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Par Professeur Moustapha KASSE
Président de l’Ecole de Dakar

FUKUYAMA dans son ouvrage « La fin de l’histoire et le dernier homme » avait décrété de manière péremptoire et certainement hâtive la fin des idéologies dans un système capitaliste mondialisé, qui a défait le « socialisme réel » et qui est en train d’uniformiser à la fois les systèmes productifs, culturels, sociaux et mêmes les comportements humains. Un nouveau démenti vient de lui être apporté par « L’Alliance des Libéraux et Démocrates pour l’Europe, le Pacifique, l’Afrique et les Caraïbes » lors de son Sommet à Dakar (1-3 Avril 2007) autour du thème : « Libéralisme et Gouvernance : l’Etat libéral social ».

Les échanges intellectuels d’un très haut niveau ont constitué un véritable travail de légitimation idéologique devant permettre un recentrage du référentiel doctrinal et la définition d’un modèle d’action stratégique. Il s’agissait en somme d’un débat à l’interne et par moment de discours de combat contre « les orphelins » résignés du marxisme.

Dans le texte liminaire, les organisateurs ont pris la précaution de fixer clairement et de manière concise les contours des questions afin que les discussions ne tournent ni dans le vide ni dans le vague. Leur point de départ est que « le modèle libéral-démocrate politique et socio-économique épouse la démocratie représentative et le respect des libertés, les droits de l’homme, l’Etat de droit et la séparation des pouvoirs. Il s’agit d’une philosophie de progrès et non une philosophie ultra-capitaliste qui écrase tout sur son passage. A partir de quoi se posent les questions : Quel est le rôle de l’Etat dans une démocratie libérale et plus spécifiquement dans les sphères économiques et sociales, notamment en ce qui concerne la redistribution de la richesse ? Le modèle politique démocratique libéral est-il approprié dans un contexte africain ? Est-il plus efficace que d’autres modèles pour atteindre la réduction de la pauvreté ? ».

Clarification des innovations doctrinales : les lignes de démarcation entre  libéralisme social et néo-libéralisme.
 
Le questionnement des Organisateurs de la Rencontre recouvre parfaitement les éléments du débat sur le contenu du libéralisme contemporain, ses controverses internes et ses relations avec les doctrines économiques et politiques connexes. La raison écrit Michel Albert, dès la première phrase de son dernier ouvrage, est que « le capitalisme a vraiment gagné et sur toute la ligne ». Au demeurant, cette hégémonie cache mal un affrontement entre plusieurs tendances libérales qui réclament la victoire ainsi que les oppositions introduites par les déçus de la social-démocratie. Complication supplémentaire, une certaine gauche se propose de reconquérir le libéralisme qui lui appartiendrait. Zeev Sternhell, (Libération du 03 juin 2006) historien, spécialiste de la droite française observe que «  C’est un très mauvais service qu’on rend à la gauche, à la liberté, à la démocratie, en associant les valeurs intellectuelles et morales du libéralisme avec l’exploitation capitaliste de la pire espèce. Historiquement ajoute t-il, le socialisme est aussi l’héritier du libéralisme, il ne doit pas en être le fossoyeur. Cela d’autant plus que des régimes de tyrannie et de dictature se réclament aussi du capitalisme tout en étant contre les valeurs de liberté ». La gauche doit récupérer le libéralisme qui est consubstantiel. Aux Etats-Unis c’est le contraire, « libéral » veut encore dire gauche ou gauchiste, l’ennemi des néo conservateurs. Au point que le dernier livre contre Hillary Clinton dénonce le « fascisme libéral » et la compare à Mussolini (Liberal Fascism : The Totalitarian Temptation from Mussolini to Hillary Clinton).  Il est vrai qu’en théorie la doctrine  libérale repose sur au moins quatre piliers non contradictoires dont certains portent tout aussi bien le socialisme :

    • D’abord, une philosophie de la vie en société se traduisant par  la mise en avant du système des libertés politiques, juridiques et économiques.
    •  Ensuite, une affirmation de la primauté de l’individu
    • En outre, une doctrine économique de la gestion de la production et de l'organisation des rapports sociaux qui en découlent. Elle repose sur la rationalité des choix individuels, l’optimisation des satisfactions.
    • et enfin la limitation des prérogatives de l’Etat.

Ces principes fondateurs se retrouvent  chez des idéologues de la gauche européenne comme Anthony Guiddens pour qui, la troisième voie défend les sociétés multiculturelles et une économie mondiale de marché plus juste, recherche la démocratisation des structures, l'égalité hommes-femmes. Non! à la récupération crient certains libéraux comme Drieu Godefridi Directeur de l’Institut Hayek sorte de gardien du temple libéral. Il appelle, dans une publication récente,  à «  Dépasser l'imposture du libéralisme social ». Pour lui, cette imposture est principalement lexicale. En effet, si le vocable social désigne les effets bénéfiques du libéralisme pour la collectivité, libéralisme social est un pléonasme. Ensuite, si le vocable social désigne le socialisme, libéralisme social est un oxymore. Enfin, si par social, l'on veut signifier l'acceptation d'interventions étatiques massives dans tous les secteurs de la société pour "redistribuer les richesses", ce n'est plus de libéralisme qu'il s'agit, mais de social-démocratie. Il est temps, souligne t-il, pour les libéraux de prendre congé des valeurs de la gauche et de « retrouver le sens et la fierté de leurs valeurs propres comme la liberté, le progrès, le travail, l’isonomie - combien de prétendus libéraux connaissent de nos jours la signification de ce beau mot grec d’isonomie, pourtant au cœur même de l’idéal libéral ». Dans la même direction Pascal Salin conclut son ouvrage en lançant «  qu’il faut du courage pour être libéral dans ce monde de fausses valeurs, d'alibis douteux, de compromis idéologiques, de mimétisme intellectuel et de démagogie politicienne ». Dès lors, il y a nécessité de défendre la citadelle.

II/ Défense et illustration du libéralisme social contre les velléités du « front antilibéral » de la gauche.
Deux exposés introductifs de haute facture présentés par Louis Michel Commissaire et Monsieur Afrique de l’Union européenne et le Président Abdoulaye Wade annoncent l’ampleur des débats internes au libéralisme social. Le texte de Louis Michel est un exposé de combat pour la réhabilitation d’un libéralisme social européen culpabilisé et acculé à la défensive par la gauche et les courants socialistes. Il s’agit principalement d’un rappel complet des valeurs de liberté, de démocratie, de libre entreprise et de déresponsabilisation de l’Etat.

De l'extrême gauche à une grande partie de la droite, les européens généralement et les français plus particulièrement se reconnaissent souvent « sociaux et anti-libéraux » signifiant par là qu'ils s'intéressent au sort des plus défavorisés, alors que, les libéraux, qui défendent l'individu et l'économie de marché - rebaptisée loi de la jungle pour la circonstance - sont des égoïstes, avides de profit. Or il se trouve que c'est exactement le contraire : ce sont les libéraux qui sont généreux et les autres les prédateurs.

A ce chorus vient s’ajouter celui des intellectuels contre qui Louis Michel semble s’attaquer. Raymond Boudon  dans un ouvrage s’interroge pour savoir « Pourquoi les intellectuels n'aiment pas le libéralisme ». Mais pourquoi tant de haine  se demande l’auteur qui observe qu’« Il y a le fait que les représentations de la société, de l'Etat et de l'être humain qui se sont imposées contredisent les préceptes libéraux : à la place de l'égalité des chances, on voit de l'inégalité sociale ; à la place de l'Etat minimum, un Etat régulateur (mais ça change de ce point vue, que l'on se rassure) ; à la place de l'individu autonome, des personnes coincées entre les structures sociales et leur refoulé psychanalytique. Ces différences créent une demande d'explication que les intellectuels - de gauche -, obéissant plus à leurs convictions qu'à la volonté de faire progresser le savoir, chevauchent allègrement, en puisant leurs explications dans le marxisme, la psychanalyse et autres pensées  « illibérales ». 

Il faut alors selon Louis Michel passer à  l'offensive et  occuper le terrain en manifestant une claire rupture avec l’ultralibéralisme auquel peu de libéraux souscrivent. Les lignes de partage sont clairement affirmées : il loue les vertus du marché et appelle au démantèlement de l’Etat. Aucune référence aux tenants de l’orthodoxie libérale pure et dure : Ludwig Von Mises, Hayek, Arrow, Debreu, Sonnenshein, Lipsey- Lancaster, Nash, Milton Friedman, Romer et plusieurs économistes de l’École de Chicago, fédérés depuis les années 1960 par la critique historique du New Deal.. Même Pascal Salin souvent cité comme le Pape du libéralisme en France est superbement ignoré bien qu’une partie de son analyse est reprise : « Dès lors que le droit de propriété est assuré, que la responsabilité de chacun sur ses actes peut être engagée, tous les échanges conclus librement sont porteurs de bénéfices mutuels, tandis que la concurrence fait vite disparaître les échanges inéquitables. Sous prétexte de justice sociale, l'Etat crée pagaille, inefficacité, spoliations et rentes. » Tous les ultralibéraux ont glorifié, l'extraordinaire fécondité du marché, à laquelle il oppose le caractère régressif des interventions publiques. Tout le reste suit : personne n'exploite personne, la concurrence remplace le gendarme. Par exemple, la notion de santé publique étant vide de sens, la logique ultra libérale portée à l’extrême  devrait établir qu’en une décennie si le sida ravage plus de la moitié du Continent africain, il restera aux victimes de poursuivre en dommages et intérêts les responsables de cette situation et le marché, en bon autorégulateur, favorisera l'émergence de solutions efficaces pour les héritiers. Cette conclusion est sans doute difficilement acceptable pour le Monsieur Afrique de l’Union Européenne.

La contribution du Président Wade se situe à un double niveau doctrinal et stratégique. C’est pourquoi, il est un exposé de bilan et d’ambition d’un libéral social aux commandes politiques et qui vient d’avoir l’onction populaire dans l’entreprise de transformation sociale de la société sénégalaise. L’auteur commence par régler de vielles polémiques avec les marxistes comme il l’avait fait dans son ouvrage un «  Destin pour l’Afrique ». ». A ceux qui affirment qu’il n’y a plus de doctrines ou d’idéologies, l’auteur souligne que « ce sont les doctrines non porteuses qui ont disparu, et que le libéralisme social qui est sous-tendu par l’économie de marché est pratiqué partout, y compris dans les anciens pays anciennement communistes ». Qu’est alors le libéralisme social ? Dans plusieurs réflexions, Abdoulaye Wade  précise, comme pour se démarquer d’autres conceptions, que « Le libéralisme n’est rien d’autre que le respect des principales libertés retenues par la déclaration de 1789, le renforcement de la démocratie et de l’initiative individuelle » auxquelles il ajoute  trois  innovations doctrinales majeures :

    • Réaffirmation des principes généraux relatifs à la rationalité des choix individuels et à la libération de l’initiative privée.  Mais il comprend que dans les communautés africaines, la civilisation et la culture sont partagées entre le désir de rendre chaque homme  responsable de son destin et le souci de rendre chaque homme solidaire de son prochain,
    • Adhésion aux principes de la bonne gestion économique et sociale pour résoudre le sous développement et sortir de la trappe de la pauvreté par des politiques inspirées de Keynes.
    • Insertion de l’Etat dans le jeu économique  avec des fonctions importantes qui créent des externalités positives pour le système des entreprises privées  sa capacité à guider, coordonner et inciter le développement.

Au demeurant, le libéralisme social ainsi compris est un véritable pari sur l’homme ce qui lui permet alors la prise en charge de toutes les préoccupations sociales des populations : promotion des enfants, des femmes, des travailleurs (augmentations de salaires), donc de manière générale élaboration d’une politique de la famille (accès au toit pour chaque ménage) ». Cette approche « wadiste » selon son auteur « convient alors parfaitement à nos sociétés africaines du fait de son aspect social qui le caractérise. Doctrine humanitaire, il guide notre praxis et nous conduira à l’émergence ». 
        Maître Wade, enseignant, chercheur comme homme politique se déclare en permanence comme disciple de J. M. Keynes qu’il affuble « mon maître ». Il partage comme les autres héritiers de Keynes la conviction forte que l’économie livrée à elle-même n'assure pas le plein emploi, en conséquence, l'intervention de l'Etat est nécessaire pour soutenir l'activité et combattre le chômage. Toutefois, précise Keynes (La fin du laisser faire) que « L’importance pour l’Etat est de faire ce que personne d’autre ne fait pour le moment » De fait, le manichéisme académique consistant à opposer, d'un côté, le marché inféodé aux intérêts individuels et, de l'autre, l'Etat nation est résolu.

La référence à la marche vers l’émergence est pour Maître Wade un clin d’œil aux expériences des Nouveaux Pays Industrialisés d’ Asie qui ont vaincu le sous-développement dans l’intervalle d’une génération. Ces expériences réussies de développement ont relégitimé l’Etat qui a joué un rôle central de libération des énergies, des talents et des initiatives. En déconnexion avec la vision néo-libérale, cet Etat réalise des objectifs politiques (intégration nationale et démocratisation) économiques (création des infrastructures physiques et humaines favorables à la croissance) et sociaux (redistribution). Il a été qualifié par P.Hugon « d’Etat pro » : promoteur, producteur, prospecteur et programmeur. Cet Etat réussit à allier justice sociale et efficacité. Bien produire avant de répartir : J. Rawls et A. Sen apporteront les réponses libérales les plus expertes. En somme, le libéralisme social redéfinit les missions de l’Etat et rompt avec les politiques économiques passives tout en se démarquant des politiques dirigistes de planification.

En conclusion : Les interpellations du libéralisme social

Il faut être reconnaissant à « L’Alliance des libéraux et démocrates » pour la très forte impulsion au débat sur les questions introduites par les complexes mutations des sociétés contemporaines, leur interprétation et les trajectoires et limites qu’elles fixent aux forces sociales et politiques qui agissent sur elles. Le monde a profondément changé et beaucoup de murs idéologiques se sont effondrés, alors le champ politique doit conséquemment se reconstruire pour trouver les réponses aux multiples défis que connaissent nos sociétés. Toutes les idéologies liées à la naissance du prolétariat donc aux premières révolutions industrielles, aux affirmations nationales post décolonisation, aux stratégies d’un développement endogène et autocentré doivent être profondément reconsidérées et remises en cause. Il faut alors trouver des pensées structurées et des lignes d’action dans lesquelles les citoyens peuvent se reconnaître. Le questionnement fuse et les analyses pour agir deviennent urgentes :

    • Dans quel monde vivons-nous ? L’internationale est le genre humain est-il devenu un mot d’ordre conservateur (Marx et tout ce qui en reste, R.Boyer, Attali, M. Rocard)
    • Subsiste-t-il d’autre choix qu’entre un libéralisme qui produit bien et répartit mal et un socialisme qui répartit bien et produit mal : La cigale et la fourmi (L. Stoleru, Abdoulaye Wade) ?
    • Existe-t-il d’autre choix qu’entre les frustrations de l’abondance et la répartition de la pénurie (L.Stoleru, Rawls et Sen) ?
    • Quel Etat ? Quelle taille optimale ? Pour quelles missions (North, Stiglitz, Williamson, Coaste ) ?
    • Le marché laissé à lui-même est-il seulement myope ou aveugle face aux faibles, aux pauvres et aux non organisés (J.Delors versus tous les néo-libéraux purs et durs) ?

Nous sommes confrontés, aujourd’hui, à de nombreux défis et mutations d’ordre économique, politique, culturel et social : les libéraux sociaux les ont soulignés et mis en débat avec une interpellation des chercheurs, des intellectuels, des politiques voire des simples démocrates. Ces défis et mutations ne sont pas toujours des calamités. Cependant, ils appellent des solutions à la fois urgentes mais surtout  inédites.