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Jean-Louis Sagot-Duvauroux : « Finkielkraut entérine sans détour une vision racialisée de l’appartenance à la nation française »
Propos recueillis par Gorgui.W.NDOYE,
directeur
de publication
Photo: fondationolivier.com | Aux jeunes africains et maghrébins de France, taxés de racistes anti – Blanc, Mc Solaar disait à ContinentPremier en termes prophétiques : « Nous leur demandons d’être sereins, de poursuivre leurs études, d’être posés, analytiques.. » ( notre édition de septembre). Ces jeunes dont les parents ont sauvé la France qui a failli être radiée de la carte du monde par Hitler. On se demande où étaient les parents de Finkielkraut.Ce dernier explique tout à travers l’ethnie et la religion. Ses ennemis sont les Noirs, les Arabes et l’Islam. |
Nous vous disions qu’il était un raciste. Pire c’est un opportuniste. Heureusement, certains Journaux français ont commencé à débusquer la vraie nature de cet homme dangereux, adepte du choc des civilisations. Pour sa part Doudou Diène, rapporteur de l’ONU pour la lutte contre le racisme disait que « Finkielkraut mélange tout » et dénonçait « l’irrationalité de certains arguments comme ceux de Alain Finkielkraut ». Français à la peau blanche, père d’un métis, marié à une malienne, auteur de son Etat, Jean-Louis Sagot-Duvauroux constate la dérive de cet intellectuel trop médiatique qui « entérine sans détour une vision racialisée de l’appartenance à la nation française». Lire cet entretien
Votre pays vient de connaître ce qu'on a appelé la crise des banlieues. Comment expliquez vous cette crise?
« Des jeunes, presque des enfants ont exprimé leur révolte contre des injustices, des humiliations ravageuses et bien réelles. Ils l’ont fait en ravageant leurs propres conditions d’existence et les biens de ceux avec qui ils vivent. C’est une vieille histoire qui revient. Celle des paysans en jacquerie brûlant par désespoir les récoltes dont chacun se nourrit. Celle des canuts de Lyon, fracassant leurs machines prises pour des ennemies. Celle, récente, d’ouvriers licenciés menaçant d’empoisonner leur rivière. On peut y lire une révolte de la citoyenneté défaite. L’absence de perspective collective fait imploser les solidarités les plus immédiates : « Tant pis pour mes potes de l’équipe de basket dont j’ai brûlé le gymnase ; tant pis pour mes voisins dont la voiture en feu devient mon faire-valoir.». Il y a urgence à construire un « nous » capable de décourager autant que possible les fureurs qui détruisent ceux qui s’y abandonnent et empoisonnent l’existence des autres, un « nous » dont chacun de nos enfants puisse se sentir vraiment citoyen ».
Certains intellectuels, en l'occurrence Alain Finkielkraut, parlent de source ethnico religieuse, partagez-vous son avis?
« L’interprétation d’Alain Finkielkraut traduit une méconnaissance ahurissante de ce qui se passe dans la vie concrète de ceux de nos enfants qui ont une ascendance familiale dans les anciennes colonies. Même quand leurs parents sont Algériens ou Maliens, ils sont comme happés par la civilisation française. C’est dans la langue française que se construit leur esprit, c’est dans une perspective française que s’organise leur existence, qu’on le veuille ou non. Et cela, même si bien des confusions troublent la perception qu’ils se font de leur francité.
Sans s’écarter d’un pouce des préjugés les plus communs, Finkielkraut entérine sans détour une vision racialisée de l’appartenance à la nation française et il le fait avec une espèce de naïveté de comptoir qui en dit long sur le chemin qui reste à faire si l’on veut dépasser vraiment le colonialisme. Si plusieurs décennies après Franz Fanon, des intellectuels français en sont encore là, il y a vraiment du souci à se faire. Et on comprend que certains de nos enfants doutent qu’ils puissent être un jour reconnus dans leur francité. »
Quelle intégration pour quelle République proposez-vous à la France?
« Appliquée à de jeunes Français que leurs ascendances familiales relient aux anciennes colonies, la notion d’intégration revient à leur dénier qu’ils font de droit partie du peuple souverain et qu’ils ont de ce fait la responsabilité de façonner le pays. Au fond, derrière cette notion et son environnement idéologique, il y a comme le rétablissement du bon vieux statut colonial de « sujets français ».
Les sujets doivent mériter l’amour de leur souverain en faisant de lui leur modèle. Au temps des colonies, ils devaient « se civiliser ». Leurs enfants sont sommés de s’intégrer. Nous devons ouvrir une nouvelle phase de l’histoire républicaine qui tienne compte du peuple tel qu’il est, c’est à dire relié de mille fils aux anciens peuples dominés.
Il y a désormais urgence à solder la guerre de Cinq cents ans engagée par le monde occidental contre le reste de la planète et qui a abouti à l’actuel désordre mondial. La forte présence, dans la jeunesse française, de garçons et de filles que leurs corps ou leurs noms identifient aux pays conquis est un atout formidable pour dépasser enfin cette histoire et pour engager une vraie mondialisation des relations humaines. Avec des amis, je suis en train de créer l’association « Familles Nord Sud » dont l’objectif est de donner une voix à cette réalité nouvelle, qui nous unit de façon dynamique et positive à saute mouton par dessus la frontière Nord Sud » ( Ndlr - Voir par ailleurs l’appel et la réunion qui aura lieu le 15 décembre à Fontenay Sous – bois).
Votre livre « On ne naît pas Noir, on le devient », n'annoncait - il pas dejà cette crise?
« Il en donne, je crois, quelques clefs. Je me suis penché attentivement sur la vie de ceux de nos enfants qui sont désignés comme des Noirs. C’est d’ailleurs le cas de mon fils, puisque ma femme est malienne. Je peux vous garantir qu’il ne lui sera pas facile de comprendre que la couleur de peau des membres de l’équipe de France puisse « faire rigoler toute l’Europe », comme l’indique, se faisant complice de ce rire, le philosophe Finkielkraut. Beaucoup des gens qui ont lu « On ne naît pas Noir, on le devient » m’indiquent que ce livre les aide concrètement à bouger sur ces questions si cruciales pour notre société. Il n’y a pas pour moi de plus beau compliment ».
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