Accueil Confréries Sénégal Les communautés soufies de la Sénégambie, XIXe-XXe siècle : construire une alternative au jihad armé.

Les communautés soufies de la Sénégambie, XIXe-XXe siècle : construire une alternative au jihad armé.

par El Hadji Gorgui Wade Ndoye
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L’exemple de la Muridiyya de Cheikh Ahmadou Bamba / Conférence du Professeur Ibrahima Thioub à l’Université de Genève dans le cadre du colloque du « Gingembre Littéraire » organisé par ContinentPremier avec le Global Institute.

INTRODUCTION

Ce faisant, ils restent fidèles à deux éléments fondamentaux sur lesquels le fondateur a bâti la confrérie. Cheikh Ahmadou Bamba a plusieurs affirmé, fois dans ses œuvres, l’ancrage de la confrérie dans les canons d’un islam qui ne transige avec aucune des règles édictées par le Qur’an et la Sunnah du prophète Muhammad (PSL). A cet important élément de l’identité de la confrérie s’ajoute un élément qui a contribué à démanteler le complexe d’infériorité et l’aliénation culturelle vis-à-vis des civilisations orientale et occidentale. Le Cheikh le rappelle, en des termes non équivoques, dans l’introduction de son fameux traité de soufisme, Masaalik-ul Jinaan :

L’hostilité de tous les pouvoirs établis contre la Muridiyah, confrérie religieuse soufie, fondée par Cheikh Ahmadou Bamba dans les années 1880, dans le Bawol oriental, ne présageait nullement le développement fulgurant qu’elle allait connaitre en moins d’un siècle et demi d’existence. A partir de son foyer natal, elle a ouvert un front pionnier, qui a franchi des obstacles de toute nature, pour s’assurer aujourd’hui une présence planétaire portée par des millions de disciples affiliés à des Cheikh qui constituent l’ossature centrale de son leadership et les rattachent au Khalife général résidant à Touba, la capitale des Murid. Sans rien perdre des canons de la religion tels que fixés par le Qur’an et la Sunnah du prophète Muhammad (PSL), ces fidèles n’en restent pas moins facilement identifiables où qu’ils se rencontrent, à travers la spécificité affirmée de leurs pratiques culturelles et cultuelles adossées sur des modèles dynamiques d’organisation sociale ouverts et d’investissement original de la sphère économique, le tout toujours accommodé à l’environnement de leur lieu d’accueil. Sans complexe aucun, ils affichent leur identité islamique et africaine qui ne font point obstacle à leur active participation à la construction des modernités contemporaines par l’appropriation productive des technologies de pointe dans leur sphère d’activité.

« Tout ce qui se trouve dans cet ouvrage est authentique. Suis le donc avec confiance.

Que ma faible renommée dans cette génération ne te pousse pas à refuser cette œuvre pie

Ne te laisse pas abuser par ma condition d’homme noir pour ne pas en profiter.

L’homme le plus estimé auprès d’Allah est celui qui le craint le plus, sans discrimination d’aucune sorte.

La couleur de la peau ne saurait être cause de l’idiotie d’un homme ou de sa mauvaise compréhension »[1].

L’ancrage territorial solidement centré sur Touba, la ville sainte que les disciples répliquent là où les conduit leur mobilité diasporique, et la fidélité au message du fondateur permanemment rappelé aux disciples par les guides spirituels de la confrérie, protège l’œuvre séculaire édifiée par la confrérie contre la perversion, la falsification et l’altération que facilitent l’uniformisation des cultures et le réformisme religieux portés par la globalisation et ses technologies nouvelles de communication d’une redoutable efficacité. Il est évident qu’aucune communauté ne se préserve de ces menaces par l’enfermement géographique ou la sanctuarisation spirituelle.

1. BRÈVE HISTOIRE DE LA MURIDIYAH

Saint-Louis du Sénégal, capitale des colonies françaises d’Afrique occidentale, jeudi 5 septembre 1895, il est 11h 30. Le Conseil privé, organe consultatif de la colonie, examine le rapport du directeur des Affaires politiques, sur « l’influence considérable » du marabout Ahmadou Bamba Mbacké « menaçant, par ses agissements et par ceux de ses talibés, de troubler la tranquillité de la région qui s’étend entre le Ferlo, le Baol, le Cayor, le Diambour et le Oualo » [2]. En somme, tout le Nord de la zone d’influence de la colonie du Sénégal qui a enregistré une considérable expansion depuis 1854, date du début de la conquête militaire française en Afrique subsaharienne. En septembre 1895, le gouvernement colonial parachevait une réforme en profondeur de son administration en charge du territoire conquis sur les États sénégambiens, aristocratiques ou théocratiques, déjà vaincus ou plongés dans une crise conduisant irrémédiablement à leurs défaites politiques et militaires. Au niveau local, ses agents entraient en compétition avec d’autres acteurs qui contestaient avec vigueur leur légitimité idéologique, sociale et politique à exercer le pouvoir sur les populations de la région.

Au terme de la lecture d’un réquisitoire d’une dizaine de pages, dressé par Martial Merlin, à partir d’informations fournies par les agents africains subalternes de l’administration territoriale coloniale, le marabout est introduit dans la salle du Conseil, informé de l’accusation qui pèse sur lui et interrogé sur ses entreprises suspectées de sédition.

Sans aucune possibilité d’appel, la sentence tombe, à l’unanimité, les membres présents du Conseil suivent le réquisitoire de Merlin : « enlever Amadou Bamba, non seulement de la région où son action se faisait immédiatement sentir, mais du Sénégal même, et l’interner au moins pour quelques années dans un pays éloigné, tel que le Gabon, où ses prédications fanatiques n’auront aucun effet ».[3]

Après un bref séjour à Dakar où il est incarcéré dans une prison située non loin du port et dont il a gardé un très mauvais souvenir, le marabout est embarqué à bord du navire « Ville de Pernambouc », pour un exil qui dura sept années au Gabon. Il revient au Sénégal en 1902 et est à nouveau exilé en Mauritanie jusqu’en 1907. Le Jazaa u Sakoor de Cheikh Moussa Kâ rend compte de cette expérience de Cheikh Ahmadou Bamba confronté à la violence et à l’arbitraire des autorités coloniales et de leurs agents subalternes autochtones. Replacer cette confrontation dans son contexte historique c’est restituer les transformations majeures qui reconfigurent en profondeur les sociétés du Nord de la Sénégambie, des années 1880 à la première guerre mondiale.      

1.1. La pénétration coloniale et la défaite des États dynastiques ou théocratiques et des Jihads islamiques de la Sénégambie

L’émergence de Cheikh Ahmadou Bamba comme figure religieuse, suspecte aux yeux de l’administration coloniale, survient à la fin du XIXe siècle, temps d’incertitudes et de troubles en Sénégambie. La longue Traite atlantique avait ruiné les bases sociales des États dynastiques de la Sénégambie ; ce qui rendaient inopérantes leurs résistances armées face à la pénétration coloniale. Moins compromis dans les pratiques prédatrices de la traite que l’aristocratie séculière des monarchies, quelques réformateurs musulmans ont opposé à la conquête coloniale une riposte armée plus durable qui s’est également révélée vaine. Les mouvements religieux se sont considérablement affaiblis en voulant tenir sur deux fronts, d’une part contre les puissances européennes mais aussi, d’autre part, face aux États dynastiques dont ils ont cherché à soumettre et convertir les populations par une violence qui s’est révélée souvent contre-productive.

Les luttes de factions et les multiples interventions diplomatiques et militaires des puissances coloniales dans les affaires politiques des États de la région avaient abouti à vider de leur substance les institutions et les constitutions et à ruiner la crédibilité des souverains, totalement délégitimés.

Plus les élites politiques locales perdaient de leur pouvoir plus elles traitaient avec brutalité les communautés paysannes déjà rendues exsangues par des siècles de traites esclavagistes. La violence, depuis longtemps, principal facteur de régulation des conflits politiques, maintenait les différents États de la région dans une atmosphère de guerre civile permanente opposant les différentes factions aristocratiques en lutte pour le contrôle du pouvoir. Celles-ci rivalisaient d’ardeur et d’ingéniosité pour s’attirer les bonnes grâces et le soutien de la colonie du Sénégal, devenue l’arbitre incontournable des conflits qu’elle ne manquait pas d’attiser pour affaiblir l’ensemble des protagonistes. Le Waalo fut le premier État à en faire les frais. Dès 1854, il est vaincu et démembré par Faidherbe qui mettait ainsi fin à une interminable crise politique marquée par des conflits de succession opposant les lignages princiers du royaume.

Malgré les fortes dissensions au sein de sa classe dirigeante, le Kajoor opposa une plus longue résistance, tirant profit de sa position géostratégique, de l’indécision de la colonie et de l’opposition du commerce saint-louisien qui ne voulait d’une solution militaire. Le pouvoir colonial victorieux supprima la monarchie en 1886 et démembra le territoire du Kajoor en six provinces confiées aux jaami buur (esclaves de la couronne) sous l’autorité de leur chef de file, Demba Waar Sall.

La même politique sera mise en œuvre dans les États du Bawol, du Siin et du Saalum. Elle consistait, une fois qu’ils sont vaincus, à saucissonner leur territoire en provinces et à mettre à la tête de ces nouveaux territoires des esclaves de la couronne ou les descendants des anciennes autorités qui avaient accepté la mainmise française sur le royaume.

Dans un état de guerre civile permanente, les détenteurs du pouvoir cherchaient à conforter leurs légitimités par l’élargissement des bases de leur régime par une politique de cooptation de lettrés musulmans qui, en contrepartie des avantages ainsi acquis, acceptaient de fermer les yeux sur leurs pratiques prédatrices et illicites au regard des règles de l’islam et de la tradition. De fait, les élites politiques et religieuses étaient confrontées à un dilemme cornélien : lutter contre la menace coloniale ou se soumettre. Ainsi, la lutte pour la survie passait par des compromissions mettant à rude épreuve les valeurs d’honneur et de bravoure, au cœur de l’idéologie des pouvoirs ceddo.

Les États du Waalo et du Kajoor soumis et démembrés, le gouverneur Henri de Lamothe envoya les enfants de leur aristocratie déchue en formation au Maghreb pour les placer, à leur retour, à la tête des nouvelles provinces constituées dans leur terroir d’origine. La situation au Bawol, où Cheikh Ahmadou Bamba avait élu domicile, est assez illustrative de cette déliquescence des pouvoirs autochtones et de l’immixtion de Saint-Louis dans les affaires intérieures de ces États.

La crise au Kajoor avait précipité la signature, par le souverain du Bawol, Ceyasin Joor Gallo Gana, d’un protectorat, le 8 mars 1883. Ce traité, liant deux acteurs très inégaux, offrait à la colonie des facilités d’installation (chemin de fer, ligne télégraphiques) et des avantages politiques considérables. Il assurait à peine la protection du régime de Ceyasin qui faisait face à ses nombreux ennemis intérieurs et extérieurs. Il finit par perdre le pouvoir au profit de Tanor Dieng, un homme de poigne qui, légalement, ne pouvait prétendre au trône du Bawol mais disposait d’une imposante troupe armée qui semait la terreur dans tout le pays.

Pour dénouer la crise, la colonie n’hésita pas à remettre en cause les règles et procédures traditionnelles de dévolution du pouvoir. L’assemblée des grands électeurs reçut une lettre de menace du gouverneur exigeant de ses membres le choix de Tanor Dieng. Sa séance du 21 mars 1890 chargée de procéder à l’élection d’un nouveau souverain était de fait présidée par le capitaine Villiers à la tête d’une colonne militaire, en lieu et place du Jaraaf Bawol comme le veulent les traditions du pays. Mal élu, sans aucune légitimité et comptant plus que jamais sur le soutien de la colonie, le nouveau Teeñ dut user d’une violence extrême pour imposer son autorité. La répression qui s’abattit sur ses adversaires, les brutalités qu’il infligea aux communautés paysannes mettaient en évidence le fait que l’islam dont il s’était déclaré adepte n’avait servi qu’à ses fins personnelles : la conquête du pouvoir.

Après avoir mis au pas ses adversaires ceddo, Tanor s’attaqua à tous les lettrés musulmans et guides religieux dont la popularité portait ombrage à son autorité. Les populations, en faisant allégeance aux marabouts, contrecarraient son projet de soumettre à son autorité spirituelle et temporelle tous les habitants du royaume.

La Muridiyah qui commençait à s’étendre dans le pays, avec ses 5000 partisans plutôt déterminés, devenait l’une des cibles majeures de ses attaques. L’événement le plus marquant, passé à la postérité, dans cette confrontation avec la nouvelle confrérie eut lieu en 1894. Tanor exigea des disciples de Cheikh Ahmadou Bamba, Cheikh Babacar Thiargan, Serigne Mor Mané et Serigne Aliou Diouf Lambaay, qu’ils abjurent leur allégeance au Cheikh pour reconnaître la suprématie de son autorité. Soumis à la torture, les disciples refusèrent résolument de céder à ses injonctions. Sa mort, survenue quelques mois après, le 15 juin 1894, donna le prétexte à Saint-Louis de supprimer la monarchie, en divisant le Bawol en deux entités administratives confiées à des membres de l’aristocratie initiés aux procédures et méthodes de l’administration française.

Sur l’instigation de Martial Merlin, le gouverneur Henri de Lamothe consolida cette politique, par l’envoi en 1893, à l’école franco-arabe de Tunis, des élèves les plus doués, issus de ce milieu aristocratique, pour y recevoir une formation complétant celle de l’École des Fils de Chefs et Interprètes, l’ancienne École des Otages, fermée en 1871 et ré-ouverte sous cette nouvelle dénomination en 1891 (Dramé 2016). L’objectif visé et exprimé dans les propos du gouverneur est d’avoir des agents autochtones de la colonie convaincus « … qu’il n’existe aucune incompatibilité entre leurs croyances et la science européenne et qu’ils pourront devenir les précieux auxiliaires […] d’une civilisation musulmane s’exprimant en français (Bouche 1975 : 353) ». A leur retour, ils furent placés à la tête des provinces issues du démembrement de leur pays d’origine.

L’allégeance des communautés paysannes à la confrérie et le refus d’obéir à la chefferie indigène patronnée par Merlin sont les éléments constitutifs du casus belli qui mena à l’exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Les sources internes de la Muridiyah ont largement documenté ce conflit opposant les talibés de la jeune confrérie à la chefferie indigène. Les débris de l’aristocratie défaite et soumise à la colonie harcelaient sans répit les disciples Murid, en l’occurrence les Cheikh qui diffusaient la nouvelle voie. Le Jazâ’u šakûr  de Cheikh Mousa Kâ rend compte de ces épisodes épiques dans l’affrontement (Diao Faye 1999).

« Dans la même année que Bamba fonda Mbaké-Bâri

Satan le mit en mal avec les Colons

En leur disant qu’il préparait une guerre sainte

C’est cette année-là que le Teigne Tanor dénonça les

Cheikh du Bawol pour détruire l’Islam

Il resta insignifiant devant Cheikh Babacar Thiargane

Serigne Mor Mané et Serigne Aliou Diouf

Ce jour-là, il les convoqua à la place publique de Lambaye

Et leur dit : Je vais vous défaire de vos « Laxasaay[4] » …

Les sommant : Séparez-vous de Cheikh Bamba

Sinon je vais égorger tous les Mourides ; il était complètement soûl

C’est Serigne Momar Mané qui lui fit cette réplique :

Tu mens nous irons à Touba »

A la crise politique s’ajoutait la déconfiture des mœurs. L’intensification des pratiques prédatrices exercées sur les paysans sans défense les poussa à chercher un mode de vie alternatif dans les nouvelles communautés en formation, dont la Muridiyah qui commençait à s’implanter solidement dans le Jolof et dans une moindre mesure dans le Bawol. Quelques membres des classes dirigeantes vaincues dans les luttes de faction trouvèrent refuge auprès des leaders confrériques qui les initièrent à un autre sens de la vie, en rupture radicale avec le modèle ceddo dans lequel ils avaient grandi.

Les nouvelles autorités choisies par la colonie au sein de l’aristocratie défaite avaient l’écoute et le soutien d’un personnage qui avait été le principal architecte du modèle d’administration mis en place après le démantèlement des États autochtones : Martial Merlin, directeur des Affaires politiques du gouvernement général, service mis en place suite à la création, en juin 1895, de l’Afrique occidentale française. Ce personnage était particulièrement disposé à réprimer tout groupe ou individu soupçonné de tentatives d’opposition à ses hommes de paille qu’il avait placés à la tête des provinces issues du démembrement des États sénégambiens désormais protectorats français. Ces agents subalternes indigènes, affublés du titre de chef supérieur, avaient en même temps la prétention d’être les héritiers de leurs ancêtres chassés du pouvoir par la colonie. Leur parrain Martial Merlin était particulièrement disposé à les épauler et à couvrir les brutalités et abus infligés aux populations. Le code de l’indigénat, institué en septembre 1887, donnait une base légale à son action.

L’administration indigène du Bawol oriental, soutenue par Merlin, poursuivit la politique de Tanor Dieng à l’égard des Mourides soumis à une stricte surveillance qui se mua très vite en une violente répression. Le personnel subalterne de l’administration locale avait rassemblé, à l’attention de son chef Martial Merlin, tout disposé à s’en servir, les éléments constitutifs du dossier qui permit de construire les chefs d’accusation contre Cheikh Ahmadou Bamba, figure du marabout subversif.

Ce temps de fin d’un monde interpelle alors les lettrés musulmans héritiers de plus d’un millénaire de présence islamique qui a marqué la plupart des sociétés de la région. Le défi était d’apporter une réponse efficace à la quête de paix et à l’angoisse métaphysique des populations plongées dans le désarroi.

Jusqu’ici, les lettrés musulmans avaient joué sur trois tableaux qui ont tous révélé leurs limites comme réponses aux nouveaux défis de ce temps. Ils sont nombreux à être restés attachés aux cours royales des États dynastiques ceddo pour y occuper des fonctions administratives ou judiciaires. Intégrés aux régimes, ils ont siégé dans les assemblées délibérantes de ces États en tant que représentants des communautés musulmanes. Ce faisant, ils ont été souvent amenés à justifier des politiques et légitimer des pratiques de l’aristocratie régnante contraires aux enseignements de l’islam.

Certains lettrés musulmans se sont mis au service de la colonie pour occuper des postes dans l’administration. Ils en ont tiré un statut social prestigieux les mettant à l’abri du besoin. En mettant leurs compétences et leur capital culturel et social estampillés islamiques au service la colonie, ils se sont aliéné la reconnaissance d’une bonne partie des musulmans du protectorat, en particulier celles des populations rurales désemparées par la conjoncture inédite et l’ampleur des turbulences sociales et politiques.

Quelques lettrés musulmans ont choisi la solution de l’appel au jihad contestant les pouvoirs dynastiques auxquels ils ont réussi à substituer des pouvoirs théocratiques. La violence inhérente à cette option la disqualifie auprès des communautés paysannes trop longtemps exposées aux conséquences des conflits armés pour le contrôle du pouvoir qui ne leur apportent que désolation et dénuement, sans parler du possible messianisme à l’œuvre dans cette option. Le jihad n’a pas manqué de donner naissance à des États aussi tyranniques et violents que les régimes dynastiques ceddo qu’ils ont défaits ou au pouvoir colonial qui les affronte et finit par les vaincre.

Une petite minorité de lettrés musulmans s’est alors mise à explorer une quatrième voie plutôt inédite dans la région. Tournant le dos à tous les pouvoirs établis, ils se sont mis à une lecture nouvelle des textes religieux sur lesquels ils se sont appuyés pour développer une critique radicale de ce monde en désordre, pour comprendre les racines du mal. Cheikh Ahmadou Bamba s’est révélé au cours des années 1880 comme le plus fécond et le plus déterminé de ces lettrés à proposer et vivre une alternative adossée sur une réforme totale qui ne laisse aucun aspect de la vie en l’état. Il prend une autonomie totale vis-à-vis de la voie Qadiriyah à laquelle son père l’avait initié pour fonder sa propre voie confrérique (Tariqa). C’était une première en Afrique de l’Ouest. Jusqu’ici les leaders religieux autochtones s’étaient toujours affiliés à des confréries fondées en Orient ou au Maghreb, principalement la Qadiriyah et la Tijanniyah.

Pour ce faire, le Cheikh a dû quitter Mbacké Kajoor et, après un bref passage à Mbacké Bawol,  il alla fonder Darou Salaam, village au toponyme emblématique de la solution qu’il se propose de déployer suivant les canons d’une lecture rigoureuse de l’islam, en s’extrayant par une logique hétérotopique du monde en décrépitude sous le contrôle des pouvoirs ceddo soutenus par des guides religieux plus préoccupés de prestige personnel et d’accès aux richesses matérielles. Il fonde alors une communauté nouvelle par le moyen de la formation, de l’éducation et de la pratique religieuse divorçant avec les usages de l’islam en cours dans la colonie et les espaces encore sous le contrôle des pouvoirs ceddo qu’il a radicalement refusé de servir.

1.2. La Muridiyah, une alternative intellectuelle et religieuse à la crise des sociétés sénégambiennes de la fin XIXe siècle

Ahmed Ben Mohamed Ben Abib Allah, plus connu sous les noms de Cheikh Ahmadou Bamba, Khadimoul Rassool ou Serigne Touba, a vu le jour vers 1852 à Mbacké-Bawol, village fondé par son arrière-grand-père Maharam Mbacké autorisé par Amary Ngoné Ndella (1790-1810), Damel-Teeñ (souverain) du Kajoor et du Bawol. La famille de Maharam Mbacké, bénéficiant des attentions de la classe politique de ces États, a entretenu ces liens. Balla Aysa Mbacké, le grand-père d’Ahmadou Bamba et son père Momar Anta Sali, ont perpétué l’héritage familial en inscrivant l’éducation de leurs enfants dans les mêmes traditions islamiques (Robinson 2004, Babou 2007, Sylla 2019).

Le jeune Ahmadou Bamba est d’abord confié à son oncle Tafsir Mbacké Ndoumbé qui l’initia à la lecture du Qur’an qu’il mémorisa très jeune. Son cursus scolaire est interrompu par la guerre sainte de Maba Diakhou Bâ qui, en 1860, pénètre dans les États du nord-ouest de la Sénégambie. La famille Mbacké, comme de nombreuses autres familles maraboutiques, émigre dans le Rip, sur injonction des jihadistes, en guerre contre les régimes ceddo et la colonie. Installé au village de Poroxaan Mame Mor Anta Sali Mbacké y dirige une école coranique qui compte les enfants de Maba Diakhou parmi ses élèves. En 1867, à la suite de la défaite de l’armée musulmane, Momar Anta Sali retourne à Patar (Kajoor) où il est nommé qadi (juge musulman) du royaume.

Le jeune Ahmadou Bamba, resté à Poroxaan, poursuit ses études auprès d’un cousin à son père. Au moment où sa mère est rappelée à Dieu, il est déjà fort avancé dans les études religieuses. Il rejoint son père au Kajoor où il consolide ses compétences à la lexicologie et à la versification auprès du fameux lettré musulman Majaxaté Kala, puis à la littérature et à la logique chez Mohamed ad-Daymani, un érudit maure.

Autour de ses vingt ans, Cheikh Ahmadou Bamba s’était déjà familiarisé avec les différentes branches du savoir religieux et de la science mystique. Toutes les sources concordent sur la précocité de ses performances académiques et de son orientation vers une vie spirituelle contemplative. Il ne manque pas d’adresser une vive critique aux marabouts qui sont ses contemporains, en des termes très durs :

« Car c’est un fait évident que la plupart des « Sheihs » de notre époque sont des fourbes, des coquins. Il y en a parmi eux qui ont une propension à dominer, cherchant sans scrupule à subjuguer les esprits par leur ascendant. Et cela sans savoir distinguer entre les obligations divines dites « fard » et les traditions prophétiques (dites « sunna ») Ces vilains rusés, se targuant de perfection et de sainteté, accablent les gens par leurs multiples et diverses relations »[5].

En 1881, date du rappel à Dieu de son père, il était déjà un fin lettré musulman, réputé pour son érudition, sa piété et sa distance vis-à-vis des pouvoirs établis. Poursuivant ses méditations soufies, il entreprit un voyage qui le conduisit à Saint-Louis et en Mauritanie pour visiter les grands centres de la Qadiriyah, dont il avait reçu le wird de son père et rencontrer les Cheikh les plus éminents de cette confrérie soufie. Des difficultés dans ses relations avec sa parentèle l’amènent à fonder à quelques encablures de Mbacké Bawol, le village de Darou Salam (La Demeure de la Paix), en 1886, puis Touba (La Félicité) en 1888-1889 (Sylla 2019 : 83).

Le caractère novateur de ses prises de position et son attitude radicalement critique à l’endroit des pouvoirs établis, politiques et maraboutiques, attirèrent à Cheikh Ahmadou Bamba les masses confrontées à la déliquescence des structures socio-économiques et politiques, au brouillage de leurs repères culturels et à l’autoritarisme et à la brutalité du régime colonial en mal de légitimité.

La localisation de ses villages dans des endroits relativement excentrés par rapport à l’espace colonial et sa popularité firent du Cheikh le suspect par excellence pour un ordre politique encore peu assuré de son autorité sur les populations plutôt attirées par les enseignements du fondateur de la Muridiyah.

Le 19 mars 1889, le Cheikh est signalé à l’autorité comme un marabout établi « … dans la forêt de Mbafar, entre Djolof, Baol et Cayor ». La direction des affaires politiques demande à l’administrateur du Kajoor de le soumettre à « une surveillance constante »[6].

Dès cette époque, sous l’impulsion de son disciple Cheikh Ibra Fall, les rapports avec ses adeptes prennent une tournure radicalement différente de celles traditionnellement établies entre maître et élèves de l’école coranique. Le maître d’école voit le nombre de ses disciples s’accroître en reconnaissance de sa piété, de sa sainteté et de son équité.

Inscrivant son action dans la ligne des mystiques soufis, instruit par son expérience des pouvoirs politiques traditionnels comme musulmans, Ahmadou Bamba ne cesse d’affirmer qu’il « n’avait besoin de rien en ce bas monde futile et périssable ». Le marabout aura beau protester que la guerre sainte dont on l’accuse n’a d’autres armes que les livres saints de l’islam et son chapelet, l’interprétation de son message et de ses pratiques d’une part par ses disciples et d’autre part par l’autorité coloniale conduit inexorablement à la confrontation. L’obéissance stricte de ses disciples aux ordres s’accommode mal avec les exigences des agents subalternes d’une administration coloniale soufrant de la fragilité de ses bases.

Dans un tel contexte, les marabouts qui prennent leur distance vis-à-vis du pouvoir voient leur prestige augmenter. Parmi eux, s’illustre Cheikh Ahmadou Bamba, dont la popularité grandissante, fait éclore une jalousie et un ostracisme croissant de la part des chefs de province ou de canton, agents de l’administration coloniale qui construisent au marabout la réputation d’être une menace à l’ordre public. Des mesures préventives sont alors envisagées par la colonie pour ne pas se voir reprocher de laxisme, ce qui, naguère, avait fait prospérer les jihads de El Hadji Oumar Tall, de Mamadou Lamine Dramé, celui de Maba Diakhou Bâ et d’Ahmadou Sheykhou, le Mahdiyanké. Le rapport accusatoire rédigé par Merlin et soumis au conseil privé chargé de statuer sur le sort de Cheikh Ahmadou Bamba ne laisse planer aucun doute sur les certitudes de son auteur quant au danger que constitue le leader de la nouvelle confrérie.

Pour Merlin, le marabout suivait les traces de ses prédécesseurs : Maba Diakhou Bâ, Ahmadou Sheykhou le Mahdiyanké, Mamadou Lamine Dramé, Samba Diama. Il presse le gouverneur de prendre la mesure urgente d’exiler Ahmadou Bamba : « … pour ramener le calme dans le Diambour, le Diolof et l’est du Bawol, pour ne pas mériter le même reproche de « tolérance excessive » que prononça Faidherbe au sujet de notre attitude à l’égard de Mamadou Lamine, en 1886, d’enlever Amadou Bamba non seulement à la région où son action se faisait le plus immédiatement sentir, mais du Sénégal même, et de l’interner au moins pour quelques années dans un pays éloigné, tel que le Gabon, où ses prédications fanatiques n’auront aucun effet »[7].

La réponse de Cheikh Ahmadou Bamba aux accusations de ses contempteurs reste inaudible aux oreilles d’une administration informée par une longue expérience des préparatifs de guerres saintes auxquelles elle a été plus d’une fois confrontée dans cette région. Le pouvoir colonial n’eut aucun mal à dresser un acte d’accusation nourri par les relations conflictuelles du marabout et de ses disciples avec les autorités locales. Les déplacements de Cheikh Ahmadou Bamba sont interprétés à Saint-Louis comme une stratégie de mise à profit de la déliquescence des pouvoirs du Kajoor, du Bawol et du Jolof pour y imposer à son profit une souveraineté musulmane.

Les éléments réunis constituent, pour les autorités coloniales, autant de preuves du projet subversif du leader religieux dont les supposés agissements, fabriqués de toute pièce, ne laissent aucun doute quant à ses intentions : achat d’armes, de munitions et de chevaux, soumission des soldats de Lat-Joor et du roi du Jolof à son ordre, adhésion à la Tijaniyah, confrérie par excellence des jihadistes du XIXe siècle.

A partir du 5 septembre 1895, Cheikh Ahmadou Bamba a enduré onze années d’exil — au Gabon (1895-1902) et en Mauritanie (1903-1907) —, vingt années de résidence surveillée au Sénégal — à Ceyeen (1907-1912) et à Diourbel (1912-1927). Déjouant le pronostic des autorités coloniales, les contemporains du Cheikh ont lu, dans ces années d’épreuves surmontées, la preuve de la puissance de sa baraka. Mus par différents mobiles, les uns en quête d’un guide spirituel, les autres à la recherche d’une alternative à l’insupportable situation coloniale, des éléments de tous les groupes sociaux sont attirés par ce marabout singulier par ses rapports avec les pouvoirs établis et par sa pratique religieuse et son éthique sociale.

Pour ses contemporains, ses disciples en tête, Cheikh Ahmadou Bamba a victorieusement affronté l’injustice et l’arbitraire du pouvoir colonial. La victoire est d’autant plus éclatante qu’elle est acquise sans armes autres que « la science et la crainte révérencielle du Seigneur ». Les capacités de Cheikh Ahmadou Bamba ainsi démontrées ont exercé une attraction exceptionnelle sur des masses d’hommes et de femmes pour qui, le saint homme est le détenteur de la puissance mystique apte à contenir les méfaits de l’intrusion coloniale et la rapacité des ceddo recyclés dans la chefferie indigène.

Sa popularité croissante inquiète l’autorité coloniale qui décide de l’exiler à nouveau en Mauritanie. Cheikh Ahmadou Bamba se met à la disposition de l’autorité le 13 juin 1903. Il est maintenu en résidence obligatoire à Saout-El-Ma (Mauritanie), chez Cheikh Sidiyya Baba, un des chefs spirituels de la Qadiriyah et ami de la colonie. Le résultat attendu de cet exil est d’amener le marabout à prendre exemple sur l’attitude accommodante des cheikh maures.

La ruée des disciples vers la Mauritanie écourte ce second exil du désert. En 1907, Cheikh Ahmadou Bamba est rapatrié et mis en résidence surveillée à Ceyeen (Jolof). L’afflux des pèlerins fut tel que l’administration dut agréer la demande exprimée par le marabout de s’établir à Diourbel.

A partir de ce moment, la colonie semble avoir compris, non sans quelques réticences et appréhensions, tout le parti qu’elle pouvait tirer de l’aura de ce saint homme qui ne demande qu’un champ et la paix pour se consacrer à Dieu. De son côté, Cheikh Ahmadou Bamba exhorta ses disciples à respecter l’autorité politique de la colonie. Les cheikh qu’il avait consacrés poursuivirent avec une remarquable efficacité le travail de mobilisation des disciples dans la dynamique économique de la confrérie largement investie sur les fronts pionniers du bassin arachidier. Les conditions de l’élaboration d’un modus vivendi avec l’ordre colonial étaient alors réunies.

En janvier 1912, Cheikh Ahmadou Bamba est transféré à Diourbel. Toutefois, il y est maintenu en résidence surveillée, « sans entrave à l’exercice de son culte ». En reconnaissance de la contribution des Murid à la formation des troupes de tirailleurs mobilisés au Sénégal pour défendre la France au cours de la Première Guerre mondiale, le 9 octobre 1918, il est élevé au grade de Chevalier de la Légion d’honneur. Il s’abstient de recevoir l’insigne qui avait la forme d’une croix, symbole du christianisme. En 1926, avec la communauté murid, il contribua à hauteur de 500.000 francs, à la défense du franc soumis à une forte pression inflationniste. On prend la mesure véritable de l’importance de cette somme en la comparant à celle d’autres contributeurs comme les puissantes compagnies du commerce colonial qui atteignait à peine la barre des 4000 francs.

1.3. Exil et quête de sens en temps d’incertitudes

Les archives coloniales nous donnent peu d’informations sur l’exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Ce silence relatif contraste avec l’abondance des sources internes de la confrérie. Les écrits du Cheikh, lui-même, ses biographies, les témoignages et chroniques oraux, l’iconographie murid rendent compte avec force détails de l’arrestation du marabout, du procès de Saint-Louis, des péripéties du voyage en mer, de la détention au Gabon et du retour. Dans ces sources, l’itinéraire de l’exil est une succession d’épreuves acceptées par Cheikh Ahmadou Bamba au terme d’un contrat le liant à Dieu pour la rédemption des hommes, le bénéfice de la rétribution divine promise aux compagnons du prophète (PSL) qui participèrent à la bataille de Badr en 624. La colonie devient alors un simple instrument de réalisation de la volonté de Dieu qui, par ce biais, cherchait à éprouver Cheikh Ahmadou Bamba.

L’arrestation du marabout, le 10 août 1895, à la plaine de Jewol, le passage à la gare de Louga, l’enfermement dans la cage aux lions du jardin d’essai de Saint-Louis, la prière dans le bureau du gouverneur lors de son procès devant le conseil privé, la détention dans une étroite cellule de la prison de Dakar, l’affrontement avec le taureau furieux, la prière sur l’océan, la confrontation avec les esprits maléfiques de l’île de Wirwir et à Mayombé (Gabon) sont parmi les plus populaires des lieux et événements, supports des mémoires populaires de la confrérie.

Les mémoires populaires de la confrérie retiennent que ces miracles se sont accomplis au cours de la confrontation avec un puissant ordre colonial qui avait fini de vaincre militairement ses adversaires et de soumettre à sa discipline les hommes de religion de ce temps-là.

Jusqu’à son exil au Gabon, Cheikh Ahmadou Bamba a résolument opté pour une distanciation vis-à-vis des pouvoirs politiques de son époque, consacrant son temps à l’éducation de ses disciples et à la quête de Dieu. Paradoxalement, son refus des honneurs du pouvoir et la critique qu’il développe contre les leaders religieux de son temps trop soumis aux pouvoirs temporels au point de dévier des recommandations divines constituent autant de ruptures qui, finalement, conduisent à l’émergence et à l’essor de la Muridiyah. Cheikh Ahmadou Bamba demeure la figure emblématique de la confrérie dont l’implantation dans l’espace colonial et l’organisation ont reposé sur les épaules de ses premiers disciples. Instruit par les maîtres les plus compétents de son époque, il s’est révélé un étudiant particulièrement doué. Toutes les sources concordent sur ses capacités d’assimilation dans les différentes branches du savoir religieux. Sa quête insatiable de savoir religieux et de révélations mystiques le conduit à entreprendre un voyage à Saint-Louis et en Mauritanie à la rencontre des érudits de cette époque.

La verve poétique dont il fait montre très précocement, avec l’écriture, en 1894, du Masaâlik-Ul Jinaan, un traité de 1562 vers, est mis au service de la quête mystique. Cheikh Ahmadou Bamba développe une critique radicale des savoirs de son temps qu’il juge incapables de conduire l’aspirant (Murid) à la lumière divine. Il chemine vers l’élaboration d’une voie de rupture avec les traditions scolaires de son époque. L’approche pédagogique nouvelle qu’il propose dans ses écrits est expérimentée à l’école de Mbacké Kajoor dirigée par son père.

En quête de Dieu par une autre voie, il a lu les fondateurs de la mystique islamique populaire et il versifie nombre d’ouvrages en prose d’Abû Ḥamid Moḥammed ibn Moḥammed al-Ghazālī (1058-1111), de Mohammed bin Ali Al-Sanoussi (1787-1859), d’Abdu Rahmân Al Ahdari (1512-1575), pour les rendre accessibles au plus grand nombre de disciples, avant la rédaction de son œuvre fondamentale sur la science mystique, le Massalik Al Jinân (Sylla 2019 : 74-75).

Il est demeuré fortement attaché à Abdul Qadr-al-Jilani, le fondateur de la Qadiriyah. Il pratique le wird de la Sadiliyah puis celui de la Tijaniyah. La rencontre avec les célébrités de la mystique soufie, lors d’une longue pérégrination entre le Sénégal et la Mauritanie entreprise après le rappel à Dieu de son père, n’assouvit point sa soif spirituelle. Il date la prise de son autonomie spirituelle et son rattachement immédiat avec le prophète de 1894 affirmant que « Son livre sacré est devenu mon wird ».

Probablement, c’est au cours de l’exil au Gabon qu’a eu lieu la maturation de son projet mystique avec l’expérience de sa capacité d’autonomie (Robinson 2004). Au même moment, ses lieutenants poursuivaient l’expérience de l’organisation et la consolidation de la communauté en construction. Dès cette époque, l’éthos social de la Muridiyya est constitué et l’intégration dans les logiques économiques de son temps fort avancée. Les bases matérielles et spirituelles de la création de la confrérie sont alors largement consolidées. A son retour au Sénégal, Cheikh Ahmadou Bamba trouve une communauté que les Cheikh qu’il a consacrés ont développée, par leur travail, avec une efficacité remarquable. L’attraction qu’il continue d’exercer sur des foules a dû jouer sur la décision de consacrer la naissance de la confrérie. 

Pour donner cohérence et efficacité à sa communauté, Cheikh Ahmadou Bamba institutionnalise le modèle de formation des hommes initié depuis l’école de Mbacké-Kajoor prenant en charge aussi bien l’instruction que la formation de la personnalité à s’intégrer dans une communauté spécifique, celle des aspirants ou Murid. Cette orientation passe alors par une révolution pédagogique rompant avec l’accès formel au savoir, au profit de l’acquisition d’une méthode d’ascension vers le divin. L’identité communautaire se forge dans la mise en œuvre d’une nouvelle discipline avec des comportements et attitudes spécifiques. Impulsé par Cheikh Ibra Fall, le plus populaire disciple d’Ahmadou Bamba, se met en place un type d’autorité empruntant nombre de ses éléments au modèle hiérarchique wolof fécondé par les canons idéologiques soufi.

Dans le système ainsi constitué, l’éducation des aspirants vise à former des érudits mais aussi à doter la confrérie de cadres sociaux chargés de diffuser un modèle comportemental fait d’abnégation et de soumission à l’autorité incontestable des guides.

La communauté en train de se constituer reçoit des adeptes de tous âges, venant des milieux sociaux les plus divers. Pour la doter d’un minimum de cohésion, il fallut assurer leur socialisation en prenant en compte ces diversités. Le modèle mis en œuvre comportait trois étapes : la tarbiya (éducation de l’âme), la tarqiya (élévation de l’âme) et la tasfiya (ascension vers la purification de l’âme). Au-delà de la soumission (islam), il s’agit de gravir les échelons qui mènent à l’ascèse, au dévouement (imaan), et mieux au don de soi (ihsaan). L’éducation reçue participe à l’intériorisation de l’identité confrérique. Cet enseignement, qui ne sépare jamais l’énoncé doctrinal du culte du travail, expose une vaste typologie de règles de politesse (adab) fondées sur la notion d’héritage prophétique. Il illustre avec précision les étapes et les épreuves redoutables du voyage spirituel. Mais si cet itinéraire est d’abord une élévation vers Dieu, il ne trouve son accomplissement que dans le retour vers les créatures, faisant ainsi du disciple un exemple parfait de la synthèse entre le spirituel et le temporel.

En 1917 déjà, plus de 500 Cheikh Murid sont chargés de la diffusion du modèle dans les différentes régions du Sénégal. La doctrine enseignée est une combinaison entre savoir formel et activités agricoles ; elle laisse percevoir l’influence pédagogique de Mame Thierno Birahim, Serigne Mbacké Bousso, Serigne Dame Abderrahmane Lô, mais adopte aussi la discipline, le culte du travail et la simplicité qui proviennent de Cheikh Ibra Fall, quarantième disciple de Cheikh Ahmadou Bamba.

Né vers 1858 dans une famille aristocratique, lettré musulman, Cheikh Ibra Fall est parti, selon la tradition murid, vers une longue pérégrination, à la quête d’un maître de la dimension d’Ahmadou Bamba. La rencontre entre les deux hommes eut lieu à Mbacké Kadior en 1883. Conformément à la tradition des disciples soufis éteints dans leur cheikh (fana’), l’aspirant Cheikh Ibra parcourt sans relâche plusieurs localités (Saint-Louis, Ndande, Dakar, Thiès, à Diourbel, et Kébémer), en s’adonnant à l’agriculture, au commerce et à l’immobilier, accompagné de ses milliers de disciples. Il fonde les villages de Kawsara Fall et Médina Fall dans les environs de la ville de Thiès et s’y installe en résidence permanente à partir de 1911. 

La Muridiyah de Cheikh Ahmadou Bamba résulte de sa décision prise de fuir un monde rendu invivable par la décrépitude de ses valeurs et ravagé par les effets dévastateurs de la traite atlantique des esclaves et de la mainmise coloniale sur la Sénégambie. Aucune des solutions de sortie de crise dont il a fait l’expérience dans sa jeunesse — guerres saintes islamiques, résistances des pouvoirs dynastiques, intrusion coloniale — ne donnait satisfaction au lettré qu’il était, nourri par les textes des penseurs soufis. Paradoxalement, cette volonté de sortir du monde a produit l’effet contraire, attirant à sa suite une masse considérable d’individus en quête d’un guide spirituel.

La communauté qui se constitue ainsi, à la fin d’un siècle de troubles, a bâti sa cohésion dans la construction d’une mémoire de rupture et d’une culture de la distance qui lui permet d’imprimer son empreinte sur son environnement. Ses leaders ont interprété avec efficacité les nouvelles donnes politiques et économiques pour trouver un modus vivendi avec le pouvoir temporel sans aliéner l’autonomie religieuse, spirituelle et cultuelle de leur communauté. Le fondateur de la confrérie est ainsi devenu l’une des figures emblématiques de la résistance culturelle et non violente à la domination coloniale et le refuge de tous ceux qui, déboussolés par les turbulences politiques et sociales, cherchent refuge auprès d’un maître pour donner sens à leur vie. Son rappel à Dieu survenu le 19 juillet 1927 n’a pas freiné le déploiement de la confrérie.

La stratégie de front pionnier consistant en l’implantation de daaras (camp de travail et d’éducation de jeunes disciples sous la conduite de représentants adultes du cheikh initiateur) dans le bassin arachidier sénégalais a assuré la consolidation de l’implantation et de l’expansion de la confrérie. La construction de la monumentale mosquée de Touba et de nombreux autres édifices, la stabilisation de son leadership assuré par les khalifes généraux qui se sont succédé jusqu’à nos jours en sont les principaux indicateurs[8]. Ceux-ci ont réussi à maintenir la cohésion de la Tariqa, à renforcer ses institutions sociales, religieuses et cultuelles, en dépit de multiples adversités et autres contraintes. La grande mosquée de Touba et ses infrastructures annexes, l’aménagement de la ville sainte, la célébration des événements marquants de l’histoire de la confrérie, en particulier le grand Magal du 18 Safar du calendrier lunaire marquant le départ d’exil du Cheikh, l’expansion économique, les migrations dans le pays d’abord puis à l’international, sont autant de moments marquants du développement de la confrérie bien encadrés, par les khalifes généraux et les Cheikh de la confrérie.

1.4. La Muridiyah : une confrérie soufi planétaire

La Tariqa née dans le Bawol oriental à la fin du XIXe siècle a connu un développement spectaculaire qui en a fait une communauté religieuse présente à l’échelle des cinq continents. Avec un environnement moins hostile, les daaras, plus qu’une école, un camp de travail et d’éducation des jeunes disciples, ont essaimé dans tout le front pionnier du bassin arachidier avant de se transformer en Daaru (village) au bout d’un temps de maturation qui peut couvrir une décennie. Dès les années 1950, les centres urbains du pays sont également investis. Les disciples se font une place dans l’économie informelle d’où certains leaders se détachent pour devenir de véritables entrepreneurs, des capitaines d’industrie. La crise de l’économie arachidière des années 1970 accélère ce processus d’investissement des villes et démarre les migrations internationales des disciples murid.

L’exil du fondateur de la confrérie dont les mémoires ont été restituées par Cheikh Moussa Kâ, dans un poème de 580 vers, inspirent les disciples murid dans leur déploiement planétaire. La référence idéologique des disciples reste très largement informée par le parcours de Serigne Touba. Ils se sentent investis d’une mission : réussir économiquement pour assurer le rayonnement de la communauté. Supporter les privations, endurer les difficultés et affronter quotidiennement les aléas de la vie à l’extérieur pour arriver à construire un micro-univers calqué sur les valeurs que prône l’idéologie murid. Le disciple reste convaincu que par la force de sa foi, Serigne Touba a hissé haut le flambeau de l’homme africain. Les Murid ne peuvent pas faire moins que s’inscrire dans cet itinéraire. Replacé dans les circonstances de sa naissance et de son développement, la Muridiyah est alimentée par une idéologie qui évolue vers un modèle de réussite économique et sociale dont les résultats sont partout visibles au Sénégal.

Toute cette dynamique est relativement bien structurée. Quel que soit l’éloignement de la localité où il se trouve, le Murid n’est jamais seul ; tout ce qu’il fait se réfère à une idéologie de groupe. Jouant le rôle de centres culturels et d’associations, les dâ’ira, autour desquels se rencontrent souvent les fidèles, se structurent surtout autour de la solidarité entre les émigrés, d’une part, et entre les émigrés et ceux qui sont restés au pays, d’autre part. Dans le cadre d’un Islam confrérique, elles perpétuent un modèle qui insiste sur les objectifs suivants : se rassembler, travailler et ne pas oublier les devoirs religieux ni rompre avec Touba, le foyer originel. L’entraide est fondamentale dans ce milieu ainsi que le montrent, dans le monde, les nombreuses maisons construites et baptisées Keur Serigne Touba ou, tout simplement, Keur Serigne-bi. Ce déploiement, référé à la capitale des Murid, autorise à parler de diaspora au sens premier du vocable.

A partir du référentiel que constitue Touba, la plus sainte des villes de la confrérie, répliquée à l’échelle de la planète, et se conformant partout où il se déploie aux exigences du lieu qui l’accueille le Murid en mobilité n’en perd pas pour autant son identité. Au quotidien, il gère ingénieusement la tension entre la fidélité aux valeurs fondatrices de la confrérie et les exigences d’une accommodation à son environnement, pour en tirer les opportunités dont une bonne partie des ressources générées retournent à Touba et participent à la construction toujours inachevée du lieu, à l’entretien de ses lieux de mémoire, de ses monuments et à la grandeur des événements commémorant la trajectoire de la confrérie et ses figures emblématiques.

Touba s’érige ainsi comme l’alpha et l’oméga, la source de référence des disciples qui reprennent chacun, à sa manière, le périple du Cheikh : partir de Touba à la conquête du monde par la voie soufie sur des chemins difficiles mais éclairés par le divin, et revenir à Touba, la dernière demeure, auréolé de gloire. La frontière toujours repoussée plus loin a fini par édifier une tariqa rendue planétaire par sa diaspora où les disciples transportent avec eux, sous des formes et des supports divers et variés, les mémoires, le patrimoine et les figures emblématiques de la confrérie. Pour ainsi dire ils sont chacun un musée en miniature de la confrérie. A quelle nécessité répond alors celui à édifier à Touba ?

1.5. Chronologie de la vie de Cheikh Ahmadou Bamba (c.1852-1927)

c. 1852Naissance.
1865  Installation dans le Rip avec ses parents.
1888-1889 Fondation de Touba.
1893Pratique du wird Tijaniyya.
1894Autonomie spirituelle de Bamba.
Mars 1895Fondation de Touba-Jolof.
10 août 1895Arrestation à Jewol.
5 Septembre 1895Décision d’exil au Gabon prise par le Conseil privé du Sénégal.
21 Septembre 1895Départ d’exil pour le Gabon.
11 Novembre 1902Retour au Sénégal.
19 Juin 1903Exil à Saout-El-Ma (Mauritanie).
Avril  1907Résidence surveillée à Ceyeen (Jolof-Sénégal).
15 Janvier 1912Résidence surveillée à Diourbel (Sénégal).
28 Avril 1916Nomination au Comité Consultatif des Affaires musulmanes.
Janvier 1919Élévation au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur.
Novembre 1925Demande d’autorisation de la construction de la mosquée de Touba.
19 Juillet 1927Rappel à Dieu à Diourbel et inhumation à Touba.

RÉFÉRENCES

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BABOU Cheikh A. Mbacké, 1997, « Autour de la genèse du mouridisme », Islam et Sociétés au Sud du Sahara, 11 : 5-37.

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Sylla, Khadim, 2019, Mouridisme et migration, Dakar, PUD, 372 p. 


[1] Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Masaâlik-Ul Jinaan (Les Itinéraires du paradis), Document imprimé, Traduit par Serigne Same Mbaye, sdnl, vers n° 45 à 49, p. 7.

[2] Archives du Sénégal, 3E/55, procès-verbaux des délibérations du Conseil privé du Sénégal, du 19 juillet 1894 au 9 décembre 1896, fol 253-256. On peut également consulter une copie du rapport dans l’ouvrage d’Oumar Bâ 1982.

[3] Archives du Sénégal, 3E/55, procès-verbaux des délibérations du Conseil privé du Sénégal, du 19 juillet 1894 au 9 décembre 1896, fol 253-256. On peut également consulter une copie du rapport dans l’ouvrage d’Oumar Bâ 1982.

[4] Laxasaay : Morceau d’étoffe attaché autour de la taille en guise de ceinture. C’était le symbole de l’acte d’allégeance du talibé prêt au travail et à toutes sortes d’endurance (notamment la faim et la fatigue).

[5] Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Masaâlik-Ul Jinaan (Les Itinéraires du paradis), Document imprimé, Traduit par Serigne Same Mbaye, sdnl, vers n° 1434 à 1437, p. 117.

[6] Archives du Sénégal, 3B/54, fol 46, cité par Ba (1982 : 25).

[7] Archives du Sénégal, 3E/55, procès-verbaux des délibérations du Conseil privé du Sénégal, du 19 juillet 1894 au 9 décembre 1896, fol 253-256.

[8] Se sont succédé au Khalifat général Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké (1927-1945), Cheikh Mouhammadou Fadilou Mbacké (1945-1968), Cheikh Abdoul Ahad Mbacké (1968-1989), Cheikh Abdou Khadr Mbacké (1989-1990), Serigne Saliou Mbacké (1990-2007), Cheikh Mouhammadou Lamine Bara Mbacké (2007-2010), Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké (2010-2017), Serigne Mountakha Mbacké Bassirou (2017).

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