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EN L'HONNEUR CATHERINE TETTEH LAUREATE DU PRIX « FEMME EXILEE, FEMME ENGAGEE »
Il est inadmissible qu'au XXIe siècle, la couleur de la peau définisse l'identité d'une multitude de femmes.
Par Dr Marie-France de Meuron, spécialiste en médecines alternatives
C'est en qualité de médecin et de présidente de l'association Le GRAMI oeuvrant en Afrique que j'ai été contactée pour présenter Mme Tetteh, d'origine togolaise.
Mme Tetteh est une digne représentante de l'univers africain, de cet univers qui n'est pas limité aux frontières artificiellement installées par la colonisation. Elle présente un tempérament puissant, de cette puissance que nous voyons chez les Africains bien ancrés dans leurs corps et dans leurs terres.
Les épreuves de la vie hors normes par lesquelles Catherine Tetteh a dû passer lui ont développé un caractère apte à affronter les difficultés avec bon sens, fermeté, clarté et persévérance. Elle trouva à chaque obstacle des solutions pour reprendre les rênes de son existence.
Sa noblesse d'origine lui a imposée une éducation très stricte et lui a forgé une honnêteté résistant à toute lâcheté. Cette éducation lui permet aussi d'être très déterminée dans ses objectifs.
Ses expériences de vie sur plusieurs plans l'ont façonnée pour qu'aujourd'hui elle puisse affronter un sujet aux dimensions internationales, d'une envergure dont notre société ne se doute pas ou beaucoup trop peu: la dépigmentation volontaire de la peau.
Le destin de Catherine Tetteh l'a amenée à Genève, ville idéale pour y baser l'activité de la Melanin Foundation, une ONG à visée internationale.
Cette appellation fait référence à la couche fondamentale de notre peau où se fabrique la mélanine.
Je dis bien notre peau car nous avons tous, Noirs et Blancs, cette couche-là. La différence est que les mélanocytes – les cellules qui sécrètent la mélanine - ne migrent pas chez les Blancs jusqu'à la surface comme pour les personnes de peau noire où la mélanine fait son travail de protection contre les rayons solaires. Par conséquent, ce sont les Blancs qui sont incomplets!
Et pourtant, la peau claire est un objectif à atteindre que se sont fixées une majorité de femmes dans bien des pays allant de l'Asie à l'Afrique. Plusieurs hommes les suivent, quitte à chiper les produits de leurs épouses!
Mme Catherine Tetteh n'a pas seulement un tempérament fort mais aussi un cerveau brillant. Elle suivit une filière scolaire et en garda toujours le souci d'étudier.
« La vie a toujours quelque chose à nous enseigner ». Telle est une des devises qui stimula Catherine Tetteh à s'intéresser et à étudier différents domaines. Suite à son diplôme d'esthéticienne, elle a créé un institut de beauté, charmante « niche » où elle soigne et enseigne aux femmes à découvrir la confiance en elles.
Son mémoire d'études porte un titre évocateur « La Peau et les Civilisations, avec pour sous-titre « Spécificités épidermiques et esthétiques de la Peau Noire ».
La connaissance de l'histologie ne suffit pas, il faut également connaître la structure des produits en question. Catherine Tetteh a obtenu un diplôme en cosmétologie qui lui permet d'avoir une vaste connaissance des produits de base, des produits du marché noir, des produits frelatés et de l'envergure économique des laboratoires concernés.
De plus, elle tient compte du problème des filières du commerce illégal.
Mais la dynamique d'évolution de Catherine Tetteh ne s'arrête pas là. Pour être plus crédible dans la lutte contre le blanchiment de la peau, elle doit pouvoir contacter les plus hautes instances. Elle est reçue actuellement à l'OMS où elle collabore à l'élaboration d'un programme de lutte.
Toutefois, pour aller sur le terrain, Catherine Tetteh ressent la nécessité d'obtenir un master en Santé Publique afin d'acquérir les outils pour, comme elle le dit si bien, « nous rapprocher tous du moment où le blanchiment de la peau ne sera plus une fatalité irréversible. »
Ici, je lance à tous un appel vibrant : Pour étudier ce master, il lui faut une bourse de 8000 francs/an pendant trois ans. J'espère de tout coeur que quelqu'un dans la salle pourra s'approcher de Catherine Tetteh et lui donner des pistes pour obtenir ce soutien.
Nous avons défini là quelques facettes très concrètes du problème de la dépigmentation volontaire.
Il reste la dimension beaucoup plus profonde, plus intime, qui pousse les femmes à se mutiler de la sorte et à invalider profondément leurs santés.
Le terme mutilation n'est pas trop fort car si vous avez vu les dégâts sur la peau qui peuvent aller jusqu'au cancer, vous ressentiriez la même horreur que celle que j'ai vécue pour la première fois au Sénégal devant une jeune femme dont la peau des épaules étaient terriblement abîmée.
J'utilise aussi le terme d'invalider sa santé car les produits toxiques atteignent l'intérieur du corps, causant du diabète, des cancers du foie, de l'insuffisance rénale, des problèmes cardiaques et osseux, de la cécité, et bien d'autres symptômes.
De plus, cette pratique devient une véritable addiction que les femmes cachent. Ainsi, les médecins ne pensent pas forcément à l'étiologie du problème, surtout en Europe.
Cette addiction conduit aussi à toutes les conséquences des autres addictions : on prend l'argent sur la nourriture de la famille ou encore, on se prostitue.
Il est donc impératif de dégager les facteurs fondamentaux qui réduisent la femme à un pareil état.
Ayant plongé dans les milieux familiaux africains, Catherine Tetteh peut dire à quel point, trop souvent, la fillette africaine dans plusieurs couches de la société est peu respectée. Vu de l'extérieur, elle vit en famille mais à l'intérieur de ces clans, elle subit la prédation des hommes qu'ils soient pères, cousins ou beaux-pères suivis de leurs fils. Elles subissent des abus sexuels dès leur jeune âge et à répétition. Elles reportent alors sur elles- mêmes, le manque de considération qu'elles subissent.
Leurs seuls désirs est de séduire un homme qui les protégera et les nourrira. De plus, elles tiennent compte aussi de la concurrence entre les femmes dans un contexte de polygamie.
Ainsi, la mode veut que la peau claire soit plus séduisante. Je peux citer un exemple où une femme africaine vivant à Paris partit en vacances au Congo. Son propre père lui dit : « Je croyais qu'à Paris, les femmes étaient plus claires. »
Ainsi, avant son prochain voyage, cette femme s'est imposée une dépigmentation.
Dans le magazine « Brunes » de janvier-février 2011, l'interview de Catherine Tetteh s'intitule: « La dépigmentation, le cancer de l'identité ». Ce titre est parlant quand on sait à quel point un cancer est sournois et met des années avant d'éclater. Il est aussi poignant quand on confond son identité avec la couleur de sa peau.
En fait, il est inadmissible qu'au XXIe siècle, la couleur de la peau définisse l'identité d'une multitude de femmes.
Nous ne pouvons qu'applaudir avec vigueur les qualités de Catherine Tetteh qui lui permettent d'avoir l'audace d'affronter un tel dragon.
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