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DROITS DE L’HOMME EN AFRIQUE
La Cour et la Commission, l’urgence d’une clarification MONTREAL : Chevauchement, préséance, conflits de compétence. Entre la Cour africaine des droits de l’homme basée en Tanzanie et la Commission africaine domiciliée en Gambie, l’urgence finalement de la clarification se signale aujourd’hui comme une nécessité absolue d’une bonne applicabilité des droits de l’homme en Afrique. Tel est le constat de juristes canadiens de l’organisation Droits et Démocratie créée en 1988 qui viennent de publier au terme d’un séjour deux années en Gambie à la Commission africaine des droits un ouvrage intitulé « Défendre les droits humains en Afrique : Points de vue sur la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ». |
Le livre édité par Droit et Démocratie, une organisation canadienne non partisane et indépendante en partenariat avec l’Agence canadienne de développement international est d’avis que « depuis l’adoption de la Charte africaine en 1981, l’Afrique a pu renforcer et élargir son cadre institutionnel normatif en matière de droits de l’homme. Des considérations pratiques ont toutefois limité fortement la capacité de la Commission africaine et, plus globalement, celle du système des droits de l’homme à s’acquitter de leur mandat » souligne Michael Wodzicki Directeur adjoint, Politiques de Droit et Démocratie.
Parmi ces considérations, le juriste-politologue canadien Ndiaga Loum originaire du Sénégal a axé sa réflexion sur la cohabitation entre la Cour et la Commission dans le système africain de protection des droits humains. Développée sous le thème « Le Système africain des droits humains : les mécanismes institutionnels et leurs interrelations », cette approche se focalise sur la meilleure démarche à entreprendre pour assurer une collaboration efficace entre la Cour et la Commission. Mise en place dans le sillage de la Chartre africaine des droits de l’homme adoptée en 1981, la Commission africaine des droits de l’homme basée en Gambie a pour mission de constater des situations de violations de droit, de faire des rapports à l’Union Africaine, de faire des recommandations aux Etats. La limite de la Commission créée en 1987 est le fait qu’elle ne peut garantir le suivi effectif de ses décisions. Elle ne peut que s’en remettre à la Conférence des chefs d’Etat de l’Union selon le Pr Loum. « L’absence de ce pouvoir de sanction et de contrainte disqualifie la fonction juridictionnelle de cette instance très peu connue des populations » selon le juriste Ndiaga Loum. Malgré ces handicaps, la quantité de dossiers relatifs aux cas de violations des droits humains en Afrique sur lesquels la Commission a eu à rendre une décision est jugée très impressionnante. La Commission outre la qualité des dossiers, offre une tribune d’expression démocratique aux ONG dont prés de 400 disposent un statut d’observateur.
La création de la Cour africaine s’inscrit selon le Pr Loum dans un souci de combler le vide de l’absence d’un mécanisme juridictionnel ayant un pouvoir de sanction et de contrainte à l’égard des Etats et offrant aux victimes des droits à la réparation, après un procès juste et équitable. La création de la Cour le 25 janvier 2004 après sa ratification par 15 Etats africains devait être une avancée importante puisqu’elle offre aux victimes, aux Ong la possibilité d’une réparation en cas de violation lors d’un procès contradictoire. Seulement cette possibilité est soumise à l’autorisation des Etats en vertu de l’art 34 paragraphe 6. Seul le Burkina Faso a accepté une telle disposition. En outre, les avis de la Cour ne lient pas les Etats qui sont libres de les suivre ou pas.
Conflits de compétence.
La Cour et la Commission partagent une compétence consultative. Certains y voient une éventuelle opposition entre les deux organisations. Le Pr Ndiaga Loum est d’avis que la clarification s’impose entre la Cour et la Commission. Parler de complémentarité que de concurrence, faire bénéficier de l’expérience de prés de 20 ans de la Commission à la Cour ne sont pas des approches puériles du fait que la création de la Cour aura des conséquences effectives sur la Commission. Selon les dispositifs du Protocole traitant de la relation entre la Commission et la Cour, cette dernière complète les fonctions de protection que la Charte a conférées à la Commission. Alors pour M. Loum, loin de remplacer la Commission, la Cour renforce la mission de protection de ce mécanisme. Le juriste canadien estime alors la Commission et la Cour partagent le mandat de protection. Il est possible que les activités chevauchent puisque la Commission peut interpréter toute disposition de la Charte, tout comme la Cour peut aussi interpréter et appliquer la Charte. Des litiges possibles pourront naître suite à une interprétation différente d’une même règle faite par la Commission et la Cour. On ne pourrait aussi écarter tout conflit de préséance surtout lorsque la Commission est tentée de porter à l’attention de la Cour des dossiers. Pour le juriste canadien « le souci d’éviter de stériles débats de légitimité que feraient naître des conflits de compétence guide notre réflexion. Il nous parait essentiel que l’Union Africaine réunisse dans un cadre formel ces deux mécanismes institutionnels complémentaires pour baliser ensemble les limites de leurs champs de compétence consultative et, au-delà, le cadre réglementaire de leur collaboration ». Le Pr Loum d’ajouter que « rédiger chacun de leur côté leur règlement intérieur, avant cette rencontre formelle sous l’égide de leur géniteur (Union Africaine), ne nous semble pas être la voie la mieux indiquée. C’est la raison pour laquelle, nous ne cédons pas ici au juridisme qui amènerait à comparer le contenu des deux règlements intérieurs et à voir comment est envisagé dans chaque texte le cadre de la collaboration entre la Cour et la Commission ». Et Ndiaga Loum (notre photo) de conclure en estimant que « Finalement, il nous semble pas juste de dire que l’existence de la Cour rend de facto la Commission obsolète. Et si l’on devait considérer un jour d’éliminer la Commission, on pourrait la fusionner avec la Cour, ce qui lui ferait prendre la forme d’un « Bureau du Procureur » calqué sur le modèle, par exemple des tribunaux pénaux internationaux ad hoc. »
Par Abdou Karim DIARRA- Correspondance particulière
Photo: Pr Ndiaga Loum
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