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KI – ZERBO : Genève, Paris, Tokyo : l’Eloge de la diaspora africaine.
GENEVE - Joseph Ki-Zerbo n’est plus ! Mais il reste, comme tout Sage du Continent qui s’en va rejoindre le Ciel, cette Etoile qui brille. Ce boussole indispensable qui guide de ses lumières, de sa direction la jeunesse en quête de sens. De Genève, à Paris jusqu’à Tokyo, la Diaspora africaine a formé une chaîne fraternelle pour perpétuer par le souvenir l’enseignement du grand Silatigi (maître à penser) de l’Afrique. (ContinentPremier vous livre l’Eloge de la diaspora au Burkinabé, à l’Africain Ki – ZERBO)
« Joseph Ki-Zerbo, dont nous venons avec peine d'apprendre le décès à Ouagadougou, le lundi 4 décembre dernier, a été parmi nous, membres de la diaspora africaine et amis de l'Afrique à Genève, en Suisse et en Europe une silhouette et une voix familières. Il avait l'image d'un homme du Sahel, haute et mince, et presque toujours vêtu de cotonnades traditionnelles, il semblait flotter comme par la force de l'esprit dans nos paysages européens.
Son aspect même nous annonçait la sagesse, et ses paroles calmes, mesurées, à la manière des grands initiés soudano-sahéliens, les Doma, ou Soma cautionnaient cette sagesse perçue de prime abord, et en pénétrait ceux qui l'écoutaient. Maître de la parole, il savait la valoriser encore plus par ses silences, et ses interlocuteurs étaient ensuite surpris de voir combien il les avait écoutés et compris, et par son don de Kuma koro ba (la grande parole) des Koma (grandes écoles d’initiation Mandé) il continuait insensiblement mais lumineusement à guider la suite de leur pensée. Il allait directement à l'essentiel et à partir de là il savait élever l'esprit d'une manière qui était pour lui sa vocation de Kuma koro ba, de parole salvatrice. C'était plus qu'une vocation : c'était l'effet d'un serment de fidélité à la justice et de don de sa personne à la recherche de la vérité.
Ceux qui entraient en contact avec Joseph Ki-Zerbo discernaient que derrière l'image et la voix il y avait un grand passé, le passé d'un grand sage. Le don de lui-même à la vérité, Joseph Ki-Zerbo l'avait manifesté par une grande œuvre d'historien. Notre frère Ibrahima Baba Kaké, l'historien guinéen disparu trop tôt, a rappelé dans son prestigieux livre Combats pour l’Histoire africaine que son aîné, Joseph Ki-Zerbo, agrégé d'histoire avant lui dans le système français, en 1957, avait déclaré : "Notre dette à nous, qui avons été envoyés pour nous équiper au contact de l'Occident, est très lourde à l'égard de nos compatriotes. Ils attendent de nous que nous témoignions pour les nôtres, que nous les aidions à se situer dans un monde en pleine évolution, et éventuellement à choisir un chemin. Mais afin de se situer et de s'orienter il est bon de s'arrêter un moment pour réfléchir sur le chemin déjà parcouru. D'où l'importance de la mémoire, c'est-à-dire de l'histoire, car l'histoire est la mémoire des peuples".
Joseph Ki-Zerbo historien a appliqué à son pays, le Burkina Faso, et à l'Afrique à la fois une expérience de terrain et une vision large du déroulement de l'histoire qui unit le passé, le présent et l'avenir. Il a eu une vision de l'histoire totale proche de celle défendue en France par Fernand Braudel. Sa recherche historique à lui a été particulièrement guidée par des initiés qui l'avaient précédé. Elle a porté sur les éléments essentiels de la vie : la terre, l'eau, les végétaux, les matières premières, que son aîné Amadou Hampaté Bâ, disciple de Tierno Bokar, le sage deBandiagara avait appelés "la grande histoire de la vie". Il est le premier à avoir écrit en 1976 une Histoire de l'Afrique noire dans laquelle il a démontré la force des traditions orales africaines, sous-estimées et même brimées par la colonisation, comme source essentielle de l'histoire à côté de l'archéologie et des documents écrits.
Il avait un esprit concret et généraliste à la manière d'Hérodote, et s'était attaché à une résurrection intégrale de l'Afrique, à la manière de Michelet. C'est dans cet esprit qu'il a dirigé pour l'UNESCO une Histoire générale de l'Afrique parue en 1980. Combien d'Africains, y compris dans la diaspora, ont éprouvé une fierté accrue et se sont sentis réhabilités par les innovations historiques de Joseph Ki-Zerbo ! Et combien se sont sentis encouragés face à l'avenir par ses paroles chargées d'espoir, comme son admirable phrase dans l'introduction de l'Histoire générale de l'Afrique : "Sous les cendres mortes du passé gisent toujours quelque part des braises chargées de la lumière des résurrections".
Mais Joseph Ki-Zerbo a été lui-même bousculé et meurtri par l'histoire de son temps, ce qui rend plus vivante encore son inspiration. Homme de terrain, il était aussi un homme d'action qui comprenait le peuple et en parlait le langage. Il est ainsi entré dans la politique, dans le contexte du grand tournant du XXème siècle qu'a été la décolonisation de l'Afrique.
Beaucoup de Guinéens se rappellent qu'au moment où les Français ont quitté leur paysen 1958, après leur non au référendum de De Gaulle, et l'ont laissé ainsi démuni, Joseph Ki-Zerbo, qui avait été militant de l'indépendance africaine, répondant à l'appel de Ahmed Sékou Touré, a su réunir de jeunes enseignants, parmi lesquels sa propre épouse, pour combler le vide. On voit aujourd'hui, rétrospectivement, combien il avait discerné l'évolution du XXème siècle. Plus tard il a présidé le Conseil africain et malgache de l'enseignement secondaire (CAMES) et, à ce titre, il a milité pour l'introduction de la Nouvelle histoire de l'Afrique à laquelle il avait tant contribué, dans les programmes secondaires et universitaires. Plus récemment, lui qui avait été militant de l'indépendance n'a jamais hésité à critiquer les excès des gouvernements africains qui s'écartaient à son avis de la grande sagesse africaine à laquelle il avait voué sa vie. Dans son introduction à l'Histoire générale de l'Afrique on lit encore cette phrase qui annonce tout un programme : "Il faut que l'homme d'Etat africain s'intéresse à l'histoire comme à une partie essentielle du patrimoine national qu'il doit gérer, d'autant plus que c'est par l'histoire qu'il pourra accéder à la connaissance des autres pays africains, dans l'optique de l'unité africaine".
Ces dix dernières années les livres-testaments de Joseph Ki-Zerbo "La natte des autres : pour un développement endogène en Afrique", "Compagnons du soleil. Anthologie des grands textes de l’humanité sur les rapports entre l’homme et la nature", "Eduquer ou périr" et "A quand l'Afrique?" et ses conférences et séminaires qui constituaient pour nous un grand arbre à palabres ont reflété un certain désenchantement par rapport au devenir de l'Afrique, dans une mondialisation qui hypnotise trop les dirigeants africains et étouffe leurs peuples. Cela a pour effet de brader les ressources de l'Afrique et de disperser ses enfants, que ce soit par la pauvreté ou par l'exode des cerveaux, au point de menacer l'avenir du continent - oui, de ces enfants qui devraient recevoir et transmettre l'héritage ancestral que Joseph Ki-Zerbo a tant contribué à ressusciter.
Maintenant il n'est plus parmi nous, il s'en est allé. Il était un des derniers grands dépositaires de la mémoire africaine au moment où l'Afrique aborde les problèmes gravissimes de sa renaissance. C'est à nous maintenant qu'il appartient de préserver sa présence et sa voix. Nous sommes ses héritiers et devons relever ce noble défi. Dans le prologue d'Eduquer ou périr Joseph Ki-Zerbo a dit "Si nous nous couchons, nous sommes morts."
Lui est mort physiquement, mais sa pensée lui survit, et sa voix nous parle encore. Nous qui l'avons connu, écouté ou lu, soyons obsédés par son image presque évanescente et entendons sa voix prophétique. Et faisons le serment de le suivre et de traduire dans la réalité quotidienne de nos gestes et de nos actes ses leçons, sa Kuma koro ba, sa grande parole, pour que l'Afrique renaisse. »
Genève, le 10 décembre 2006
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