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Par Biram Dah ABEID*

Naples le 14 février 2009) Le Maghreb, à l’instar du monde Arabo Musulman, est traversé par des courants et idéologies à fortes connotations culturelles et religieuses intimement liées à une large et systématique culpabilisation de l’Occident Judéo-chrétien perçu comme source de décadence, de morcellement et d’affaiblissement des Oumma Arabe et / ou Islamiques. Et à l’image de sa nourrice, l’Orient, il est un terrain ou s’expriment la violence et l’extrémisme religieux sous un angle assez large. L’une des résultantes de cet expression est la nébuleuse de mouvements jihadites armés et leurs confrontations meurtrières avec les différents pouvoirs centraux de la sous région maghrébine.

A cette grande question, de fond, d’une profondeur civilisationnelle et spirituelle, viennent se greffer d’autres phénomènes non moins à l’origine de remous et de contradictions qui minent les sociétés et les Etats de cette partie du monde. En effet, il importe de souligner, de prime abord, le règne généralisé de régimes dictatoriaux, policiers, clientélistes et claniques qui personnifient la domination de la minorité sur la majorité et empêchent tout avènement de la démocratie, de l’équité et du développement. Ces régimes sévissent par les confiscations systématiques des libertés civiles et politiques et les violations continues et permanentes des droits fondamentaux de la personne humaine.

Nous pouvons en citer en plus de la male gouvernance qui est l’apanage de tous les Etats d’Afrique du Nord, les difficultés de cohabitations et les rapports conflictuels entre les différentes composantes ethniques,linguistiques ou raciales.
A ce propos, le mouvement culturel de la berbérité traverse quatre pays du Maghreb, avec virulence en Algérie et au Maroc, une certaine tiédeur en Tunisie et une attitude réelle, mais sournoise en Mauritanie. En guise d’exemple pour illustrer ce face à face explosif entre Arabes et Amazigh la confrontation entre deux tribus Algériennes le vendredi 30 février 2009 à Ghardaïa, qui s’est soldée par plusieurs morts.

Dans cette partie de l’Afrique, l’idéologie, les mentalités sociales et les pratiques politiques sont la préséance de l’Arabe sur l’autre, Noirs, Berbères...

Ces croyances racistes et anachroniques se sont manifestes depuis la nuit des temps par la mise en esclavage et l’assimilation forcée de ces peuples jugés inférieurs de par la couleur de leur peaux, des différences linguistiques et culturelles. En effet, depuis l’avènement de l’Islam dans ces contrées, les Arabes qui en conquérants et en maîtres des peuples nouvellement islamisés, au lieu de prôner la foie musulmane de l’égalité, de la justice et mieux vivre ensemble à l’idolâtrie, le prosélytisme ont opposé l’Arabité à la Berbérité et la Négritude. Cette attitude de suprématie très vivaces dans toute la région Maghrébine et dans toutes les zones de contact en Afrique de l’Ouest et de l’Est ; notamment, entre arabe et autres africains, s’est traduite dans ces territoires par plusieurs conflits à caractère ethnique ; au Soudan, à Zanzibar, en Erythrée, au Mali,au Niger, en Mauritanie. Tous ces conflits mettent en relief une volonté forcenée de la part de l’Etat Soudanais et de l’Etat Mauritanien entre autres, d’appliquer l’assimilation forcée ou le génocide à l’instar du régime honni de Saddam Hussein en Iraq. L’Iraq comme d’autres pays arabes du Moyen Orient et du Maghreb applique jusqu’à nos jours une politique sournoise de discrimination raciale à l’encontre de leur forte communauté Noire, confinées dans des zones bantoustans avec en toile de fond un silence mondial sur ce forfait.

Dans ce même ordre, nous pouvons aussi prendre comme exemple la propension de l’Etat et les groupes dominants en Mauritanie. Ce pays a décrété l’assimilation des tribus Berbères autochtones à l’arabité, ainsi que les Haratine. Les Haratine sont la couche sociale la plus importante au point de vue nombre du pays, soit 50% du peuple mauritanien. Ce même Etat dénie la citoyenneté mauritanienne à des communautés Noires, dont notamment les Haratine, les Haalpular, les Soninké, les Ouolof et les Bambara. Ces communautés Noires sont les plus anciennement établies dans cette contrée et l’histoire de leurs civilisations est présente en Mauritanie et dans toute la sous région.

L’aspiration de ces communautés se heurte aux volontés inflexibles des classes dominantes détenant les leviers de commande de l’Etat. Le pouvoir de classe ainsi détenu, réduit au silence et à l’assimilation toute expression de la différence. Cette situation représente l’une des causes essentielle de violations graves et massives des droits à la différence, des droits des minorités, des droits culturels, des droits de l’Homme tout court.

LA SITUATION DES DROITS HUMAINS EN MAURITANIE

Effets négatifs du coup d’Etat du 06 août sur les droits civils et politiques

Ce pays a vécu sous l’emprise du parti unique (PPM) depuis son indépendance en 1960, et sous la dictature des juntes militaires successives de 1978 jusqu’en mars 2007. Il faut rappeler qu’en 2006, les mauritaniens élirent pour la première fois de leur histoire un président au suffrage universel. La Mauritanie à de nouveau basculée dans l’escarcelle d’officiers félons qui stoppèrent une expérience démocratique unanimement saluée par la communauté internationale et les forces politiques nationales. C’est le coup d’Etat du 06 août 2008, qui s’est traduit par le viol de la constitution, la déposition du président élu, la domestication des élus du peuple, la confiscation des libertés d’actions politiques et syndicale, l’instrumentalisation des médias publiques et du pouvoir judiciaires.

Durant ces six mois de pouvoir du Général limogé Mohamed Ould Abd El Aziz, les arrestations arbitraires des opposants politiques se multiplient, les pratiques de la tortures reprennent de l’ampleur, Nouakchott, la capitale, et autres grandes villes sont quasiment en état de siège et les scènes d’affrontement entre manifestants anti-putschistes et forces de l’ordre rythment la vie de toutes les cités.

L’Attitude de la junte militaire par rapport aux questions du passif humanitaire et de l’esclavage

La Mauritanie est connue pour être parmi les pays du monde ou sévi l’esclavage sous ses formes ancestrales les plus abjectes et les plus réprouvées par le droit et les conventions internationales signés par ce pays. En effet, les communautés Arabo-berbères, Haalpulaar, Soninké, Ouolof ou Bambara qui constituent les composantes ethniques de la Mauritanie, pour avoir été toutes esclavagistes, sont toutes hiérarchisés en castes, et reproduisent encore les idéologies et les croyances de mépris et de stigmatisation contre des catégories sociales considérées comme inférieures, au sein desquelles les affranchis et les esclaves constituent les dernières marches de cet escalier féodal.

Mais spécifiquement, les segments Arabo-berbères habitant la Mauritanie, de part leur mode de vie, leurs coutumes et valeurs, ont développé tout au long de leur histoire un système social basé sur l’exploitation des populations asservies ; esclaves et anciens esclaves appelés communément, les Haratine. Cette entité sociale constitue plus de 50% de la population totale de ce pays.

Les esclaves chez les Arabo-berbères, sont des propriétés de leurs maîtres. Ils sont un bien meuble et immeuble au même titre que les troupeaux et les domaines cultivables de ces derniers. Ils travaillent sans salaires, ne vont pas l’école, subissent des châtiments corporels les plus invraisemblables. Ils sont cédés, loués, ne peuvent ester en justice et n’ont aucun droit sur leurs enfants ou leurs épouses esclaves. Les femmes esclaves et ses enfants sont séquestrés et astreints au travail, leurs filles sont violées par leurs maîtres dés la fleur de l’age, un viol que la version locale du droit musulman autorise et légitime. Au nom de ce droit musulman, l’esclave n’a pas le droit à la propriété, c’est un mineur du point de vue de cette loi et, à sa mort, ses biens sont captés par ses maîtres au détriment de ses héritiers.

Au bout de plusieurs décennies de lutte anti-esclavagiste, le mouvement abolitionniste mauritanien à obtenu du président démocratiquement élu, en août 2007, la promulgation, pour la première fois dans l’histoire de la Mauritanie, d’une loi criminalisant les pratiques esclavagistes dans le pays. Du coup, les hommes et femmes épris de paix, de justice et d’égalité crurent à un début de la fin de l’impunité. Hélas, c’est sans compter d’une part avec la mainmise des groupes esclavagistes sur les corps des administrateurs du commandement (gouverneurs, préfets, chefs d’arrondissement…), des magistrats et officiers de police judiciaires de dire et d’appliquer la loi. D’autre part, c’est négliger la capacité des cercles d’influence des milieux esclavagistes à limiter la portée de toute orientation, décision ou loi à caractère progressiste. Et de nos jours, deux constats se dégagent sur ce terrain ; le premier est le refus systématique sans appel des autorités concernées d’appliquer la loi aux dizaines de cas de crimes avérés d’esclavage répertoriés depuis le vote de cette loi. Le second est la remise en cause par les dignitaires civils et militaires du pouvoir putschiste, de la pertinence d’une telle loi. A noter que cette remise en cause est sous-tendue par une campagne officielle de déni de l’esclavage et des crimes esclavagistes.

Passif humanitaire ou crimes d’Etat à caractère de génocide et autres actes de racisme.

Certaines composantes de la population mauritanienne qui sont les Halpulaar, les Soninké, les Ouolof et les Bambara, sont des Communautés noires d’Afrique, qui ont cohabités avec les berbères et les arabes depuis plusieurs siècles. Ils sont fondateurs de grands royaumes du Ghana, du Mali, du Tekkrour, du Guidimaka, connus dans l’histoire de cette parie du monde. Mais la dérive ethniciste du pouvoir politique en Mauritanie, entamée à partir de 1966 au profit de la communauté arabo-berbère va ouvrir la porte à une certaine résistance de la part de l’élite des ethnies noires menacées dans leur citoyenneté et leurs privilèges dus à leur formation à l’école française par une arabisation à outrance de l’enseignement et de l’administration.

Cette compétition culmina sous le règne du dictateur Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya par une tentative de génocide qui visa les Noirs de Mauritanie et qui s’échelonna de 1986 à 1992. Entre ces deux dates, des centaines de villages sont rasés de la carte du pays et des dizaines de milliers de personnes humiliées sont expropriées de leur bétail, de leurs maisons, de leurs terres, et déportées au Sénégal et au Mali. Dans cette foulée des milliers de fonctionnaires noirs mauritaniens perdirent leur emploi dans le secteur privé et leur poste au sein de la fonction publique injustement révoqués dans une chasse aux sorcières parrainée par le pouvoir en place. Les villes de Mauritanie connurent des pogroms à l’encontre des sénégalais. Il faut signaler que le Sénégal en fit de même ou des mauritaniens furent largement massacrés et expulsés. Dans une deuxième phase de cette épuration, on assiste à des arrestations arbitraires, des simulacres de jugements, de lourdes peines de prison et des exécutions sommaires dans le but de décapiter l’élite civile et militaire des communautés noires du pays. Dans cette entreprise macabre, des milliers de cadres civils et militaires noirs connurent l’infortune des arrestations arbitraires, de la prison, de la torture, des disparitions et des exécutions extrajudiciaires (plus de 600 tués et disparus).

Ce passif lourd n’a encore trouvé comme début de solution que l’initiative du président démocratiquement élu qui en juin 2007, reconnu publiquement la responsabilité de l’Etat dans ce lourd forfait et entama un début de réparations qui ont consisté à inviter les déportés dans les pays limitrophes à regagner leur patrie, sous l’égide du HCR. Cette orientation de réparation et de réconciliation a été très vite compromise par l’omnipotence des idéologues chauvins et acteurs de ces crimes, encore très bien placés dans les appareils politique, administratif et sécuritaire de l’Etat.

Le coup d’Etat militaire du 06 août 2009 est venu rejeter aux calendes grecques toute chances de voir éclore une volonté officielle de reconnaissance des préjudices subis par une partie intégrante du peuple mauritanien, la naissance d’un mécanisme d’investigations, de justice, de réparation pour la réconciliation nationale.

Je m’en tiendrai à l’évocation de ces deux points qui constituent deux grandes problématiques dont le traitement rapide et efficace est un préalable à l’Etat de droit, la réconciliation et la paix civile dans mon pays. Mais je ne saurai finir sans souligner que bien que des formes ignobles de discriminations multiformes et d’esclavage perdurent, banalisées par notre société et le pouvoir politique, et faisant chaque jour des victimes, d’autres catégories comme les femmes, les enfants, les handicapés, les esclaves affranchis, les démunis et les immigrés, subissent eux aussi, leur part quotidienne de violations des droits élémentaires de la personne humaine. Les illustres personnalités, les Organisations Non Gouvernementales, les instances régionales et internationales présentes à cette conférence sont invitées à apporter leur soutien aux populations exclues et discriminées dans cette partie du monde de non droit. Cette situation dramatique est due, en grande partie, à l’appartenance ethnique ou raciale.

A partir de cette tribune, nous interpellons les gouvernements européens et les élites du monde libre sur la situation des milliers de candidats à l’asile politique et économique en Europe. Les sociétés européennes et leurs gouvernement deviennent de plus en plus xénophobes et intolérante ouvrant ainsi la voie a des abus reprouvés par les textes et droits que représente l’esprit du système de l’Etat de droit à la solidarité de l’Europe. Il est paradoxal que le gouvernement de Berlusconi engage une action d’envergure sur le droit aux personnes comateuses a vie d’avoir une mort dans la dignité, alors qu’il refuse les droits fondamentaux à des êtres humains. Ces personnes immigrées n’ont d’autres caractéristiques que d’être venus d’ailleurs, donc, différentes...Nous sommes solidaires du combat des justes en Europe contre les idéologies xénophobes et racistes qui traversent dangereusement la classe politique Européenne. br />

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Communication à la Conférence Internationale sur les Doits Humains et la Société Civile au Maghreb (13-14 février 2009), Naples en Italie.