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Nuremberg, ville des droits humains
Stigmatisée par son passé historique et honnie jadis par la communauté internationale, la ville de Nuremberg s’est débarrassée de ce lourd fardeau qui pesait sur ses épaules. En effet, le 19 septembre 1935, les Nazis votaient les « Rassengesetze », les lois raciales anti-discriminatoires. Même si ces lois visaient en premier lieu les Juifs, elles ont été appliquées aux minorités noires vivant en Allemagne sous le vocable de « Rheinlandsbastarde» ou «Bâtards de la Rhénanie » qu’Hitler fera en partie stériliser afin qu’ils ne puissent pas « continuer à se reproduire », le procès de Nuremberg sous l’égide des Alliés marquera aux fers rouges cette ville.

Aujourd’hui, Nuremberg est devenue synonyme de paix et des droits humains. La place Nelson Mandela, Nuremberg, Siège de la Coalition des Villes Européennes contre le Racisme, la rue des Droits Humains sont les preuves tangibles de la métamorphose que cette ville a accomplie depuis la fin de la seconde guerre mondiale. La rue des Droits humains avec ses 27 colonnes, ses 2 plaques incrustées au sol, son chêne en forme de colonne et son arc de triomphe symbolise l’orientation politique et sociale de Nuremberg, libérée des démons du passé et ouvert au vent de la tolérance et de la diversité culturelle. Ce monument, la rue des Droits Humains, frappe non seulement par sa valeur esthétique mais surtout par le message fort qu’il renferme. Sur chacune des colonnes figure un article de la « Déclaration Générale des Droits de L’Homme des Nations Unies du 10 décembre 1948» et notamment l’article premier qui rappelle que : «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.»

Le Prix international des Droits humains

Le prix international des droits humains a été décerné à Eugénie Musayidire, le 30 septembre 2007 à l’Opéra de Nuremberg en présence de personnalités allemandes et étrangères. Mme Musayidire est la seconde femme africaine à recevoir cette distinction honorifique. Cette année, c’est la septième fois que le prix est attribué. Il est doté de 15.000€, octroyé par Mr. Bruno Schnell,

l’éditeur des journaux «Nürnberger Nachrichten» et «Nürnberger Zeitung ».

En 1999, Me Fatimata Mbaye de Mauritanie fut la première lauréate du continent africain. Le jury louait son engagement pour abolir l’esclavage qui sévit encore en Mauritanie. Créé en 1995, le prix International des Droits Humains est décerné tous les deux ans à une personne ou à un groupe qui par son engagement exemplaire et au risque de sa propre vie lutte pour une cause juste en rapport avec les droits humains. Le jury reconnaît non seulement l’engagement du récipiendaire mais aussi il contribue au-delà du lauréat à protéger et à encourager tous ceux qui défendent corps et âmes les droits humains. Cette récompense est la réponse de la ville de Nuremberg aux crimes qui ont été commis contre l’humanité et perpétrés par des autorités étatiques. C’est aussi le symbole que le nom de cette ville ne sera plus jamais associé à de tels actes répréhensibles et barbares. Nuremberg se confond aujourd’hui avec les termes de paix, réconciliation et respect des droits de l’Homme.

Le Jury du Prix international des Droits de L’Homme est composé de 11 éminentes personnalités tel que: Mme Shirin Ebadi, (Iran) prix Nobel de la paix 2003, le Professeur Dr. Maurice Glèlè-Ahanhanzo du Bénin, membre du comité des droits de l’homme des Nations Unies, co-rédacteur de la «Charte africaine des Droits de l’Homme et des Droits des peuples» Me. Daniel Jacoby (France) Secrétaire général de la Fondation « France Liberté » et Président d’Honneur de la « Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme», Dr. H.c.Koicho Matsuura (Japon) Directeur-Général de l’UNESCO, le Prof. Dr. Roman Herzog, ex- président de la République Fédérale Allemande, Dr.Ulrich Maly, maire de Nuremberg.

Dans son allocution, le maire de la ville Mr. Maly reprenant les termes du jury a notamment déclaré :

« Eugénie Musayidire s’engage avec un courage des plus admiratifs et sans tenir compte des risques personnels pour la reconnaissance des droits humains et la réconciliation entre les deux groupes ethniques ennemis des Hutu et des Tutsi au Rwanda. . ..En la désignant lauréate du Prix International des Droits de l’Homme 2007, le jury honore l’action d’ Eugénie Musayidire qui incarne de façon exemplaire les idées des droits humains universels et de la réconciliation après un crime inimaginable depuis 1945]…] Il rend ainsi hommage à Eugénie Musayidire mais aussi aux nombreuses personnes qui partout dans le monde s’engagent courageusement et au risque de leur vie à défendre les droits humains.

Pour le premier édile de la ville, Nuremberg et le Rwanda ont plus de points communs qu’on ne pourrait le penser: L’histoire de la période sombre de l’Allemagne et le génocide perpétré contre les Tutsis illustrent son propos. Car c’est sur la base des procès de Nuremberg, que le tribunal pénal de la Haye traite les crimes commis au Rwanda.

Dans son vibrant plaidoyer, le maire a mis la communauté internationale au banc des accusés. En effet, après l’holocauste, les meurtres en séries des Nazis, la communauté internationale avait promis d’être vigilante et de ne plus jamais fermer les yeux sur de telles cruautés, mais d’agir promptement. Elle n’a pas tenu sa promesse en ce qui concerne le Rwanda.

«Le pire génocide depuis la fin de la seconde guerre mondiale a eu lieu sous les yeux du monde entier. Nous devrions aujourd’hui encore avoir honte! » a-t-il affirmé.

Le gouvernement allemand était représenté par le ministre d’Etat, Mr. Günter Gloser qui s’est appesanti sur le rôle du tribunal pénal d’Arusha et a loué son travail. Le Ministre-Président de la Bavière Dr. Günther Beckstein a rappelé le devoir de mémoire qui incombe aux jeunes générations et combien il est important de les informer sur l’histoire.

Mr. Gareth Evans, Président du Groupe International de Crises et ex Ministre des Affaires étrangères d’Australie, a critiqué la passivité de la communauté internationale et son « échec catastrophique pendant le génocide du Rwanda».

Dr. Doudou Diène, du Sénégal, Rapporteur Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour les questions de Racisme, de Discriminations raciales, de Xénophobie et d’Intolérance a prononcé l’allocution d’honneur ou « laudatio ». Le génocide du Rwanda doit être « pour nous tous un avertissement ». Les efforts du Rwanda pour apporter de la lumière dans cette recherche de la vérité et en même temps le désir de travailler à vivre ensemble est « une expérience unique» dans l’histoire de l’humanité. Le Rapporteur Spécial de l’ONU a mis l’accent sur la voie qu’a choisie le Rwanda pour parvenir à établir la justice. Le pays s’attend à ce que les criminels répondent de leurs actes devant les victimes ou les rescapés. Cette expérience montre « la grandeur morale de ce peuple». Mr. Diène a achevé son allocution en émettant le vœu :

« Que ce prix international des Droits de l’Homme de Nuremberg, Madame et chère Sœur, fasse de votre action une fleur sur la belle terre du pays des mille collines ».

Eugénie Musayidirie, symbole de la réconciliation

Eugénie Musayidire est née le 25 décembre 1952 au Rwanda. En 1973, elle

s’ enfuit de son pays à la suite de la publication de son nom sur une liste de Tutsi qui devaient être arrêtés. Elle trouve d’abord refuge au Burundi où elle étudie à l’université de Urumuli l’économie et les sciences sociales. Quatre ans plus tard elle introduit une demande d’asile en Allemagne qu’elle obtient. Elle y accomplit une formation d’assistante technique pharmaceutique. Elle fonde une famille et travaille à Siegburg où elle travaille au service de l’émigration et des étrangers de l’église évangélique. Mme Musayidire a vécu 25 ans en Allemagne en tant que requérante d’asile.

Les massacres des membres de sa famille

La terre du Rwanda a été durant des semaines le théâtre de massacres sanglants et d’une barbarie inconcevable. Le sang de nombreux innocents, victimes de leurs cruels bourreaux a inondé le sol de ce petit pays, jadis un paradis verdoyant.

Au mois de mai 1994, Mme Musayidire apprend que sa mère est décédée des suites d’une brutale agression. Suzanne Mukangwije, une grand-mère de 76 ans était la personne la plus âgée du village, une femme connue pour sa bonté et sa générosité. Au soir du 22 avril 1994, son voisin l’a tuée à coups de machette. Il a jeté sa dépouille mortelle dans une fosse commune, avec une douzaine de femmes et enfants. Eugénie devait apprendre plus tard que son frère David Ngarambe son épouse, et leurs 4 enfants avaient été massacrés le même jour. Eugénie ne pouvait pas s’imaginer que le tueur, un ami d’enfance, un voisin, ait pu perpétrer un tel crime et assassiner froidement sa mère. 22 membres de sa famille ont succombé ainsi à la folie meurtrière et xénophobe des criminels racistes.

Le décès de sa famille plonge Eugénie dans une sorte de dépression. Les sentiments de culpabilité mêlés à l’impuissance de n’avoir pas pu éviter le crime et protéger sa mère, la détresse et le désespoir ont raison de son état physique.

Grâce aux soins intensifs de psychothérapeutes et aux conseils de théologiens qu’elle reçoit en Allemagne, Eugénie Musayidire parvient à refouler les traumatismes dus au massacre de sa mère dont elle souffre. L’écriture devient une thérapie qui l’aide à se faire une raison.

L’écriture comme thérapie

Un morceau de tuile qu’un ami lui a rapporté du Rwanda devient son talisman. Il l’avait ramassé dans les ruines de ce qui fut la maison des parents d’ Eugénie, complètement détruite après le massacre sauvage commis par les agresseurs.

Ce morceau de tuile lui inspirera le titre de son recueil «Ma Pierre parle»

Ce recueil de prière poèmes « Mein Stein spricht » (Ma pierre parle) est un témoignage émouvant sur les questions qui la tourmentent: Comment le voisin qui entretenait des liens d’amitié de longue date avec sa famille a-t-il pu devenir leur meurtrier ? Les textes traitent également de l’échec de l’église, de la communauté internationale qui a abandonné le Rwanda à son triste sort. Eugénie puise dans sa foi, la force de surmonter sa douleur.

L’ancien président de la république fédérale allemande, feu Johannes Rau écrivait à propos du livre :

« Je suis sûr que [ce recueil) peut contribuer à ne pas oublier la tragédie de votre pays, Les questions que vous posez sont des questions qui doivent être toujours posées »

En 2001, Madame Musayidire décide de retourner dans son pays afin de rencontrer le meurtrier de sa mère aujourd’hui incarcéré et trouver une réponse aux questions angoissantes qu’elle se pose. La rencontre en prison avec le tueur de sa famille et le retour dans son village ont été filmés. Ce documentaire poignant «Le meurtrier de ma mère» a obtenu en 2003 le prix des Médias «Grimm Preis» et a passé sur plusieurs chaînes de télévision dont Arte et TV5 Europe.

Réconciliation au lieu de vengeance

Sa propre expérience, face à la douleur liée à un sentiment de désespoir, de colère lui a fait prendre conscience qu’il est important de se réconcilier avec soi-même mais surtout avec l’ennemi afin de pouvoir aller de l’avant et connaître la paix du cœur. De nombreux jeunes qu’elle a rencontrés quelle que soit leur appartenance ethnique souffrent aujourd’hui encore des séquelles du génocide. Les victimes tout comme les criminels sont traumatisés devant l’ampleur de la tragédie qu’ils ont vécue.

En janvier 2003, Eugénie fonde à Nyanza sur un terrain qui lui appartient un centre de jeunes «Izere, Espoir pour le Rwanda» avec la collaboration de l’église évangélique allemande afin de venir en aide à ces jeunes désoeuvrés, anciens enfants-soldats, orphelins, enfants issus de viols, « les damnés de la terre ».

« IZERE » est un lieu de rencontre pour tous les jeunes Rwandais sans distinction d’appartenance ethnique. Ce centre de thérapie s’occupe des jeunes qui ont été traumatisés à la suite des événements de 1994; soit parce qu’ils ont été eux même blessés soit parce qu’ils ont assisté impuissants aux massacres de leurs parents et familles, soit parce qu’ils ont vu comment leurs propre parents sont devenus des meurtriers. Ils souffrent de dépression, de phobies et autres troubles mentaux.

Les jeunes ont ainsi la possibilité de parler de leurs souvenirs personnels du génocide, et évacuer leurs peurs. Eux tous ont besoin de soins psychothérapeutiques afin que l’on puisse les réinsérer dans la société et la vie active. La plupart des jeunes sont orphelins et passent leurs vacances au centre qui leur offre de nombreuses possibilités: cours de couture, de coiffure, atelier -photo. D’autres refusent de retourner chez eux parce qu ils ont appris que leurs parents étaient impliqués dans les crimes du génocide. La présentation Power-Point que nous avons eue durant la cérémonie montrait également les diverses activités auxquelles ils s’adonnent.

Par le chant, la danse, la peinture et les heures d’écoute ces jeunes apprennent à briser le silence dans lequel ils se sont emmurés. La formation professionnelle de métiers manuels n’est pas exempte du programme. Le centre « IZERE » supporte les frais et offre ainsi aux jeunes de nouvelles perspectives d’avenir. Il organise des émissions de radios, et des séminaires qui traitent des conséquences du génocide. Les séminaires sensibilisent les futurs enseignants aux problèmes d’enfants traumatisés.

On estime qu’en l’espace de cent jours environ 800 000 à 1 millions de personnes ont été massacrées durant le génocide du Rwanda en 1994. La nomination d’Eugénie a attiré l’attention des médias en Allemagne sur ce génocide. Comment la communauté internationale n’a-t-elle pas été en mesure de sauver tous ceux qui étaient menacés de persécutions ? Comment un tel massacre n’a pas touché la conscience de tous ceux qui sont toujours prêts à s’élever contre toutes les injustices?

Au cours de son message de remerciements, Eugénie Musayidire a fait part des difficultés qu’elle a rencontrées pour surmonter les traumatismes qu’elle a vécus. C’est d’une voix rauque et profonde qu’elle a décrit les sentiments qui l’animaient et ce qu’elle avait ressentis à l’annonce du génocide.

«Tout le Rwanda pleurait et je pleurais avec mon peuple». «Tout d’un coup, je me sentais vide. Au dessus de moi une ombre planait. Sans que je le voulais l’obscurité était devenue ma compagne».

Afin de chasser cette ombre qui planait au dessus de sa tête, il n’ y avait qu’une seule solution: retourner au pays natal.

« Une voix m’a dit, lève-Toi, vas-y et prends la main de cet enfant abandonné ».

C’est ainsi que depuis 2003, elle vit à nouveau au Rwanda, afin de réaliser son seul rêve: la réconciliation entre les deux groupes ethnique du pays. Sa foi en Dieu est le ciment de son action.

Le banquet de la paix

Invitant ses concitoyens à participer au banquet de la paix offert par la ville, le maire de la ville de Nuremberg a notamment déclaré :

« Avec Eugénie Musayidire notre ville honore une personnalité qui mérite notre admiration; bien qu’elle ait perdu tous les membres de sa famille lors du terrible génocide de 1994, elle s’engage cependant depuis plusieurs années pour faire valoir les droits humains et pour la réconciliation entre les groupes ethniques dans son pays. Nous voulons donner un signal fort et montrer que les droits humains sont la base indispensable pour promouvoir la paix et la justice et en même temps c’est un signal pour montrer que le vivre ensemble dans notre ville des personnes issues de cultures différentes est un acte de solidarité. »

5000 Nurembergeois et Nurembergeoises et citoyens des communes voisines ont répondu à l’invitation du maire. Ils ont assisté au « banquet de la paix » qui a eu lieu juste après la cérémonie á l’opéra, accompagné de tout un programme multiculturel et multiculinaire.

Nuremberg a voulu rendre honneur ainsi à la lauréate par ce banquet avec la participation de toutes les couches de la société qui soutiennent les efforts des autorités municipales qui ont fait de Nuremberg, la «ville de la Paix et des Droits Humains».

Par Dr. Pierrette Herzberger-Fofana,