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Le débat entre afrocentristes et africanistes eurocentristes
Par Khadim NDIAYE, Philosophe
Parmi les débats en cours dans le milieu universitaire, en Europe, Afrique et Amérique, il en est un qui fait rage depuis quelques années et qui continue de l’être. Il s’agit de la confrontation entre ceux qui sont appelés africanistes eurocentristes et le groupe d’intellectuels désignés du nom d’afrocentristes, en majorité composés d’Africains et d’Africains Américains, et qui envisagent d’émanciper l’histoire de l’Afrique de la vision eurocentriste. Les bases du mouvement afrocentriste ont été en grande partie posées par le savant sénégalais Cheikh Anta Diop (1923-1986) dont les travaux avaient pour but de renverser le paradigme hégélien (l’Afrique est un continent anhistorique) et de redonner une conscience historique aux Africains.
Dans la préface de son fameux ouvrage, Nations nègres et culture, il écrivait : « S’il faut en croire les ouvrages occidentaux, c’est en vain qu’on chercherait jusqu’au cœur de la forêt tropicale, une seule civilisation qui, en dernière analyse, serait l’œuvre de Nègres (…) Il devient donc indispensable que des Africains se penchent sur leur propre histoire et leur civilisation et étudient celles-ci pour mieux se connaître. » (Édition de 1979, Présence Africaine, pp. 14-15.). Il s’est fait depuis lors des disciples un peu partout dans le monde, oeuvrant dans le sens qu’il a défini. Ce sont eux que l’on appelle aujourd’hui afrocentristes et ils se composent d’intellectuels venant d’horizons divers tels que Théophile Obenga, Mubabinge Bilolo, Alain Anselin, Jean-Philippe Omotunde, Aboubacry Moussa Lam, Babacar Sall, Gilbert Ngom, Jean-Paul Mbelek, Dika-Akwa, Jean Charles Coovi Gomez, Charles Finch, Molofi Kete Asante, Ivan Van Sertima, Martin Bernal, John H. Clarke, Josef Ben Jochanan, Cheikh Mbacké Diop, Ama Mazama, etc. Aux Etas-Unis, les African Studies ( études sur l’Afrique) sont un domaine très prisé, aujourd’hui et, l’idée d’African Renaissance, est devenue le cheval de bataille de milliers de personnes et fédère un mouvement très actif surtout en Afrique du Sud.
De l’autre côté, se trouvent les africanistes eurocentristes pour qui les théories afrocentristes relèvent plus du mythe que de la vérité scientifique. Hier composés d’intellectuels renommés tels que Jean-Suret Canale, Louis-Vincent Thomas, Raymond Mauny, etc., aujourd’hui ce courant critique est illustré par François-Xavier fauvelle-Aymar, Jean-Pierre Chrétien, Mary Lefkowitz, Stephen Howe, Paul Cartledge, Bernard Ortiz de Montellano, Henri Tourneux, Jean Copans, etc.
Cette confrontation qui s’accompagne d’une production littéraire énorme (articles, ouvrages, etc.), porte, quelque fois, sur des discussions très techniques. Mais, l’érudition la plus savante, cède la place, parfois, à la polémique la plus exacerbée, à l’ironie calomnieuse et à l’usage, par endroits, d’un langage discourtois frisant l’invective.
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