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Le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation augmentera de 16 millions chaque fois que le prix réel des aliments de base augmentera de 1%. Cela signifie que d’ici à 2025, 1,2 milliard de personnes connaîtront la faim, pouvait on lire le 22 août 2007 dans une note de Ban Ki Moon aux Etats-membres des Nations-Unies. Il s’agissait du rapport soumis à l’assemblée générale par Jean Ziegler, alors rapporteur de l’ONU pour le Droit à l’alimentation. Le rapporteur citait les prévisions de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires. Ce centre d’étude et d’analyse réputé, annonce une augmentation de 20% du prix du maïs sur le marché international d’ici à 2010 et de 41% d’ici à 2020. Les prix des oléagineux, en particulier du soja et des graines de tournesol, pourraient augmenter de 26% d’ici à 2010 et de 76% avant 2020 et ceux du blé de 11% puis de 30 % et jusqu'à 135% d’ici à 2020. En février 2007, le Mexique a connu des émeutes suite à l’augmentation, en janvier, du prix de la tortilla, tirée du maïs, de plus de 400%, touchant gravement les populations les plus démunies pour lesquelles cet aliment de base représente jusqu’à 45% des dépenses familiales. Tous les pays en développement importateurs nets d’aliments de base font donc face à de graves risques.

Dans cette chronique d’une crise alimentaire annoncée, les pays riches entêtés, poursuivent leur ambition hégémonique sur le monde. Certes, on ne peut point leur interdire de « Sauver la planète » qui fait face à des changements climatiques dont les conséquences sont désastreuses pour l’avenir des humains. On ne peut non plus leur interdire de diversifier leur approvisionnement énergétique. « Une question d’intérêt vital.. » selon Georges Bush. Mais peut-on par cynisme développer des théories ( transformer des aliments comestibles en carburant etc.) qui vont encore affamer des personnes vulnérables ( femmes, enfants, jeunes, personnes âgées etc) dont le seul tort est leur nationalité. Le président du conseil d’Etat de la république de Cuba, Fidel Castro Ruiz, dira que c’est une « idée sinistre que de transformer les aliments en carburant ».

Biocarburants

L’Union européenne exige que les agrocarburants fournissent 5,75% de l’énergie utilisée pour les transports dans ses Etat membres d’ici à 2010, et 10% d’ici à 2020. Les Etats-Unis se sont donné pour objectif de faire passer à 35 milliards de gallons la quantité de biocarburants utilisée chaque année.

Selon le réseau d’information et d’action pour le droit à se nourrir, les Etat-Unis et l’Union européenne dépendent dans une très grande mesure d’importation d’Amérique latine pour le soja, la canne à sucre et l’huile de palme et, pour l’huile de palme, de pays d’Afrique tels que le Nigeria, le Cameroun et la Malaisie, qui en sont les plus grands producteurs. La production est également nettement moins coûteuse dans les pays en développement.

Les Etats-Unis ont aussi adopté des objectifs visant à accroître l’usage des agrocarburants. Toutefois, la production agricole dans les pays industrialisée ne permettra pas de réaliser ces objectifs. On a calculé que pour qu’ils soient atteints, il faudrait que l’Europe consacre 70% de ses terres arables à la production de biocarburants et que les Etat-Unis consacrent l’ensemble de leur production de maïs et de soja au bioéthanol et au biodiesel.

« Lorsque nous aurons atteint cette cible, nous aurons diminué nos importations d’une proportion équivalant aux trois quarts de la quantité totale de pétrole que nous importons actuellement du Moyen-Orient. » a affirmé Georges Bush.

En effet, dans n’importe quel type de voiture, on peut remplacer jusqu’à 10% du carburant normal par du bioéthanol. Les voitures dotées de moteurs adaptés peuvent quant à elles utiliser un carburant contenant 10% de bioéthanol, quoique le Brésil soit jusqu’ici le seul pays à avoir accompli des progrès appréciables pour ce qui est de l’utilisation de ces véhicules.

Le Brésil, qui a produit plus de 12 millions de tonnes d’éthanol en 2006 (en grande partie pour son marché intérieur), entend devenir un des grands producteurs du marché mondial d’ici à 2025.

Malgré les promesses que la production de biocarburants créera davantage des emplois, le fait que cette activité risque de disputer des terres aux paysans pourrait accroître le chômage.

Jean Ziegler tonnera : « Il est inacceptable que l’augmentation de la production de biocarburant crée davantage de famine ». Le plus grand risque est que les petits agriculteurs pauvres en développement ne puissent pas tirer parti de la dépendance à l’égard du modèle de production agro-industrielle, laquelle entraînera des violations du droit à l’alimentation.

Droit à l’alimentation

Ce droit impose aux gouvernements l’obligation de respecter, de protéger et d’assurer l’exercice du droit à l’alimentation, de veiller à ce que la sécurité alimentaire et nutritionnelle s’améliore au fils des ans et de faire en sorte qu’aucun obstacle ne soit directement mis à l’accès physique et économique des populations à une alimentation suffisante propre à leur permettre de vivre dans la dignité.

Un moratoire de 5 ans

Le rapporteur spécial demande donc d’observer un moratoire de cinq ans sur la production de biocarburants selon les méthodes actuelles afin de permettre que des technologies et des structures de réglementation soient mises en place pour en prévenir les effets négatif sur les plans environnemental, social et humain.

Plusieurs mesures peuvent être mises en place pour faire en sorte que la production de biocarburant ait des effets positifs et respecte le droit à une alimentation adéquate, affirmait Jean Ziegler. Dans son rapport il cite entre autres mesures:

-Sensibiliser l’opinion à la nécessité de réduire la consommation globale d’énergie et axer les efforts sur toutes les autres méthodes permettant d’améliorer le rendement énergétique.

-Passer immédiatement à les deuxième génération des technologie de production de biocarburants, de sorte à atténuer la concurrence entre alimentation et carburant. Les déchets agricoles et les résidus de culture pourraient ainsi être utilisés.

-Adopter des technologies qui utilisent les cultures non vivrières, en particulier celles qui peuvent être cultivées dans les régions arides et semi-arides. La culture de Jatropha curcas, un arbustes qui produit de larges graines oléagineuses, semble offrir une bonne solution d’autant qu’il peut se cultiver sur le terres arides qui ne conviennent normalement pas aux cultures vivrières. On estime que plus de la moitié des terres arides en Afrique conviennent à la culture de Jastropha.

Comme le haut-commissariat aux droits de l’homme l’a très justement fait remarquer, conclut Jean Ziegler : « il n’y a guère de différence entre quelqu’un qui risque de mourir parce qu’il n’a rien à manger et quelqu’un qui risque d’être exécuté arbitrairement en raison de ses opinions politiques. »

Une synthèse de El Hadji Gorgui Wade NDOYE