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Plaidoyer pour un traité sur le commerce des armes (TCA).
Par Oupa Diossine LOPY, Email: Oupa129@hotmail.com
DAKAR - La circulation non contrôlée des armes menace la paix et la sécurité mondiales. Parties d’un constat sur le terrain, les ONGs Amnesty International, OXFAM et le Réseau d’action International sur les armes légères (RAIAL) ont lancé en octobre 2003 une campagne mondiale « Contrôlez les armes.»
Ces trois organisations ont évalué les dégâts provoqués par l’usage abusif que les gens font des armes. Au total une personne est tuée par une arme chaque minute dans le monde. C’est ainsi qu’elles ont commencé à s’activer pour un contrôle plus sévère de la vente et de la circulation des armes afin de maîtriser leur prolifération.
Soyons très clair dans ce propos. La campagne ne vise pas l’interdiction du commerce des armes mais lutte pour l’éradication du commerce illicite des armes. L’un des objectifs de la campagne c’est éviter qu’elles tombent entre les mains des gens qui en feront un mauvais usage.
L’un des principes fondamentaux du traité sur le commerce des armes : « Les Etats ne doivent pas autoriser les transferts d’armes s’ils pensent que ces armes sont susceptibles d’être utilisées en violation de la charte des Nations Unies pour commettre de graves atteintes aux droits humains, des infractions au droit international humanitaire, des actes de génocide ou des crimes contre l’humanité, ou d’être détournées à ces fins.» Même si ce principe renferme un peu de subjectivisme, il pose au moins un problème humain : la souffrance des populations du fait des armes.
On estime environ 639 millions d’armes légères et de petit calibre, aujourd’hui dans le monde et plus de 8 millions sont produites chaque année sur la planète. Et ces armes échappent au contrôle et accroissent la pauvreté et la souffrance des populations. Qui ignore que les armes non contrôlées exacerbent les conflits meurtriers, augmentent la répression étatique, accroissent la criminalité et la violence dans les zones en conflit. Le cas des armes utilisées dans la guerre civile au Liberia est une parfaite illustration de ce manque de contrôle.
« … L’accumulation excessive et le commerce illicite des armes légères menacent la paix et la sécurité internationales, anéantissant les espoirs de développement social et économique et compromettant les perspectives en matière de démocratie et de droits humains.» (Kofi Annan, Secrétaire Général des Nations Unies, 2002)
En juillet 2001, la Conférence des Nations Unies a mis en place un programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères. La volonté politique des Etats est déterminante pour atteindre le TCA car ce sont eux des sujets du droit international et non les ONGs.
Malgré le document de l’OSCE et l’Arrangement de Wassenaar sur la réglementation des exportations d’armes classiques où plus de 50 Etats ont manifesté leur accord pour prendre en compte le droit humanitaire international lors de l’examen d’exportation d’armes, il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour le respect des textes.
Ces ONGs mènent la lutte sur trois niveaux : national, régional et international. Au niveau de celui-ci, elles se battent pour inciter les Etats membres des Nations Unies à adopter un traité sur le commerce des armes (TCA) au courant de cette année 2006. Même si ce délai paraît court pour réaliser ce projet, elles ne comptent pas baisser les bras.
Pour bénéficier d’un grand appui, il doit au niveau régional avoir la faveur des Chefs d’Etat. C’est ainsi qu’au niveau de l’Afrique de l’Ouest OXFAM, Amnesty International et IANSA et leurs partenaires nationaux continuent à œuvrer pour que la CEDEAO transforme le moratoire d’Abuja en convention.
Plus de 600 organisations de la société civile et vingt et un prix Nobel de la paix et de hautes personnalités soutiennent le TCA.
Une campagne de lobbying se mène aussi dans chaque pays afin d’harmoniser les législations nationales avec le protocole de la convention. Les populations sont également sensibilisées aux méfaits de la prolifération des armes légères.
Cependant, trois pays se détachent du lot pour devenir des « pays champions » : Ghana, Mali et le Sénégal. En effet, les autorités de ces trois pays ont accompagné ces ONGs à des degrés différents dans leur combat qui est aussi celui des Etats. Il y a d’autres comme la Guinée-Bissau qui ont manifesté une réelle volonté politique pour bouter hors de la société ce fléau qui freine le développement économique et social.
L’Etat du Sénégal a beaucoup appuyé la campagne grâce à la position défendue par le Président de la République, Abdoulaye Wade, à la tribune des Nations Unies. La collaboration avec les Ministères techniques (Ministères des forces armées, de l’Intérieur et de la Justice) et la coordination du Ministère des Affaires Etrangères.
La délégation du Sénégal a soutenu la campagne lors du dernier BMS (Biennial Meeting of States/Réunion Biennale des Etats) aux Etats Unis, en juillet 2005 ; et le Président de la République a réitéré la position du Sénégal dans son soutien à la campagne. La sécurité et la paix concernent tout le monde.
Les parlementaires ont également joué un rôle déterminant avec le dynamisme du président de la commission Sécurité et Défense et aussi de celui des Lois.
Le premier avec qui nous avons tenu plusieurs séances de travail a été l’un des argentiers du succès de cette campagne au sein de l’Assemblée Nationale.
Le 27 décembre 2005, les parlementaires ont traduit leur déclaration en actes concrets ayant voté le projet de loi n° 24/2005 portant sur le protocole contre la fabrication et le trafic illicite d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions. C’est un protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à New York le 31 mai 2001.
Malgré le caractère du texte très international, les interventions des députés ont gravité autour de la circulation des armes légères en Afrique de l’Ouest. Ils ont été même allés jusqu’à demander au gouvernement de mener une politique de sensibilisation auprès des populations pour qu’elles soient plus impliquées dans la lutte contre le phénomène. Ratifier c’est bien mais agir pour éradiquer le mal est encore mieux, selon les parlementaires.
Le Ministre des Affaires Etrangères du Sénégal, Cheikh Tidiane Gadio a tenu à rassurer les parlementaires sénégalais en déclarant que le gouvernement travaille, en collaboration avec le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO, pour la transformation du moratoire en une convention.
Quelles sont les raisons qui poussent un Etat, un groupe rebelle ou une personne à vouloir posséder une arme ?
On croit qu’avec une arme on peut étendre son autorité ou son pouvoir ; on pense qu’avec une arme on accroît son gain ; les armes sont aussi utilisées pour accumuler des ressources : argent, ressources naturelles (pétrole, or, diamant, territoires, etc.) et la drogue ; les armes sont utilisées pour imposer une idéologie.
Les Etats se procurent des armes pour assurer leur défense, pour se protéger d’un quelconque envahisseur.
L’argent qui aurait pu être dépensé dans les secteurs de l’éducation et de la santé est injecté dans l’armement. Les pays en développement possèdent 51% des armes lourdes dans le monde. Ainsi le développement durable inscrit dans « l’agenda 21 » lors du sommet de la terre à Rio de Janeiro, au Brésil, en 1992, organisé par les Nations Unies ne pourra pas être atteint en Afrique.
Si le commerce illicite des armes continue, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), définis en 2000, visant à combattre la pauvreté, à améliorer l’accès à des services de base, à contrôler la transmission de maladies et garantir l’éducation pour tous ne seront que de vœux pieux.
Les Etats sont trop jaloux de leur souveraineté et c’est pourquoi les ONGs ne leur imposent rien sinon de prendre leurs responsabilités. Les Etats peuvent quelquefois se montrer contradictoires : vouloir un droit qui les protège et exiger une liberté d’action.
Un mécanisme de suivi des armes létales est aussi l’une des préoccupations de ces ONGs. En effet, pour suivre les traces des armes (traçage) il faut au préalable procéder à l’immatriculation (marquage) pour pouvoir identifier le fabricant et leur pays d’origine.
L’organisation des Nations Unies (Résolution 58/241 du 23 décembre 2003) a lancé en 2003 par le biais de son Assemblée Générale un processus pour les négociations à l’intention des Etats : un instrument international d’identification et de traçage rapides et fiables des armes légères illicites. Ce sera l’objet d’un autre traité, celui sur le marquage, le traçage, le courtage et le transfert des armes. Si ce traité est également adopté, il permettra d’identifier rapidement le fabricant et l’acheteur.
Aujourd’hui, plus de 90 pays déclarent élaborer des lois sur la fabrication, la possession et le commerce illicite des armes. Beaucoup d’armes ont été collectées et détruites, surtout en 2001 et 2002 car le détournement des armes licites stockées est l’un des principaux moyens d’acquérir une arme illicite.
Chaque jour, des milliers de personnes vivent dans la psychose de la violence armée dans le monde. La prolifération non contrôlée et l’utilisation illégale de ces armes par les armées régulières et les bandes armées sèment la désolation auprès des populations et ralentissent ainsi les activités économiques. La paix, la sécurité et le développement méritent que chacun de nous brûle quelques calories, dépense beaucoup d’énergie pour le bonheur du globe./.
PS/ Pour plus d’informations, veuillez consulter le site : www.controlarms.org
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