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SOUVENIR DE L’ABOLITION DE LA TRAITE DES NOIRS
Par GEORGES W. BUSH*, Président des Etats – Unis d’Amérique.
« Les fils et les filles volés à l'Afrique ont contribué à éveiller la conscience des Etats-Unis »
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Pendant des centaines d'années, sur cette île, des gens de divers continents se sont retrouvés dans la crainte et la cruauté. Aujourd'hui, nous nous rassemblons dans le respect et l'amitié, conscients des injustices du passé et résolus à promouvoir la liberté des hommes.
A cet endroit, la liberté et la vie furent volées et vendues.
Des êtres humains furent livrés et triés, pesés et
marqués du sceau d'entreprises commerciales, et embarqués comme
de la marchandise pour un voyage sans retour. L'une des plus importantes migrations
de l'histoire a aussi été l'un des crimes les plus graves de l'histoire.
Sous le pont des navires, dans la cale torride, étroite et sans lumière, c'était le cauchemar : des semaines, des mois de claustration, de violence et de confusion sur une mer inconnue et solitaire. Certains refusèrent de se nourrir, préférant la mort à tout avenir que leurs ravisseurs eussent pu leur préparer. Certains, malades, furent jetés par-dessus bord. D'autres se rebellèrent et, par leur violente mutinerie, réussirent à imposer un semblant de justice sur leur négrier. De nombreux actes de défi et de bravoure ont été consignés dans les registres, mais d'autres, innombrables, resteront à jamais inconnus.
Ceux qui survécurent et réussirent à nouveau à fouler la terre ferme furent exhibés, examinés et vendus lors de ventes aux enchères organisées dans différentes nations du continent américain. Ils entrèrent dans des sociétés indifférentes à leur douleur et que leur travail non rétribué enrichissait. Il fut un temps, dans l'histoire de mon pays, où un être humain sur sept était la propriété d'un autre être humain. En vertu de la loi, ils n'étaient considérés que comme des articles commerciaux, n'ayant le droit ni de voyager, ni de se marier, ni de posséder des biens. Et, comme les membres d'une même famille étaient souvent séparés, beaucoup ne purent même pas trouver le réconfort de souffrances partagées.
Pendant 250 ans, la culture et la dignité des captifs furent assaillies.
Pendant 250 ans, la culture et la dignité des captifs furent assaillies. Pourtant, les Africains d'Amérique ne perdirent pas leur âme. Mais celle de leurs ravisseurs était corrompue. Des hommes insignifiants assumèrent les pouvoirs et les airs de tyrans et de maîtres. Des années de brutalité impunie, de persécution, de viols engendrèrent l'engourdissement et le durcissement de la conscience. Des chrétiens et des chrétiennes refusèrent d'écouter les ordres les plus clairs de leur foi et ajoutèrent l'hypocrisie à l'injustice. Une république fondée sur l'égalité pour tous devint une prison pour des millions. Mais, ainsi que le dit un proverbe africain : "Aucun poing n'est assez gros pour cacher tout le ciel." Toutes les générations d'oppression sous les lois des hommes ne pouvaient écraser l'espoir de liberté et faire obstacle au dessein de Dieu.
Aux Etats-Unis, des esclaves africains apprirent l'histoire de l'exode d'Egypte et se tournèrent vers une terre promise de liberté. Des esclaves africains découvrirent un Sauveur martyr et constatèrent qu'Il était bien plus à leur image qu'à celle de leurs maîtres. Des esclaves africains entendirent les promesses retentissantes de la Déclaration d'Indépendance et se posèrent la question évidente : Pourquoi pas moi ?
L'année de la fondation des Etats-Unis, un homme du nom d'Olaudah Equiano fut emmené en esclavage dans le Nouveau Monde. Aucune des cruautés liées à l'esclavage ne lui échappa, qu'elles fussent brutales ou mesquines. Il s'éleva au-dessus de la piété des esclavagistes de l'époque pour voir un niveau plus élevé de l'humanité. "Dieu nous dit, écrit M. Equiano, que tant l'oppresseur que l'opprimé sont entre Ses mains. Et si ce n'est des pauvres, des coeurs brisés, des aveugles, des captifs, des meurtris que notre Sauveur parle, alors de qui parle-t-Il ?"
Au long des années, les Afro-Américains défendirent les idéaux de l'Amérique en exposant les contradictions inhérentes aux lois et aux coutumes du pays. Les droits des Afro-Américains n'étaient pas un don des détenteurs du pouvoir. Ils venaient de l'Auteur de la vie et les Afro-Américains eux-mêmes les reconquirent grâce à leur persistance et à leur courage.
Phyllis Wheatley, le premier écrivain noir de renom de l'histoire de notre nation.
Parmi ces Américains se trouvaient Phyllis Wheatley, qui fut tirée de force de son domicile en Afrique occidentale en 1761, à l'âge de sept ans. Dans mon pays, elle devint poète et le premier écrivain noir de renom de l'histoire de notre nation. Elle a écrit : "En chaque âme, Dieu a implanté un principe que nous appelons l'amour de la liberté. Il s'impatiente de l'oppression et aspire à la délivrance."
Des esclaves qui s'étaient enfuis et qui portaient le nom de Frederick Douglass et de Sojourner Truth, des enseignants nommés Booker T. Washington et W.E.B. Dubois, et des pasteurs nommés Leon Sullivan et Martin Luther King ont réclamé cette délivrance. Leur lutte en faveur de l'égalité s'est heurtée à la résistance de maintes personnes puissantes. D'aucuns pensent que nous ne devons pas juger les manquements de ces dernières selon les normes d'une époque ultérieure. Et pourtant il y avait alors des hommes et des femmes qui considéraient l'esclavage comme un péché et qui l'appelaient comme tel.
Nous pouvons juger le passé en fonction des principes du président John Adams, qui qualifia l'esclavage de "fléau d'une ampleur colossale". Nous pouvons discerner des principes éternels dans les actes de William Wilberforce, de John Quincy Adams, de Harriet Beecher Stowe et d'Abraham Lincoln. Ces hommes et ces femmes, noirs et blancs, brûlaient de zèle pour défendre la liberté, et ils nous ont légué une nation différente et meilleure. Leur conception de la moralité nous a incités, nous les Américains, à examiner notre coeur, à modifier notre Constitution et à enseigner à nos enfants la dignité et l'égalité de toute personne, quelle que soit sa race. Selon un plan connu de la seule Providence, les fils et les filles volés à l'Afrique ont contribué à éveiller la conscience des Etats-Unis. Les personnes mêmes qui avaient été victimes de la traite des esclaves ont aidé à libérer les Etats-Unis.
La justice doit régner partout où le soleil brille
Le cheminement de mon pays vers la justice n'a pas été facile et n'est pas fini. Le sectarisme d'ordre racial alimenté par l'esclavage ne s'est pas achevé avec la fin de l'esclavage ou de la ségrégation. Un grand nombre des questions qui troublent encore les Etats-Unis ont leur origine dans l'expérience cruelle d'une époque antérieure. Toutefois, quelle que soit la longueur de ce cheminement, notre destination est fixée, à savoir la liberté et la justice pour tous.
Tout au long des siècles, les Etats-Unis ont appris que la liberté n'était pas la possession d'une seule race. Nous savons avec tout autant de certitude que la liberté n'est pas non plus la possession d'une seule nation. Cette croyance dans les droits naturels de l'homme, dans l'idée que la justice doit régner partout où le soleil brille, guide les Etats-Unis dans le monde.
A l'aide de la puissance et des ressources qui leur ont été données, les Etats-Unis cherchent à apporter la paix là où sévit un conflit, l'espoir là où se manifestent des souffrances et la liberté là où règne la tyrannie. Ces engagements m'ont amené, ainsi que des membres éminents de mon gouvernement, à traverser l'Atlantique pour venir en Afrique.
Les Africains ont fait face à l'arrogance des puissances coloniales, mis fin aux sévices de l'apartheid.
Les peuples africains écrivent maintenant leur propre histoire de la liberté. Les Africains ont fait face à l'arrogance des puissances coloniales, mis fin aux sévices de l'apartheid et indiqué clairement que la dictature ne faisait pas partie de l'avenir des pays de ce continent. Ce faisant, l'Afrique a donné naissance à des héros de la libération, des dirigeants tels que Nelson Mandela, Léopold Senghor, Kwame Nkrumah, Jomo Kenyatta, Hailé Sélassié et Anouar Sadate. De nombreux dirigeants visionnaires africains, tels que mon ami (le président Abdoulaye Wade), comprennent le pouvoir de la liberté économique et politique pour faire progresser des pays entiers et pour élaborer des plans audacieux de développement de l'Afrique.
Les Africains et les Américains partagent le même attachement aux valeurs de la liberté et de la dignité, et il s'ensuit que nous devons oeuvrer de concert en faveur de l'adoption de ces valeurs. A une époque où les échanges commerciaux s'accroissent à travers le monde, nous veillerons à ce que les pays africains soient des partenaires à part entière dans le commerce et dans la prospérité du monde. Face à la violence et aux ravages de la guerre civile, nous serons ensemble pour défendre la paix. Face aux terroristes impitoyables qui menacent tous les pays, nous mènerons une campagne implacable en faveur de la justice. Face à la famine, nous ferons preuve de compassion et fournirons les outils de la technologie. Face à la propagation du sida, nous nous joindrons à vous pour lutter contre cette pandémie en Afrique.
Nous savons qu'il est possible de relever ces défis, car l'histoire s'oriente dans le sens de la justice. Le fléau de l'esclavage a été accepté pendant des siècles sans que l'on s'y oppose, et pourtant le coeur humain n'a finalement plus pu le tolérer. Dans tout homme et toute femme, il existe une voix de la conscience et de l'espoir qui ne sera pas étouffée, ce que Martin Luther King a appelé une certaine forme de flamme qu'aucune eau ne peut éteindre. Cette flamme n'a pas pu être éteinte dans la prison de Birmingham, tout comme dans la prison de Robin Island. On l'a vue dans l'obscurité, ici même dans l'île de Gorée, où aucune chaîne n'a pu étreindre l'âme. Cette flamme fougueuse de la justice continue de brûler dans les affaires des hommes et elle nous éclaire la voie.
Que Dieu vous bénisse tous.
* Cet important texte du Président des Etats – Unis a été prononcé lors de son périple africain le 8 juillet 2003 à l’Ile de Gorée, le sanctuaire de la Diaspora africaine. Le titre et les sous titres sont du journal.
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