Boubacar Boris Diop : C’est un devoir de critiquer la France si elle se maintient en Afrique au détriment de nos peuples.

Romancier, essayiste, dramaturge, scénariste, journaliste enseignant à l’Université Gaston Berger, écrivain majeur de l’Afrique contemporaine, Boubacar Boris Diop publie le 9 janvier 2014 à Paris « La Gloire des Imposteurs », livre co-écrit avec l’ancienne Ministre malienne Aminata Traoré. Un livre sans appel qui met à nu les interventions françaises en terre africaine notamment au Mali.  

Parlez-nous de la genèse de «La Gloire des imposteurs »

 J’ai longtemps cheminé avec Amy au sein du Forum social africain. Nous y avons pris l’habitude de nous élever contre un ordre mondial si impitoyable pour les pays pauvres et fragiles. A un moment donné, nous nous sommes dit tous les deux : pourquoi ne pas faire le point sur toutes ces questions sous forme de vraies fausses lettres ? C’était avant ce qu’on appelle le « printemps arabe » qui a changé du jour au lendemain la face du monde.

 Comment s'est faite l'écriture à quatre mains ?

 Quand on est aussi occupé, le plus difficile est de s’asseoir devant son ordinateur pour répondre posément et en profondeur à une lettre. Et puisque l’Histoire s’était emballée, tout allait trop vite, beaucoup de faits politiques majeurs nous interpellaient à chaque instant et il fallait leur faire de la place. Nous avons essayé de nous adapter à un contexte particulièrement mouvant.

Vous avertissez sur ce qu'on peut appeler une recolonisation de l'Afrique par une ancienne puissance coloniale, peut-on reprocher à la France de sauvegarder ses intérêts ?

Oui, nous devons reprocher à la France de sauvegarder ses intérêts si elle le fait au détriment de nos peuples. Il faut se méfier de la tendance à l’auto flagellation. Nous pouvons nous critiquer nous-mêmes sans dédouaner ceux qui, abusant de leur supériorité militaire, continuent à piller nos économies. Avec un tel raisonnement, Mandela ne se serait pas battu contre l’apartheid et les Palestiniens ne continueraient pas à se dresser contre l’occupation israélienne. Mais, encore une fois, cela ne nous dispense pas de faire notre examen de conscience. J’insiste simplement sur le fait que ceci n’exclut pas cela, bien au contraire…   

 Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade Ndoye