Ont collaboré à ce numéro

 Amb Papa Louis Fall
 Boubacar Boris Diop
 Catherine Morand
 Cheikh Bamba Dièye
 ContinentPremier
 Corinne Momal Vanian
 Electron Festival
 Femmes Exilées
 Khadim Ndiaye
 Khalifa Sall,
 Mairie de Thônex
 Mamadou Diouf
 Marguerite Contat Hi
 Marie-France de Meur
 Mme Karina Gueissas
 Monaco
 OIF GENEVE- ONU
 OIM, HCR
 Taiwan Delagation
 Tim Clark

Nous lire dans

Compte Utilisateur

Audios



Souscription

MERCI

Le groupe

Directeur de publication
· Elh Gorgui W NDOYE

Rédacteur en chef
· Elh Gorgui W NDOYE

Comité de Rédaction
· El hadji DIOUF
· Papa Djadji Guèye ·

Responsable Informatique
· Alassane DIOP

Responsable Gestion
· Cécile QUAN

Webmaster
· REDACTION

Contact

Adresse
   Salle de Presse
   N0 1 Box 35
   8, Avenue de la
   Paix Palais des Nations Unies
   1211- Genève 10 Genève Suisse.
Téléphones

   +41 22 917 37 89
   +41 76 446 86 04

Service

Publicités, Abonnements et Souscriptions

Téléphone
· Suisse:
   +41(22)917 37-89
   +41(76)446-86-04

Ou envoyez un courriel à Info@ContinentPremier.com

EN L’HONNEUR DE DJEMAA CHRAITI LAUREATE DU PRIX « FEMME EXILEE, FEMME ENGAGEE»

Publié le, 02 juin 2011 par Marguerite Contat Hickel

Son père disparaîtra dans les geôles de Bourguiba et on ne retrouvera jamais son corps. Sa grand-mère, valaisanne, prendra soin d’elle en Tunisie jusqu'à ce que Djemââ rejoigne la Suisse à l’âge de 10 ans. Djemââ traque les injustices, les faux semblants, informe et mobilise.

Par Marguerite Contat Hickel, coprésidente de l’Assemblée constituante de Genève

 

Je dirai que si présenter Djemââ Chraiti relève du défi, le faire en cinq minutes relève de l’inconscience…

Le parcours de Djemââ doit sans doute à ses origines bédouines : il est sinueux, imprévisible, voire irréductible.

Djemââ Chraiti est née en Tunisie il y a 51 ans, d’une mère suisse et d’un père tunisien. Elle a trois ans lorsque son père, syndicaliste et héros de la révolution, est condamné à mort : il disparaîtra dans les geôles de Bourguiba et on ne retrouvera jamais son corps. Sa grand-mère, valaisanne, prendra soin d’elle en Tunisie jusqu'à ce que Djemââ rejoigne la Suisse à l’âge de 10 ans. Elle y passera son bac avant de poursuivre des études de lettres et de journalisme à Fribourg, d’arabe au Caire, de droit à Genève ou encore de sciences de la communication. Excusez du peu….

Sur le plan professionnel, le parcours de Djemââ est tout aussi singulier: responsable d’un camp de Tziganes dans la banlieue de Rome, elle y exercera ses talents de médiatrice pour construire des ponts entre cette communauté d’exilés de Bosnie-Herzégovine et les autorités italiennes et favoriser l’intégration scolaire des enfants. A Genève, elle  poursuit son parcours à Amnesty International puis dans l’administration cantonale où elle est responsable depuis 1998 de programmes de prospection auprès d’entreprises, destinés aux jeunes et adultes.

Voilà pour la biographie de notre lauréate. Mais ce curriculum n’est que le pâle reflet de Djemââ Chraiti. On y perçoit certes les  fractures de son existence et du déracinement, on y devine sa passion du savoir et son esprit d’engagement, son intérêt pour l’humain et l’ailleurs. Mais on ne sait rien de ses combats, de ses armes et des objets de sa vindicte.

Car Djemââ est une inlassable lutteuse. Depuis l’enfance et la mort brutale de son père, elle se bat. D’abord pour définir son territoire, puis pour défendre les « sans-voix », exilés, sans papiers ou clandestins. Elle leur dédie une arme redoutable, sa plume ! Car Djemââ écrit et écrit bien. Bloggeuse voyageuse, elle sait distinguer le détail qui donne la cohérence à l’ensemble. Le trait juste et bien tourné, et l’impertinence qu’elle revendique, caractérisent son écriture. A travers ses trois blogs, « Pâquis, j’adôôôre «  « Regards croisés »et « Bienvenue chez les RRoms », elle traque les injustices, les faux semblants, informe et mobilise. Ses chroniques, toujours vivantes et colorées, se focalisent sur ce que l’on a coutume d’appeler les « faits divers ». Sous son regard, les habitants d’un quartier populaire deviennent exceptionnels et les Roms et clandestins reconquièrent leur statut d’humain.

« L’écriture me permet de ressentir le monde et de le relayer…L’impertinence, voire la transgression  sont une affirmation de la liberté » me dit-elle, lors de notre discussion dans un bistrot des Pâquis. Elle en témoigne dans 2 livres qu’elle a écrits récemment : « Sarajevo, le poisson rouge » (Ed. Publibook 2010) et « Les clandestins de ma grand-mère » (Ed. Publibook 2009), ouvrage dans lequel Djemââ Chraiti, mêlant les destins et la rencontre, improbables, de clandestins colombiens et de la grand-mère valaisanne, démontre  l’apport indispensable des premiers au bien-être social et culturel de notre société vieillissante.

Porte-voix des sans voix, femme engagée et toujours en mouvement, écrivaine de talent, Djemââ Chraiti est tout ceci et le prix qui lui est décerné aujourd’hui est une expression de reconnaissance de son parcours.

Mais Djemââ Chraiti est aussi le symbole d’une époque, celle des technologies qui ont contribué à la révolution tunisienne qu’elle a soutenue, celle de la mobilité et des identités multiples qui participent à la fois de la mémoire vive et de la continuité historique, celle finalement du nomadisme et de la citoyenneté assumés.