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AFRIQUE: VERITE ET CONSEQUENCES.
« Quand il s’agit de l’Afrique, nous évacuons
le problème de la souffrance d’un haussement d’épaule
! Ailleurs dans le monde on se précipite pour donner ».
Par
Jan Egeland, Secrétaire Général adjoint
aux Affaires Humanitaires de l’ONU et Coordonnateur aux secours
d’urgence. |
Les enjeux seront de taille au prochain sommet du G8 à Gleneagles, et
en particulier la question de l’Afrique. Ce que décideront ou pas
les huit Chefs d’Etat pour aider le Continent africain relève de
la conscience et sera porteur ou non de conséquences dramatiques pour
des millions de personnes, notamment celles qui ont la malchance de se trouver
en première ligne des catastrophes.
Grâce au leadership britannique et aux voix courageuses qui se sont élevées
dans le monde entier, notre génération a été sensibilisée,
enfin, à l’extrême urgence des besoins en Afrique. Ne dilapidons
pas cette chance historique qui nous est offerte d’aider ce continent
à trouver un nouveau chemin vers la prospérité.
Les défis auxquels l’Afrique doit faire face sont nombreux. Le
premier reste l’extrême pauvreté qui mine tous les efforts
entrepris pour éradiquer les conflits, les épidémies ou
les conséquences des catastrophes naturelles. Le second fléau
est l’indifférence des gouvernements occidentaux et même
celle de certains dirigeants africains qui, non seulement, permet mais crée
les conditions de cette misère abrutissante. .
Nous devons en finir avec la tyrannie de l’apathie qui
contraint et confine des millions d’africains à une existence dégradante
et déshumanisante.
L’apathie et l’inertie n’ont pas droit de cité dans
nos esprits quand il est possible de sauver des vies rapidement et efficacement,
à moindre coût, grâce à l’aide humanitaire.
Aujourd’hui 16 millions de vies en Afrique sont en danger. Dix pays sont
oubliés : le Niger, le Tchad, l’Ethiopie, l’Erythrée,
la Guinée, la République du Congo, le Mali, la Centrafrique, la
République Démocratique du Congo, et le Nord de l’Ouganda.
Ce sont les tsunamis silencieux de notre époque. Nulle part ailleurs
dans le monde tant de vies sont menacées. Et nulle part ailleurs dans
le monde l’aide humanitaire peut faire autant à si petit prix pour
sauver des vies.
Il y a six mois le Secrétaire général de l’ONU, a
lancé un Appel de fonds de 3,1 milliards de dollars pour venir en aide
à ceux qui se trouvent aux confins de la misère et cela particulièrement
en Afrique. Aujourd’hui 36% seulement de cette somme a été
récoltée.
Quand les leaders du G8 vont débattre de la question de l’Afrique,
je ne vois pas meilleure façon que de commencer par financer les 2,2
milliards de dollars manquant.
Je lance un appel solennel aux pays donateurs afin qu’ils n’oublient
aucune situation d’urgence en Afrique.
L’aide humanitaire n’est pas un substitut au développement,
mais le marche-pied essentiel qui permettra aux efforts à venir de gravir
l’échelle du succès.
Débourser 2,2 milliards n’est pas une petite affaire. Mais à
l’heure ou une grande partie du monde connaît la prospérité,
ce chiffre représente une goutte d’eau dans l’océan.
Ce n’est rien en comparaison des mille milliards de dollars dépensés
l’année dernière pour les armes dans le monde ou des 350
milliards de subventions agricoles aux pays riches.
Malheureusement le manque d’argent pour l’humanitaire en Afrique
a toujours été la règle et non l’exception.
Quand il s’agit de l’Afrique, nous évacuons
le problème de la souffrance d’un haussement d’épaule
! Ailleurs dans le monde on se précipite pour donner. Quand il s’agit
de l’Afrique, nous acceptons en toute conscience l’inconcevable
et l’inacceptable !
La catastrophe provoquée par le tsunami a engendré un gigantesque
et extraordinaire élan de générosité. C’est
exactement ce type de réponse des donateurs qui devrait être la
règle pour toutes les crises humanitaires. Une vie a le même prix
que l’on habite à Banda Aceh, au Burundi ou à Bordeaux !
Quand il s’agit de l’Afrique, l’argent ne rentre pas ! Nous
n’avons reçu pour la République démocratique du Congo
que 35% des 182 millions de dollars nécessaires à un pays ou 1,000
personnes meurent chaque jour de maladie ou de malnutrition. Au Niger, pays
qui vient d’être ravagé par les criquets pèlerin,
l’appel de 16 millions de dollars lancé par l’ONU pour nourrir
800,000 enfants n’est financé qu’à hauteur de 11%.
N’avoir qu’un tiers des fonds nécessaires pour l’Afrique est grotesque et tragique, parce que l’aide humanitaire, ça marche ! C’est l’un des meilleurs investissements. Pour le prix d’un café, on peut vacciner un enfant contre la rougeole. Chaque année, cette maladie tue plus d’enfants que la famine et les catastrophes confondues. Avec une moustiquaire à 4 Euros, on peut éviter le paludisme, qui coûte plus d’un million de vies en Afrique chaque année et environ 12 milliards de dollars en perte de productivité.
L’aide humanitaire sauve des vies, elle porte aussi
un coup d’arrêt aux déplacements de population, aux épidémies,
et à la misère avant que la situation ne soit incontrôlable.
L’aide sert à freiner le développement des extrémismes
qui font leur lit dans celui de la pauvreté et des frustrations. L’aide
lutte contre l’instabilité politique qui menace les communautés
locales comme la sécurité en général.
Ce n’est qu’un début. La Grande-Bretagne a demandé
que l’on double le montant de l’aide à l’Afrique dans
le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
La France s’est engagée à consacrer 0,7% de son PNB à
l’assistance au développement d’ici 2013, deux ans avant
l’Union européenne, et c’est louable.
Je voudrais encourager maintenant la France à montrer la voie et le même
engagement s’agissant du financement de l’aide humanitaire.
L’inaction se paie très cher. Elle est fatale pour de nombreux
africains. Les Nations Unies estiment que plus de trois millions d’enfant
africains mourront au cours des dix prochaines années si les Objectifs
du Millénaire pour le Développement ne sont pas atteints.
La note n’est pourtant pas élevée. Selon Louis Michel, Commissaire
européen au Développement et à l’aide Humanitaire,
l’augmentation de l’aide proposée pour l’Afrique ne
coûtera pas plus aux européens que trois tickets de cinéma
ou sept paquets de cigarettes.
Nous sommes à un moment crucial. Nous avons les moyens de sauver des millions de vies. Il faut maintenant en avoir la volonté. N’ayons pas peur, allons de l’avant sans faillir, ne manquons pas le rendez-vous de l’histoire.
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