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Les APE: Quel projet pour quelle finalité ?

Publié le, 11 mars 2008 par

Les Accords de Partenariat Economique (APE) sont l’objet de contestation et de critiques de plus en plus véhémentes dans nos pays. Peu de sujets ont en aussi peu de temps autant captivé l’intérêt ou troublé l’esprit des dirigeants politiques, engagé la réflexion sur la coopération entre l’Afrique et l’Union Européenne (UE), occupé la plume des chercheurs du continent et provoqué l’indignation et la mobilisation des populations africaines. La quasi-totalité des pays africains entretiennent des relations d’échanges et d’assistance avec l’UE. Il s’agit là d’abord d’un héritage, puis d’un choix stratégique de bon sens qui dépasse l’Afrique. On parlait avant d’Accords Communauté Economique Européenne et Afrique-Caraibes-Pacifique (CEE/ACP).

Je salue le courage et l’intelligence des Présidents Abdoulaye Wade et Tabo Mbeki, deux visionnaires du Continent, qui ont su prendre la tête de la croisade contre les APE. Les relations inégalitaires de l’Afrique avec l’UE n’ont pas toujours fait l’objet d’un effort scientifique destiné à trouver un juste équilibre taillé dans un vêtement juridique adéquat.

On peut également faire le constat d’un paradoxe : alors que les institutions internationales prônent la libéralisation du marché mondial en poussant à la constitution de grands ensembles régionaux où les marchandises circulent librement, certains des grands pays occidentaux subventionnent des pans entiers de leur économie. L’exemple le plus criant reste les subventions accordées à l’agriculture. Pourtant nos pays ont déjà presque tout donné : ils ont fait des efforts pour équilibrer leurs budgets, coupé les subsides, accueilli les investissements étrangers et fait tomber des barrières douanières.

Au-delà de ce constat douloureux, beaucoup s’accordent aujourd’hui à reconnaître qu’il n’y a pas, à priori, d’antagonismes entre marché libre et régulations, mais bien au contraire une nécessaire convergence. Le terme « régulation » fait référence à tout type d’action étatique à destination de la sphère économique, comme par exemple le « protectionnisme ». Cette vision moderne de l’Etat combinant libre échange et régulation peut donc être celle que l’Afrique pourrait adopter. Il faut cependant dire avec plus de précision quelles pourraient être ces régulations et actions étatiques souhaitables.

Les APE s’appuient sur une approche totalisante de la régulation de la société, ils cernent les domaines économiques et commerciaux. La concurrence ne joue effectivement que lorsqu’il existe des règles prohibant les pratiques anti-concurrentielles et des instances habilitées à sanctionner les abus de position dominante. L’expérience montre d’ailleurs que l’UE ne peut faire l’économie d’une action précise, en termes de régulations économiques avec l’Afrique, qui laisse souvent des pratiques contraires au jeu de la concurrence s’installer, comme les subventions de certains secteurs. Il apparaît évident que dans ce contexte, les Etats africains, quels qu’ils soient, subissent les jeux du marché international faussement libéré, car subventionné, et doivent de ce fait absolument trouver les moyens de faire de même, à moins d’être capables de peser d’un certain poids pour changer ces pratiques.

La plupart de nos codes d’investissement offrant des facilités fort étendues ont été élaborés ces dernières années à l’intention des multinationales européennes. Considérées comme un canal commode et efficace dans le domaine du transfert de technologie et des investissements, ces firmes se voient en effet proposer divers avantages d’ordre fiscal et de transferts des bénéfices. Mais il est rare que nos pays obtiennent réellement en échange des avantages octroyés, les résultats escomptés.

La zone de libre échange prévue par les APE est une limite à la multilatéralisation des échanges. L’existence d’une telle zone est de nature à anéantir tous les programmes de développement initiés dans nos pays. En effet, les APE font appel à l’élimination des droits de douanes et les autres réglementations commerciales qui frappent l’essentiel des échanges entre l’Afrique et l’UE. Dans le cadre des APE, il est prévu de créer un seul territoire douanier pour l’ensemble des Etats concernés et d’éliminer les barrières aux échanges entre L’UE et l’Afrique, avec pour seule obligation l’ouverture de nos Etats en franchise aux produits européens. De tels accords seraient suicidaires pour l’économie de nos pays car, faut–il le rappeler, nos économies sont loin d’être compétitives sur le plan des relations économiques mondiales. Dans les faits, nos échanges avec l’UE n’obéissent plus tout à fait au schéma préconisant que dans ses rapports avec l’Europe, l’Afrique soit avantagée. Divers déséquilibres, qui constituent autant de signes précurseurs des difficultés à venir en matière de transactions commerciales, s’observent désormais. Les différents rounds de négociation avec l’UE n’exigeaient pas la réciprocité dans les relations commerciales de celle-ci avec l’Afrique. Le principe de la non réciprocité qui est à la base de ce qu’on a appelé la dualité des normes s’analyse comme l’ensemble des règles juridiques applicables aux relations commerciales entre l’Afrique et l’UE, et qui dérogent aussi au système juridique dominant en matière de transactions commerciales, est désormais battu en brèche. Les résultats attendus de la non réciprocité sont pourtant loin d’être atteints. Cette règle provisoire envisageait de préserver l’avenir de nos pays sous réserve d’un rééquilibrage des rapports entre l’UE et l’Afrique dès que l’économie de nos pays atteindrait un niveau de développement suffisant pour supporter la règle de la réciprocité. Ce principe devra être revu à la lumière non plus des différents accords signés avec l’UE, mais du contexte dans lequel il s’opère. Pourquoi l’UE veut-elle vider ces normes de leur substance ?

L’Afrique ne commerce pas assez avec l’Afrique. Le renforcement de la coopération interafricaine pourrait être un cadre stimulant pour traiter des questions du développement. L’émergence d’une économie interdépendante devra s’accompagner d’une prise de conscience aigue pour promouvoir une stratégie de développement adaptée aux multiples réalités socio-économiques des différents Etats africains, c'est-à-dire favoriser la coopération réciproque des Etats africains.

L’arbitraire dont nos pays sont victimes sur le plan des relations économiques internationales, peut servir de catalyseur à la mobilisation de l’Afrique. Les rapports entre l’Afrique et l’UE doivent absolument se placer sous le signe de la franchise, ce qui requiert une explication lucide des échecs, et une évaluation continue des politiques de coopération.

L’Afrique doit parler d’une seule voix avec l’UE, car sa faiblesse lui impose de s’unir pour peser dans les négociations. La nécessité impérieuse de créer de grands groupements étatiques n’échappe à personne aujourd’hui. Cela étant, on peut à bon droit se poser la question du pourquoi, au moment où tous les continents s’organisent à tous les niveaux pour faire face au défi de la mondialisation, l’Afrique continue-t-elle à hésiter. Pourtant la Déclaration de Syrte met l’accent sur les changements sociaux, politiques, économiques, intérieurs et extérieurs nécessaires pour doter l’UA des moyens propres à la rendre plus apte à faire face aux problèmes qui l’interpellent. Cette Déclaration réitère la détermination du continent à forger entre les peuples d’Afrique et entre les Etats africains des liens d’unité, de solidarité, de cohésion et de coopération. Elle recommande dans plusieurs de ses passages de revitaliser l’UA afin qu’elle puisse jouer le rôle dynamique qui lui est dévolu, en apportant des réponses adaptées aux besoins des populations africaines. Le cadre général étant ainsi défini, il reste à l’UA d’arrêter une position commune qui servira de fil conducteur à la politique extérieure des Etats membres et qui permettra la consolidation de leur action. L’UA aura également pour tâche de faire converger les actions conduites par les Etats membres sur la scène internationale. La coopération entre les Etats permettra de concilier les positions des uns et des autres, de tenir, chaque fois que de besoin, des réunions consultatives non officielles, et d’instituer une procédure de consultation permanente entre les membres de l’Union. Les réunions envisagées permettront de procéder à des échanges de vues sur des questions précises afin d’adopter des conclusions communes définitives, dont les Etats membres devront tenir compte dans leurs activités extracommunautaires.

La définition d’une stratégie continentale de sauvegarde des valeurs communes et des intérêts fondamentaux des Etats africains s’avère indispensable aux fins du renforcement de la sécurité et de la paix ainsi que de la promotion d’une politique de coopération appropriée.

Il est plus que nécessaire de doter l’UA des moyens juridiques et de clarifier ses rapports avec les Etats membres. Nous assistons à une mobilisation citoyenne des populations africaines qui militent dans la ferveur populaire en faveur de la mise en place d’un gouvernement de l’UA, encore qu’il faille résoudre au préalable l’équation cruciale de l’orientation politique à imprimer à l’UA, ainsi que celle du transfert des compétences exclusives nécessaires à notre organisation. A quoi servirait de mettre en place un gouvernement de l’UA qui viendrait empiéter sur les compétences nationales. L’UA n’est qu’un cadre de coopération interétatique et non une organisation supranationale. L’Acte institutif de l’UA n’exige aucun transfert de compétences souveraines contrairement au principe de toute intégration économique qui exige forcément un abandon partiel de souveraineté.

Les droits des Peuples d’Afrique n’ont pas été suffisamment pris en compte par nos traités. Les Peuples du continent n’ont à aucun moment été directement associés à son orientation. L’unité africaine a toujours été perçue comme une affaire du sommet qui doit automatiquement s’imposer à la base. Dans le même esprit, on peut à bon droit soutenir que le refus des APE ne réussira qu’à la seule condition d’être accepté par les Peuples africains, unis dans leur diversité et pénétrés par le sentiment qu’ils sont les artisans de leur propre destin.

Les APE sont loin de servir les différents projets sectoriels de développement de l’Afrique, mais se pose alors inéluctablement la question de savoir si en définitive l’UE a un projet de développement pour l’Afrique ? En dépit des infortunes et initiatives infructueuses et décevantes, l’Afrique doit prendre son destin en main, avec la définition d’une nouvelle forme de coopération à l’échelle mondiale. Il faut que les africains eux-mêmes décident de leurs propres initiatives, car l’échec de toutes les politiques de développement en Afrique s’explique par l’absence de pragmatisme dans la conception des stratégies. Toute la question ne se résume t-elle pas en une absence de projet réfléchi, pensé, défini par les africains eux-mêmes et négocié avec l’UE, pour parvenir à ce que le Président Abdoulaye Wade appelle Accords de Partenariat pour le développement (APD) et non pas APE. Ainsi avec les APD, les africains détermineront eux-mêmes leur propre destin. Cette démarche nouvelle écartera les options économiques inadaptées et mal pensées qui ont causé beaucoup de ravages en Afrique.

Adama Dieng

Sous-Secrétaire général des Nations Unies

Greffier du Tribunal pénal international pour le Rwanda

Arusha, le 15 janvier 2008