Ont collaboré à ce numéro

 Dr Omar Mariko
 Juan Hernandez
 M. Ibrahima Faye
 Mamadou Kassé
 Mme Bineta DIOP
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En effet, l’histoire de l’urbanisation des villes sénégalaise est un éternel casse-tête pour les autorités et Dakar en offre la parfaite illustration. C’est que l’urbanisation spontanée rend problématique toute politique viable d’installation d’infrastructures de qualité. On au Sénégal des infrastructures adhérentes et non des infrastructures consubstantielle à la formation des villes. Autrement dit, elles viennent s’ajouter et, par conséquent, s’ajuster à une morphologie compliquée et le plus souvent disharmonieuse des villes au lieu de leur être inhérentes.

 

 

 

 

 

C’est souvent le hasard et l’orientation naturelle à s’assembler qui créent les villes sans que des politiques d’infrastructure les accompagnent. Toute la difficulté à ériger de grandes infrastructures de qualité vient de ce phénomène de ville spontanée c’est-à-dire dont l’agglomération est antérieure à la vision ou aux capacités des gouvernants en matière d’infrastructures. Dakar a englouti ces dernières années tellement d’investissement pour l’érection d’infrastructures qui devraient normalement accompagner sons expansion dès les années 70. Et comme cela n’a pas été fait, les ressources mobilisées pour rattraper ce gap passent souvent du simple au triple voire plus. Si l’autoroute Dakar/Diamniadio avait été faite dans les années 80 non seulement les coûts seraient largement moins élevés, mais les sommes dépensées pour dédommager des personnes occupant les sites ne seraient pas aussi impressionnantes.

 

Aujourd’hui on doit faire face à ce gap, mais aussi à la difficulté à adapter certaines infrastructures au cadre de vie et à l’urbanisation de la capitale sénégalaise. C’est ce qui explique que malgré les efforts consentis depuis 2000 Dakar renvoie toujours l’image d’une ville qui étouffe et qui est rebelle à toute forme de compétitivité sur le plan économique. Aussi y a-t-il urgence à s’orienter résolument vers la création d’une nouvelle ville dont les plans d’urbanisation et les projets infrastructurels sont antérieurs au peuplement. Il faut rompre avec la culture de l’informel dans tous les domaines si l’on veut amorcer un développement accéléré et harmonieux : rationnaliser l’espace public doit en être la première ébauche.

 

Il suffit d’observer la façon dont les citoyens sénégalais occupent l’espace public pour voir les symptômes d’une véritable crise dans notre société. Les pratiques individuelles et collectives en matière d’occupation de l’espace reflètent souvent des conceptions de la vie et c’est pourquoi la rationalisation de l’espace fait partie des formes d’éducation et d’ennoblissement du citoyen. La façon dont l’espace est aménagé et nanti d’infrastructures de qualité impacte largement sur la façon dont les occupants vivent et entretiennent leurs échanges. On voit donc que c’est la vision qu’on a de l’homme et du type de citoyen qu’on veut produire qui est, en dernière instance, l’archétype en fonction duquel la ville doit être pensée et échafaudée. La question du désengorgement de Dakar n’est dès lors plus seulement une question d’ordre économique, c’est une question humaniste : les hommes ne sont pas des choses ni des animaux, ils doivent vivre d’une façon qui reflète leur humanité. La création d’une nouvelle ville comme capitale dans un site comme celui offert par le Lac rose ne peut plus attendre, il faut sauver notre économie, mais aussi et surtout sauver l’humanité de ceux qui vivent dans des situations aussi étriquées.

 

Ce qui se passe présentement à Dakar est une véritable atteinte aux droits du citoyen de vivre dans un cadre décent et propice à son épanouissement intégral. Dans toutes les grandes villes modernes l’architecture, les routes, le métro, le tramway et les chemins de fer sont structurés dans une harmonie qui obéit aux exigences de la circulation rapide et sans entraves des personnes et des biens, à celles relatives à l’écologie, etc. Nous ne pourrons donc continuer à bricoler la superficie déjà trop étroite et mal aménagée de Dakar pour insérer des infrastructures qu’exige son statut de ville moderne du troisième millénaire. Ce n’est pas en rafistolant le visage ridé d’une vielle dame qu’on parviendra à lui donner l’allure étincelante de celui d’une jeune fille. Il en est de même pour les villes dont la naissance et le développement n’ont été accompagnés d’aucune mesure d’anticipation ni de vision prospective.

 

La construction de la nouvelle ville du lac Rose est certes un pari osé et ambitieux,  mais il faut avoir une vision suffisamment claire et grande pour lancer des travaux de grandes envergures, mais il en faut autant, voire plus pour donner à une ville aussi étranglée qu’est l’actuelle capitale sénégalaise. Oscar Wilde, écrivain irlandais, a dit avec raison que « la sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit ». Justement le problème dans notre pays c’est que les rêves sont soit inachevés, soit entrecoupés de cauchemardas qui les dévient du chemin de leur réalisation. On ne peut pas faire de grandes choses par des demi-mesures et des tâtonnements : il faut certes voir en grand, mais il faut aussi du courage et de la détermination pour réaliser ces grandes choses. Le génie n’est dès lors plus dans la formulation des grands projets et dans la fermentation de grandes visions ; le génie réside plutôt dans l’engagement passionnel de réaliser ses grands desseins. Lorsque Hegel disait que rien de grand ne se fait au monde sans passion c’était pour montrer que pour réaliser les grandes choses on était obligé de faire de grands sacrifices.

 

Le plus souvent on renonce à de grands rêves parce qu’on n’est pas suffisamment déterminé à en payer le prix. On évoque souvent chez nous le contexte économique et social peu reluisant ou les calamités imprévues pour définitivement enterrer des projets pourtant révolutionnaires. Il y aura toujours des crises de diverses sortes, des imprévus et des catastrophes de toutes sortes qui bloquent le voie du gouvernant, mais sa grandeur réside dans le fait d’être constant dans ses principes et cohérent avec sa vision. Si à chaque fois que la moindre contrariété se présente l’homme d’’Etat devrait renoncer à ses grandes ambitions dans l’espoir de trouver un temps plus propice à leur mise en œuvre, jamais de grandes choses ne se feraient au monde. Les Égyptiens antiques ont réalisé des pyramides qui ont exigé tellement d’efforts et d’ingéniosité qu’on se demande encore aujourd’hui si les modernes sont réellement en mesure de les réaliser.

 Il suffit de se pencher sur les vestiges de Rome, de Carthage, d’Athènes, etc. pour comprendre que seules la passion, la détermination et l’abnégation, peuvent accomplir des œuvres aussi majestueuses et aussi complexes que les temples et les infrastructures qui ont fait la renommée de ces villes antiques. Qu’est ce que serait aujourd’hui Paris, Tokyo, Londres et les grandes villes occidentales si on n’avait pas, malgré le contexte difficile de l’époque, consenti des efforts époustouflants pour accomplir les œuvres colossales comme le métro de Paris, le tunnel de Londres, etc. ? Si donc nous voulons atteindre le même niveau de développement que les habitants de ces grandes villes et offrir à nos concitoyens des cadres aussi épanouis que ceux qu’offrent ces villes, il nous consentir à faire autant sinon plus de sacrifices. On nous rétorquera que les moyens ne sont pas les mêmes et que le contexte n’est pas comparable.
 Á cela nous répondrons justement que c’est cela qui nous conforte dans l’idée de l’urgence et de l’acuité d’une nouvelle ville : si nous ne pouvons pas supporter les lourds investissements nécessaires à la transformation radicale de Dakar, nous pouvons au moins envisager de supporter les dépenses nécessaires à la construction d’une nouvelle capitale. De toute façon Dakar reste une presqu’île : elle n’est donc pas destinée à une extension à l’infini et il n’y a aucune possibilité de gagner des terres sur l’océan. Le bon sens suffit d’ailleurs pour comprendre l’avenir de Dakar n’est pas à Dakar : cette ville a besoin d’une autre grande ville où déverser son trop-plein.
 

La vie citadine est déjà très contraignante en termes d’énergie à fournir et difficultés à supporter, elle devient dès lors insupportable lorsqu’en plus de la pollution ambiante, de l’exigüité de l’espace, on doit suffoquer à cause d’une impossibilité de se mouvoir et d’avoir de l’eau en qualité et en quantité. « Les hommes se rassemblent dans les villes pour vivre. Ils y restent ensemble pour jouir de la vie »disaitAristote. Ila sans aucun doute raison parce que les hommes ne vivent pas seulement de pain et d’eau ; ils ont besoin de s’épanouir dans toutes les dimensions de leur existence.  Or pour ce faire, il faut prendre en compte les grandes mutations psychologiques que connaissent les citoyens du 20e siècle et asseoir sa politique d’urbanisation et infrastructurelle sur des données en conformité avec ces bouleversements. Jouir n’est plus possible à Dakar, il semble bien au contraire que toute l’activité des Dakarois se résume à la permanente épreuve pour la survie. La capitale sénégalaise est présentement impropre à la vraie jouissance, car tout est bouché.

 

Autant les avenues sont bouchées, autant les circuits de production et de distribution des richesses sont bouchés. La ville ne respire pas, ses habitants non plus : on s’y épanouissait plus dans les années 70 qu’aujourd’hui, et cela prouve qu’il y a un ressort qui s’est brisé. La construction d’infrastructures digne d’une grande ville moderne a fait défaut, car dans les années 80 la priorité du gouvernement était une suite de politiques d’ajustements structurels.  On ne peut plus vivre en ville aujourd’hui comme on y vivait au 19e siècle, car la société de production/consommation ne s’accommode que malaisément avec les infrastructures économiques et sociale des siècles précédents. Si notre pays était aussi riche que les pays du nord et que la situation géographique de Dakar était plus favorable, peut-être qu’il y aurait suffisamment de ressources pour imposer à notre capitale le rythme de la démographie galopante.

 

Mais ce n’est vraisemblablement pas le cas et l’option d’une seconde ville devient alors un impératif. Le site du Lac Rose est infiniment plus malléable que la situation géophysique de Dakar et son ouverture au reste du pays aux quatre points cardinaux donne l’assurance qu’il ne peut connaître le même sort que Dakar.  En plus de la qualité des sols, de l’environnement qui peut devenir une recette très importante dans la perspective de création d’une ville écologique, le site présente l’atout d’être un carrefour naturel où le tourisme, les servies de pointe et le commerce, peuvent se développer facilement. Mbour, Thiès, Touba, Kaolack, Fatick, les régions Sud et Est du Sénégal auraient toutes des débouchées directes sur la nouvelle ville et les axes routiers déjà existants seraient plus aisément connectables au réseau que va générer la nouvelle ville.

 

Nous avons là une opportunité historique à ne pas rater : les travaux qu’exigeront cette nouvelle capitale politique du Sénégal, les activités connexes qui vont y voir le jour, la valorisation foncière de toute la zone environnante, etc. sont de véritables leviers pour la croissance nationale. La frilosité en matière d’investissement et de consommation sont les principales entraves de l’essor économique : il faut toujours les booster pour relancer la croissance de façon sensible. Il est aisé de voir que le développement touristique dans la zone et le désengorgement de Dakar qu’une telle entreprise produira sont une plus-value dont la durée de vie et l’ampleur sont presque sans limite. Le fait de libérer Dakar des tâches administratives et politiques constitue déjà une bouffée d’oxygène pour l’économie nationale.  

Par Pape Sadio THIAM, Journaliste, Doctorant en Sciences Politiques. thiampapesadio@yahoo.fr

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