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L’oligarque africain et la mauvaise gouvernance de l’État.
Les pionniers ont toujours du mal à se faire comprendre pour leur leadership innovant et leur courage qui bousculent nos habitudes et certaines règles établies. Le site Internet Wikileaks de Julian Assange ; nous en révèle beaucoup sur la gouvernance ; aurait-il raison ? La démocratie rimerait-elle avec des sujets tabous ? Notre monde d’aujourd’hui semble être ingouvernable, au constat de la crise de confiance entre les gouvernants et leurs gouvernés : notre « démocratie est-elle détournée voire confisquée » (2) tout simplement de son objectif essentiel ? Toutefois, force est de noter que les percées fulgurantes en matière de technologie de l’information et de la communication ont évanoui des politiques et des décideurs dans leur élan ambigu d’ajustements vers des formes d’exercices du pouvoir plus transparentes et participatives.
Nous remarquons bien une « Communauté internationale » qui s’empresse de promouvoir la démocratie politique en Afrique en occultant les impacts de l’absence de la démocratie économique sur le développement global des inégalités sociales et économiques. En ce sens, ce que nous appelons « Communauté internationale » nécessite-t-elle des reformes de fond ? Faudrait-il rendre plus démocratiques et efficaces ces mécanismes d’appui et d’accompagnement qui puisent toute leur pertinence dans la déclaration universelle des droits de l’Homme ; avec à la clé, une vision partagée d’un modèle de développement mondial durable ? Avec La mondialisation, il est patent de constater que nos élus africains sont dépouillés de toutes capacités de prendre des décisions significatives afin de promouvoir les intérêts du continent. La démocratie laisse place au cynisme qui s’exprime par le ras-le-bol et la descente dans les rues. Les appels à l’aide entendus par la « Communauté Internationale » viennent justifier leur appui en renfort de moyens logistiques et militaires pour atténuer ces crises de la gouvernance africaine. Mais cette même « Communauté Internationale » est-elle capable d’autocritique face à la paupérisation de l’Afrique ?
Les crises politiques africaines accompagnées de soulèvement révolutionnaire témoignent des dysfonctionnements de l’État ; un système de gouvernance qui s’est érigé comme règle de conduite primordiale, l’exercice infini et autoritaire du pouvoir. En réalité, tout est fait pour que la majorité des citoyens ne soient pas informés du « comment est réellement gouverné leur pays ? ». Si ce n’est pas l’interruption à dessein de l’accès internet afin d’éviter que les populations locales interagissent avec le monde extérieur. Sous d’autres cieux il s’agirait de l’incapacité des pouvoirs publics à fournir des services adéquats en eau et électricité avec des conséquences désastreuses sur les systèmes d’éducation et de santé. Ces défaillances continuent, par le biais d’un modèle féodal et désuet de gouvernance locale. Elles ont fini par plomber les opportunités d’un développement optimal des pays africains dont les populations sont appauvries, souvent condamnées à l’exil forcé. On pourrait également conjecturer sur les différentes définitions de la bonne gouvernance telle que prônée par certains organismes internationaux (3). Mais cela ne servirait qu’à jeter une goutte d’eau à la mer dans la quête polysémique de compréhension pratique d’une bonne gouvernance. Et cela, au regard de ces oligarques nourris par les régimes politiques en place. Pourquoi n’investissent-ils pas dans le développement économique du continent africain ! Et pourtant de réelles opportunités existent afin de contrer ce mal-développement africain. Malheureusement ces régimes « pseudo » démocratiques voire autoritaires et les oligarchies qu’ils ont crées se sentent menacés dans leurs privilèges et profits mirobolants qu’ils soutirent jusqu’à date, d’une gestion peu efficace du bien commun.
L’alternance des régimes politiques africains est d’autant plus complexe lorsque certains gouvernements néo-colonialistes et fondamentalement autoritaires sont sournoisement cautionnés par des pays occidentaux. Peut-on promouvoir une gouvernance globale efficace en pactisant secrètement avec des dictateurs, des tortionnaires, des régimes despotiques qui tuent et maltraitent leurs propres concitoyens pour leurs propres intérêts.
La prise de conscience arrive à point nommé, avec les révolutions nord-africaines. Certains africains commencent à prendre conscience de leur pouvoir de choix de l’individu qu’il faut pour conduire le destin de leur pays et de leur région. Cette prise de conscience risque d’être plus amère lorsqu’il s’agira de constater que cette mission de promotion du développement des pays d’Afrique n’est pas viable lorsqu’elle continuera d’exacerber les inégalités et qu’elle ne passera pas non plus par la création d’une bourgeoisie locale, vorace et budgétivore. En somme une poignée d’oligarquesqui nourrirait un commerce florissant avec les pouvoirs corrompus grâce à des prébendes liées à de juteux contrats d’exploitation. L’Afrique devra se repenser et se réorganiser. Sinon, la confusion politique et la misère sociale ne seront que plus étendues. Personnes ne sait en réalité ce que nos dirigeants pensent de nos jeunes qui meurent dans les cales des bateaux et des avions, parce qu’ils fuient leur pays de misères ou les misères de leur pays ; personnes ne sait ce qu’ils pensent des charters de clandestins qui débarquent sur nos aéroports, chassés des pays d’Europe. Pourtant ce sont là des signes et des preuves qu’ils ont échoué dans leurs tâches régaliennes de protections des personnes, même sans biens - car ces tâches consistent dans la protection des personnes et des biens (10).
En effet, l’Afrique doit « construire un modèle démocratique s’appuyant sur les référentiels culturels et le vécu de ses populations » (4). Promouvoir la mauvaise gouvernance offrirait la mise en scène d’émeutes caractérisées par le mécontentement populaire que nous constatons en Afrique du nord. Et pourtant, nous serions enclins à croire qu’il y aurait quelque chose de bénéfique dans la mauvaise gouvernance, si les oligarchies locales étaient orientées vers la croissance économique durable de leur pays – entendons-nous bien sur les fruits de cette croissance économique ; l’augmentation réelle de la richesse à partager équitablement au sein de la communauté – elles seraient donc capables de conduire des politiques et des choix institutionnels qui favorisent et soutiennent des progrès économiques extrêmement rapides (1). Hélas, cela n’a pas été encore le cas et de manière patente, pour ce qui concerne le continent africain qui, pulvérise tous les records en matière de catastrophe économique et sociale.
Sous certaines conditions, la mauvaise gouvernance permettrait à ces oligarchies un développement à travers lequel ces dernières s’enrichissent en même temps que la société dans son ensemble. Cette nuance est de taille, car elle conditionne la conception et la mise en place des programmes nationaux et internationaux d’aide au développement économique, social et environnemental (1). Lorsque nous observons les indicateurs de développement humains (taux de chômage, sous-emploi et pauvreté) en Afrique, nous venons à l’évidence que les politiques sanitaires, d’éducation de formation et de l’emploi ne suivent pas les programmes de développement et engendrent les conséquences d’une plus grande massification de protestataires et de frustrées par des promesses non tenues depuis l’accession aux indépendances.
Même si dans l’histoire du développement nous retenons que les pays qui ont connus de très forts taux de croissance, à un moment donné de leur histoire, ont vu l’érection d’une classe d’oligarques qui en quelques sortes, participaient activement et solidairement au développement de leur région et de leur continent. La question qui reste entièrement sans réponse est de savoir si les oligarques africains investissent de manière conséquente dans leur pays? A la différence d’autres oligarques de pays occidentaux qui pour la plupart ne freinent pas le développement de leurs contrées mais au contraire ; ils créent des opportunités économiques et offrent des atouts qui renforcent l’esprit d’entreprise, la promotion d’emploi décent et durable ; en somme tous les rudiments indispensables à une « qualité de vie » et un épanouissement durable en faveur de leur communauté. Et en plus, ils seraient encore moins visibles sur la scène politique, avec comme seule et unique optique l’exploitation de la misère de leurs concitoyens.
L’oligarque africain participerait à la fuite des capitaux du continent et, il développerait des stratégies économiques et politiques déprédatrices, son ambition sournoise et manipulatrice se focalise sur l’accession à la magistrature suprême afin de remplir davantage sa gibecière et assouvir ses appétences démesurées d’accumulateurs de « biens licites » – à ses yeux - d’origine douteuse voire frauduleuse. En conséquence, le régime prédatocratique ne perpétue sa viabilité que dans la mesure oú « il tient en respect ceux qu’il vole, c’est-à-dire les citoyens et les embrigade dans des mécanismes qui permettent de les surveiller constamment »(6).
En Afrique on se demanderait si depuis les indépendances la classe d’oligarques en place, n’a eu cure du développement du continent. Sous la complicité de réseaux mafieux, ils expatrient une bonne partie des richesses locales vers des pays qui ont déjà toutes les ressources financières et matérielles nécessaires pour soutenir le niveau de vie très élevé de leur population. En Afrique la classe d’oligarques qui découle de la mauvaise gouvernance de nos états, ne favorise pas des choix politiques et institutionnels qui permettent de viser en tout moment une maximisation de la croissance et ceux, indépendamment des cycles politiques, des idéologies et les exigences des groupes d’intérêts locaux. Il faut chercher l’origine de la crise de la gouvernance en Afrique dans les choix nationaux et supranationaux de constructions institutionnelles. Ce qui explique d’une certaine manière le décalage entre les gouvernants et les gouvernés ; la pauvreté érigée en règle de vie et de modèle sociétal.
Si les Africains ne se mettent pas à comprendre que le sort de ce continent en termes de développement économique et social durable dépendrait de la force de cohésion de toutes les composantes de sa société civile. Ils se seraient donc leurrés une fois de plus et ce, en conséquence de ces agissements révolutionnaires qui gagnent le continent. Précédemment, pendant ou après ces révolutions, il faut que les politiques africaines soient centrées sur des forces fédératrices – un principe essentiel à l’autonomisation - au sein du continent et non ailleurs. Car les modèles de développement complètement extravertis n’ont jamais pu offrir au continent une satisfaction des besoins de ses peuples et aussi la capacité de bâtir et promouvoir une fois pour toute, de solides institutions sur la base des ressources qui sont propres à l’Afrique. Les sociétés élitaires qui parasitent, l’État en Afrique, en raison immédiate de leurs responsabilités au cœur des institutions publiques, ont réussi à générer un monstre sociologique : un État sans choses publiques ou contre elles, des affaires collectives en fait individualisées, emprisonnées dans des logiques alimentaires et manducatives croisées (7). Aucun pays africain ne se développera en faisant abstraction de ces paramètres sociologiques dont l'un des plus saillants repose sur la notion du partage de l'espace territorial pour un développement économique intégré. La recherche de solutions équitables aux problèmes économiques et sociaux de l’Afrique contemporaine invite à une révision du mode de gouvernance et une relecture de ses structures fondamentales. Les systèmes étatiques se sont imposés au mépris des aspirations populaires et, parfois, au détriment des cultures et civilisations autochtones (8). Si les crises perpétrées font transparaître la nécessité de démocratiser le continent, il reste à savoir si les chefs d’État africains arrivent à traduire concrètement un tel projet, en une discipline politique de développement dont le socle serait un gouvernement continental qui serait le seul habilité à corriger les économies africaines - qui par erreur extraverties depuis belle lurette - vers un modèle de base endogène mais ouvert au reste du monde. Une Notion éthique : l’indépendance n’est pas quelque chose de donner, mais quelque chose qui se conquiert dans la patiente exigence de se déconditionner par rapport a un monde qui se structure sur des « dépendances de domination » au lieu de se structurer sur des « dépendances de solidarité et de créativité ». L’indépendance et la lutte pour l’interdépendance créatrice (9).
Est-ce le fait des peuples, ou est-ce une instrumentalisation provenant de l’extérieur et relayée ensuite par des gouvernements locaux dont le découpage territorial limite la mise en place de politique de développement efficace en faveur de l’Afrique ?
Dans l’absolu, ces crises africaines devraient être une voie ouverte vers une démocratie participative renforcée, en même temps qu’une réconciliation pour une paix durable qui intègre la vision panafricaniste du développement du continent : bâtir les Etats-Unis d’Afrique et créer une monnaie commune constitue l’unique moyen pour sortir ce continent de l’ornière. L’Afrique doit repenser son mode de gestion des ressources naturelles au regard des enjeux politiques et économiques mondiaux actuels. Les dirigeants africains doivent consentir à d’énormes efforts en vue de l’édification d’un « projet commun de société ». L’Afrique ne trouve pas encore sa voie quand à la recherche d’un modèle de société fédérateur, quand bien même ses peuples aspirent à davantage de bien-être. L’enjeu de la gouvernance africaine s’articule autour d’un programme de développement concret et explicite en perspective de réformes institutionnelles et de partage d’une vision intégrée et globale d'un avenir autour duquel un rassemblement démocratique pourra se dégager. Une simple juxtaposition de forces politiques dans les forums régionaux et sous régionaux ne suffise guère à régler des problématiques actuelles telles que la santé, la faim, les inégalités sociales et économiques.
(1) Sam, Wilkin, (2011). “Can Bad Governance be Good For Development”. Survival Global Politics and Strategy, Volume 53, Issue 1 February, pages 61-76.
(2) Louis-Gilles Francoeur, « Notre démocratie Détournée » Le Devoir du 19 février 2011 rubriques Actualités en société, Montréal Canada.
(3) Jacques Fisette et Marc Raffinot, (2010). « Gouvernance et Appropriation Locale du Développement : Au-Delà des Modèles Importés ». Les Presses de l’Université d’Ottawa, p209-214.
(4) Ousmane Sy, (2009). « Reconstruire l’Afrique : Vers une Nouvelle Gouvernance Fondée sur les Dynamiques Locales ». Éditions Charles Léopold Mayer. Paris, pp 129-199.
(5) Interview du journal 24 heures de Montréal à l’ancien secrétaire général des nations unies M. Boutros Ghali. publication du 04 mars 2011.
(6) Abdou Latif Coulibaly, (2010). L’Hypothèque de la Gouvernance. In Makhily Gassama, (2010). 50 ans Après, Quelle Indépendances Pour l’Afrique. Éditions Philippe Rey, p 104.
(7) Martial Ze Belinga, (2010). In-Dépendances : Libres de Nuire, Interdits de Servir. In Makhily Gassama, (2010). 50 ans Après, Quelle Indépendances pour l’Afrique. Éditions Philippe Rey, pp 618.
(8) Kama Sywor Kamanda, (2010). Les Structures Tribales sont-elles compatibles avec le développement des États Africains ? In Makhily Gassama, (2010). 50 ans Après, Quelle Indépendances pour l’Afrique. Éditions Philippe Rey, p 243.
(9) Kâ Mana (1993). L’Afrique va-t-elle mourir ? Essai d’éthique politique. Editions Kharthala, p 138.
(10) Toko Ngalani, René (2010). Mondialisation ou Impérialisme à Grande échelle ? Éditions l’Harmattan, Pensées Africaines, p 51.
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