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Ont collaboré à ce numéro
Ballet Béjart
Dr Moustapha BARRY
M Souleymane Diabaté
M. Blaise LEMPEN
Mme Awa Sène Sarr
Mme Inès El-Shikh
Mme Nafissatou Dia
MmeCatherine Morand
Nations Unies
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Dr Moustapha Barry, journaliste et écrivain sénégalais à Paris: « J'ai fait une thèse pour montrer que Wade travestit l'histoire de la presse"
GENÈVE – (Suisse)- Le correspondant de Walfadjri à Paris, a publié son premier livre "Histoire des médias au Sénégal. De la colonisation à nos jours» aux Editions Harmattan (Septembre 2013. 356 pages) dans lequel il décortique les rapports entre Presse et Pouvoir au Sénégal depuis 1856! Docteur en information communication, titulaire d'une maîtrise en journalisme de l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication (Issic) de Dakar, d'un Dea en Histoire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et d'un Master II en Stratégie et politique de défense à l’Ecole des Hautes internationales de Paris, Moustapha Barry est incontestablement l'un des journalistes les plus diplômés de sa génération et probablement l'un des plus métissés ethniquement. Autant sa trajectoire sociale que son parcours professionnel et académique reflètent l'ambition de cette jeunesse africaine en quête d'excellence, au-delà des difficultés, pour porter plus haut la voix de l'Afrique. (Entretiens).
Pourquoi un livre sur l'«Histoire des médias au Sénégal. De la colonisation à nos jours»?
Ce sont les résultats de ma thèse de doctorat en information communication que j’ai publiés. D’ailleurs le sujet m’a été inspiré par le Président Wade. Lors d’un de ses discours, l'ancien Président avait soutenu qu’il était le premier promoteur de la presse au Sénégal. Je me suis dit qu’il faut que je fasse une thèse là-dessus pour montrer que le Président Wade travestit l’histoire. C’est ainsi que je me suis lancé dans la recherche après avoir validé le sujet avec mon directeur de thèse, le Pr Jacques Barrat. Ce livre a été aussi suscité par ces nombreux conflits entre presse et pouvoir qui ont émaillé le régime libéral. Je voulais savoir s’il y avait cette même tension sous le régime socialiste et durant la période coloniale. Le sujet de ma thèse, est « Médias et pouvoir au Sénégal depuis l’indépendance». Avec L’Harmattan, nous avons choisi d’abandonner le titre de la thèse pour intituler le livre : « Histoire des médias au Sénégal. De la colonisation à nos jours». Mon éditeur dit que c’est pour faciliter l’indexation et la recherche du livre par ceux qui seront intéressés.
Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir journaliste ?
C’est à force d’écouter les radios et de lire les journaux que j’ai voulu devenir journaliste. Je me suis dit qu’il faut que je sache comment les journalistes trouvent les informations qu’ils diffusent. J’avais sérieusement cette curiosité de savoir comment ils font. Deux voies s’offraient à moi : l’apprentissage dans le tas ou l’entrée dans une école de formation en journalisme. J’ai choisi la deuxième voie. C’est ainsi que je suis allé me former à l’Issic de Dakar pendant deux ans en y entrant avec un niveau de maîtrise. A la fin de ma formation, la direction de mon école a voulu que je fasse mon stage au journal Le Soleil. Ce que j’ai refusé. Je voulais aller dans une entreprise de presse privée. C’est comme cela que je suis allé à Walfadjri pour apprendre à pratiquer le métier. Depuis lors, j’y suis encore.
Parlez-nous de votre travail de correspondant de Walfadjri depuis Paris?
D’abord il faut rappeler le contexte qui m'a amené à être correspondant de Walfadjri à Paris. Je vous disais tantôt que c’est dans cette entreprise que j’ai fait mon stage. A la fin du stage, la direction du journal m’a demandé de rester travailler avec eux. Ce que j’ai accepté pour la qualité, la notoriété du journal et la compétence de ses journalistes, notamment, Tidiane Kassé, Jean Méïssa Diop et Abdourahmane Camara. Quand j’ai décidé de venir poursuivre mes études en France, le directeur de publication, Abdourahmane Camara, m’a demandé si je pouvais collaborer avec eux. Je n’ai pas hésité. C’est ainsi que je suis devenu leur correspondant à Paris. Mais ce n’est pas un travail facile au début parce qu’il fallait allier les études et la couverture des évènements d’autant plus que le métier de journaliste demande beaucoup de sacrifices. Il en est tout autant du statut d’étudiant. Il fallait trouver un compromis entre les cours et les reportages. Ce qui n’est pas évident. Mais je pense que j’ai réussi à faire les deux. Quand il n’y a pas d’évènements, il faut réfléchir sur les sujets à traiter et leur trouver un bon angle de traitement qui peut intéresser les lecteurs. Ce qui ne manque pas car, dit-on, Paris est la capitale politique et culturelle de l’Afrique francophone. De l’immigration à la politique africaine de la France, il y a de la matière. Il y a également le fait que les hommes politiques africains sont souvent de passage à Paris.
Pouvez-vous nous citer quelques-unes des personnalités que vous avez rencontrées à Paris?
J’ai interviewé pratiquement tous les leaders politiques sénégalais. De Moustapha Niasse (Ndlr qui a préfacé le livre) à Amath Dansokho en passant par Landing Savané, Abdoulaye Bathily, Ousmane Tanor Dieng, Idrissa Seck, Cheikh Bamba Dièye, Jean Paul Diaz, etc. Des chefs religieux comme Théordore Adrien Sarr, Serigne Modou Kara Mbacké. Sans compter les intellectuels sénégalais de passage à Paris. J’ai pu décrocher des interviews avec des hommes politiques africains comme Cellou Daleing Diallo et l’actuel président guinéen Alpha Condé alors dans l’opposition. J’ai aussi couvert la conférence de presse organisée conjointement par Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié. Une conférence de presse qui a lancé leur coalition. Du côté des officiels français, j’ai interviewé le ministre de la Coopération Alain Joyandet, le porte-parole du Quai d’Orsay sous Alain Juppé. J’ai aussi participé à une interview par Internet du Président Nicolas Sarkozy qui avait sollicité la Rédaction de Walfadjri à l’occasion de son voyage au Sénégal.
Des difficultés dans l’exercice du métier?
Il y en a eu notamment avec le régime du Président Wade. Quand ce dernier venait en France, il nous était difficile de couvrir son séjour. A l'occasion d’un de ses nombreux voyages, sa sécurité nous avait refusé l’entrée de la résidence de l’Ambassadeur où il présentait le livre sur sa pensée économique écrit par Mamadou Alpha Diallo. Thierno Diallo, qui était le correspondant du Quotidien de Dakar et moi moi-même étions venus en retard. Mais quand d'autres journalistes ont été acceptés alors que nous étions là avant eux, nous avons protesté. Des gardes de corps du Président Wade nous ont dit que «nous n’étions pas des Sénégalais». Nous avons failli en venir aux mains! Lors de la conférence du Chef de l'Etat à Paris II-Panthéon, un des agents de sa sécurité m’a fait sortir de la salle et m’a tapé, me considérant comme un opposant malgré ma carte de presse et ma carte d’étudiant de cette même université que j’ai du reste montrées. Ils m’ont malgré tout fait sortir de la salle! Les autres correspondants ont alors, en guise de solidarité, boycotté la conférence. Je considère tout cela comme des épisodes dans l’exercice de notre métier qui est difficile.
Moustapha Barry, pour que plus personne ne vous la pose: êtes-vous Sénégalais?
Mon père est Guinéen arrivé au Sénégal dans les années 1920, à l’âge de 20 ans. Depuis il n’est jamais retourné en Guinée. Ce qui fait que du côté paternel, je ne connais personne : ni grand-père, ni grand-mère encore moins d’oncles. Quant à ma mère, elle est née au Sénégal d’un père originaire de la Guinée et d’une mère de parents mauritaniens. A la soutenance de mon mémoire de maîtrise en journalisme, Abdou Latif Coulibaly (Ndlr ancien Directeur de l'Issic, actuellement Ministre dans le gouvernement du Président Macky Sall) a insisté pour savoir si j’étais Guinéen. Je lui ai répondu que je suis le fleuve Sénégal qui prend sa source dans les montagnes du Fouta Djallon d’où mon père est originaire, traverse une partie du Mali (je suis de culture Mandingue de Casamance), traverse la Mauritanie (ma grand-mère maternelle est d’origine mauritanienne) et le Sénégal où je suis né avant de se jeter dans l’Océan Atlantique. Donc j’appartiens un peu à ce que Senghor a appelé la Civilisation de l’Universel dont le socle est le métissage. C’est pour vous dire que la question de la nationalité est complexe dans nos Etats notamment en Afrique occidentale où les populations n’ont pas encore fini de se sédentariser définitivement. Ils existent encore des mouvements migratoires d’un pays à un autre malgré l’existence des frontières tracées durant la période coloniale. Cela est dû en partie au fait que les conquêtes coloniales ont été déclenchées au moment où les royaumes africains n’avaient pas encore fini de se construire pour permettre à leurs habitants de s’identifier à une nationalité définitive. En plus, je considère que la nationalité n’est pas un bien mais une qualité. On ne l’hérite pas, mais on l’acquiert.
Quel est votre regard en tant que spécialiste et professionnel des médias sur la presse sénégalaise ?
Je peux dire que depuis 1856, la presse sénégalaise s’est progressivement bonifiée. Au début, dans les rédactions, il n’y avait pas de journalistes formés dans les écoles de journalisme. Aujourd’hui on en compte des centaines. Ce qui fait qu’elle a gagné en qualité professionnelle malgré les critiques qui sont, parfois, fondées. Ce sont des critiques qui s’articulent souvent autour de leur niveau intellectuel. Beaucoup pensent que la plupart des journalistes n’ont pas le baccalauréat. Ce qui est évidemment faux. Mais la plupart des confrères, se sont laissés entraînés par les critiques de l'ancien Président Wade sur le niveau des journalistes et leur manque de formation professionnelle en journalisme. Alors que même dans les pays développés, l’entrée dans la profession n’est pas conditionnée par l’obtention du diplôme en journalisme. En France, 75 % des journalistes n’en ont pas. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas encourager la formation professionnelle, mais il ne faut pas non plus en faire une obsession. L’autre point qu’il faut souligner, c’est l’attitude de la Radio Télévision Sénégalaise (Rts) qui ne fait que de l’information institutionnelle en faisant la part belle au Président de la République et à sa formation politique. Et cela dure depuis Senghor. J’estime qu’il faut mettre fin à cela. Notre démocratie, la compétence des journalistes et l’expérience médiatique acquise par le Sénégal militent en faveur du passage de la Rts d’un média d’Etat à un média de service public où les opinions diverses et contradictoires doivent s’exprimer. C’est pourquoi il faut commencer par supprimer la lecture du compte rendu du Conseil des ministres dans le journal télévisé. Pour cela, il revient d’abord aux journalistes de la Rts qui font partie des plus compétents du paysage médiatique sénégalais de défendre la pratique de leur métier.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ?
Laissez-moi d’abord me reposer après cinq ans de recherches et de travail. Disons, oui, j’ai une idée du prochain livre.
De quoi allez-vous parler dans ce prochain ouvrage?
Il s’agira de faire un portrait de l’un des grands magnats de la presse africaine francophone pendant la période coloniale. Il s’agit de Charles de Breteuil qui a créé Paris-Dakar devenu Le Soleil et la plupart de la presse écrite d’Etat de la plupart des pays africains francophones.
Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade Ndoye
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