L’histoire du monde a d’ailleurs révélé que les peuples s’entendent et se comprennent mieux que les Etats qui, dans la plupart des cas, s’engagent dans des conflits dont les populations ne perçoivent les raisons et les motivations qu’à travers la propagande et la désinformation. Sous ce rapport, les médias sont souvent utilisés pour exagérer et amplifier des faits selon le camp choisi. Toutefois, le nouvel ordre mondial de l’information avec la démocratisation de l’accès aux outils de communication de masse est venu bousculer les certitudes quant à la crédibilisation de l’information. Désormais, on n’accepte plus les vérités surfaites et préétablies, on confronte, vérifie et analyse les faits pour se faire une idée exacte de la réalité et de véracité des nouvelles. C’est ce qui explique, au demeurant, l’émergence des organes de contrôle des informations et de chasse aux fakenews.
C’est dire que les Etats qui ont le monopole des armes et de leur utilisation, n’ont plus le monopole de l’information et de la façon dont les peuples perçoivent la guerre et appréhendent les informations qu’ils reçoivent. C’est en cela aussi que les peuples sont en avance sur les Etats dont la plupart utilisent les guerres pour assouvir les intérêts de quelques groupes. D’où la question de l’instrumentalisation du pouvoir étatique par des lobbies et des groupes d’intérêt pour ne pas dire de classes comme cela a été le cas dans l’histoire du monde. Quand l’idéologie de l’argent prime sur tout, le mercenariat étatique devient l’instrument de combat et la voie obligée pour mener des guerres contre les principes sacrés de l’humanité : paix, respect des droits l’homme et des peuples, soumission à l’idéal de démocratie…
C’est sous ce prisme qu’il convient d’analyser les conflits qui ont traversé le monde depuis la deuxième guerre mondiale dont le dernier en date, l’invasion russe en Ukraine, est l’illustration la plus parfaite.
C’est dire, encore une fois, toute la pertinence et l’opportunité de repositionner le non-alignement au centre de la gouvernance du monde. Dans un précédent article sur le conflit russo-ukrainien, je concluais en disant ceci : Qui donc pour arrêter la guerre en Ukraine et remettre les choses à l’endroit. ? Qui pour lever l’impasse diplomatique et sortir le monde de l’engrenage et des ruptures d’équilibre qui pourraient entrainer des conséquences incalculables pour la stabilité de la planète ?
Sans doute le Président Xi Jiping de la Chine qui garde encore une certaine distance entre les deux blocs et qui dispose lui-même d’une force de dissuasion massive.
Sans doute aussi les pays non alignés qui disposent encore de leur posture de neutralité. Les leaders comme le Premier Ministre indien Narendra Modi, le Président de la République d'Indonésie Joko Widodo, le Président du Sénégal Macky Sall, nouveau Président de l’UA et tant d’autres pourraient, sous ce rapport, jouer ainsi leur partition.
Le Tiers monde ne doit pas continuer à regarder « les éléphants » jouer un jeu aussi funeste sinon les dégâts collatéraux risquent d’être dévastateurs.
Cet appel semble avoir été bien entendu par l’actuel président de l’UA qui, après avoir voté l’abstention au projet de l’ONU condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, s’est engagé résolument dans la médiation entre les deux pays. L’histoire retiendra cet acte historique comme une réponse des non-alignés à une prise de position qui aurait fermé toute voie de dialogue entre les deux belligérants. Il va de soi qu’on ne peut pas assurer une médiation après avoir pris position pour un camp. La neutralité semble, à cet égard, la voie la plus sage pour établir une relation de confiance et conduire des négociations susceptibles d’aboutir à des résultats.
L’esprit de Bandung, cette île indonésienne de Java, où se tint la première conférence afro-asiatique du 18 au 24 avril 1955, coule encore dans les veines de ceux qui dans l’histoire ont proclamé l’égale souveraineté des peuples et des nations. Le respect des droits humains et de la Charte des Nations unies ainsi que la nécessité d’une coopération économique et culturelle entre leurs pays doit être un serment sacré pour tout dirigeant du monde.
Pour les acteurs et témoins de l’histoire, la notion de la notion de « tiers-monde » comme partie de l’humanité n’appartenant ni à l’Est ni à l’Ouest est, en effet, une nouvelle (voie) voix au chapitre de la paix dans le monde.
Le Président Léopold Sédar Senghor avait raison en décrivant ce positionnement comme une « levée d’écrou » proclamant l’égale souveraineté des peuples et des nations.
Alors, est-ce vraiment illusoire et idéaliste d’envisager un monde sans conflits ou peut-on en faire un challenge réaliste ?
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