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La réponse de la jeunesse africaine à Sarkozy
Par Mamadou KOULIBALY - Président de l’
Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire
Le président de la République française est venu, comme De
Gaulle, et il a parlé aux Africains. Qu’a-t-il dit au juste ? Il nous a fait une série de propositions et d’analyses.
Ecoutons-le :
«Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est une alliance, c’est l’alliance de la jeunesse
française et de la jeunesse africaine pour que le monde de demain soit un meilleur monde.»
Le nom de cette
alliance est l’Eurafrique. La France s’est mariée à l’Europe et nous vous apportons cette Europe, de même que nous vous
apportons à l’Europe. L’Afrique sera dans la corbeille de mariage de la France avec l’Europe et dans la corbeille nuptiale
de l’Europe avec le monde. Je suis venu vous proposer une place comme la France sait le faire, par exemple pour les Dom
Tom.
Mais, comme vous savez, l’Afrique est différentiée. Il y a l’Afrique du Nord. Et
il y a l’Afrique noire. En Libye, où je suis passé, j’ai signé des contrats juteux pour le nucléaire, l’uranium, la défense
et autres affaires. Avec l’Afrique du Nord, on ne parle ni de morale, ni de développement, mais de contrats. On ne lance pas
d’appels aux Libyens de l’étranger pour leur retour dans leur pays. On ne fait pas de promesses d’aide publique française à
la Libye. On parle affaires. Des contrats, des contrats et des contrats. Pour l’uranium, pour la défense et pour le
nucléaire. «Trade not aid», telle est notre règle.
Avec l’Afrique noire, avec vous, que dire ?
Je
vous ai fait mal, mes bébés. Hum !
N’en parlons plus.
Mais, ne demandez
surtout pas de repentance puisque vous-mêmes, vous êtes coupables de vous être laissés battre par mes ancêtres. En plus,
quand mes ancêtres arrivaient chez vous, vous vous décimiez vous-mêmes déjà sans notre aide. Vous êtes plus coupables que
nous.
Certes, nous avons commis des crimes contre l’Humanité. Oui, mais vous n’avez rien fait pour nous en
empêcher. En tout cas, pas suffisamment pour nous convaincre que, ce que nous avions l’intention de faire, était criminel.
Vous êtes coupables de non assistance à personne en danger.
Ne rêvez surtout pas à un retour en arrière pour
rejoindre votre prétendu âge d’or qui aurait, par le passé, existé. Vous n’avez jamais eu d’âge d’or. Ne rêvez pas. Le monde
ne marche pas à reculons, mais progresse plutôt vers l’avenir. La colonisation a été un crime contre l’humanité, mais mes
parents ont proposé aux vôtres l’indépendance.
La colonisation, c’était l’exploitation
de l’homme par l’homme ; l’indépendance est exactement le contraire. Vos historiens et autres anthropologues vous mentent.
Je vous le dit ici à l’Université Cheikh Anta Diop, à vous les jeunes d’Afrique.
- Devant vos chefs.
- Devant vos profs.
- Devant votre classe politique, gouvernement et opposition réunis.
- Devant
vous, étudiants, hommes de maintenant et hommes de demain.
Arrêtez de rêver à un futur qui puisse être le
vôtre, à vous tout seuls. Maintenant, vous m’appartenez définitivement.
Je vous propose l’Eurafrique. Vous entrez
dans mes bras, dans les bonnes grâces de l’Europe.
Je vous apporte l’Europe comme hier je vous ai apporté l’
Esclavage.
Je vous apporte l’Europe comme hier je vous ai apporté la Colonisation.
Je vous apporte
l’Europe comme hier je vous ai apporté l’Indépendance.
Je vous vois stupéfaits, mais je vous apporte aussi les
moyens qui vous seront propres pour inventer, vous-mêmes votre avenir. Oubliez le passé. Maintenant, vous ne serez plus
seulement à la France mais à l’Europe. La France, c’est votre héritage occidental. La colonisation vous l’a apporté. Ne
vous coupez pas de cet héritage. La civilisation européenne aussi vous appartient. Renoncez à la tentation de pureté comme
nous le faisons en Europe. Ne répondez pas au racisme de la France par le racisme. Ne répondez pas à l’intolérance de la
France par de l’intolérance.
Je sais, je vous ai fait mal, mais laissez tomber. Allons ensemble dans l’avenir.
Renoncer à la maladie de l’intelligence.
Si vous voulez venir chez nous, pas de problème, nous négocierons votre
migration. Nous déciderons ensemble, pour vous, comment vous viendrez. Pas en citoyens libres, mais en immigrés !
Vous rêvez de la Renaissance africaine ? Pourquoi pas ! Après tout, vous avez, semble-t-il, eu l’Egypte et d’autres
brillantes civilisations que mes ancêtres ont battu à plate couture et soumis depuis des siècles. Oubliez le passé peu
glorieux que vos ascendants vous ont laissé.
Nous vous aiderons à bâtir votre avenir. Commencez déjà par
prendre notre civilisation comme héritage. Vous voulez la liberté, la démocratie ? Bien. L’Europe est bâtie sur l’égalité,
la justice, le droit, la liberté, la démocratie et la libre propriété. Je vous les apporte et n’allez pas chercher
ailleurs. Tout ce que vous voulez, commandez et je vous livre tout de suite.
Nous sommes généreux, nous vous
aimons. Ce n’est pas de la pitié, mais c’est notre intérêt.
Ainsi nous a parlé Nicolas Sarkozy, le président de
tous les français.
Que lui dire ?
Merci Sarkozy.
Merci pour tes propositions.
Mais nous, on veut aller dans le monde par le marché et non sous la protection de qui que ce
soit. Nous connaissons le chemin.
Le monde, ce n’est pas que la France, le monde, ce n’est pas que l’Europe. Le
monde, c’est aussi l’Afrique, c’est aussi l’Amérique, c’est aussi l’Asie. Le monde, c’est ailleurs. Nous voulons choisir
librement notre méthode pour y entrer, notre façon d’y participer. Sans avoir besoin de t’en informer au préalable. Ce n’est
pas par dégoût, mais c’est notre intérêt et rien que cela.
L’Eurafrique ? Très bien merci. Mais ça sera comme
par le passé.
- Il y a déjà les sommets Franco-africains.
- Il y aura des sommets Eurafricains.
- Il y aura une bureaucratie Eurafricaine, comme il y a celle des Ue-Acp
Nous
ne voulons plus perdre du temps à négocier à des sommets de Chefs d’Etat. Nous allons directement sur les marchés,
librement, avec nos besoins et nos moyens. Nous ne voulons plus être marchés captifs de qui que ce soit. Nous voulons
redevenir libres.
Il ne s’agit pas d’un retour à un quelconque âge d’or. Il ne s’agit pas d’une option pour
nous, mais de notre survie. Il s’agit d’être simplement des humains, de vivre comme tels et d’être traités comme tels. Nous
ne voulons pas de traitement de faveur.
Nous voulons avoir notre liberté de choix.
Nous voulons tirer
profit du droit imprescriptible que nous avons d’être propriétaires de nous-mêmes en tant qu’humains.
Nous
voulons être libres dans la mondialisation, comme nous ne l’avons jamais été sur les marchés des esclaves. Sur les marchés
coloniaux. Dans le pacte colonial.
Nous ne voulons pas aller sur les marchés mondiaux
enchaînés par des accords protectionnistes ; ni avec la France, ni avec l’Europe. Nous ne voulons plus de cette protection
infantilisante qui vous donne le droit de vouloir :
Tout faire pour nous.
Tout faire avec nous.
Tout faire par nous.
Tout faire sans nous.
Et au bout du compte, tout faire contre nous.
Nous ne voulons plus des accords léonins qui, sous forme de vouloir nous aider, nous font plus de mal que de bien.
Nous voulons que Sarkozy
Nous laisse faire.
Nous laisse passer.
Nous voulons
que la France
Nous laisse faire.
Nous laisse passer.
Nous voulons que l’Europe
Nous laisse faire.
Nous laisse passer.
Nous voulons que le monde nous
accueille comme nous sommes, tels que nous sommes, et non comme la France veut que nous soyons ou que l’Europe voudrait que
nous soyons. Nous connaissons le mode d’emploi de la mondialisation. Aucun épouvantail ne nous fera renoncer, sur la route
de la liberté.
L’Eurafrique ? Pourquoi pas ! Merci pour votre offre. Mais, nous sommes déjà dans le monde sous
le couvert de l’Europe, qui agit par procuration de la France.
Nous voulons simplement :
De l’
économie de marché.
De la société ouverte.
De la société de droit.
Ni plus, ni moins.
Sarkozy pourrait-il nous aider dans ce sens à nous libérez des accords précédents ?
De ceux des indépendances ? Pour enfin nous libérer du carcan post colonial ?
Nous ne voulons pas aller dans le
monde comme hier, nous sommes allés dans l’Europe – par la France. Nous ne voulons pas de votre liberté en double standard,
et sous surveillance. Nous ne comprenons pas que nos avoirs extérieurs nets en devises soient déposés au Trésor Public de
chez vous. Nous ne comprenons pas que nous soyons perçus comme des contribuables par l’Etat français, alors que la
colonisation est terminée depuis belle lurette.
Nous ne voulons plus de vos accords de coopération qui ne
règlent rien, mais qui pillent tout. Nous voulons être libres de choisir nous-mêmes notre destin. Libres de choisir nous-
mêmes qui nous accompagnera et pour quoi. Merci de votre sollicitude.
Tu veux que je décide librement ? Soit.
Mais je ne veux pas que tu sois là.
Tu veux que je décide librement ? Mais soit. Je ne veux pas décider avec
toi. Je veux décider seul. Tu veux que ma volonté se réalise pleinement ? Oui, je le veux aussi. Mais je ne veux pas
réaliser mon destin avec toi. Je veux le faire moi-même, sans guide, ni parrain, ni gourou.
Tu veux t’associer
avec moi ? Oui, mais ne me demande pas d’être exclusivement à toi. D’être ta chose. Je veux être libre de m’associer avec
qui je veux, comme je le veux et quand je le veux.
La mondialisation telle qu’elle est faite pour moi ne me
plait pas. C’est vrai. Je veux la démocratie. Je veux le droit. Je veux la justice. Je veux la propriété libre. Je veux la
liberté. Mais je veux aussi la responsabilité. Nous avons payé trop cher les mirages de la coopération franco-africaine.
Cette coopération est étatiste
Cette coopération est collectiviste.
Cette coopération est
monopolistique.
Cette coopération est jacobine et rétrograde.
Je crois que
l’échange libre est bénéfique et qu’il doit être la règle de mon jeu dans la mondialisation. Je crois que la concurrence
est un moyen, et qu’elle est mon meilleur atout pour réussir à m’enrichir et à prospérer dans la mondialisation.
Les pires des prédateurs qui nous cachent de la mondialisation sont ceux qui viennent s’apitoyer sur mon sort et me
considérer comme une grand naïf à qui ils proposent altruisme, protection, aide publique et humanitaire. Le plus grand des
prédateurs, pour nous, est celui qui nous rassemble dans un enclos et nous propose de jouer soit au loup et à l’agneau,
soit au renard dans le poulailler.
Nous croyons que la liberté économique annonce et conditionne la liberté
politique. Nous croyons que les esclaves ne peuvent échanger que leurs chaînes. Que le marché est le propre de l’homme. Que
nous sommes des hommes et que nous voulons échanger autre chose sur des marchés libres d’accès et de sortie.
Nous croyons à l’économie de marché. Vous vous trompez, lorsque vous affirmer le contraire. Nous croyons au laisser-faire et
nous nous méfions de toutes les barrières à la concurrence.
Vous craignez l’immigration de la jeunesse
africaine en France et en Europe ? Vous avez tort. L’immigration subie ou l’immigration choisie ? Vous posez mal le débat.
L’immigration relève du droit individuel de circuler et est pour nous une des bases de la liberté que nous recherchons.
La France devrait se demander comment une telle liberté pour nous peut devenir un fléau social pour les Français ?
Pour nous, l’étranger a droit au respect de sa vie, de sa dignité et de sa propriété. Mais, nous savons et nous admettons
que l’étranger ne peut avoir tous les droits, car nous savons et admettons qu’il n’y a pas de droits sans devoirs. L’
étranger doit se soumettre aux règles sociales de la société qui l’accueille.
Vous avez le sentiment que
certains étrangers ne respectent pas les règles de votre jeu et ont des comportements anormaux ? Mais, ce n’est pas notre
faute à nous. Les repousser à la frontière, contrôler leur entrée et sortie, est une fausse solution.
Pour vous
en sortir, laisser nous vous donner des conseils d’amis.
Abandonnez votre Etat-providence, car c’est lui qui
attire l’immigré que vous craignez. De nombreux immigrés apportent à la France leur travail, leur talent, leur argent.
Nombreux aussi sont ceux qui fuient les dictateurs et les autres régimes liberticides que vous installez chez nous.
Mais, les plus nombreux, qui vous font le plus de mal, sont ceux qui arrivent chez vous, pour profiter, comme de
nombreux Français de souche, du parasitisme offert par votre Etat-providence.
Nous allons en France pour toucher
des allocations, pour nous livrer à de petits et à des grands trafics, pour profiter des cadeaux qu’offre l’Etat français à
ses propres parasites. Les places sont gratuites chez vous, et elles rapportent plus que chez nous, car votre Etat-
providence est plus généreux que les nôtres, et plus riche aussi.
Nous croyons que
par les relations de travail, par l’échange marchand, par le libre échange entre la France et nous, l’immigration trouvera
solution. Or, vous nous proposez de nous méfier du laisser-faire pour nous accrocher au protectionnisme. Et à nos Etats-
rentiers, pâle copie du vôtre Etat-providence.
Nous voulons que les immigrés qui arrivent chez vous vous
donnent plus qu’ils ne vous prennent, mais votre Etat-providence nous propose la gratuité pour ce que nous souhaitons avoir.
Nous aimons la France pour sa sécurité sociale. Elle nous épargne de faire de grands efforts d’adaptation au
monde moderne, d’éduquer correctement nos enfants qui y naissent. Elle nous propose le Rmi, les allocations logements, les
prestations familiales. Elle nous propose des revenus à peine suffisants pour vivre de façon médiocre sans travailler chez
vous.
Vos immigrés, qui viennent de chez nous, sont les plus pauvres des immigrés,
les plus mal éduqués, les pires délinquants, les plus mal aimés. Les plus mal logés. Votre Etat-providence nous offre une
couverture sociale complète dans des ghettos, des foyers bruyants et violents que vous appelez «logement sociaux». Les
enfants d’immigrés africains vont dans des écoles où l’on n’apprend rien, pas même la politesse et le savoir-vivre que nous
admirons de loin ici. Pas même la vertu du travail bien fait, pas même le respect des autres. Nous voulons commercer avec
une société française compétitive. Mais, votre Etat nous propose des monopoles, des statuts figés, des services publics.
Les Africains de qualité comprennent de plus en plus que vivre chez vous, sous la protection de votre Etat-providence, les
scléroses ; ils vont ailleurs pour être plus compétitifs et faire face aux enjeux du monde actuel. Nous pensons que seules
des relations marchandes entre la France et l’Afrique révéleront les opportunités d’embauches, en qualité et en quantité,
chez vous comme chez nous. Nous ne pensons pas qu’il soit dans les prérogatives de l’Etat-providence de dire qui est
qualifié pour entrer et s’installer en France pour bénéficier des droits sociaux. Nous immigrons en grand nombre chez vous,
parce que notre vie ici, du fait de votre protection bienveillante et providentielle, est misérable. Nous pensons que si
vous nous donnez plus de liberté de choix, plus de libertés économiques, la source principale de cette immigration
artificielle disparaîtra. Pour vaincre l’immigration qui vous fait tant peur, brisez les enclos dans lesquels sont enfermés
les peuples d’Afrique esclaves de votre générosité. Un pays comme le Sénégal a perdu dans les mers plus d’hommes candidats à
l’immigration que la Côte d’Ivoire avec sa guerre ces cinq dernières années. L’immigration est aussi un fléau pour nous,
tant qu’elle sera organisée par votre Etat-providence. Pour vaincre l’immigration, abandonnez les Etats-providence,
abandonnez les accords de coopération rétrogrades et étatistes. Pour vaincre l’immigration, nous vous offrons de nous
rendre notre liberté économique. Au lieu de l’Eurafrique, nous voulons la Librafrique.
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