, constituant un ensemble de règles éthiques, entendant
éthique au sens « ethos » attitude de comportement et choix moraux. Chaque être humain a le choix entre deux voies, impiété
et piété, générosité et avarice, vérité et mensonge- « wahadeynàhu ennejdeyni… » ; « fa’alhamahà fudjùrahà wa tseqwàhà… », «
inna sa’yakum laschetsà…men a’tà wetsaqà wa seddaqa…men bakhila westseghnà wa kedzaba… ».Quant à tseqwà, wara’ , khachya,
que l’on traduit par « piété », « scrupule », « crainte », ce qui est réducteur, ces vertus du cœur amoureux et désirant
Dieu, sont, d’après les trois scheikhs cités, la foi- imàn témoignant de la « gratitude » ou « schukr » envers Le Créateur.
En effet, le Prophète enseigne : « la foi se compose de deux parties égales, l’une la gratitude, la seconde la constance »-
« el imàn schatràn, schatrun schukr wa schatrun sabr ». Comme évoqué précédemment au paragraphe consacré à la foi selon les
grecs anciens, ce qui résumerait le signifié de ces vertus de l’examen de conscience, la connaissance de soi- nefs, c’est le
concept « hosios », traduisant aussi bien la piété que la « crainte révérencielle », « respect des traditions conçus par l’
intellect agent ».
Les croyances et les religions relèvent de l’activité de l’intelligence humaine. En
considérant l’un des sens étymologique de intelliger – latin, qui signifie aussi choisir, l’exigence de science et
connaissance s’impose en toute culture, en tout domaine. On ne peut « choisir » dans le vide, ni par le superficiel « l’
opinion est l’ennemi de la science » enseigna Socrate. Baya le sage juif du XIIème siècle enseigne dans Les Devoirs du cœur ,
citant La Bible/Is.XLIV-19 « l’insensé , semblable à l’idolâtre, ne fait jamais retour sur soi…il ne rentre pas en soi-même,
il n’a pas de connaissance, ni aucune intelligence » , ce qui évoque les enseignements de son prédécesseur de Baghdad,
Mouhàsiby auquel se réfère son propre Maître, le hè hàsid Saadia de Baghdad. Saint Thomas d’Aquin (XIIIème siècle) , se
référant aux traductions d’El Ghazàly et Avicenne, dénonce comme eux,« l’ignorance, la bêtise, l’opinion » qui altèrent la
foi . Dès le VIIème siècle, le « rappel » à la foi qu’est le Coran, confirmant et invitant les êtres humains « progénitures
adamiques »- banù Adam à revenir vers la sagesse des « Révélations », situe la foi-imàn dans science et conscience, seules
garantes de la justice sur terre, préservant l’humanité de l’iniquité –zulm et l’ignorance- juhl . Comme le relève l’Emir
‘Abdelqàdir, rahimahu Allah, dans ses Mawàqif, toutes les croyances et religions , de toute époque, monothéistes ou
polythéistes, voire idolâtres ou agnostiques, manifestent le désir « d’adorer et/ou connaître l’absolu transcendantal » Dieu.
S’appuyant sur des versets coraniques affirmant l’Unité de Dieu et l’incapacité des hommes à Le connaître, il rejoint son
Scheikh spirituel, auprès duquel il est d’ailleurs enterré à Damas , mettant en garde le profane contre les « foudres des
foqahà pharisiens qui rejettent toute vision unitive, contraire à ce qu’ils ont établis d’orthodoxes », qui crucifièrent El
Hallaj et jetèrent l’anathème sur les écrits d’El Ghazàly…Ibn ‘Araby, radya Allah ‘anhu, écrit dans son célèbre « Interprète
des ardents désirs – Turjumàn el aschwàq », un poème intitulé « Les lamentations des âmes –Tsenàwuhàts el arwàh » : Mon cœur
devient capable de toute image
Prairie pour gazelles, couvent pour moines
Temple pour idoles, Mecque
pour « circumbulant – tà’if »
Tables de la Thora, Recueil du Coran
Je suis guidé par la religion de
l’amour
Où que se dirige ses montures
L’amour est ma religion et ma foi
Tous les sages qui
interprétèrent les écrits religieux comme « actes d’amour » entre les créatures et Le Créateur, subhànahu wa tsa’àlà, furent
combattus par les tenants officiels du fait religieux. Les « traditionnaires » juifs mirent à l’indexe les écrits de
Maimonide, excommunièrent Spinoza, les chrétiens brûlèrent les écrits de Saint Jean de La Croix et le mirent en prison à
Tolède, les musulmans firent de même à Ibn ‘Araby, dont les écrits sont considérés, encore de nos jours par ces littéralistes
pharisiens, comme « sulfureux »…
I – Religions :
Les trois dimensions de toute religion. Dulie, Latrie,
les spécificités des religions abrahamiques ; le sens du sacré et saint ; l’idéologie tripartie des indo-européens (G.
Dumézil). Trois médecins de référence des trois religions du LIVRE parlent de la Raison : Ibn SINA le musulman, Ibn Ishàq le
chrétien, Ibn Maimoun le juif.
« Mouhammad est messager de Dieu . Ceux qui le suivent sont
intransigeants à l’égard des obscurantistes, miséricordieux entre eux. Tu les vois humbles, adorant, quêter une grâce de Dieu
et un agrément. Ils portent sur leurs visages les signes de l’adoration. Tel est leur modèle dans la Torah. Quant à leur
modèle dans l’Evangile, c’est tel une semence donnant son épi, le renforce, l’épi grossit, droit sur sa tige, fascinant les
semeurs au grand dam des obscurantistes. Dieu promet à ceux qui croient et font œuvre salutaire, absolution et grande
rétribution. »
« Mon fils, toutes les croyances relèvent du Très Haut : il assigne à chaque peuple une croyance,
non par un choix émanant d’eux, mais un choix qui s’impose à eux suivant leur nature .Si donc quelqu’un reproche à un autre
la vanité de sa croyance, c’est qu’il suppose qu’il l’a librement choisie. Et c’est en cela que consiste l’hérésie de la
secte Qadarya qui sont les mazdéens de notre communauté. Sache que le judaïsme, le christianisme, l’islamisme et autres
croyances sont des surnoms différents et de appellations diverses : Mais le But de ces croyances ne change ni ne varie »
Ainsi parlait Hallaj , faisant écho aux enseignement coranique , « diversité voulue par Le Créateur, subhànahu wa tsa’àlà,
nul ne peux contraindre l’autre à renier ses croyances, nul n’a le droit de se moquer d’autrui» ‘(Coran II/60 ;256 ; V/48 ;66
;69 ; XLIX/11…)
Si l’on croit au dogme scientifique de l’évolution, c’est par une mutation mentale «
révolutionnaire » qu’apparut la religion dans l’humanité en évolution. La naissance des divinités serait concomitante à
celle de l’agriculture au « néolithique ». Interprétant les plus anciennes sépultures humaines et les peintures rupestres,
la science moderne estime que c’est vers 9500ans avant notre ère que l’homme « pria Dieu », établit un culte où les objets
qu’il fabriquait devinrent « symbole de dévotion » ; ceci est expliqué, entre autre thèse, par les catastrophes naturelles
qui dévastèrent ses cultures agricoles, il réalisa le pouvoir du dieu et la finitude de l’homme.
L’idée de Dieu
unique, transcendant, Xénophane et Héraclite l’enseignent dès le VIème siècle avant Jésus Christ : « Il est tout yeux, tout
esprit, tout oreille, ni par la forme, ni par la pensée ne ressemble aux mortels…A Dieu appartient toute beauté toute bonté
et toute justice »
Les religions sont ce que les hommes en font ; « révélées » comme le sont les « religions du
Livre », Judaïsme, Christianisme et Islam, ou « inspirées » et enseignées par des « Sages » comme le Bouddhisme, Taoïsme,
Indouisme et Shintoïsme, pour ne citer que les plus connues, elles ont toutes trois dimensions indissociables. Selon un
enseignement du Prophète de l’Islam , ce que l’on désigne par « hadyth », enseignement célèbre désigné par « hadyth Jibril »
ou hadyth de l’Ange Gabriel, toute religion est :Doctrine-Culte-Ethique , en langue arabe cela correspond aux Imàne-Islam-
Ihsàne , l’ensemble est la religion ou « dyne ». Dans les doctrines, comme cela fut montré en introduction, la foi –imàn,a
diverses acceptions d’où découlent aussi divers concepts du « sacré » et les spécificités des trois religions abrahamiques…
L’on peut distinguer schématiquement deux catégories de religion : les dulies et les latries ; dulie vient du
grec « douleia » signifiant « servitude » ou « ‘ibada » en arabe , latrie de « latréia » signifiant « adoration » ou «
soujoud »en arabe. Une religion peut comporter ces deux catégories, ainsi dans le catholicisme il y a « l’hyperdulie » culte
voué à la Sainte Vierge, par opposition au culte de dulie voué aux anges et au saints. Les temples dédiés à l’adoration
seront ainsi des lieux « consacrés » où se pratiqueront des « sacrements » par des prêtres, intermédiaires entre les hommes
et Le/Les dieux, selon les doctrines mono ou polythéistes. Ibn ‘Araby radya Allah ‘anhu, rapporte ce hadyth, propos du
Prophète ‘aleyhi essalàm, dans son recueil intitulé Mischkèt el enwàr traduit par Mohammed(allias Michel) Vàlsàn en « Niche
des Lumières » : Donnant le choix à Son Prophète, Dieu a dit « Tu seras, selon ta préférence, un Prophète-Serviteur ou un
Prophète-Roi ( ) » ; l’Ange Gabriel lui inspira l’humilité et le Prophète ‘aleyhi essalàm répondit « Je choisis d’être un
Prophète-Serviteur / nabyyen ‘abden. »
En Islam il n’y a pas de sacrement donc pas de clergé , officiant
pratiquant des sacrements . De même il n’existe qu’un seul temple consacré « de toute éternité », selon la doctrine
islamique, la « Kaaba » à la Mecque, unique « Maison de Dieu », sans « serviteur » attitré, même son entretien n’est pas
considéré comme « sacré » ( ), seul compte les bonnes actions envers les créatures de Dieu , L’Unique Sacré, « Qudùs »en
arabe.
Le clergé, catholique, interprétant les textes révélés, mit en place un « magistère ». Si l’on se réfère à
l’origine historique de ce terme, il apparut au XIIème siècle (11728) avec le sens de : autorité doctrinale, morale et
intellectuelle, le Magistère de l’Eglise Catholique. Il est à noter que son sens fut dévié au XVIIème siècle (16128), époque
des « alchimistes » en Occident, magistère signifiant alors : une composition aux propriétés « merveilleuses »…Au XVIIIème
siècle(1701) annonçant déjà La Révolution Française, il prit le sens premier latin de « maître » qu’utilisa V.Hugo : maître
d’école de village, autorité doctrinale, morale et intellectuelle, qui apprenait à lire aux paysans pour les débarrasser du «
paganisme »
C’est le « magistère » qui décide de la « sainteté » d’un personnage. Saint, du latin « sanctus »,
désigne un chrétien qui par ses œuvres méritoires et ses vertus est « canonisé » après sa mort par le Magistère de l’Eglise
Catholique. Il est à noter aussi, ici, le sens précis de sanctus, qui a donné « sanction ». Il est différant de celui de «
sacré », du latin « sacer », qui signifie : mis à part, séparé du profane, réservé aux dieux et redoutable à l’homme ; est
saint ce qui fait l’objet d’une sanction, c’est à dire d’une loi qui interdit d’y toucher. Le rapprochement des deux termes,
saint et sacré, se retrouve dans l’expression « sacro-saint », elle indique un long processus culturel , propre à l’évolution
de l’Eglise chrétienne, son Magistère, la « Communion des Saints » est pour le catholicisme, terme apparu au XIIème siècle, «
l’ensemble des biens spirituels de l’Eglise , mis en commun dans le corps mystique dont le Christ est la tête et auquel
participe chaque chrétien » .
Il en va autrement dans le judaïsme et l’islam où la sainteté est liée exclusivement
à Dieu. En hébreu comme en arabe et araméen , langues sémites différentes des langues gréco-latines indo-européennes, saint
se dit « qodosh »,en hébreu, « quddùs »en arabe. Les exégètes talmudistes lui donnent le sens de « pur, brillant » et dans la
Bible les prophètes Isaïe(versets16 et 24) et Amos(v10-17) ont proclamé : Dieu révèle Sa Sainteté par Sa Justice et veut l’
Alliance par la droiture et la pureté morale.
Cette justice et droiture nécessaire fut ensuite associée à « l’
étude de la Thora », Révélation divine contenue dans les cinq livres de Moise , La Loi. Comme l’enseigne au XIème siècle Baya
ibn Paqùda dans son célèbre « El hidàya ilà fara’id el qulub », traduit de l’arabe en « Devoirs du cœur », le peuple saint
est celui qui étudie La Loi, les rabbins et leurs disciples qui vouent leurs existences à l’étude de la Thora sont appelés
saints…Maimonide reprendra cet enseignement talmudique, un siècle plus tard, dans son non moins célèbre « Guide des égarés »
traduit de l’arabe « Dalàlàt el hà’iryn ».
« La Loi a été donnée par Moise, La Grâce et La Vérité sont venues par
Jésus Christ » enseigne l’Evangile de Jean (I/16-17) et Jean le Baptiste ajoute « je suis la voix de celui qui crie dans le
désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme dit Isaïe »(I/23). Jean le baptiste est pour l’Islam : Yehya, cité dans le
Coran ( ) il précède Jésus Christ Le Messie( ), fils de Marie, sa « tète » tranchée par Hérode est enterrée dans la mosquée
de Omeyyades à Damas, un mausolée y est l’objet de recueillement pour les chrétiens et les musulmans. Le dogme de la trinité
est étranger à l’Islam qui professe l’Un, ni engendré ni géniteur. Cette doctrine unitive est à l’origine du mysticisme
islamique qui s’est largement répandu dans le monde musulman et notamment en Andalousie, patrie de Sidi Boumédiène de
Séville et Ibn ‘Araby de Murcie. Le « chemin du Seigneur » ou Taryqa en arabe sera « aplani » par cette unicité de l’Etre,
enseignent les maîtres musulmans , qui du Xème siècle au XIIIème ont influencé leurs contemporains juifs et chrétiens.
Les écrits arabes traduits dès le XIème siècle, en hébreu et latin, suscitèrent polémique et acculturation. Les
magistères juif et chrétien de l’époque, jusqu’au XVIIème siècle, traitèrent les mystiques juifs et chrétiens qui adhéraient
à la spiritualité islamique, sans renoncer à leurs foi en la Thora et l’Evangile, de « syncrétiste » au mieux, tel Baya, de «
relaps » au pire, tel Ramon Lulle…SaintThomas d’Aquin(12728) s’appuyant sur les écrits d’Algazel ( ) , commentant Aristote,
rejette « l’unicité de l’intellect » enseigné par Averroès ( ) , y trouvant une négation de la Trinité. Ramon Lulle de
Majorque (1233-1316) qui se disait « procureur des infidèles », hérétique pour l’Inquisition mais « grand maître » pour les
franciscains, écrivait en arabe et en catalan seulement ses enseignements mystiques, d’ailleurs sa tombe porte une épitaphe
en arabe dédiée à « l’Amour de l’Autre = Huwa, en arabe ». Croyant ferme en la Trinité, il enseignait comme ses contemporains
juifs et musulmans un mysticisme d’humilité et de connaissance (ma’rifa en arabe) qui exclut toute « union avec Dieu » : l’
homme s’éteint en Dieu, ou « fanà », il porte en lui une « nuit », un néant, qui ne saurait se confondre, s’unifier avec l’
Unique Agissant Dieu…thème récurrent dans les sentences ou « hikem » de Sidi Boumédiène El Ghawth (1060-1198) de Séville, le
Maître spirituel de Ibn Maschich El Idrysy(1148-1228) du Rif, lui même Maître d’ Abû El Hasàn Eschedzily El Qotb(1196-1258)
de Ceuta , de Ibn ‘Atà’illah (1240-1309) d’Alexandrie son disciple ou Djalàlu Eddyne El Rùmi (1207-1273) de Konya, entre
autres, radya Allah ‘anhum. Pour Maître Eckart (1260-1327) allemand de Thuringe, la taryqa mystique est commandée par l’
archétype de l’âme humaine : l’âme part de l’Unité divine et la création la disperse, en se détachant des créatures elle s’
unit à Dieu. Mal compris, comme le fut El Hallaj, il fut condamné par ses pairs…
Les orientalistes et
traducteurs du Coran de culture judéo-chrétienne n'ont jamais situé le Coran dans une continuité du message divin, sauf ceux
qui, niant son caractère sacré, en font une caricature "du Livre" qu'est la seule Bible, excluant Coran et la prophétie de
Mouhammed ’aleyhi essalàm… Des syncrétismes judéo-chrétien , boudhico-musulman, voire judéo-christo-musulman ou mazdéen, à
but essentiellement politique( voir la note 41), prêchent une religion expliquant les finalités des actes divins: ce qui les
caractérisent , globalement, c'est un anthropocentrisme prêtant à Dieu des sentiments "humains"et des réactions non moins
humaines (concepts de dieu "vengeur", "dieu guerrier"…), n'hésitant pas à considérer les humains comme "enfants de Dieu",
rejetant les doctrines des droits canoniques( Charya musulmane, Khalaka juive, Droit canon chrétien…). Ainsi fut conçue une
Bible, aux noms évocateurs "TOB"( Traduction Oecuménique de la Bible), jeu de mot avec l'hébreu "Tov ou Tob" signifiant
"Bon", La Bible de Jérusalem, regroupant en un seul ouvrage les deux "Bibles"( l'ancien testament juif et le nouveau
testament chrétien). Les sectes "évangélistes" l'utilisent pour "convertir les âmes égarées" , en prônant un "millénarisme"
judéo-chrétien imminent, alors que le judaïsme ( tout comme l'islam) est par son droit canon, la khalaka, contre toute forme
de prosélytisme …La création de l'Univers en six jours et le "repos" du Seigneur Créateur le septième jour ( shabbat en
hébreu signifiant repos; l'équivalent arabe serait subàtsa , elleyla subàtsa) relève de la seule Torah de Seyidunà Mùsà,
Moïse 'aleyhi essalàm… Le sabbat est Une des dix Lois fondement du judaïsme que ne reconnaît pas l'Évangile . Le Coran
insiste sur l'importance du Shabbat pour les juifs respectueux de la Loi mosaïque"Dieu considéra ceux qui ont transgressé le
shabbat comme régression en d'ignobles singes…" ,"car à chaque peuple sa Loi…si Dieu l'avait voulu, il n'y aurait qu'une
seule oumma, peuple lié par l'essentiel -oum…diversité de l'humanité voulue par Le Créateur, couleurs, langues, croyances,
nations et tribus, devant se connaître et reconnaître, les meilleurs d'entre les humains sont ceux qui respectent leurs
Lois…
Si la Genèse biblique judéo-chrétienne enseignant les cosmogonie , cosmologie et genèse de l'homme "à
l'image de Dieu" suscita aux XVIIème et XVIIIème siècles des rejets de toute idées nouvelles scientifiques chez les tenants
de la religion ( refus de toute théorie de l'évolution, condamnations de Galilée, Darwin et exécution de Giordano Bruno,
entre autres exemples), les enseignements coraniques dans ce domaine n'ont pas généré des rejets par les "autorités
religieuses" . " L'univers est en perpétuelle création, en cycles d'évolution- etwàr…Création plus grandiose encore que
celle des êtres humains , point d'anthropocentrisme…l'être humain, comme d'autres créatures animales et végétales, est
issu de l'eau…de cellules -nutfa qui évoluent en phases de développement successives: 'alaqa-embryon, modgha-organe
différencié et non différencié- mukhallaqa…suivant un temps durant lequel il est une chose sans nom…il reçoit le Rouh-esprit
du Créateur (lors du 120ème jour de sa formation selon le Hadyth) générant une âme libre de choisir l'impiété ou la piété…
deux chemins- nejdeyn ascendants vers le Bien ou le Mal…" enseigne en substance le Coran. Cela a permis une richesse
d'interprétation et commentaire, dès les premiers siècles de l'Islam, ainsi, des Maîtres tel Hassan El Baçry radya Allah
'anhu, s'appuyant sur les propos du Prophète 'aleyhi essalàm. Ils enseignèrent dans la tradition initiée par les
compagnons-suhàba et Califes notamment celui concernant les signifiés coraniques :"chaque verset coranique a un sens obvié-
zahre et un sens ésotérique-batne , à chaque lettre- harf un sens déterminant conceptuel- hadd et un sens émergeant-matla'…à
chaque verset correspondrait soixante mille compréhensions-fehm " ,ainsi que le célèbre "testament"du "pèlerinage de
l'adieu-khotbatu hadjati el wadà'" se terminant par: "Transmettez cela à ceux qui suivent…et ceux qui viendront après
comprendront mieux encore que vous qui m'écoutez directement", et ces Hadyth non moins célèbres, ouvrant la porte de
l'ijtihàd- application à la compréhension et étude scientifique de la religion : « J’ai clos l’ère des prophéties…désormais
ceux sont les hommes de science de ma umma qui hériteront la charge des prophètes…quérir la science est un acte de foi…quérir
la science du berceau au tombeau…quérir la science voire en Chine … ». Par ailleurs ces hadyths préciseraient la « fonction »
des hommes de science dans la conception islamique des cités : ils sont « autorité » de par leurs connaissances, une autorité
de savoir et non par exercice d’un pouvoir. La langue arabe désigne l’autorité par hukm, sulta étant le pouvoir ; ainsi l’
autorité a donné les termes désignant le scientifique ( médecin, sage, docteur ès sciences, voire philosophe…) : hakym, le
juge : hàkim. Quant au pouvoir, sulta , il a donné « sultan », mais aussi des termes péjoratifs exprimant l’abus ou l’
exagération, voire l’oppression : sallat, salyt…
Dans le Coran , sultàn désigne aussi «
la connaissance, la référence sûre, une preuve, un livre révélé, argument », d’après les exégètes . La gestion des cités
musulmanes relève d’une « dyade » : les affaires de ce monde –dounya, les affaires religieuses- dyne.
L’idéologie
des indo-européens est tripartie. Les cultures indo-européennes s’organisent suivant trois fonctions, soutient Georges
Dumézil. Etudiant mythes et légendes, structures sociales et théologiques des Indous, des Celtes, des Grecs, il trouve comme
invariant trois fonctions : Prêtres ou Magistrats religieux – Guerriers ou Gardiens –Producteurs (laboureurs, artisans…).
Dumézil analysant « l’idéologie tripartie des indo-européens » montre, par exemple, que le fait de classer les hommes en «
prêtres, guerriers, producteurs», se retrouve dans « clergé, noblesse, tiers état », répartition toujours d’actualité en
Inde, schéma qui n’est pas sans évoquer « Saint Esprit qui régit-Père qui protège- Fils qui soufre » , le tiers est toujours
sacrifié , ne dit –on pas « le tiers monde ». A chacune de ces « classes » sont associées des qualités : Bonté pour le
clergé, Passion pour le guerrier et, évidemment, Obscurité pour les producteurs ( le paysan est par « nature » païen,
obscurantiste, mais corvéable)… Nietzche, dans son livre «Généalogie de la morale » étudie cette manipulation du religieux
qui altère et aliène le libre arbitre. Delumeau dans son livre historique de La Peur en Occident, décrit l’angoisse
entretenue par le clergé, désignant les enfants et les femmes comme instruments du Diable, la’natu Allah ‘aleyh… La structure
des trois classes hiérarchisées n’existe pas chez les peuples Sémites en Phénicie, Mésopotamie, ni en Chine, écrit Dumézil. «
Quand un peuple non indo-européen de l’antiquité , du Proche-Orient notamment ,semble se conformer à cette structure, c’est
qu’il l’a acquise sous l’influence d’un nouveau venu de son voisinage, d’une de ces dangereuses bandes indo-européennes qui,
au second millénaire, Louvites, Hittites, Aryens, l’ont colonisé. C’est le cas, par exemple de l’Egypte « castée » par les
Grecs, qui créèrent une Armée permanente, une classe militaire inconnue jusqu’alors des Pharaons…Le premier Pharaon,
ThoutmosisIV, qui adopta cette structure tripartie avait épousé une princesse « arya » (.n.46). La République idéale de
Platon repose aussi sur cette base : Les Sages gouvernent, les Guerriers défendent, le Tiers-état produit et crée les
richesses que récoltent les deux premiers…quant aux « métèques », il n’ont pas de citoyenneté, ils sont « tolérés »pour le
bien des citoyens( comme esclaves, marchands, athlètes, ou autres utilités) . Peut- on voir en cela les prémisses de « l’
utilitarisme » de Bentham, si cher aux anglo-saxons ? En tout cas, le raisonnable, activité de l’intelligence humaine
préconisé par les écoles grecques et « modernes », menant à une foi raisonnée , socialement structurée par des clercs, n’est
pas la voie de réflexion des Maîtres musulmans . C’est, en fait, le problème de l’abord général de l’humain : l’essence
précédant l’existence / l’existence précédant l’essence ; Platon et les écoles existentialistes font de l’expérience des sens
la condition sine qua non de l’accession à l’idée d’essence, la somme des expériences qui s’enchaînent constituant la raison
: la foi par la raison.
Trois médecins de langue arabe ont traité de la raison humaine à des époques différentes,
consécutives : Honein Ibn Ishàq (IXème siècle), le chrétien, Avicenne( X-XIème siècle), le musulman, Maimonide (XII-XIIIème
siècle) le juif. Ibn Ishàq fut l’un des premiers traducteurs des œuvres grecques en arabe, notamment le Timée, La République
de Platon, les traités de médecine d’Hippocrate et Gallien. Ibn Ishàq fut un rationaliste, au sens hellène du terme, ce qui
lui valut d’étre excommunié par son église, il se suicida(en l’an 873)…Avicenne , connu en Occident comme médecin d’abord
par son Codex, qui fut La Référence des écoles de médecine de Montpellier jusqu’au XVIIIème siècle, est aussi un penseur
musulman de la hikma , Sagesse que l’on traduit par philosophie. Il écrivit plus de cent soixante ouvrages, dont dix-sept
seulement traitent de la médecine. Continuateur des Maîtres Arabes de Baghdad, traducteurs, commentateurs critiques d’
Aristote , El Kindi ( mort en 860 ) , El Fàràby ( mort en 9528), il était déjà médecin et dirigeait un hôpital à Baghdad à
l’âge de seize ans , en 996…Son système philosophique original, est largement exposé par Schahretàny dans Kitàb El Milàl wa
Ennihàl (cf.note 46), et notamment la distinction de l’essence et de l’existence. Versé en sciences coraniques et hadyths,
il identifie la raison humaine ’el ‘aql à la fitra , Créature par excellence octroyée par Dieu aux seuls êtres humains . Il
décrit dans une épître –Rasà’il fy’el hikmàts ( Lettres des Sciences) que cite Carra de Vaux (n.49) le processus rationnel de
la connaissance issu des facultés humaines spirituelles. Comme tous les Maîtres musulmans, Avicenne utilise la science des
lettres de l’alphabet « el jafr », associant une valeur numérique à chaque lettre : A de alif/1 –B de bà /2 –J de djym/3 –D
de dèl/4- H de huwa aspiré /5 – W de waw/6 – Z de zeyn /7 – H de hà non aspiré/8 – T de tà emphatique /9- Y de yà/10…dans
l’ordre dit « abjad » comme en grec a,b,g,d.... chaque lettre désigne l’essence préexistante en tout un chacun : H de Huwa
« LUI Dieu » ; B l’intellect ‘aql ; J l’àme nefs ; D la nature physique ; A « LE Créateur » ; I l’intelligence ; H de hà
non aspiré , la nature ;Il donne comme exemple, entre autres : la raison produite par la foi en Le Créateur, HXB= 5X2=10= Yà
ou intelligence sortant du Créateur…Maimonide critique les enseignements des mutsekellimyn et mu’tsazila , les enseignements
d’Aristote, qu’il considère, comme le font ses prédécesseurs qu’il cite ( El Faraby, Avicenne…), Grand Maître. Il arrive à la
conclusion générale « La Foi est en le cœur, par le cœur, vérifiée par la raison ».
II-Familles et Educations : lieux de l’itinéraire du Moi-Anà au Soi-Nefsy
L’hygiène du corps et de l’âme
:Altérité/ Autrisme ;Exode- Hijra : sens de l’itinéraire.
«… j’ai examiné La Torah, Les Psaumes, L’Evangile et le
Critère (El Furqàn ou Coran) et j’ai constaté que les quatre livres ont pour objet éducatif huit avantages : avoir un ami
fidèle jusqu’à la mort, respect Du Seigneur pour vaincre les passions, donner aux indigents pour l’amour de Dieu, éviter les
conjectures et spéculations par crainte révérencielle (tseqwa) de Dieu, ne pas envier( hasd) autrui et se satisfaire de ce
que j’ai reçu de Dieu( ridhà), ne haïre personne si non Satan la’natsu Allah ‘aleyh, comprendre que la provende relève de
Dieu et cesser toute convoitise( tam ‘), ne compter en toute confiance (tsawekkul) qu’en Dieu Le Meilleur des protecteurs(
ni’ma el wàkyl… »
« Certes, parmi les enseignements des premiers prophètes que les hommes ont compris , il y a
ceci : si tu n’éprouves aucune vergogne( tsestahi) , fais alors ce que tu veux ! »
« La pensée commence quand le
désir de savoir s’épure de toute compulsion à la domination .Elevons nos enfants dans la vergogne de raison, pour qu’il en
éprouvent la pudeur. Entendons par raison la proportion… »
Les Tables de La Loi sont souvent
représentées sous forme de diptyque , cinq décrets divins de chaque coté, de sorte qu’au premier commandement à gauche
correspond le premier commandement à droite, sixième dans l’ordre canonique :
« Adorer Dieu l’UN- Honorer les
Parents », c’est dire l’importance accordée à la cellule familiale par le monothéisme Abrahamique, Judaïsme, Christianisme et
Islam . L’enfant « innocent » entre les mains de ses père et mère, don amàna que leur confie Dieu subhànahu wa tsa’àlà, est
un dogme que partage les trois religions, son éducation doit le mener au respect du Créateur dans l’amour, amour de Dieu lié
à celui des parents. Le Coran met en garde les êtres humains : « vos biens acquis et vos enfants sont une fitsna …la vie
terrestre est jeu, distraction, vaine parure, rivalité d’orgueil entre vous, rivalité de gloire entre vous par les richesses
et les enfants…elle n’est qu’une jouissance illusoire… » . La sagesse exprimée en cela est de ne pas considérer l’enfant
comme un bien personnel, le réifier, en faire un objet de passion ou de richesse matérielle, d’en disposer comme un bien de
consommation. L’éduquer, c’est le respecter comme une amana , veiller à ce qu’il ne manque de rien, tout en se remettant à
Dieu pour toute provende en cas de désarroi . Le verset interdisant l’avortement « par crainte de ne pouvoir nourrir l’
enfant à naître » est une loi Ethique clairement signifiée. L’éducation concerne principalement l’âme nefs, car, telle un
fractal, son altération tseghyir, est à l’origine de la corruption , dénaturation, des peuples : « Ce n’est pas Dieu qui
dénature un peuple, ceux sont les peuples qui altèrent ce qui est en eux, en leurs âmes… »
La famille est un
concept diversifié , divers comme l’est l’humanité. Des sociologues, anthropologues, ont analysé les diverses structures
familiales à travers le monde en prenant comme critère les mariages : endogamie , exogamie, à caractères nucléaire ou
communautaire. Emmanuel Todd montre les conséquences des systèmes éducatifs inhérentes à ces structures. Analysant les
familles soviétiques et chinoises, entres autres, il conclut : « Le contraste est particulièrement frappant entre pays
communistes et musulmans, dominés par deux modalités de la famille communautaire, exogame et endogame respectivement. La
famille musulmane ne sécrète pas, comme la russe ou la chinoise, un désir violent d’autodestruction.
Elle a une
structure stable et acceptée ; elle est perçue comme chaleureuse plutôt qu’oppressive…La piété filiale est élevée au statut
d’idéologie en Chine, mais elle est le contraire de l’affection familiale des pays musulmans, qui apparaît par contraste
naturelle, spontanée, non formalisée et surtout dépourvue de toute dimension sadique … » Cet exemple cité montre la
complexité des systèmes éducatifs , mettant, peut être en exergue, avec un présupposé d’une éducation plus spirituelle chez
les musulmans soviétiques et chinois sous domination totalitaire, l’importance de l’éducation de « l’âme ». L’àme, nefs en
arabe et nefesch en hébreu, est l’objet de multiples discussions philosophiques et théologiques. Au sein même d’une famille
culturelle, les acceptions diffèrent. Pour Avicenne, elle est le « moi=je », pour Ibn ‘Araby, radya Allah ‘anhumà, elle est
la « psyché », c’est à dire la réalité subtile de l’individu qui s’opposerait à l’esprit rouh ou à l’intellect ‘aql…Chez les
philosophes modernes l’âme est identifiée à l’ego : « Le je pense doit pouvoir accompagner toutes mes représentations » selon
Kant. Dans la théorie freudienne, le moi est une « fonction de médiateur conciliant le ça et surmoi, situé au centre de
tous les conflits psychologiques » , et c’est le milieu éducatif qui , par intériorisation des autorités parentales ( ex. les
interdits et sanctions infligés par le père…) , formerait le surmoi. Le Coran stipule que « Anà= Je= Moi »est réservé à Dieu
subhànahu wa tsa’àlà. Il s’en suit chez le croyant une attitude déférente et il n’ose parler de lui même en disant « je »
qu’en ajoutant « je me réfugie auprès de Dieu », crainte révérencielle d’évoquer un qualificatif divin pour lui même : a’ùdzu
billàhi min anà. C’est un rappel du mythàq évoqué en introduction, pacte primordial, chaque individu a reconnu l’Unique
Seigneurie Le Créateur. Ce pacte l’être humain, alors en potentialité dans Adam, ‘aleyhi essalàm, tel un atome « dzurra »,
s’y est engagé avec tous les individus constituant l’humanité à venir. Dès qu’il naît à la vie terrestre, il a en lui l’
altérité qui lui fait connaître et reconnaître « l’autre ». Sa vie terrestre est l’expression sensible de l’esprit rouh mis
en lui, son nefs ou Soi est alors la conscience qu’il cherche à prendre de son unité et sa continuité.
La connaissance et reconnaissance d'autrui présente deux aspects de la conscience de l'être, deux cheminements, parfois
disjoints, alternativement le plus souvent, l'itinéraire du Moi-Anà au Soi- nefsy et l'aller vers l'autre. Je situerais
cette approche de l'altérité dans la fonction de "barzach "du "aql" humain : que je traduis par « dioptre », concept des
sciences physiques, précisant correctement la fonction de cet objet qui est « généré » par deux « milieux » distincts, mis
en contact( un dioptre « s’installe », par exemple, entre l’huile et l’eau, difractant, réfléchissant, un rayon lumineux qui
les traverse…) . Deux Maîtres de notre culture islamique ont traité cela , le premier, du XXIIè/XXIIIè siècle du calendrier
grégorien, Ibn ‘Araby, le second Cheikh Amoly du XIVè,radya Allah ‘anhumà. Tous deux enseignent la double dimension de
l'homme : zàhir et bàtine = apparent et interne, deux « océans » constituant l’humain (cf.note 66). La pédagogie de la
nécessaire purification du bàtine= le for intérieur ,fut enseignée, aussi, par Le Christ qui dénonçait des "scribes et
pharisiens à l'apparence d'hommes de foi, exploitant les fidèles , hypocrites fils de serpent ..." .
L'humanisme de l'Islam situe l'être humain dans l'existentialisme pour ce qui est du zàhir, dans l'essentialisme pour le
bàtine. Le croyant dont la vertu cardinale est l'humilité s'applique durant sa vie terrestre à vivre l'harmonie nécessaire
entre ses deux dimensions, cette dyade. "Paraître tel que tu es et être tel que tu parais"constitue l'essentiel de
l'enseignement du père des "derwichs tourneurs", XIIIème siècle, Djalalu Eddine Erroumi radya Allah ‘anhu. Il apparaît
alors que chaque être humain ne connaît d'autrui que ce qui en apparaît ; le visage de l'autre est, au mieux dirait-on, ce
que l'on perçoit de ce qu'il veut bien laisser paraître."Chacun agit selon son mode" enseigne le Coran dans la sourate
XXXIX au verset 39, mais l'humanité entière est issue d'une "nefs=àme unique". L'altérité devient alors la
reconnaissance de l'unité de l'âme humaine dans sa diversité... La science moderne a proclamé en novembre 1997 "La
déclaration universelle du génome humain et de la dignité de l'Homme", qui va plus loin que la déclaration de l'O.N.U de
1948 des droits de l'Homme... L’approche n’est, bien sûr , pas religieuse, ni spirituelle, mais l’on relèvera le caractère
humaniste : la dignité relevant de l’unicité du génome , unique, commun à tous les êtres humains, quelque soit l’ethnie, ce
qui dénonce les « racismes » des « scientistes » darwiniens, invite à méditer les versets coraniques sur la diversité des
couleurs et langues humaines …
"Alors que l'humanité était en potentialité en les reins d'Adam (‘aleyhi
essalàm)
Le Créateur l'interrogea : ne Suis -Je pas votre Seigneur ? Tous Le reconnurent, ils n'auront aucun
argument pour justifier d'éventuel déni "enseigne en substance le Coran (VII/172). D'après les exégèses., par ce pacte
primordial ou "mythaq" entre créatures humaines, rassemblées en Adam ,et Dieu, l'homme prit conscience de son essence avant
son existence, conscience individuelle du moi et collective du soi : il doit voir en l'autre un préexistant comme lui-
même, voué à une existence de dulie ou 'ibada, servire l'humanité c'est servire Le Créateur de tous.
L'altérité du mythaq sera ainsi la reconnaissance en l'autre, en les autres humains Fils d'Adam, une fraternité
essentielle issue d'une « matrie » unique = umma adamya (traduire umma par communauté est réducteur, matérialiste,
signifiant avoir un intérêt matériel commun, corps de métiers, corps habitant une cité commune ; en langue Arabe, le léxème
umm signifie essence, mère, source, umma est un lien par l’essentiel, par opposition formelle à patrie, lien par l’héritage
des pères, matériel et accessoirement culturel…) . Les versets coraniques, les hadyths qudsis ou révélations faites en dehors
du Coran, dans lesquels Le Créateur s'adresse aux êtres humains, débutent par l'expression "banu Adam" ; dans un hadyth
rapporté par Ibn 'Asakir, IL précise à l'homme ce qu'est Sa religion :
"En vérité, voici une religion que
J'agrée pour Moi. Ne lui conviennent que la générosité =sakha et le noble caractère = husnu el khuluqi. Honorez-la donc par
ces deux vertus tant que vous la suivez".
Cette altérité par référence à la loi divine a induit, dès l'aube de
l'Islam, un mouvement affirmant la primauté du social par rapport au collectif et, conséquemment, de la personne libre et
responsable, par opposition à l'individu lié au groupe traditionnel. La poésie arabe antéislamique est riche d'épopée
glorifiant les exploits d'individus, les adorant, en faisant même parfois des dieux, à l'instar des épopées grecques et ses
démiurges, indoues, persanes... En Islam, par le Coran et les hadyths, le lien entre humains n'est ni tribal ni héroïque, il
est identifié à la générosité, la libéralité- joud karam, conformes au pacte primordial. "L'homme fut créé à l'image du
Miséricordieux " enseigne Mouhammed ’aleyhi essalàm, cet enseignement qui diffère des autres traditions de la famille du
Livre donne une nouvelle dimension à la spécificité de l'autrui : agire envers autrui en miséricorde pour ne pas être en
contradiction avec sa propre nature "suratu errahman", qualité essentielle que le Créateur a donnée aux hommes. Les hommes
seront tels les doigts des deux mains, se lavant mutuellement, enseigne El Imam EL Ghazali dans son Ihya, en référence à un
hadyth ; telle est l'altérité approchée par l'essentiel du mythaq. Elle confère à l'individu une conscience, de soi et
des autres, collective ; elle induit la notion de responsabilité collective, responsabilité que dénierait celui qui n'est
qu'existentialiste, ou qui n'envisage le spirituel que comme construction cognitive et non naturel : l'enfer c'est
l'autre, l'homme est un loup pour l'homme, l'homme est corrompu par la société, autant de paradigmes existentialistes,
induisant autrisme , racisme par désignation des "loups" et des corrupteurs" .
Dans sa critique de la psychologie
comme science, se référant aux enseignements de Heidegger et Husserl, J.P.Sartre arrive à cette nécessaire approche de
l'homme par sa"globalité" : "Nous sommes donc dans la situation inverse de celle des psychologues, écrit-il, puisque nous
partons de cette totalité synthétique qu'est l'homme et que nous établissons l'essence d'homme avant de débuter en
psychologie " ; le philosophe se limitera, cependant, à ne situer la cognition que dans le champ des phénomènes, l'émotion,
mais conclura par "la facticité de l'existence humaine" ce qui rejoindrait par d'autre chemin "le maya"=illusion des
indouistes,"le gharour" coranique.
Comme je le citais dans le chapitre précédent , je reviendrais sur le sens de:
"Nous proposâmes le dépôt aux cieux, à la terre et aux monts : ils déclinèrent de s'en charger, tant ils en eurent peur et
effroi. L'homme, lui, s'en est chargé, il fut ignorant et inique..."Ce verset 72 de la sourate el ahzab =les coalisés,
comme le traduit J.Berque, eut plusieurs interprétation : Errazi dit que le dépôt est le teklif ou devoir d'observance des
lois, Sayyid Qutb, un chantre des " traditionalistes" modernes, communautariste à l'instar des prédicateurs "évangélistes"
ou " sionistes extrémistes", y voit l'exaltation des devoirs et des responsabilités de l'homme dans ce domaine, cela en
suivant les propos de Ibn Abbas. D'autres maîtres , IbnRuschd (Averroès) dans El Façl, El Mundhri , Ibn ‘Araby, radya Allah
‘anhum, en donnent une signification plus large : le libre arbitre. Dans ce verset il est question de l'insàn et non plus
des banù Adam, c'est à dire de l'homme dans son ipséité, c'est par cela et en cela qu'il fut ignorant de la science
qu'il lui fut donnée. L'ipséité mène en effet à la ananya, exagération dans la conscience du "je", du "moi", elle génère
le juhl =ignorance et, comme pour Adam et Eve, pour Abraham, ‘aleyhum essalàm ,les kelimats octroyées par le Créateur,
paroles de justice = 'adl feront que l'homme ne sera pas inique. Par ailleurs pour être digne de cette amana, l'homme se
doit de retourner au "jardin "de la connaissance et cueillir les "feuilles" à l'instar du prototype de l'humanité (Adam et
Eve /Coran VII/22 ) pour recouvrer la raison :retrouver ce que l’on a perdu, et non recouvrir « le sexe », comme cela est dit
dans les exégèses d’influence hébraïque (israilyat) .
La parabole du péché originel transmis aux enfants d'Adam
et Eve est étrangère à l'enseignement coranique qui stipule qu'ils furent induits en erreur par précipitation,'ajl en
arabe, composante de l'homme, préférant l'instant d'un fruit à l'éternité du jardin ; recevant les kalimats = paroles et
cueillant les feuilles, ils ont retrouvé leur humanum =fitra, nature primordiale, le Prophète (AES) enseigne que chaque être
humain naît dans la fitra = humanum, sans distinction de race ou de religion (VII/172 ; XXX/328).Ainsi par la amana qui lui
est ontologique, l'homme concevra l'altérité par son libre-arbitre, avec science et connaissance, justice, prenant garde
au jugement hâtif devant celui ou ceux qu'il côtoie.
L'homme de foi l'est par son cœur, le
musulman par ses dires, sont des enseignements récurrents dans les hadyths et le Coran. Dans l'un d'eux que rapporte Anas
radya Allah ‘anhu , notre Prophète,’aleyhi essalam, définit la amana par la foi, l'homme de foi étant celui dont l'autre
n'a à craindre ni les paroles ni les actes ,il ajoute dans ce hadyth (Lissàn el ‘Arabe à l’occurence amana ) : "le muhajir,
l'émigré, est celui qui fuit le mal en soi, nul n'accèdera au paradis si son voisin ne se sent pas en sécurité auprès de
lui".
L'altérité liée à la responsabilité envers l'autre fut la base de l'enseignement du philosophe E.
Lévinas. Se ressourçant dans les commentaires de la Thora, il décrit "la responsabilité pour autrui comme une charge,
suprême dignité de l'homme ", il a écrit cela en homme de foi de la famille du Livre, ces qiçiçines dont parle le Coran. Il
a, par ailleurs, insisté sur le "visage d'autrui". "Le visage", écrit-il, "est ce qu'on ne peut tuer, ou du moins ce dont
le sens consiste à dire : Tu ne tueras point" (Table de la Loi révélée à Moïse ’aleyhi essalàm) .Il est nécessaire de relever
que ce philosophe de l'altérité, comme le désignent les médias, n'a pas relevé les 9 autres commandements des Tables de la
Loi qui sont, cependant, des approches sociales de l'altérité. Dans l'Evangile rapporté par les Apôtres, el hawaryoun du
Coran, le Sermon sur la montagne de notre seigneur, seyiduna Aïssa ,est aussi l'altérité par la responsabilité envers
autrui, prémunissant l'homme de l'autrisme , forme essentielle du racisme. L' autrisme est à l'altérité ce que le
laïcisme est à la laïcité. Spécifier l'autre en l'excluant de soi, se plaçant "au dessus de lui" est l'autrisme menant
"nécessairement" au racisme; postuler que la laïcité a l'exclusive de la rationalité dans l'approche sociale de l'homme,
est le laïcisme menant au racisme. Pour les spiritualités de toute culture, l'être humain se différencie des autres
créatures par son esprit, ses facultés à ne pas "subire" sa vie mais la guider . En langue arabe, 'aql = intellect ,
signifie aussi le licou par lequel on "retient" et "guide" sa monture . Le Prophète Mohammed ‘aleyhi essalàm enseigne que la
première créature du Créateur fut le 'aql d'où sont issues toutes les autres créatures, l'homme en étant une parmi elles ;
mais l'homme est le seul à avoir revendiqué la charge de la responsabilité de ses activités , comme je l'évoquais en
introduction.
« El Hijra- Exode est fuir ce qui est mal en soi… » , disait en substance le Prophète ‘aleyhi
essalàm à ses compagnons qui tiraient gloire de leur « qualité de Muhàjir », avoir fui la Mecque idolâtre, Hijra, pour le
rejoindre à Médine. Cet enseignement qui relativisait l’ héroïsme, supposé par les émigrés –muhàjirùn, précisant la dimension
spirituelle de l’Exode, donnant le sens : hadjara est aussi tewba ou retour vers Dieu, La Vérité, fut repris par des
rabbins, Maîtres juifs du XIIIème siècle, Kabbalistes. Commentant l’Exode de Moïse ‘aleyhi essalàm et le sens de Pessach ou «
passage », ces « mystiques », comme les désignent dédaigneusement les tenants « officiels », les « traditionnaires » des
sciences religieuses, mettent en exergue l’itinéraire spirituel, nécessaire au croyant, quitter la prétention « pharaonique »
du « moi- anà », fuir l’idolàtrie inhérente à cela, aller vers La Vérité qui sauve , Terre Promise, Terre Vaste de Dieu .
Ceci est aussi signifié par Jésus ‘aleyhi essalàm, s’adressant aux pharisiens juifs qui revendiquaient une autorité sur
Jérusalem, selon l’Apocalypse de Jean : La Jérusalem céleste pour les fidèles…les exhortant à : respecter et appliquer le
plus grand des dix commandements, Aimer Dieu, de toute ton âme, de tout ton esprit, de tout ton cœur, aimer ton prochain
comme toi même… et purifier l’intérieur d’eux mêmes…ne pas fermer aux hommes le Royaume des Cieux . Ainsi l’itinéraire du
moi-anà vers soi-nefsy sera cette exode purificatrice, menant l’être humain en quête de Vérité à l’altérité attestée par tous
les sages , garante d’un monde solidaire : Aimer son prochain comme soi-même, le « raisonnable » s’en suivra. Je dis « tous
les sages » en évoquant aussi bien Thora, Evangile, Coran , que les enseignements du Tao de Lao Tseu et ceux de Siddhattha
Gotama ( Bouddha). Ces sages d’Extrême Orient font du cheminement de l’esprit humain , par l’introspection comme le prescrit
El Muhàssiby radya Allah ‘anhu, l’aboutissement de la condition humaine : Tao est un principe universel, impersonnel, menant
à l’humble harmonie cosmique de l’être humain avec La Création , Bouddha met en garde l’humain contre le « je » (Atman en
sanscrit), qu’il qualifie de « croyance illusoire » qui n’a d’autre réalité que la volition du pouvoir sur autrui… Bouddha,
ce Sage que le Coran désigne par Zulkifl , a établi dix règles du comportement humain, base d’une harmonie sociale, dont la
première est : libéralité et générosité ( ce qui rappelle le hadyth qodsi : l’islam est la religion qui est Mienne, ne lui
conviennent que deux vertus : joùd et karam ,de sakhà et husnu el khuluqi, honorez la par cela tant que vous la suivez…). Il
ajoute, par ailleurs, entre autres préceptes à caractères sociaux, «ne pas détruire une vie, tromper, voler, ni exploiter
autrui, commettre l’adultère ,travestire la vérité, ni prendre des boissons enivrantes ; sacrifier son confort, son nom, sa
renommée, voire sa vie, pour le bien du peuple, patience, pardon, tolérance… » ; juif, chrétien, musulman, agnostique ou
athée, l’humain est, dans toutes les cultures éduqués selon ces principe de base, invariants dans les textes sacrés ou les
déclarations « universelles » laïques… Mais les doctrines sont ce que les hommes en font : Inna Allaha là yughayiru mà bi
qawmin hattà yughayirù mà bi enfusihim – Dieu n’altère en rien la nature humaine d’un peuple, ceux sont ceux qui constituent
ce peuple qui dénaturent ce qu’ils ont en eux-mêmes.
III-Modernité et Spiritualité : Les modèles de
la famille d’Abraham
Communautarismes modernes, antichambres du racisme. « Abraham vous a nommé musulmans, avant…Coran v.78/ch.22 »- Jésus dit « Avant que Abraham ne fût, je suis…Evangile- Jean VIII/58 »- Les principes d’exclusions pérennes.
Les « temps modernes » sont caractérisés, en général, par l’avènement de
l’ère « industrielle », les luttes anticolonialisme, une conscience « universelle » des « Droits de l’Homme », pour ne citer
que les thèmes récurrents médiatisés…Les guerres « mondiales », de fait entre les puissances coloniales, les peuples
colonisés subissant les conséquences , divisèrent le monde en deux zones « d’influence » : le monde « libre », le monde «
asservi » par le « totalitarisme » ; le premier prônant la liberté de l’individu, le second , « l’internationale est le
genre humain ». C’est une nouvelle religion puisant ses racines dans l’idéologie indo-européenne de Manès qui génère,
encore, une dichotomie faisant s’exclure, mutuellement, « les communautés » : son expression actuelle est la désignation de «
l’Axe du Mal », par ceux qui se considèrent , dans les deux camps, comme « Tenant du Bien »…Ethnie et Communauté sont,
désormais, le mode d’identification des individus. Les systèmes politiques gèrent les citoyens par le communautarisme,
principe commode, l’appartenance ethnique ou communautaire ne nécessitant aucun effort « personnel » : par naissance le
citoyen est identifié membre d’une communauté ! Ce n’est, certes, pas nouveau, l’empire Romain gérait ses colonies par
désignations « d’ethnarque », « représentant » qui lui était inféodé, souvent pris parmi les plus corrompus du peuple
colonisé : l’ethnarque de Judée, Hérode, est l’exemple qui perdure, il fut le roi « communautaire » des juifs, manipulant le
sentiment religieux de « ses frères » pour condamner et exécuter celui qui troublait la Pax Romana
de ses Maîtres,
Jésus… Les héritiers de la Révolution de 1789, colonisèrent les peuples désignés « non civilisés », trahirent l’esprit de la
Révolution des Droits de l’Homme en créant des « codes de l’indigénat ».Le Soviet, issu de la généreuse Révolution d’Octobre,
trahit les valeurs des peuples révoltés asservis par le Tsar, en créant le conseil parlementaire des « ethnies »…Pourtant des
voix s’élevèrent , en ce début de la modernité, héritière du « Siècle de Lumière » en Occident, civilisation s’affirmant
agnostique, voire anticléricale. Dans le domaine économique, une économie libérale naissante mue par un pragmatisme anglo-
saxon raciste affirmant la « sélection naturelle faisant qu’il est des peuples génétiquement nés pour servir… » , Karl Marx
dénonça la « réification de la conscience » : Verschlichung, l’homme n’est plus qu’une carcasse chosifiée (sachlich) du
temps, valeur marchande…l’homme automate .Cette nouvelle forme de fétichisme réifiant l’homme, qu’il dénonce, lui valut, bien
sûr, d’être critiqué par les tenants staliniens « orthodoxes », forme moderne des pharisiens, accusant Lukacs qui s’y réfère,
de « révisionniste » . Classes sociales, communautés, paradigmes de l’exclusion, antichambre du racisme rompant la
solidarité.
A l'instar des enseignements scientifiques actuels, les enseignements des Prophètes se succèdent ,
leurs paradigmes ne sont pas "cumulatifs" mais se substituent , en apparences de fait, car ils viennent tous affirmer " je
ne suis pas venu modifier la Loi, mais rectifier les altérations des scribes et pharisiens", chaque nouvelle religion
implique un changement de paradigme , en fait un retour aux sources des paradigmes déviés , une spiritualité de la permanence
de la recherche de l' Un . La théorie moderne de la relativité illustre parfaitement cela : Newton a raison en affirmant et
démontrant que la masse d'un corps est constante ,la masse varie en fonction de sa vitesse aussi , selon la "relativité",
et ceci est démontré . Tout dépend du repère dans lequel le scientifique travaille : les lois de Newton sont "vérifiables"
pour l'observateur terrestre, les lois de la relativités sont vérifiables à l'échelles des vitesses de la lumières ...La
mécanique quantique ne renonce pas à la classique . En renonçant à la spiritualité , la laissant entre les mains
manipulatrices et réductrices des « littéralistes » dogmatiques, qui s’attachent à « l’ectype » (Kippa, Bure, voilette,
barbes…et autres signes de « bon pratiquant »), la modernité perd les valeurs qui font l’humain pour le ryà , « visibilité »
des communautés, plus facile à « gérer » en ce monde « sécuritaire ». Le Coran définit la religion dyne, par l’entraide
solidaire el ma’ùn : Celui qui dénie la religion, est celui là même qui spolie l’orphelin, ne veille pas sur le miséreux
,accomplissant la prière
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