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Les attentats du 11 septembre ont bouleversé les relations internationales et remis au goût du jour la thèse du choc déclaré des civilisations, l’enseignement de l’histoire des religions connaît un succès grandissant. Les étudiants de l’Université de Genève s’intéressent beaucoup plus aux sciences de l’antiquité. Est - ce une volonté de fuir la réalité cruelle de notre monde moderne ou une envie de mieux le connaître en le questionnant pour découvrir ses mystères profonds. Le professeur Philippe Borgeaud apporte une première réponse qu’il propose en terme de questionnement : « Nous étudions des choses très anciennes. C’est là où les étudiants viennent en masse » et d’ajouter « Il y’a un besoin de recul peut - être?». Une distanciation nécessaire pour aborder et comprendre le fait religieux car, l’enseignant genevois qui constate que « Beaucoup de questions sont posées relativement à l’Islam », le dit tout net : « beaucoup de stupidités sont dites dans les médias concernant l’Islam ». L’Université de Genève a récemment organisé, dans le cadre de ses rencontres intitulées "D'un autre point de vue", un atelier de formation en histoire des religions destiné aux médias. ( voir explication de Mme Sylvie Delèze) |
L’Université de Genève est la première université au monde à avoir une Chair de l’histoire des religions instituée depuis 1873. La chair est logée au sein de la Faculté des Lettres de l'UNIGE.
C’est quoi l’Histoire des religions ?
L’histoire des religions est une discipline d’observation qui utilise l’ethnologie, l’archéologie, la philologie, la linguistique etc pour accéder à l’objet ( aux phénomènes religieux).
Dans sa démarche méthodologique, l’historien des religions évite au moins deux écueils. Premièrement, l’histoire des religions ne cherche pas la supériorité d’une religion sur une autre. Deuxièmement, évite l’écueil de l’ethnocentrisme pour ne pas devenir l’auxiliaire idéologique qui légitimerait le mythe des nations.
Domaine longtemps réservé, l’enseignement des religions était pratiqué par des églises, les traditions religieuses ou les familles. A l’université l’enseignement des religions était dispensé par les facultés ou départements de théologie, dans une posture plus dogmatique. Aujourd’hui, confesse Philippe Borgeaud : « Nous sommes sortis de la théologie. L’Histoire des religions s’est extériorisée du confessionnel ». « Nous avons une perspective anthropologique. Nous observons les religions de loin. Nous les décrivons pour en faire l’Histoire» explique le Pr Borgeaud.
Le professeur Suisse, nous fait une révélation impressionnante : « Au Japon, je me sens moins dépaysé que dans le Rome d’aujourd’hui car là – bas il y a encore une certaine survivance des religions anciennes». Par ailleurs, dans un verbe posé, Philippe Borgeaud vous regarde dans les yeux avec douceur et vous lance: « Les polythéistes sont plus nombreux que les monothéistes». Ne lui demandez pas des preuves chiffrées. Son explication est simple et convaincante : « C’est dans la pratique réelle des gens ». Il cite par exemple l’Afrique musulmane qui pratique le polythéisme, ou encore l’Amazonie etc…. Pour lui : « Le monothéisme est un cas particulier».
Tolérance religieuse et dialogue des Civilisations
Philippe Borgeaud explique que les religions anciennes étaient tolérantes. « Avant, dit – il, on respectait certes la coutume mais il n’y avait pas de dogmatisme car il y avait la liberté au niveau de l’interprétation du rite»
Dialogue des religions
" Dans ce domaine, les historiens des religions pourraient entrer en matière à condition que l’histoire des religions sorte elle-même de son histoire. En effet, elle est née en occident dans un processus de laïcisation. Elle est donc tributaire de son histoire. Il serait peut-être intéressant de mettre ensemble les représentants de cette discipline issus des différentes civilisations. L’histoire des religions a une vocation universelle. Seulement, il faudrait se mettre d’accord et c’est un travail qui n’a pas été encore fait. Comment faire de la science tout en restant Japonais, Américain, Africain, etc?"
Choc des civilisations
Le professeur Borgeaud est formel : « il est épouvantable d’utiliser les spiritualités pour faire de la guerre ». Il regrette ce qui se passe à Londres, où les jeunes sont les plus virulents. « Je croyais que la jeunesse était nécessairement sympathique. Je ne crois pas au choc des civilisations. Cependant, il y a des chocs entre des fondamentalistes de partout. Mais on ne peut pas opposer une religion à toute une civilisation» Nous sommes tous héritier de la Bible et de la philosophie grecque. Les religions ne constituent pas un bloc unitaire qu’on peut opposer l'un à l'autre ».
Sur Huntington
« Il est parti de la situation aux Balkans pour l’appliquer au monde. C’est une opposition qui n’est pas solide pour les Balkans, encore moins pour le reste de la planète. Faire l’opposition : l’Ouest et le reste : cela veut dire le reste n’existe pas. La position de Huntington est dangereuse est dangereuse et idéologique » poursuit le professeur Borgeaud.
Par El Hadji Gorgui Wade Ndoye,SYLVIE DELEZE du Service de Presse de l’Université de Genève:
« Philippe Borgeaud sait passionner les autres avec ce qui le porte »
« Le service de presse de l'UNIGE, dont je fais partie, est constitué de plusieurs pôles (communication interne, La Passerelle de l'UNIGE, Campus, Le Carnet de l'UNIGE, etc.), dont les missions diffèrent sur certains points et se rejoignent sur d'autres. Notre objectif commun consiste dans l'amélioration de la circulation des informations, une tâche qui ne s'achève jamais et qu'il s'agit toujours de perfectionner. C'est dans cette perspective que nous organisons, en plus des "traditionnelles" conférences de presse -qui sont, elles, liées à un événement, à une actualité de la recherche, de l'institution ou de l'enseignement- des rencontres entre spécialistes et professionnels des médias, rencontres identifiables sous l'appellation D'un autre point de vue. Nous les concevons comme des occasions données aux chercheurs de vulgariser leurs connaissances face aux journalistes, qui peuvent, eux, questionner hors du cadre contraignant dans lequel ils ont aujourd'hui l'habitude de travailler. Il y a longtemps que nous songions à Philippe Borgeaud comme acteur d'un de ces moments privilégiés, parce qu'il sait passionner les autres avec ce qui le porte, parce qu'il sait établir, entre la réalité de ses investigations et la réalité, forcément complexe, du présent politique, social et culturel, des liens enrichissants et salutaires pour notre époque pressée d'emporter les jugements comme des pièces de pâte à gâteaux! »
Témoignage recueilli par Gorgui Wade NDOYE
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