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Au fin fond du Sénégal, à deux pas du Mali, la région de Sabodala se situe sur l’un des plus importants gisements d’or de toute l’Afrique de l’Ouest. Des multinationales australienne, sud-africaine, canadiennes ou suisse se partagent les concessions de ce nouvel eldorado. La phase d’extraction vient de commencer, à coup de dynamite et de bulldozer. Déplacement forcé de villageois, expropriation des terres, pollution des eaux…risquent de plonger cette zone frontalière dans un véritable chaos social
Gilles Labarthe / DATAS
« Attention, nouvelle série d’explosions aujourd’hui à 15 heures. Vous avez 15 minutes pour quitter le village ». Depuis quelques mois, les habitants des localités comme Mamakono, Falombo et Sadobala, situés à 650 km à l’est de Dakar, doivent se plier à ce genre de directive. Les avis sont affichés sur des panneaux géants, en bordure de route. Hommes, femmes, enfants, vieillards ou nourrissons… tous sont sommés déguerpir à au moins deux kilomètres de leur foyer.

Une simple mesure de précaution, à en croire les compagnies minières présentes dans le secteur, qui recourent massivement à la dynamite pour faciliter leurs activités d’extraction. Les dégâts sont pourtant innombrables.
A Makhana, situé à un jet de pierre de Sabodala, cela fait depuis bientôt une année que les quelque 400 habitants « sont ballottées entre le village et la nature pour éviter de se faire broyer par les explosifs utilisés par la compagnie MDL », s’indigne Lassana Dagnokho, porte-parole des jeunes. Plusieurs chèvres et des bœufs auraient déjà succombé sous le coup des décharges. Les ondes de choc provoquent fissures ou éboulement des maisons.
La presse sénégalaise n’hésite pas à parler de « foyers de tensions » pour évoquer la situation qui s’est installée dans une bonne moitié de cette communauté rurale de Khossanto, regroupant 24 villages, depuis le début de l’exploitation minière à échelle industrielle.
Plusieurs marches de protestation ont déjà été organisées contre les sièges des compagnies minières exploitantes. Un soulèvement populaire a même eu lieu en novembre 2007, au cours duquel le président de la communauté, Mady Cissokho, a failli se faire lyncher : beaucoup l’accusent de s’être fait acheter par les sociétés minières, et de ne plus défendre la cause des populations locales.
C’est le même Mady Cissokho, grand et corpulent, que nous croisons ce matin d’août 2008 sur la piste menant à Sabodala : seul sur sa moto tout-terrain, revenant de la chasse. Fusil en bandoulière, petit gibier à plumes sanglé à mort sur le porte-bagages. A l’écouter, la cohabitation avec les cinq multinationales de l’or actives dans la région et détentrices de vastes concessions - allant de 23 à plus de 1 200 kilomètres carrés - ne serait pas si alarmante : le président de la communauté rurale y voit plutôt une opportunité en termes d’emploi.
Mady Cissokho compte sur le temps pour arranger les choses : « Les débuts sont difficiles, il peut y avoir des dérapages, mais on essaie de les corriger ensemble. C’est mon premier mandat comme président. Et pour les cinq sociétés minières présentes ici, dont MDL (compagnie australienne, ndlr), Oromin (canadienne), Axmin (suisse) et Randgold (sud-africaine), c’est aussi leur première expérience du Sénégal ». Le travail avec les explosifs ? « Les gens ont été avertis. Si tous les tirs se passent comme ça, on ne souhaite pas mieux, tellement les choses sont maîtrisées ». L’expropriation des champs, au bénéfice des compagnies minières ? « On n’en parle plus parce que la population est largement satisfaite. Moi-même j’ai eu 2 hectares en guise de dédommagement ». Les risques liés à l’environnement ? « Une étude d’impact a été menée, sous la conduite de l’Institut Tropical. Mais bon, il est encore trop tôt pour parler de pollution, l’exploitation n’a pas encore commencé ».
Les avis sont plus tranchés à mesure que l’on se rapproche de Sabodala, qui focalise beaucoup d’espoirs, mais aussi de craintes pour l’avenir : il s’agit bien de « la première zone d’expérimentation de l’exploitation officielle de l’or au Sénégal », comme nous le rappelle Ibrahima Sory Diallo, directeur de la seule ONG du pays à documenter les conditions exactes dans lesquelles travaille l’industrie minière (lire son interview ci-dessous). MDL est en effet la première société minière a être récemment entrée en phase d’exploitation au Sénégal oriental. Ses méthodes de travail agressives et les avantages innombrables avantages fiscaux qu’elle a obtenus sous prétexte d’attirer les investisseurs internationaux au Sénégal (lire encadré) lui ont forgé une mauvaise réputation en un temps record.
Arrivés à la hauteur de sa toute nouvelle cité minière, qui abrite plus de 500 employés - en majeure partie des expatriés - on découvre une sorte de campement militaire retranché derrière des hautes barrières, entouré sur toute sa longueur de barbelés. Tours de surveillance et gardes armés complètent le tableau. MDL a purement et simplement annexé la piste reliant Falombo et Sadobala pour installer la base de ses opérations, obligeant maintenant les habitants à effectuer un détour de plusieurs kilomètres. Plus loin, derrière une large colline de remblais de minerai, pelleteuses, foreuses, bulldozers et une dizaine de camions géants Komatsu, qui peuvent transporter des charges de 100 tonnes de minerai, poursuivent inlassablement leur travail de déforestation et d’excavation : le premier puits à ciel ouvert a déjà atteint plus de 50 de mètres de profondeur, sur un chantier qui devrait atteindre une dizaine de km2.
La direction de MDL, qui fournit peu d’informations aux communautés locales sur l’étendue de ses projets, ne cache pas à ses actionnaires que le cratère devrait bientôt plonger à près de 200 mètres sous terre : il faut beaucoup creuser pour atteindre les meilleurs filons. Et pour MDL, le temps presse : la société australienne a promis à ses partenaires financiers - dont Macquarie Bank, Crédit Suisse et la française Société Générale - que le premier lingot serait coulé en septembre 2008
En attendant, la concession minière a déjà bouleversé les modes de vie traditionnels, comme en témoigne un habitant de Sabodala : « la route a été déviée, il y a des axes qui sont barrés, on n’ose plus passer. Une bonne partie de nos champs et de nos pâturages sont interdits d’accès ». Ils sont désormais sur les concessions de MDL. « Les propriétaires n’ont pas reçu de dédommagement, ils ne sont pas indemnisés. Pour cultiver aujourd’hui, il faut parcourir 15 à 20 kilomètres ! La population ne sait plus ou aller », poursuit notre observateur, sous couvert d’anonymat.
Outre l’agriculture, l’élevage et l’orpaillage constituent depuis des siècles les principales activités de subsistance. Là aussi, les expropriations risquent de laisser les habitants sans autre alternative qu’un hypothétique recrutement pour travailler à la mine, s’inquiète le chef du village. Un avenir bien incertain : ouvriers qualifiés ghanéens, maliens ou guinéens affluent à Sabodala pour chercher du travail auprès des compagnies minières. La population a littéralement explosé. Les problèmes du manque d’accès aux infrastructures et de sécurité (vols, agressions, viols) sont devenus si nombreux qu’il a fallu renforcer les effectifs de la gendarmerie.

Eclairer les décideurs politiques

Dénoncer, mais surtout inciter : l’ONG sénégalaise La Lumière poursuit sur place une démarche originale. Non seulement elle tente de dresser l’inventaire des abus commis par les multinationales d’extraction, mais elle aide aussi le gouvernement de Dakar à faire des choix informés et responsables concernant les règles d’exploitation de l’or du Sénégal. Questions à Ibrahima Sory Diallo, son directeur

(DATAS) Quelle est aujourd’hui la situation des gisements à Sadobala ?
(Ibrahima Sory Diallo ) - On évoquait des réserves de 17 tonnes d’or en 2005. Mais aujourd’hui, on parle de plus de 50 tonnes commercialisables. Une convention de dix ans d’exploitation a été signée entre le gouvernement sénégalais et la compagnie minière australienne MDL, qui n’avait pourtant jamais exploité de l’or auparavant, mais a obtenu ici un contrat très avantageux.

Comment votre ONG intervient-elle dans la région ?

- Le travail que nous sommes en train de faire ici est surtout basé sur de la sensibilisation, aussi bien à l’attention des populations, des autorités que des compagnies minières pour prévenir les impacts négatifs sur le cadre de vie, tout comme la violation des droits humains et les éventuels conflits avec les exploitants. Nous veillons à ce qu’il y ait des retombées économiques justes et équitables pour les populations qui sont autour des zones d’exploitation.

MDL a prévu d’extraire ici, à proximité de trois villages, 2 puis 3 millions de tonnes de minerai par an, sur une période couvrant une décennie. On sait pourtant que l’extraction minière, et particulièrement le traitement du minerai aurifère par le cyanure, a des effets irréversibles sur l’environnement…

- Une étude d’impact a bien été réalisée en 2006 sur ces projets miniers, mais après la signature de la convention d’exploitation ! La sociologue « indépendante » qui l’a dirigée a depuis été engagée comme responsable des aspects environnementaux pour une société minière. C’est vous dire combien l’étude d’impact a été biaisée.

Quels sont les principaux problèmes qui surgissent ?

- L’expropriation des terres est venue bouleverser les principales activités de subsistance : élevage, agriculture, ou aussi orpaillage, qui est pratiqué ici depuis longtemps. Les habitants de Sabodala sont devenus dépendants de la compagnie minière en termes d’emploi. On assiste en fait à l’aliénation de la population locale. Toutes les composantes d’un conflit potentiel sont là.

Votre ONG dénonce les pratiques maffieuses qui règnent dans le secteur, mais elle a aussi un rôle constructif…

- Nous sommes la seule ONG active sur le secteur des mines d’or au Sénégal. Nous avons le soutien d’Oxfam America, mais aussi de l’Union européenne à travers un programme d’appui à la bonne gouvernance. Nous faisons donc des recommandations au gouvernement : les compagnies minières doivent honorer leurs engagements contractuels envers le pays et ses habitants. Elles doivent financer des fonds en faveur du développement. Nous devons veiller à l’utilisation la plus démocratique possible de ces fonds, en tenant compte des besoins réels des populations. Après concertation, nous avons enfin obtenu l’élaboration d’un Plan social minier, qui a été officialisé en janvier 2008. Mais encore aujourd’hui, l’argent de ces fonds se trouve toujours dans les mains des compagnies minières. Nous n’avons toujours pas obtenu de programme de mise en œuvre. Le ministre des Mines doit être prêt à jouer la carte de la concurrence et à mettre en garde les compagnies d’extraction qui ne joueraient pas le jeu franchement.

Propos recueillis par
Gilles Labarthe / DATAS

(encadré 2)

Nouvel eldorado sénégalais

La seule société aujourd’hui entrée en phase d’exploitation aurifère au Sénégal oriental est l’australienne MDL, à Sabodala. Quatre autres compagnies sont toujours officiellement en phase d’exploration, même si certains spécialistes s’inquiètent du fait que certaines exporteraient déjà depuis 1993 quantité d’or sénégalais à titre « d’échantillons » destinés à être « analysés » dans leurs laboratoires à l’étranger.
On peut aussi se demander si le potentiel réel de Sabodala a été correctement évalué : il y a encore deux ans, le ministère des Mines tablait sur 15 tonnes d’or au moins, en pronostiquant avec un maximum de 25 à 30 tonnes. Une fois le contrat d’exploitation signé, MDL dévoile aujourd’hui un fabuleux potentiel de 54 tonnes d’or commercialisables. Sur le marché international, cet amas d’or équivaudrait à environ 1, 6 milliards de dollars. « Nous pensons que le périmètre des exploitations va continuer à s’étendre et que notre position stratégique continuera de s’accroître ces prochaines années », se réjouit le directeur de MDL, Nic Limb, dans une récente lettre aux actionnaires.
Autre sujet d’interrogation : la pléthore d’avantages fiscaux que MDL à obtenu pour exploiter Sabodala. Exonération de taxes sur huit ans, exemptions sur l’importation/exportation de biens et services, exemption sur les taxes foncières et de propriété… le terrain est certainement très propice aux investissements étrangers, mais qu’en retirera en définitive le Sénégal, un pays riche en or, mais parmi les plus pauvres du monde ?

Gilles Labarthe / DATAS