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TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA: QUEL BILAN ?
Par Emilya CERMAK, Correspondante à Nottingham
Eclairer les abus du passé est une étape vitale
pour reconstruire un pays qui a été déchiré par
un conflit, cette étape est d’autant plus importante au Rwanda,
qu’ il s’agit d’un conflit interne et la réconciliation
du peuple est une condition sine qua non pour éviter une nouvelle guerre
civile. Comme dans plusieurs sociétés en transition, on a mis
en place un mécanisme de justice transitionnelle pour pallier les carences
des cours nationales. |
Le génocide au Rwanda a fait plus de 800'000 morts devant l’indifférence de la Communauté internationale, et a plongé le pays dans le chaos le plus total. Au lendemain du conflit, le nouveau régime au pouvoir était à la tête d’un pays détruit où le besoin de punir les responsables des actes criminels et rétablir la vérité était une nécessité. Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a été institué en 1994 ; plus de 10 ans plus tard, il est intéressant de dresser le bilan de la justice mise en place et considérer avant tout ce qu’elle a apporté en valeur ajoutée aux Rwandais.
Au Rwanda, la justice a tout d’abord pris la forme du Tribunal Pénal International. Bien que ce fut en réponse à une demande rwandaise, la forme finale était loin d’être la solution envisagée par les Rwandais. En effet, parmi les divergences les plus importantes, le gouvernement rwandais demandait à ce que la compétence temporelle du Tribunal s’étende à la période avant l’éclatement du conflit et que le siège du Tribunal soit au Rwanda . Contrairement à ses demandes, le Tribunal n’a la compétence de juger les criminels que pour l’année 1994 et le siège se trouve à Arusha (Tanzanie). Ces différends ont été si sérieux que le gouvernement vota contre l’établissement de son propre tribunal . Dès lors, le Tribunal a été perçu par les Rwandais comme une solution imposée par la communauté internationale, pour apaiser sa conscience . De plus, son siège à Arusha ne fait qu’éloigner un peu plus cette justice qui devait appartenir au peuple .
Il y a quelques années, il est devenu évident qu’il serait impossible de juger tous les génocidaires et on décida de mettre en place un deuxième système de justice plus traditionnel ; les cours «Gacacas».
Depuis 2001, les « Gacacas » remplissent la double fonction de cour de justice et de forum où les victimes peuvent témoigner. A première vue, la stratégie adoptée par le Rwanda répond adéquatement aux besoins d’une justice en transition puisqu’elle juge les criminels et permet aux victimes de soulager leurs peines ; sans parler de la juridiction universelle qui permet à des Cours de pays tiers, comme en Belgique par exemple de traduire les criminels en justice.
Néanmoins, les résultats escomptés n’ont pas été à la hauteur des espérances, et ce, pour plusieurs raisons. Jusqu’en 1998, le Tribunal a fonctionné sans difficultés majeures . Il y avait toutefois des soucis au niveau administratif: étant éloigné du Rwanda, le Tribunal ne pouvait pas mener les investigations aisément ; de plus il fut critiqué pour son petit nombre de criminels jugés (17 personnes en 10 ans ). Mais la préoccupation la plus inquiétante reste la partialité de la justice qui est due au manque de coopération du Gouvernement Rwandais . En effet, le Tribunal s’est vu empêché, depuis la fin de l’année 2004, de traduire en justice les membres du Front Patriotique Rwandais soupconnés de crimes de guerre. Si le Tribunal n’arrive pas à les juger, leurs crimes resteront impunis.
D’autre part, Les Cours “Gacaca” n’ont pas reçu le soutien populaire attendu : ne prévoyant aucun mécanisme de protection contre d’éventuelles représailles , les victimes sont intimidées par certains suspects ou leur famille . De plus, les Cours se sont vu retirer le mandat permettant de juger les criminels du Front Patriotique Rwandais. De ce fait, les « Gacacas » sont perçues comme étant tout aussi partiales que le Tribunal.
Finalement, il semble, que faire la lumière sur les événements du génocide prendra du temps. Les prisons au Rwanda abritent plus de 85’000 génocidaires, compte non tenu du fait que les victimes qui sont allées témoigner dans les Cours “Gacaca” ont dénoncé encore davantage de présumés criminels.
Pourtant, au niveau continental, le Tribunal a positivement contribué à sensibiliser les pays africains au Droit International Humanitaire ainsi qu’il a réouvert le débat sur une Cour africaine des droits de l’homme . De plus, il a sûrement influencé la mise en place de la Cour Pénale Internationale. Il est d’ailleurs paradoxal de constater que cette justice, censée apporter primordialement la justice aux Rwandais, sert davantage les intérêts d’acteurs indirects.
Il est important qu’une société traumatisée
reconstruise son passé pour consolider les bases d’un meilleur
avenir.
Afin de comprendre et analyser les événements qui se sont passés,
une justice transitionnelle bien appliquée devrait être capable
de juger le plus de criminels possibles et permettre au plus grand nombre de
victimes de parler. Le Tribunal ne peut plus enquêter sur les crimes commis,
et d’ici 2010, il devra cesser toutes ses activités. Il apparaît
évident que d’ici là, le Tribunal ne pourra pas arriver
au bout des objectifs qu’il s’était fixés, surtout
si le Gouvernement Rwandais continue ses obstructions. Cependant, il est difficile
de juger ou de prévoir maintenant l’impact du Tribunal et des Cours
« Gacacas ».
La justice transitionnelle devrait permettre au pays de créer une société démocratique. Ce résultat, ne pourra être jugé convenablement que dans quelques années, si ce n’est des décennies. Une société ne devient pas un modèle de démocratie du jour au lendemain. Somme toute, la justice transitionnelle n’est pas le seul élément qui aide une société à se stabiliser. Au Rwanda, la pauvreté par exemple fait des ravages et pourrait fragiliser la société autant qu’une justice transitionnelle imparfaite. C’est pour cette raison qu’il est important qu’une société qui tente de se reconstruire soit accompagnée à travers tous ses aspects : économique, politique, civil, culturel et social.
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