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Par Khadim Ndiaye, philosophe - Genève


Cet article a été écrit avant la crise des banlieues en France et la parution de l'ouvrage de Claude Ribbe, « Le crime de Napoléon » qui a provoqué un vaste tollé . Ce sont deux événements majeurs qui ont eu un impact dans la manière d'appréhender « l'enjeu des commémorations » en France. Nous avons voulu le laisser tel quel en ce qu'il permet de comprendre le passé immédiat de ces événements.

Depuis quelques années la question de la traite négrière et de l’esclavage occupe une place de plus en plus grande au sein des débats politiques, surtout en France et aux Etats-Unis. Plusieurs ouvrages sont consacrés à son sujet et des associations se mettent en place, ça et là, qui en font l’objet de leur requête. C’est dans un tel contexte qu’est paru aux éditions Gallimard, l’ouvrage de l’historien français Olivier Pétré-Grenouilleau intitulé Les Traites négrières (avec comme sous-titre Essai d’histoire globale).

L’usage du pluriel pour parler de la traite est très révélateur du propos de l’auteur qui se propose de passer en revue, chiffres à l’appui, toutes les traites négrières, atlantique (entendons occidentale), orientale (arabe), et intra-africaine. Les deux dernières, selon l’auteur, ayant fait autant de victimes que la première. Si l’ouvrage a été décrié par certains (par exemple par le Collectif des Antillais et par le philosophe Louis Sala-Molins), il a été salué par beaucoup d’autres (le premier ministre français de Villepin, entres autres).

Pétré-Grenouilleau a même été consacré par le Sénat qui lui a décerné son prix d’histoire le 11 juin 2005. Le lendemain (12 juin), l’auteur a tenu des propos dans le Journal du Dimanche (JDD) qui semblent en dire long sur les motivations politiques de son travail. En effet, répondant à une question sur l’antisémitisme de l’humoriste Dieudonné, Pétré-Grenouilleau réplique que cela dépassait son cas. « C’est aussi le problème, dit-il, de la loi Taubira qui considère la traite des Noirs par les Européens comme un crime contre l’humanité, incluant de ce fait une comparaison avec la Shoah. Les traites négrières ne sont pas des génocides. La traite n’avait pas pour but d’exterminer un peuple.

L’esclave était un bien qui avait une valeur marchande qu’on voulait faire travailler le plus possible. Le génocide juif et la traite négrière sont des processus différents. Il n’y a pas d’échelle de Richter des souffrances. » Pour mémoire, rappelons que la Loi Taubira (de la Députée d’origine antillaise Christiane Taubira Delannon) demandant la reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité a été adoptée en 2001.

Cette loi n’a visiblement pas fait que des contents. En février 2005, comme pour amoindrir les effets de la Loi Taubira , une autre loi a été votée dont la visée était de faire inclure dans l’enseignement de l’histoire les bienfaits de la colonisation. Et, tout récemment, le Député européen et président de la LICRA Patrick Gaubert a refusé de s’associer à la démarche de deux Députés Bernard Lehideux et Marielle de Sarnez visant à faire reconnaître la traite au niveau européen et précisément par les principaux pays impliqués dans le crime de la traite négrière et de l’esclavage.

En toile de fond ces différents événements, se trouve, à n’en pas douter, l’opposition holocauste juive-esclavage des Noirs. Pour certains, surtout des Juifs (depuis Elie Wiesel et E. Fackenheim qui ont introduit la notion de Shoah), l’extermination des Juifs a un caractère unique et ne saurait être assimilée à aucun autre génocide. La Loi Gayssot votée en France en 1990 a contribué en grande partie à cet état de fait en réservant le terme de « négationnisme » à la seule contestation du crime perpétré par les nazis à l’égard des Juifs.

Pour d’autres (surtout des Noirs) par contre, en donnant une place de choix au génocide des Juifs, l’on opère une échelle, une hiérarchisation des souffrances et l’on ferme la porte de la reconnaissance aux autres génocides. C’est l’opinion soutenue, par exemple, par l’intellectuel l’Africain Américain Ali Mazrui : « Le terme grec « Holocauste » […] devrait être une métaphore générique et partant s’appliquer à d’autres peuples et à d’autres atrocités que celles commises par les nazis. Le terme dérivé du grec « Holocauste » ne doit pas être restreint à sa signification judéocentrique ni réservé à la seule expérience juive. Les enfants américains doivent savoir que le génocide est un événement fondateur de la nation américaine. L’holocauste a commencé chez nous, ne l’oublions pas ! » (cité par Jean-Loup Amselle dans son ouvrage Branchements, Flammarion, 2001, p. 217.).

Une telle situation qui a tout l’air d’une « guerre » de communautés (Noirs contre Juifs) a fait dire à certains qu’il y avait une « Concurrence des victimes » (c’est le titre du livre de J.-F. Chaumont publié aux éditions La Découverte en 1997.) voire, en ce qui concerne la France , d’une « République de victimes». Une illustration parfaite de cette situation est le tollé qui a suivi la parution du livre du journaliste Moni Bilé Noirs dans les camps nazis qui fait montre d’une présence de Noirs dans les camps d’extermination nazis.

L’ouvrage de Bilé a subi aussitôt les assauts de trois historiens, Joël Kotek, Tal Bruttman et Odile Morisseau qui ont publié un article collectif au journal Le Monde ( du 20 mars 2005) , article recommandé d'ailleurs par le Café pédagogique, un site Web visité surtout par des enseignants. Il a fallu l’intervention de l’avocat de Bilé pour que son droit de réponse fut publié! L’ouvrage qui était d'ailleurs en passe de remporter le prix France Télévisions fut recalé, certains intellectuels, de l’avis de Bilé, tels que l’historienne Annette Wievorka, y voyant une propagande pour les Noirs.

L’affaire a été porté devant la justice, Bilé ayant chargé son avocat de porter plainte contre France-Télévision pour avoir faussé les résultats de son Prix littéraire. Dans le même ordre d’idées, un intellectuel juif aussi renommé que le philosophe Alain Finkielkraut s’est fait remarqué en déclarant sur les ondes d’une Radio (RCJ) que les Martiniquais étaient des assistés et que la créolité portait la haine de la France et de l’Etat d’Israël.

Le philosophe s’est excusé depuis mais ses propos illustrent encore une fois l’état des relations cahotiques entres Juifs et Noirs. Cette situation a empiré avec la pétition contre le racisme anti-Blancs lancé par l’Hachomer Hatzaïr et Radio Shalom (organisation et média communautaires juifs) à la suite des événements malheureux qui ont émaillé les manifestations de lycéens à Paris le 6 mars dernier.

Notons au passage que l’expression de « racisme anti-Blancs » rappelle l’accusation de « terrorisme anti-Blancs » proférée, jadis, contre le mouvement Mau-Mau (groupe révolutionnaire qui mena une guerre de libération contre le régime colonial anglais) et, celle de « raciste anti-Blancs » jeté, tout récemment, à la face du président Mugabe du Zimbabwe. C’est Luc Bronner, journaliste au Monde qui avait lancé l’alerte dans un article publié dans Le Monde du16 mars 2005 en avançant que les lycéens ont été agressés, non pas pour être dépouillés de leurs biens, mais parce qu’ils étaient blancs.

L’Appel contre le racisme anti-Blancs a suivi et, il n’est pas inutile de souligner qu’il a été signé en premier, entres autres, par Alain Finkielkraut et d’autres personnalités telles que Elie Chouraqui, Bernard Kouchner, Pierre-André Taguieff, etc. Doit-on s’avancer à croire qu’en France, des intellectuels affichant des prétentions universalistes se « communautarisent » (un terme à la mode) de plus en plus ? La revendication de l’appartenance identitaire primerait-elle pour certains sur leurs prétentions humanistes ? les récents événements le laisse, en tout cas, penser.

Mais heureusement qu’il se trouve encore des intellectuels qui savent encore raison garder. Tel est le cas de l’historienne Ester Benbassa (de l’Ecole pratique des hautes études à Paris), qui dans un entretien accordée au journal Libération du samedi 26 mars, après le lancement de la pétition sur le racisme anti-Blancs, tente de faire la part entre histoire et mémoire, en soutenant non sans raison que : « Cette pétition peut cristalliser le racisme en veille et créer un affrontement Blancs-Noirs qui n'existe pas réellement en France, où l'on est plus travaillé par les questions de l'islam et de la colonisation. On va se retrouver non pas avec un débat, mais avec des camps qui s'affrontent. Au lieu de créer des compétitions de victimes et de coupables, on devrait plutôt reconstruire la mémoire française autour de l'esclavage et de la colonisation et cesser de raconter aux écoliers que la colonisation a été voulue pour apporter de la culture : »