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Par Khadim NDIAYE, philosophe

Montréal -( Canada)- Les propos de James Watson sur l’infériorité génétique des « Noirs » dont a fait état la presse mondiale, ne sont pas inédits pour qui connaît un temps soit peu l’histoire du déterminisme biologique. De la phrénologie aux tests du quotient intellectuel (QI), en passant par la craniométrie, cette histoire a été véritablement une tentative de vouloir mesurer et quantifier cette notion polysémique qu’est l’intelligence. On a longtemps cherché en effet à réifier cette notion. Mais qui sait vraiment ce que ce concept signifie? N’y a-t-il pas aujourd’hui encore un foisonnement d’hypothèses, de discussions et d'oppositions par rapport à l’idée d’intelligence. Ne discute –t-on pas pour savoir si l’intelligence est unique ou multiple ? Ne parle-t-on pas de facteurs non-intellectuels de l’intelligence, tels que la mémoire ou encore l’émotion, comme l’a fait le neurologue américain Antonio Damasio ? Le Psychologue Joy Guilford, n’a-t-il pas énuméré, dans les années 60, 150 formes d’intelligence ?

La science n’étant pas une compilation d’affirmations dogmatiques, on serait bien en joie de savoir ce que ce cher Watson entend par cette notion brumeuse d’intelligence. Même si, surpris par les réactions vigoureuses du monde universitaire et de la société civile, notre scientifique a fait marche arrière, on connaît depuis fort longtemps, les présupposés et intentions profondes des discours de la veine de celui qu’il a tenu. Que certaines personnes voient dans ses propos un moyen d’attirer l’attention du monde entier afin de faire de la publicité autour de son livre à paraître, nous ne le nions pas. Mais force est de reconnaître que ce sont des affirmations qui reviennent, hélas, de façon périodique même à l’occasion d’interviews ou encore de publication de simples articles. Le regretté paléontologue, Stephen Jay Gould, avait bien raison de dire que la forme de base de ce type de discours ne disparaîtra jamais et continuera à faire sa réapparition à intervalles réguliers.

C’est souvent dans des périodes d’angoisse face à des troubles sociaux, de repli identitaire ou politique, durant les périodes de récession économique, quand par exemple, on juge nécessaire de réduire les dépenses de l’État et même de diminuer l’aide publique au développement destinée aux pays en développement, que le discours raciste se montre dans ses plus beaux atours. Il faut bien que ces diminutions soient justifiées ! Il est révélateur qu’après la tension sociale que constitua La Million Man March des « Noirs » de 1995 aux Etats-Unis, le Congrès décida le lendemain de réduire le budget du Medicaid, l’assurance maladie des personnes à faible revenu, augmentait les impôts et diminuait les crédits alloués aux enfants des mères seules ! Toutes choses qui visaient les populations les plus défavorisées.

Que dit Watson pour l’essentiel si ce n’est que toutes les politiques d'aide des pays occidentaux envers les Africains sont fondées sur le fait que l’intelligence des « Noirs » est la même que celle des Occidentaux, alors que tous les tests prouvent le contraire. Comprenez bien : les pauvres sont pauvres parce que c’est inscrit dans leurs gènes ; personne n’y peut rien changer ; même pas les subventions scolaires ni l’aide au développement !

Pour ne pas remonter très loin dans le temps, signalons que telle était déjà la thèse soutenue par le médecin psychiatre américain, Arthur Jensen en 1969 dans un article fort retentissant publié dans la prestigieuse Harvard Educational Review, et faisant état d’une différence de quotient intellectuel entre « Blancs » et « Noirs » en faveur des premiers. Son article intitulé How Much Can We Boot IQ and Scholastic Achievement? (De combien il est possible d’améliorer le QI et la réussite scolaire?), était en réalité une conclusion d’un rapport officiel sur l’éducation qui lui avait été demandé. Il s’agissait de dire si les subventions accordées aux populations défavorisées pour pallier les difficultés liées au contexte social étaient vraiment utiles. Sa conclusion était que la différence de QI moyenne entre les Blancs et les « Noirs » américains est d’environ 15 points. Pour lui cette différence ne provient pas de l’influence de l’environnement, mais plutôt de l’hérédité. Dès lors, il n’est pas nécessaire de gaspiller de l’argent pour venir à bout de l’infériorité scolaire, car cette infériorité est inscrite dans les gènes.

Si dans les années 30, il fallait tout simplement exterminer les êtres inférieurs, les « tarés » (handicapés mentaux et physiques), à l’époque de Jensen, il faut désormais couper l’aide sociale aux populations défavorisées, quitte à s’abriter derrière une pseudo-science ou à procéder sciemment à une falsification, comme l’a fait le psychologue anglais Cyril Burt dans les années 60.

Œuvrant dans le sillage de Jensen et de bien d’autres experts du racisme, le psychologue Richard Herrnstein et le sociologue Charles Murray, très proche du milieu conservateur américain, publient en 1994, un volumineux ouvrage de plus de 800 pages titré The Bell Curve (La Courbe en Cloche) qui a eu un énorme succès en librairie : plus de 400 000 exemplaires vendus ! Réalisée dans une époque marquée par la question de l’aide à apporter aux « Noirs », leur étude portait sur l'importance du QI dans la structure sociale des États-Unis et avançait l’hypothèse selon laquelle dans les sociétés contemporaines où l’on met la référence sur le mérite et où l’on récompense les individus, on crée de plus en plus une hiérarchisation fondée sur des différences génétiques. En clair, avoir un QI élevé est un gage de richesse et de bonne position sociale. Les pauvres sont pauvres parce qu'ils sont tout simplement moins « intelligents » que les riches des classes sociales supérieures. Ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. C’est l’idéologie de l’underclass : la victime est toujours responsable. Il convient donc de réduire les dépenses sociales ainsi que l’a préconisé, à l’époque, le républicain Newt Gingrich.

On aura beau objecté aux scientifiques de la trempe de Watson que telle est la logique ignoble qui sous-tend leurs discours, ils seront toujours sûrs d’eux et très à l’aise avec leurs préjugés. On leur rétorquera que d’après la génétique des populations, il y a des variations génétiques au sein d’un même groupe ; qu’un « noir » peut être génétiquement plus proche d’un « blanc » que deux « blancs » entre eux ; que deux personnes peuvent avoir une apparence physique différente en ayant la même configuration génétique, Watson et ses acolytes ne voudront pas de cette explication. Leur hypocrisie ira même jusqu’à réfuter pour d’autres groupes, les mêmes conclusions qu’ils tirent sur les « Noirs ». Dans les années 70 en effet, certaines études faisaient état d’une supériorité au QI de 11 points des Japonais par rapport aux Américains, mais curieusement, il ne s’est pas trouvé un seul scientifique pour conclure à une différence génétique! On est allé plutôt chercher les raisons dans les différences de systèmes éducatifs !

Le seul mérite de notre cher Watson dans cette affaire, si mérite il y a, est qu’il n’a pas été le premier prix Nobel de science à tenir ce discours raciste envers les Africains et les « Noirs ». Le français Charles Richet, prix Nobel de médecine en 1913 et éminent professeur à la Faculté de Médecine de Paris, parlait en son temps, des « détestables éléments ethniques de l’Asie et de l’Afrique ». Dans son ouvrage L’homme stupide publié en 1919, il écrivait que le cerveau des « Noirs » est un peu plus compliqué que celui des singes, et qu'il est capable, au moins en apparence, de quelques raisonnements rudimentaires. William Shockley, un autre prix Nobel mais cette fois en physique, en 1956, encouragé par le Pioneer Fund, un organisme de « Blancs » suprémacistes, proposait la création d’une banque de sperme pour les lauréats de prix Nobel et était prêt, après la publication de l’article d’Arthur Jensen mentionné plus haut, à octroyer une prime financière à toute femme américaine noire qui accepterait de se faire stériliser, car les « Noirs » rabaissent, selon lui, la qualité de la population.

Rappelons que cette idée de quête de la « race » pure, de constitution d’un « matériel de bonne qualité », chère à tous les tenants de « l’hygiène raciale » du calibre de Watson, était déjà en œuvre au sein du régime hitlérien qui alla même jusqu’à organiser des séances d’accouplement entre « aryens » pour créer des êtres « sains » que ne souilleraient pas les éléments « inférieurs ». On poussa le ridicule jusqu’à distinguer entre une « physique aryenne » expérimentale et intuitive, et une « physique juive » qui serait spéculative et théorique !