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« Le Tribunal d'Arusha se trouve à l'avant-garde d'un nouveau système de justice pénale internationale »
M. ADAMA DIENG, Sous –
secrétaire général des Nations – Unies, Greffier
du Tribunal pénal international du Rwanda
Par Mame Seynabou Sall ( Stagiaire) et EGWN Monsieur le Greffier, le TPIR parvient - il à remplir les missions qu'il s'est donné d'accomplir ? « Votre question est pertinente pour plusieurs raisons. Beaucoup de personnes, au lieu de regarder le travail quotidien de l'institution se contentent de raconter des contre vérités. |
Depuis qu'il a commencé à siéger vers la fin de l'année 1995, le Tribunal d'Arusha se trouve à l'avant-garde d'un nouveau système de justice pénale internationale : il traduit en justice des individus qui, alors qu'ils exerçaient le pouvoir, ont commis des crimes massifs contre les droits de l'homme. A l'heure actuelle, quatorze ministres du gouvernement intérimaire de 1994 au Rwanda sont en détention au Tribunal, ainsi que des commandants militaires de haut grade, des hauts fonctionnaires de l'administration centrale et régionale, des hommes d'affaires importants, des responsables religieux, des journalistes, des intellectuels et d'autres personnes influentes.
Un rapide bilan de l'activité judiciaire du TPIR, depuis sa création en 1994, permet de mettre à son actif : 70 arrestations, 28 détenus en procès, 17 détenus en attente de procès, 8 condamnés en attente de transfert, 7 détenus en appel, 3 acquittements, 2 libérations conditionnelles, 1 personne décédée, nombre d'accusés dont les procès sont terminés sont au nombre de 26, 19 jugements rendus. Actuellement 58 personnes sont détenues à Arusha et 6 condamnés purgent leur peine au Mali. Le TPIR a apporté des développements substantiels aux instruments de Genève.
L'Affaire Akayesu -Akayessu Jean-Paul ICTR-96-4, bourgmestre de Taba, Condamné à la prison à vie et il purge sa peine au Mali depuis décembre 2001 est entrée définitivement dans l'histoire en retenant la position audacieuse que le viol pouvait être un moyen de commission du génocide et que le meurtre de 16 personnes peut entraîner la qualification d'extermination . L'avenir nous dira si le Jugement Akayesu fera jurisprudence. Les décisions subséquentes, notamment celles du TPIY semblent être plus exigeantes en subordonnant l'existence de l'extermination à un nombre substantiel ou considérable de morts..
Le TPIR malgré des débuts difficiles, joue à présent pleinement son rôle et mérite par conséquent autre chose que la mauvaise publicité que certains ont été prompts à lui faire ».
Quels sont les obstacles au respect de la justice dans ce pays et donc à sa reconstruction ?
« Je vous informe que le Tribunal pénal international pour le Rwanda n'a présentement aucun contentieux avec les autorités rwandaises. Nous avons eu, dans le passé, quelques problèmes de coopération. Sans leur coopération, il sera difficile pour le TPIR de gagner la croisade contre l'impunité. Mais à l'heure actuelle les relations du TPIR avec les autorités rwandaises sont excellentes.
Je ne cesse de demander à la Communauté Internationale d'appuyer et de soutenir les projets de reconstruction du Gouvernement rwandais, car les séquelles du génocide sont toujours présentes. A différentes occasions, j'ai demandé à la Communauté Internationale de soutenir les autorités rwandaises dans le processus de réconciliation nationale. J'appuie les juridictions du « Gacaca » expérimentées au Rwanda. Ces juridictions particulières ne sont pas concurrentes des activités judiciaires du TPIR, elles sont complémentaires.
Je pense que ces juridictions particulières peuvent accélérer le processus de la réconciliation nationale au Rwanda. Il est vrai que sans une mobilisation de la communauté internationale, la reconstruction du pays prendra plusieurs décennies ».
La justice internationale parvient-elle à apaiser les maux d'une société rwandaise meurtrie ? Donne -t-elle un réel soulagement aux victimes ?
« Je pense profondément que la répression des criminels marque une étape majeure dans le long processus de la réconciliation nationale au Rwanda. Au TPIR, l'article 21 du Statut du TPIR prévoit des droits indifféremment aux victimes et témoins, tout en renvoyant pour leurs modalités pratiques au Règlement de procédure et de preuve. Ce dernier, dans le sillage du Statut prévoit en son article 34 la création auprès du Greffier d'une Section d'aide aux victimes et aux témoins et garantit indistinctement un certain nombre de droits à ces deux catégories de population. La protection vise particulièrement à fournir aux victimes et aux témoins l'assistance nécessaire à leur réadaptation physique et psychologique. Une mention particulière est faite aux victimes de viol et de violences sexuelles, qui doivent pouvoir bénéficier d'une protection adaptée. L'article 75 du Règlement de procédure et de preuve organise d'une manière plus précise les mesures destinées à assurer la protection des victimes et des témoins.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a développé un programme de soins pour les témoins touchés par le VIH. Ce programme permettant un accès facile aux traitements anti-rétro viraux et psychothérapie durera cinq ans (60 mois) (2004-2008 inclu). Le coût estimatif est de $2,237.089.00. Notre institution a créé un cadre approprié permettant une participation positive des témoins au processus de comparution devant les tribunaux notamment en ce qui concerne les victimes de viol ou de violences sexuelles.
Les statistiques sont effroyables. En effet, 250 000 femmes (tutsies et hutues modérées) ont été l'objet de viols et de violences sexuelles au cours du génocide de1994, au Rwanda. (UNIFEM).Une étude réalisée en 2002 par ONUSIDA, montre que 495 000 Rwandais sur une population de 8 162 715 sont séropositifs. Dans ce chiffre, il faut inclure 65 000 nourrissons. En 2003, une projection donne des taux de prévalence de 528 099 au plan national et en 2004, ce taux monte à 556 000 et la projection de ce taux pour 2007 donne un chiffre de 617 000 (ONUSIDA /USAID.).
Sur une projection totale de 2000, il existe environ 220 cas de séropositivité chez nos témoins et nos témoins potentiels. Sur ce chiffre, 45 cas confirmés sont actuellement suivis par la clinique du TPIR à Kigali dont 14 bénéficient aussi d'un traitement aux anti-rétro- viraux selon les recommendations médicales. De juin 2003 à juillet 2004, le TPIR a dépensé un montant d'environ USD $105,541.28 pour le traitement des témoins souffrant d'affections liées au sida ou d'autres maladies. Pour améliorer l'accès au soutien et au suivi médical y compris en matière de gestion de la séropositivité, une équipe de quatre spécialistes médicaux composée d'un gynécologue, d'un psychologue et d'une infirmière spécialisée en psychologie a été récemment recrutée. Cette équipe a pris fonctions en février 2004 et est basée au bureau du TPIR de Kigali.
Un laborantin a également été recruité en Novembre 2004 pour le dépistage du Sida et autres diagnostiques ».
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