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Par Delachaux Yves Patrick, policier et romancier.

Dans le cadre des travaux de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance sont survenues les questions sur la traduction en actions concrètes des recommandations formulées aux pays européens, dont la Suisse. Les membres de la Commission ont présenté le 4 octobre 2007 à Paris la Recommandation N°11 sur les activités de la police et le profilage racial. Lors de la présentation il est apparu l’urgence d’examiner quels sont les outils qui permettent aux policiers d’effectuer des contrôles et de prévenir des actes délictueux sans être en conflits avec les droits des personnes. Plusieurs pistes ont été évoquées. La Commission a constaté qu’il n’est pas suffisant, et surtout inefficace pour l’exercice de son métier, d’exiger d’un policier qu’il ne fasse pas de « délit de sale gueule ».

  L’un des outils de travail du policier est la capacité d’observation et de distinction qu’il opère sur tel ou tel type de personne. La question essentielle est de savoir si le policier est en mesure de discerner ce qui est un acte discriminatoire d’un acte professionnel de distinction. En effet, le travail policier est fait aussi de soupçons, d’intuitions, d’improvisation et d’adaptation, et le policier tente de trouver une cohérence entre ce que l’on attend de lui et la réalité de son environnement professionnel. A la suite de quoi, devant la multiplicité des tâches qui lui sont prescrites, il sélectionne selon des critères de valeurs.

 Dans cette perspective, le fait de porter une réflexion critique sur la pratique amène à déterminer ce que sont des actes racistes et ce qu’ils ne sont pas, mais encore conduit à déterminer ce que sont les actes discriminatoires et ce qu’ils ne sont pas. C’est pourquoi, dès lors que l’on parle de discriminations par la police, parlons aussi d’actes professionnels de distinction. Mener l’enquête, par exemple, préjuge de certaines hypothèses au détriment d’autres, et nécessite de les confronter et d’en déduire un raisonnement qui sera mis à l’épreuve. Préjuger, implique de prévoir et déterminer une direction à l’enquête sur la base des indices à disposition. Les difficultés apparaissent lorsque les expériences s’accumulent et que, affaires après affaires, le policier s’oriente vers une représentation erronée de la réalité, ne se trouve plus en mesure de faire la part entre ce qui est objectif et subjectif.

 Cette réalité défie les organisations de police. Ainsi ces dernières doivent organiser une véritable politique RH, et mettre en œuvre une ingénierie de la formation.

Cependant, j’ai observé les difficultés des polices suisses à interpréter les recherches, observations, recommandations, traités et conventions, en des mesures concrètes et traduites en outils professionnels. Les premiers gestes des directions des Corps de police engagent généralement la mise en place de normes contraignantes, traduites par des ordres de services, codes de déontologie, et autres textes normatifs placés sous la surveillance des États-majors ou d’une « police des polices » ou organes d’inspection.

Ce qui m’amène à la prise de position suivante : Les défis des directions de police en ce début du XXIe siècle sont de conduire la police à devenir une organisation axée sur l’apprentissage continu des Droits humains, fondement de l’idéal démocratique que nous défendons et devons préserver. Cela sous-entend que les Corps de police doivent entrer dans des processus de qualifications qui orientent le recrutement et la formation dans une continuité.

Dans cet ordre des choses, il est encore intéressant d’observer la question du profilage. Elle soulève bien plus d’interrogation que la seule discrimination raciale, elle questionne celle des genres, homme, femme, celle des confessions et des orientations sexuelles. D’autant qu’en étudiant les dispositifs de formation et les politiques RH des Corps de polices suisses, je constate le manque d’examens du sujet discriminatoire. Au mieux je trouve quelques heures de sensibilisation dispensée lors des formations de bases, exceptionnellement en formation continue. Il suffit d’observer les exigences du nouveau Brevet Fédéral, mis en place en 2004, pour constater que ces questions sont quasi inexistantes, seules sont évoquées quelques notions sur les recommandations des Droits humains en matière de discriminations des groupes minorisés. Nous pouvons aussi nous questionner sur le faible pourcentage temporel consacré à l’enseignement (2 à 3 pourcents selon les Cantons) du module Éthique et Droits de l’homme inscrit dans la formation de base du policier suisse.

Aujourd’hui en Suisse je n’ai pas observé de structures policières qui soient en mesure de relever ce défi. C’est dans la nature même du fonctionnement des pratiques policières ainsi que des structures séculaires des Corps de police qu’ils nous faut, ensemble, découvrir les raisons pour lesquelles les efforts des uns et des autres peinent à véritablement transformer les anciennes pratiques et nouvelles approches professionnelles, capables d’affronter les enjeux d’une Europe en mutation, notamment dans son tissu social multiculturel. Le défi s’applique à définir l’essence même des pratiques de chaque policier en rapport avec les valeurs portées par les textes.

J’ai observé que dès le début au rattachement à un Corps de police, la finalité de l’action de sécurité dans un État de Droit échappe aux stagiaires policiers. Il suffit de les interroger sur les rôles de la police dans la société pour comprendre qu’ils n’ont qu’une vague idée de la place que cette institution occupe dans un État de Droit.

Lors de discussions avec des agents en formation, et plus préoccupant avec des cadres et cadres intermédiaires, je me heurte rapidement à la méconnaissance des valeurs défendues. L’action prend immédiatement le pas sur la réflexion et la finalité de cette action est réduite à son plus simple but : l’intervention policière technique.

Toutes ces démarches doivent cependant être portées par une volonté de changement. Elles ne peuvent que prendre racine dans la détermination des directions à instaurer un « climat » d’ingénierie formative par des objectifs clairement définis.

Pour cela des informations relatives aux normes et valeurs en matière de Droits humains applicables au travail de la police doivent alimenter cette évolution au sein des directions comme dans les Corps de police. Les instructions vont encourager le développement de compétences permettant de traduire ces informations en actions concrètes. Ils vont sensibiliser les policiers, cadres et cadres intermédiaires, aux rôles d’agents de la force publique qui leurs sont dévolus, de protection et de promotion des valeurs défendues par les Droits humains et enfin influer sur l’application de ceux-ci.

Ces objectifs instaurent et encouragent une éthique fondée sur la légalité et le respect des normes internationales, nationales et cantonales en matière des Droits humains au sein des forces de maintien de l’ordre. Les objectifs généraux visent à ce que le policier soit à même d’appréhender l’esprit de la loi et à intégrer une véritable culture éthique et des Droits humains. Le policier, comme tous les agents de l’État, doit être capable de défendre quotidiennement toutes formes de discriminations, raciales, sociales ou de genres, dans un contexte de maintien de l’ordre et de sécurité. Il n’en sera que plus efficace. Il doit être capable de situer les enjeux de la force publique en démocratie, ses pratiques et ses compétences, dans la relation aux personnes fragilisées socialement, et aux populations aux valeurs culturelles hétérogènes. La formation doit permettre au policier d’effectuer des analyses critiques de ses actions et de celle de l’Institution qu’il emploie dans sa pratique quotidienne.

Pour aborder la problématique du profilage racial et discriminatoire de manière institutionnelle et dans le cadre professionnel, il faut tout d’abord répondre à un certain nombre de questions générales. Par exemple, le management policier est-il aujourd’hui mature pour produire la réflexion critique nécessaire sur les pratiques ? La culture policière est-elle favorable pour générer de nouvelles actions de pensée ? Deux types de questions auxquelles je tente de répondre dans mon livre Présumé non coupable, des flics contre le racisme

Biographie 

Yves Patrick Delachaux, né à Genève en 1966, est policier, romancier et formateur licencié à l’Université de Genève. Après 12 années d'intervention, de 1992 à 2004, il rejoint le service psychologique de la police cantonale genevoise, pour mission de développer et piloter les programmes d'éthique et Droits humains. Il a été avec Sarah Khalfallah et Alain Devegney l’un des personnages centraux d’un film documentaire tourné en 2001 sur le travail de flic de quartier, Pas les flics pas les Noirs pas les Blancs, de Ursula Meier, coproduit par Cinémanufacture, la TSR et Arte. Ce film démontre une expérience innovante de résolution de conflits en contexte migratoire.  

En 2003 Yves Patrick Delachaux publie Flic de Quartier (éd. Zoé), son premier roman, autofiction qui a été particulièrement appréciée pour la découverte d’un métier finalement bien mal connu par la société civile. 

En janvier 2007, Yves Patrick Delachaux publie Présumé non coupable, des flics contre le racisme (éd. Aire de Famille) réflexions sur la problématique des discriminations dans les Corps de police, plus largement les nouveaux enjeux pour les métiers de la sécurité dans un Etat de Droit. Ce livre est préfacé par Jean-Daniel Vigny, diplomate suisse et la postface signée par Frédéric Maillard, économiste d’entreprise. 

En mai 2007 Yves Patrick Delachaux publie aux éditions Seuil (coll.Points) son deuxième roman Flic à Bangkok, qui entraîne le lecteur dans une enquête en Asie du Sud-est, région dominée par Khun Sa et ses hommes de mains. 

Flic de Quartier sortira en décembre 2007 en langue allemande, sous le titre Quartier Bulle.