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Communiquer en politique. L’art de coudre et d’en découdre : « la communication politique est autant une valeur démocratique qu’une méthode politique
Communiquer en politique. L’art de coudre et d’en découdre, publié aux Editions Les Trois Fleuves, 2011 d’Ibrahima Silla, Docteur en science politique, Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, décortique l’importance de communication en politique. Dans cet entretien, à cœur ouvert, l’auteur étonnera le lecteur par son érudition et sa simplicité. « Je n’écris pas pour devenir un homme célèbre mais pour rester anonyme » souligne Dr Ibrahima Silla. Pourtant l’homme politique a besoin d’être compris, d’être admiré et d’être célèbre pour convaincre le maximum de citoyens à adhérer à son projet politique et à voter pour lui. (Entretiens).
On écrit quelque chose quand on l’a fortement usé dans sa tête. Ce livre n’est donc pas le résultat d’un processus spontané dicté par les récents événements politiques. L’inspiration ne tombe pas du ciel. La vérité non plus. Ecrire, c’est affranchir la pensée de ce qu’elle pense silencieusement et lui permettre de s’incarner autrement. Ce livre est en effet le condensé d’un séminaire que j’anime à l’Université Gaston Berger dans le cadre du DEA de science politique. Je l’ai écrit en m’effaçant derrière le message mis en avant. Je l’ai écrit pour diffuser et partager le fruit de mes investigations scientifiques. Ce livre est le produit d’un effort. Il est autant le résultat de mes rencontres avec les livres, les êtres et les choses que de mes coïncidences méditatives dans la solitude et l’isolement.
Je n’écris pas pour devenir un homme célèbre mais pour rester anonyme. J’écris pour devenir au mieux un code barre. J’écris pour ne plus avoir de visage. J’écris pour que le message détrône le visage. Ecrire m’est devenu une raison de vivre. Lire aussi. Se construire par la lecture et l’écriture. L’homme est un chantier sans fin ni congé. Tout congé se paie cher. Le savoir a le pouvoir de nous transformer. Le savoir vaut une prière. Aussi, je pourrais dire que j’écris pour donner autant, voire plus que je n’ai reçu et que je ne cesse de recevoir. J’écris parce que je dois beaucoup aux hommes. Ce que je sais, ce que je pense et ce que j’écris, je le dois à mes semblables qui animent mes pensées et inspire mon imaginaire. Ecrire est un acte posé non pas pour être connu et reconnu mais fondamentalement comme un moyen de s’oublier. Telle est la philosophie et la spiritualité qui m’animent. Ce livre est enfin le point de rencontre entre des certitudes communes et des convictions intimes. L’écrire m’a placé dans une posture dans laquelle j’ai pris le monde et la politique avec humour et sérieux. J’ai voulu œuvrer pour le Bien, le Beau et le Vrai. La vérité c’est ce qui est utile. Ainsi le choix de l’écriture me dicte de mépriser le dérisoire, le futile et l’éphémère. Ecrire exige une unité de conception, de direction et de responsabilité. Le but n’étant pas d’être admiré ou vénéré mais visité, critiqué et donc aidé pour cheminer vers la perfection.
Ce livre ne prétend pas découvrir une vérité totale sur l’art et la science de gouverner. Il ne prétend pas non plus donner naissance à une pensée qui n’aurait pas déjà vu le jour. Depuis l’œuvre de Machiavel, Le Prince, il y a la publication d’une floraison de livres portant sur l’art de communiquer, la science du gouvernement des hommes et de l’administration des choses. J’ai écrit donc ce livre pour rajouter mon grain de sel à une sauce piquante, la politique. J’observe une distance par rapport aux soubresauts de la politique au ras du quotidien pour réfléchir froidement sur cet exercice indispensable que constitue la communication politique. L’objectif étant de démontrer en quoi la communication politique est autant une valeur démocratique qu’une méthode politique. Ce livre est donc une invitation dans les cuisines de la politique où il faut absolument communiquer pour que la mayonnaise prenne. Il se présente comme une « boîte à outils » qui, je l’espère, sans fausse modestie, contient des trésors. Non pas des trésors que j’aurai personnellement découverts puis offerts, mais des trésors légués par la sagesse des anciens et par les savants du politique. Ce livre n’est pas un « magasins d’arguments » à mijoter, ni de recettes prêtes à l’emploi qui aideraient à réussir sa cuisine politique. Il ne renferme pas, non plus, une typologie toute prête de conduites politiques auxquelles il faudrait se conformer pour espérer réussir en politique. Mais raconter, c’est déjà suggérer une photographie verbale et écrite des choses. Ce livre a pour objectif d’éclairer le lecteur sur la pédagogie politique et sociale de la communication politique, sur sa portée, retombées, enjeux et ressorts.
On note une certaine musicalité dans le style. Qu’est-ce qui explique ce choix ?
Quand j’écris, je crains les mauvaises lectures. Aussi, je m’efforce de recourir à une rhétorique de la simplicité pour ne pas rendre le texte inaccessible parce que totalement hermétique. Cela sans faillir aux exigences de la rigueur scientifique. Souci de la clarté sans oublier l’exigence de la scientificité. Dans cet ouvrage, l’ambition de l’exhaustivité est laissée de côté au profit de celle de la cohérence. Une cohérence de l’ensemble qui fait que chaque chapitre peut être lu séparément des autres. Donc des séparations qui permettent, une fois lu dans son intégralité, d’en saisir l’intelligible unité.
On relève en effet dans ce livre une certaine musicalité du verbe qui veut accrocher et tenir en éveil. Ceci ne trahit pas un esthétisme léger de ma part. Quand j’écris, je m’exerce à suggérer une rhétorique non silencieuse de l’écriture. Une écriture qui parle. Une écriture qui chante. Donc un style qui cherche à élever le tonus vital, et donc l’intérêt du lecteur. J’essaye d’écrire a capella sans me départir du souci constant de la vérité à conquérir et des démonstrations à faire. L’ouvrage est orienté vers des aspects non pas seulement institutionnels, juridiques ou normatifs mais aussi vers des concepts philosophiques, littéraires, politiques, historiques, sociologiques, anthropologiques en raison du caractère transversal de la problématique qui nous dicte cette posture. Ce parti pris nous impose plusieurs défis. Visiter et revisiter nos cultures politiques pour proposer une acception non pas subjective mais objective des phénomènes analysés.
L’objectif ultime a été d’écrire un ouvrage qui puisse servir utilement ; qui puisse être accessible et lu par un grand de personnes qui s’intéressent à la politique de manière générale et à la communication politique plus particulièrement.
L’homme politique ne peut pas compter exclusivement sur le recours à la force en tant que détenteur du monopole de la violence politique légitime, pour parler comme Max Weber. Il ne peut pas, non plus, compter uniquement sur l’ensorcellement des masses ainsi envoûtées à l’admirer et à le chérir par la magie du verbe. L’homme politique doit recourir à d’autres ressources, notamment non verbales, pour son commandement ni soit pas perçu comme une domination à perpétuité insupportable. L’image, le vestimentaire, le silence, l’écoute, la musique, le renseignement, le marquage symbolique des espaces sont, à ce titre, autant de ressources qu’il investit pour bien communiquer. En effet, il ne s’agit point en politique de mieux informer pour bien communiquer ; mais de bien communiquer pour mieux informer. Sur soi et contre les autres ; pour que la maille sociale soit parfaite ; pour que le filet social ne s’effiloche pas. Communiquer, c’est l’art d’effacer les mécontentements, mais surtout l’art de les anticiper pour qu’ils ne surviennent que de manière marginale. La politique est en effet une activité constamment en incandescence. L’Etat à ce titre, par le biais de ces représentants et garants, ne peut pas se permettre, sans courir le risque de se brûler les ailes, de rester l’indispensable monstre froid en insultant plus qu’en communiquant. Ce qui requiert une élévation de la température de l’âme de l’homme politique qui doit apprendre, non à faire peur et à se faire peur, mais bien à s’évertuer d’inspirer respect, confiance et admiration.
On entre en politique comme on monte sur ring ; prêt à recevoir des coups et à en donner. C’est la raison pour laquelle, la politique peut être appréhendée comme l’activité suprême mais aussi extrême de la société. Entrer en politique, c’est faire à la fois une déclaration d’amour et une déclaration de guerre. Le succès ou l’échec dépend largement du pouvoir de certains savoirs et du savoir de certains pouvoirs. Gouverner est devenu une science. Il y a une division du travail politique qui exige beaucoup de tact, de ruses et d’astuces d’une grande subtilité. C’est en cela que la communication doit être au centre de la vie politique. je pense que tous les gouvernement en ont saisi l’importance et s’évertuent à s’y conformer le plus efficacement possible pour ne pas avoir à s’excuser et donc à s’accuser pour les occasions manquées ou décalées d’avoir pu communiquer à temps.
Je me garderai bien de dicter aux hommes politiques l’attitude à observer. Par souci de sincérité je ne peux que suggérer ce qu’on pourrait appeler une « spiritualité politique ». Par cette spiritualité politique, l’homme politique apprendrait ainsi à se dédoubler voire à se démultiplier pour essayer de ressentir ce que vivent ceux qu’il administre. Cette spiritualité politique devrait lui apprendre à s’efforcer de se placer en esprit hors de son temps, de son corps et de son parti pour avoir une vue juste des situations et des conditions de vie réelles des populations qu’il administre. Etre l’esclave de ses compatriotes et non leur maître. Servir à la faveur d’une extinction de l’ego pour s’illuminer davantage de l’alter. Se dépersonnaliser. Méditer. Devenir un pur esprit et non un dur aigri. Un exercice donc de haute voltige spirituelle et existentielle pour devenir un être actif, cognitif et affectif. Abolir son individualité. Œuvrer en faveur des intérêts de la collectivité. Atteindre un état d’indifférence par rapport à son ego. Avoir une indépendance du regard. Vivre comme un mort en sursis. Passer d’un moi sans qualités à un surmoi maîtrisant les défauts. Jeter sur les erreurs, leurres et illusions une clarté susceptible de les tuer. Tout cela pour dire qu’une spiritualité politique, qui reste à définir davantage, est possible. Une spiritualité qui donne le goût, la capacité et la possibilité d’un sacrifice absolu, sans qu’on puisse soupçonner en cela la moindre ambition ou le moindre désir de pouvoir, de profit, de folie ou de perversion. En fin de compte un bon chef d’Etat doit être quelqu’un qui au fond de lui n’a d’autre ambition que celui de vouloir le bonheur de ses compatriotes et œuvre en cela pour une politique qui ne compromet pas les chances, la dignité, l’honneur et l’épanouissement des générations futures. Abdiquer est une manière d’être grand.
Qu’est-ce qui justifie le choix du titre et des métaphores utilisés : coudre et en découdre ?
Je suis parti du concret pour élever la réflexion vers un degré d’abstraction et de conceptualisation. Il est fréquent dans notre société de considérer ceux qui, comme certains communicateurs traditionnels, participent à nouer les liens entre les individus comme de véritables « aiguilles » (pousso bouy rab). D’où le choix du mot « coudre ». A l’inverse les hommes politiques pour sortir victorieux des duels oratoires dans les débats, doivent apprendre à manier l’épée. La langue, le mot, le silence, l’écoute, l’image, la démarche, la gestuelle sont ces « épées » qui lui permettent donc d’en découdre. Je propose donc de définir la communication politique comme l’art de coudre et d’en découdre ; d’autant plus qu’il y a une tendance à penser la communication politique que sous son angle normatif et idéaliste. Communiquer c’est apprendre à coudre et à en découdre pour arriver à faire vivre des hommes en paix entre eux. Une paix qui se prépare malheureusement dans le duel. L’homme politique est un couturier et un samouraï. Il recourt à l’aiguille, à la plume comme au sabre et à l’épée. J’ai réservé à chaque chapitre un aspect de ces outils et armes communicationnels.
- La grâce de la solitude et les revers de la proximité
- le pouvoir des mots et les mots du pouvoir
- les vertus de l’écoute et du silence
- le gouvernement de l’image et l’image du gouvernement
- le parler de la gestuelle. La vérité emphatique du geste
- la politique en chansons. La campagne des décibels
- la politique des petites choses
- le marquage symbolique des espaces
- l’écologie politique du renseignement
Toutefois, nous ne pouvons malgré la multitude de sujets traités et de questions abordées affirmer avoir épuisé l’objet communication politique.
Le choix de faire préfacer le livre par votre frère, Mactar Silla ?
Le choix de celui qui fait la préface d’un ouvrage n’est jamais pour l’auteur anodin. En ce qui me concerne c’est autant le choix du cœur que celui de la raison. Le cœur pour les liens de parenté qui, parfaitement entretenus, créent une certaine affection qui peut inconsciemment aboutir à une affinité de tempérament. La gratitude pour le frère qui s’est illustré très tôt, par l’exemplarité, comme un phare illuminant par son sérieux, sa rigueur et son intelligence la voie à suivre. L’observer a été pour moi une leçon de vie. La raison pour le grand esprit. La raison pour l’homme d’expérience. La raison pour la compétence de l’homme dans le domaine de la communication tant au niveau national qu’international. Je m’inspire de son itinéraire pour ne pas faire fausse route au risque de porter le coup de grâce à l’honneur, à la dignité et à la respectabilité des siens au sens le plus large. Ses parents mais aussi ses compatriotes. Pour cela, il faut avoir de la foi, du courage, de l’humilité, de la générosité et une certaine spiritualité pour s’élever et élever, éclairer et s’éclairer, s’effacer après avoir œuvrer de tous ses neurones à écrire de belles pages dans le livre de sa vie.
La modestie et la prudence interdisent au chercheur de faire état de ses espoirs comme de ses désespoirs. J’évite dans ce livre de dire aux hommes politiques ce qu’ils doivent faire. Je ne me conduis pas non plus en prophète. Donc aucune subjectivité investie d’une quelconque mission. Pas de commandements ni d’injonctions susceptibles de susciter des indignations. J’évite donc de prêcher et de blâmer. Il m’arrive souvent, malgré tout de sortir de ma réserve, de la neutralité axiologique du chercheur pour dire tout le mal que je pense de nos gouvernants. Je reste convaincu que le monde que l’on pense n’est pas forcément celui dans lequel ils vivent. Mais la banalité du présent ne doit pas faire oublier la solennité du devenir. Il arrive un moment où l’on se retrouve dans une situation dans laquelle on peut lucidement entrevoir sinon ce qu’on est, du moins ce qu’on doit cesser d’être. Préférer le bon savoir au mauvais pouvoir. Privilégier une esthétique de l’existence et non une existence dans l’esthétique. Le pouvoir est un aphrodisiaque mais aussi une cellule. Les hommes politiques ne changent pas les choses quand ils n’ont aucune raison de le faire. Mais quand c’est insupportable, les citoyens ne supportent plus. Le rôle de l’intellectuel est de ruiner les évidences, de tirer sur la sonnette d’alarme. A moins de considérer que fuir est une manière de se révolter.
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