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PENDA MBOW, professeur d’Université et ancienne ministre, s’interroge :
« Au - delà de l’affaire Idrissa SECK, quel est l’avenir du Sénégal, et de nos institutions ? »
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L’assemblée nationale du Sénégal a voté une Loi autorisant la Haute Cour de justice sénégalaise à juger un Premier ministre. C’est la deuxième fois depuis l’indépendance de ce pays. En effet, la justice a mis en prison depuis plus d’un mois l’ancien Premier ministre et compagnon de longue date du Président Wade, M. Idrissa Seck. Ce dernier est accusé de fraudes, de corruption et d’atteinte à la sûreté de l’Etat. L’opinion publique est partagée. Les partisans de l’ex PM appelé « Idy » ou « Ngorsy », car ex - fidèle lieutenant du Président et ceux de Wade qui lui - même est appelé affectueusement pour son âge et son expérience « Gorgui», s’affrontent quotidiennement. Ce qui est sûr, rien ne va plus entre les deux hommes. On suspecte même - que des Secrets d’Etat sont étalés allégrement sur la place publique. Penda Mbow, militante pour un réveil citoyen nous analyse la situation politique et sociale du Sénégal. Un éclairage époustouflant car Madame connaît son pays du bout de ses doigts.
Mme Mbow, comment expliquez - vous votre attachement à la société civile ?
« Si j’ai choisi la société civile, c’est que je suis consciente que ce n’est pas par le sommet que l’on va régler les problèmes de ce pays. Nous sommes dans un état d’arriération sur le plan social qui, s’il n’est pas réglé, va constituer un obstacle pour le développement de ce pays. Nous sommes dans une très vieille société qui a du mal à se renouveler, à se remettre en question et à du mal à adopter de nouvelles valeurs et faire le tri, même en ce qui concerne les valeurs anciennes. Le Sénégal a plus un problème de société qu’autre chose. Par exemple, la question de la corruption gangrène notre société à tous les niveaux. Le scandale que nous sommes en train de vivre aujourd’hui au Sénégal avec « l’affaire des chantiers de Thiès », nous avons du mal à l’analyser de façon objective. Il est évident que derrière les manipulations politiques, un problème de fond demeure. Comment des gens qui, il y a cinq ans, n’avaient rien ont pu devenir multimilliardaires ? C’est une grande question. Ce n’est pas seulement grâce au travail. Qu’est ce qui fait que l’accès aux ressources par le canal de la politique soit aujourd’hui de telle sorte que cet accès n’est pas contrôlé ? Le citoyen n’a rien à voir là dedans, et on arrive à un point où l’on accède au pouvoir non pas pour servir la communauté mais pour se servir d’abord.
Et une phrase d’Idrissa SECK a beaucoup attiré mon attention, je ne sais pas si c’est vrai ou faux, mais il a dit : « qu’en accédant au pouvoir, tous nos problèmes d’argent sont terminés ». Cela m’a profondément déçue. Cela montre leur état d’esprit. La société a de réelles difficultés à dépasser tout ce qui relève des intérêts individuels pour penser à la collectivité et agir pour la collectivité ».
Concernant, justement la détention de l’ex Premier ministre pour détournement de deniers publics et d’atteinte à la sûreté de l’Etat, selon le Gouvernement, quelle est votre position ?
« Depuis le départ, j’ai eu à intervenir dans différentes radios de la place et dès le premier jour, je n’ai pas arrêté d’exprimer mon inquiétude car j’ai le sentiment d’être en face d’une nouvelle race d’hommes politiques que je ne connais pas et j’ai aussi le sentiment que ce sont des gens, de par leurs préoccupations personnelles, peuvent remettre en question l’équilibre de nos institutions et accentuer la fragilité de notre pays. C’est ma préoccupation aujourd’hui. Au - delà de l’affaire Idrissa SECK, quel est l’avenir du Sénégal, et de nos institutions ? De toute façon, le pays va sortir très affaibli de cette confrontation, du point de vue de notre image. Aujourd’hui, on a franchi la ligne de tout ce qui n’est pas permis. Et moi j’ai appris beaucoup de choses avec cette histoire là. Je vous assure. J’ai même eu à interroger des gens en leur demandant, « est-ce possible que l’on puisse ouvrir des comptes bancaires à l’extérieur au nom d’institutions de notre pays ? ». J’ai découvert des choses ahurissantes ! Et j’avoue très sincèrement que j’aurais préféré ignorer cela car cela me perturbe et me préoccupe tellement que je me demande si cela valait la peine. Il y a aussi tous les secrets d’état, non pas par rapport à ce qu’ils volent, mais par rapport au fonctionnement. Il y a tellement de choses qui se sont déroulées en moins d’un an que je ne reconnais vraiment plus le Sénégal et quoiqu’il advienne, le Sénégal en ressortira affaibli. Pour ce qui est particulièrement d’Idrissa SECK, j’évoque des valeurs : aujourd’hui ce ne sont même pas les affaires constitutionnelles qui m’intéressent (s’il faut avoir les voix de 72 députés pour atteindre le quorum à l'assemblée nationale afin de le mettre en accusation ou pas), mais ce qui me préoccupe ce sont les valeurs auxquelles je croyais jusque là que je trouve tout d’un coup bouleversées et mises à mal. Comment un compagnonnage de plus de trente ans, comment des gens passés par plusieurs étapes peuvent en arriver à cette situation. Comment en moins de deux ans, l’Etat se retourne contre son premier ministre et le met en prison ? En fait, les valeurs auxquelles je croyais se sont effondrées tout d’un coup.
La deuxième chose, c’est que cette affaire Idrissa SECK a révélé certaines choses : finalement le PDS est un parti qui a des problèmes organisationnels, et de rationalité tout simplement. C’est un parti qui, étant au pouvoir - peut être que lorsqu’il n’y était encore cela ne se voyait pas- pose beaucoup de problèmes aujourd’hui : comment peut-on par exemple, de mon point de vue, tout bouleverser d’un seul coup ? Pour moi, tout ce qui se passe défie toute logique, je ne cherche même pas à chercher les responsabilités.
Mais rien que du point de vue éthique, du point de vue des valeurs, et des relations sociales, personnellement, c’est une histoire que je n’arrive pas à comprendre.
Maintenant, si l’on analyse le fond des choses, il est évident que derrière cette affaire de malversations, il y a un problème politique de fond qui se pose, et Maître Wade quoiqu’il puisse penser par ailleurs, ne peut pas avoir l’âge qu’il a aujourd’hui, sans penser véritablement à son héritier. C'est-à-dire à celui qui va continuer le travail qu’il a entamé au sein de son parti, au sein de sa propre formation. Il lui faut nécessairement un héritier et je pense que derrière cette bataille, Idrissa SECK se profile, qu’on le veuille ou non. Il se pose donc la question de la relève à l’intérieur du parti démocratique. Quelqu’un faisait un commentaire : « parmi les membres fondateurs du PDS, seuls quatre sont actuellement au pouvoir ». Qu’est ce que c’est que cette logique là ?
Et je me disais que Wade est fasciné par le parti de Senghor, c'est-à-dire, un peu avant même l’arrivée de Abdou Diouf parce que lorsque l’on voit ceux qui sont aujourd’hui à l’intérieur du PDS, ce sont des gens qui étaient là du temps de l’UPS et aujourd’hui, si j’étais à la place des socialistes, je lui aurais tout simplement proposé d’être notre candidat »
Vous êtes une belle observatrice de la société sénégalaise. Mais tout de même dans cette histoire Idrissa SECK, il y a une affaire qu’on ne dit pas mais qui est là. Il semblerait que l’on pose le problème entre les Tidianes et les Mourides. Le Khalife aurait demandé à ce qu’on libère Idrissa SECK et il semblerait que du côté de Tivaouane, ils ne soient pas très contents ?
« Absolument. J’ai entendu les rumeurs. C’est un problème qui se pose depuis le début. Je lisais un ouvrage sur la bonne gouvernance avant votre arrivée. En conclusion de ce livre, il est écrit, que si au Sénégal, au Bostwana, dans ce genre de pays, il a pu se passer une évolution démocratique, c’est parce que ce sont des pays qui ne sont pas confrontés à un nombre trop élevé de populations, et des pays qui n’étaient pas confrontés à des logiques ethniques et religieuses. C’est extrêmement important. C’est cela qui a été la base de la stabilité au Sénégal, mais il est évident que depuis l’alternance, des bouleversements interviennent au niveau de l’équilibre confrérique du pays et qui ne dit pas son nom et je pense qu’il y a toute une manipulation des politiques par rapport aux confréries religieuses et les questions d’identification aux confréries posent beaucoup problèmes. J’ai entendu que certains marabouts n’étaient pas contents parce qu’éconduits de façon peu enviable lorsqu’ils ont voulu faire de la médiation. Je n’ai aucune preuve par rapport à tout cela mais j’estime que c’est toujours bon de leur donner ce rôle de médiation, car dans une société, il faut tout de même recourir à un certain nombre de repères lorsque ça ne va pas. Jusque là, je tiens aussi beaucoup compte de l’évolution à l’intérieur même des familles confrériques, cette médiation a beaucoup contribué à assurer la stabilité du pays.
Or, ce que les gens oublient, c’est que s’il y a des problèmes confrériques, personne n’en profitera, parce que contrairement à ce que l’on peut penser, on va arriver à un moment où le seul cas de figure qui peut se présenter au Sénégal, c’est la « libanisation » du pays. Ceci, pas en terme de violence, mais en terme de partage du pouvoir. Vous savez, on est arrivé à un moment où, on aura les Catholiques qui occupent le Parlement, ou bien les Mourides qui vont se retrouver à la Présidence, les Tidianes qui vont se retrouver dans le Pouvoir judiciaire, par exemple. Il faut que l’on accélère le processus de formation de notre citoyenneté où les questions d’ordre confrérique, religieuse relèveront de la sphère privée plus que publique. A partir de là, on va bâtir un espace public fondé sur ce qui nous unit mais pas sur ce qui nous différencie ».
Vous parlez de citoyenneté justement, mais aujourd’hui, la société civile ne peut pas briguer le pouvoir au Sénégal, qu’est ce qu’il faudrait ?
« C’est un grand débat. Mais je suis pour qu’on aille vers une restructuration des forces politiques au Sénégal parce qu’il y a une trop grande fomentation de l’espace politique, ce qui n’est pas une bonne chose. En terme même de ressources humaines, on aura du mal à gérer les pouvoirs. On le voit aujourd’hui, mais ce que je voudrais, c’est bâtir une véritable société civile en terme de contre pouvoir. C’est pourquoi, pour la prochaine assemblée, de grandes figures de la société civile, venant du monde paysan, des droits de l’homme seraient les bienvenues, à mon avis, pour porter la contradiction à l’intérieur de cette assemblée »
Vous parlez de l’assemblée nationale ?
« Oui, tout à fait. Aujourd’hui, le monde évolue de telle manière qu’il faut revoir notre mode de représentation dans les différentes structures mais en même temps nous avons besoin d’alimenter la société civile. J’ai entendu un de nos amis qui a fait une étude sur les questions de transparence, d’utilisation de l’argent au Sénégal, et je trouve que l’on a besoin de cela. La radio a présenté son rapport sur les questions de sécurité, moi – même, je travaille sur la gouvernance, d’autres sont en train de réfléchir sur la corruption comme le Forum civil. Je pense que cela est un travail extrêmement important mais il faut le porter ailleurs, dans des structures où les décisions se prennent pour mieux contrôler ce qui se passe, parce qu’on ne peut pas avoir non plus, des institutions où 50% des représentants seront composés d’analphabètes. Ce n’est pas possible ! C’est, d’ailleurs, le gros problème de gouvernance qui se pose : on remet des documents pour travailler, les documents se retrouvent dans la rue parce qu’il leur faut des gens pour décortiquer et comprendre le contenu des documents. Il y a un énorme problème au niveau de la rationalisation de nos ressources humaines plus que tout autre chose dans le Sénégal ».
Madame Mbow, peut – on parlé de l’égalité Homme Femme au Sénégal ?
« On rêve. On est pas arrivé à l’égalité homme - femme. On parle beaucoup, mais du point de vue de la pratique, il ne se passe pas grand-chose »
Mais que disent les textes ?
« Les textes sont parfaits ! Le Sénégal a toujours des textes parfaits ! C’est un pays qui ratifie tout ce qui se passe sur le plan international mais du point de vue de l’application, il y a encore des choses à faire. Je peux me réjouir d’une chose : le gap au niveau de la scolarisation est en train de se réduire, du moins dans les strates inférieures, les filles, jusqu’en terminale en tout cas, travaillent bien, elles arrivent à obtenir de très bons résultats à leurs examens, mais à mon avis, cela ne suffit pas. Ce qui manque le plus au Sénégal, c’est un leadership transformationnel chez les femmes. C'est-à-dire que les femmes qui ont le leadership puisse imposer aux institutions les questions d’équilibre et d’équité en matière de genre, cela est extrêmement important pour ce qui est de la bonne gouvernance »
Vous avez été l’une des personnalités les plus farouchement opposées à la révision du Code de la famille, telle que souhaitée par un groupe d’intellectuels musulmans. Pourquoi ?
« Oui. Aujourd’hui, il y a de sérieux problèmes qui se posent dans notre société, surtout la crise de la famille, et la question de la polygamie. Je n’ai jamais vu un pays se développer sur le régime polygamique. On doit faire des réformes. Et les questions de viol sont plus que jamais présentes. Les faits divers sont dominés par ce problème de viol dans notre société ».
Mais le droit sénégalais est très sévère contre le viol…N ‘est ce pas ?
« Oui , on a même parlé, il n’y a pas très longtemps de criminalisation du viol, mais n’empêche que la réalité est là. Le droit est appliqué de façon tout à fait laxiste. C’est cela le vrai problème du Sénégal : on a des textes mais on les applique pas. En ce qui concerne les femmes, la dernière fois, j’étais avec une femme dont le mari appartient à un corps qui ne doit même pas prendre une deuxième épouse, en plus c’est un grand intellectuel. Ils ont signé sur le régime de la monogamie, ce qui n’a pas empêché le mari de prendre une deuxième épouse. L’irresponsabilité de notre société gagne toutes les couches, et je pense qu’il y a des gens qui ont plus de responsabilités par rapport à d’autres en ce qui concerne l’avenir de notre pays »
Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade NDOYE
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