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Le bûcher par procuration des nouveaux-arrivants sur Genève : un héritage asphyxiant
Par Papa Diadji Gueye Procès du diable : la contumace ! Les nouveaux-arrivants africains sur Genève trinquent de la fredaine de certains compatriotes et d’une généralisation infondée qui confinent d’honnêtes citoyens à la masse irréductible des malfrats. Sont-ils jetés en pâture aux patrons des régies et entreprises de la place qui censurent spontanément leurs demandes sans vérifier la réalisabilité de la requête qu’ils formulent, l’existence d’une éventuelle offre? Logements et emplois, bêtes noires des étrangers, se font plus distants, voire précautionneux. Leurs responsables braconnent sur le terrain de la prudence renforcée et de la méfiance restrictive. Seraient-ils en quête de victimes sur qui assouvir leur tourment généré par la soustraction à leur engagement d’une minorité déviante de cette population étrangère ? |
Pire encore, certains ne tourbillonnent-ils pas en zone vengeresse, honorant De la Fontaine dans une de ses célèbres fables ? « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère » - Et si je n’en ai point ? - « C’est donc quelqu’un des tiens », car c’est un compatriote. Comprenons le concept dans son acception la plus universalisante, celle qui fait référence au continent noir. « Chat échaudé, craint l’eau froide », précise l’adage. Voilà résumée toute la position, sans texture, de bon nombre de décideurs dans ces deux domaines sus-mentionnés, suite à ce qu’ils jugent comme étant des écarts de conduite de la part de certains ex clients qui n’auraient pas honoré des engagements avant de quitter le territoire. Au-delà des dispositions à effets immédiats que l’on peut résoudre sur place avant le départ, se présentent, par moments, des circonstances aux effets décalés et qui échappent à la maîtrise des deux parties (acquisition de biens par versements échelonnés, abonnements téléphoniques de longue durée..).
Nombreux sont, de nos jours, ces étudiants au terme de leurs études, ou autres qui, une fois que des cieux plus prometteurs sur le plan professionnel se profilent en leur faveur (Canada, Etats-Unis, Espagne…), quittent sans crier gare le territoire suisse. Si l’écrasante majorité des africains établis à Genève s’échinent à réaliser le départ en s’acquittant de tous leurs devoirs, ce n’est pas toujours le cas pour tous : factures impayées, engagements non tenus, biens publics ou privés imparfaitement entretenus… Or, dans un univers pavé d’appréhensions illusoires, généralement négatives, toute défaillance du sujet alimente un sentiment de méfiance qui crédite les idées reçues pour imprimer de façon abusive une identité collective, laquelle finit par circonscrire le particulier au général. C’est dire que les préjugés qui pèsent sur le groupe des africains ont tendance à concilier les bourreaux avec leur conscience propre faussement maçonnée par le simple fait d’un constat d’erreur d’un individu. Celui-ci cède la place à une institutionnalisation de la peur de l’autre qui, parce que différent, est sorcier. Parce que semblable en apparence au présumé coupable, est contrevenant par attribution. La conclusion reste étanche à toute forme de restriction : « Si un africain a failli à son devoir, alors, ainsi agissent-ils tous ! ».
Un responsable d’une régie sise à Genève reconnaît que sa crainte n’est gouvernée que par l’expérience : « Un locataire africain dont je préfère taire la nationalité est parti au Canada en me devant beaucoup d’argent ». Un tel constat est doublement significatif : il invite d’une part à la conscience personnelle des sujets étiquetés qui, bien que conscients d’un départ imminent du territoire, pourraient avoir un zeste de pensée révérencieuse pour les générations futures à travers une exemplarité à la fois professionnelle et sociale. Le cas d’un africain impliqué dans une histoire louche de détournement de fonds à l’hospice général à Genève, retentit comme exemple dans certaines réunions administratives, histoire d’illustrer des comportements qui, éternellement passent à la postérité. Seulement, en y faisant référence, on ne navigue pas dans le bassin de l’apologie, ce qui justifie de facto le rejet de l’autre et des siens. En quittant un espace souillé, on échappe certes à une sanction, une exclusion, une désaffiliation sociale dans un certain environnement, mais échappe-t-on réellement ? La question reste posée dès lors que l’on sait qu’on ne quitte pas sa propre conscience et qu’un retour sur le même sol dans un cadre autre pourrait être envisageable dans un avenir incontrôlable. « Surveille tes arrières ! », nous diraient les sages.
Cette posture en dit long sur l’héritage social et juridique des cadets de ces étrangers de passage à Genève. On pense à ces nouveaux hôtes venus dans l’espoir d’une formation ou d’un établissement dans des conditions acceptables, d’un mieux-vivre. Un tel rêve, ne se brise-il pas dans les méandres d’un procès ou d’une condamnation par procuration, où les prédécesseurs font subir aux cadets les effets d’une sanction votée à l’endroit de coupables intouchables ? C’est le spectre d’un héritage asphyxiant. D’autre part, la recherche de boucs émissaires est constante à l’heure du café-crème et de la consommation de coca-cola. Une position marginalisante qui ne s’explique que par un transfert de l’être à sa race n’est qu’égarement. S’il arrive que pour une raison ou une autre des erreurs soient commises par un ou des membres d’une communauté, il n’en demeure pas moins que la personnalité et l’action individuelle relèvent du champ intrinsèque de chaque être indépendamment de son origine ou de sa couleur de peau. Pour chaque groupe social, il existe une mosaïque de caractères et de comportements. Du même ne sort pas toujours le même.
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