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Houphouët Boigny était-il Ivoirien ?

Publié le, 03 avril 2011 par Amadou Bâ

Depuis 1990, année de la restauration du multipartisme en Côte d’Ivoire, les différentes forces politiques et sociales du pays s’affrontent pour le contrôle du pouvoir de l’État sur fond de crise identitaire. Cette dernière fait suite à l’émergence du concept controversé d’ivoirité, une idéologie oscillant entre systèmes de valeurs culturelles ivoiriennes et préférence nationale notamment dans le domaine politique. Et pourtant le Père de la nation était lui-même de par son père d’une autre nationalité.


 (Sudbury ON Canada) -  Tous les yeux sont fixés sur la Côte d’Ivoire qui vit une grave crise politique et sociale sans précédent. Depuis les résultats des élections présidentielles du 28 novembre 2010 remportées par Alassane Dramane Ouattara, le président sortant Laurent Gbagbo refuse catégoriquement de quitter le pouvoir. Il est nécessaire de rappeler que cette crise qui a débouché, malheureusement, sur une guerre civile au risque de déstabiliser l’ensemble de la sous région, n’a pas de sens en réalité. En effet depuis 1990, année de la restauration du multipartisme, les différentes forces politiques et sociales du pays s’affrontent pour le contrôle du pouvoir de l’État sur fond de crise identitaire. Cette dernière fait suite à l’émergence du concept controversé d’ivoirité, une idéologie oscillant entre systèmes de valeurs culturelles ivoiriennes et préférence nationale notamment dans le domaine politique. 

En 1993, la disparation de Félix Houphouët Boigny entraîna une rivalité pour sa succession entre le Premier ministre Alassane Dramane Ouattara d’origine dioula, et le président de l’Assemblée nationale, Henri Konan Bédié d’origine baoulé. En 1995, en vue d’écarter son rival qu’il accusait d’être burkinabé, Henri Konan Bédié, définit l’ivoirité comme l’affirmation de la personnalité culturelle, l’épanouissement de l’homme ivoirien dans ce qui fait sa spécificité. L’ivoirité (être né en Côte d’Ivoire et être de père et de mère ivoiriens de souche, c’est-à-dire nés en Côte d’Ivoire) visait notamment les originaires du nord de la Côte d’Ivoire (Dioula, Sénoufo, Koulango, Djimini, Tagbana, Lobi), auxquels se rattachaient Alassane Ouattara et, par extension, les étrangers musulmans (Maliens, Guinéens, Burkinabé, Nigériens, etc.). Depuis cette date, les Ivoiriens semblent avoir perdu leurs repères en oubliant ou en ignorant que le père fondateur lui-même n’est Ivoirien que de mère. 
Félix Houphouët Boigny est le fils d’Ibrahima Cissé, un ancien soldat de l’armée coloniale française originaire du Soudan Français (actuel Mali) qui faisait partie d’un des nombreux bataillons de tirailleurs sénégalais envoyés en Côte d’Ivoire pour la « pacification » du pays baoulé entre 1903 et 1905. Houphouët est donc Malien (ancien Soudan Français) par son père ! 

C’est en pays baoulé que ce militaire a rencontré une jeune fille baoulé avec laquelle il eût un enfant le 18 octobre 1905 à N’Gokro (Yamoussoukro), c’est-à-dire Houphouët Boigny. Mais Houphouët n’a pas été élevé par son père car après sa mission, comme beaucoup d’autres soldats, Ibrahima Cissé a quitté la Côte d’Ivoire ignorant que le petit Houphouët deviendrait un grand homme. En effet Félix Houphouët Boigny fut chef traditionnel, médecin, planteur, leader syndical, député ivoirien en France, ministre dans différents gouvernements français. Sa carrière politique ascendante le mène à la tête de l'Assemblée nationale ivoirienne, maire d'Abidjan, et premier Président de la Côte d'Ivoire de 1960 à 1993.

L’empreinte d’Houphouët

Félix Houphouët-Boigny tenait aussi un rôle de premier ordre dans le processus de décolonisation de l'Afrique, et domina jusqu’à la fin de sa vie, la scène politique de son pays natal. Il fait incontestablement partie des élites africaines francophones qui ont marqué la vie politique de leur pays, qui ont laissé leurs empreintes dans les relations entre la France et ses anciennes colonies. N’est-ce pas lui qui dès le 11 avril 1946, en sa qualité de député de la Côte d’Ivoire fit adopter la loi qui abolissait le travail forcé (prestations, cultures obligatoires, recrutements forcés de soldats, etc.) au sein de l’AOF (Afrique Occidentale Française). C’est encore Houphouët Boigny qui dans les années 1950 joua la carte du rassemblement entre les Ivoiriens eux-mêmes mais aussi entre les Ivoiriens et les migrants ouest-africains. Ce qui, dans ce contexte d’affirmation d’une conscience ivoirienne, sentiment d’appartenance à la Côte d’Ivoire, rassurait les migrants. Après l’indépendance, il fit de son pays la principale puissance économique de la sous région en misant sur la culture et l’exportation de cacao et notamment du café. 

Cependant, on peut reprocher à Houphouët Boigny son alignement inconditionnel à la France, son rôle dans la Françafrique ou son refus d’ouvrir le jeu politique imposant le parti unique à son pays pendant trente ans. Mais il avait le sens de l’ouverture et de l’accueil. 
On peut donc se poser un certain nombre de questions ? Pourquoi tant de peur et de haine envers les étrangers de la part de certains Ivoiriens quand on sait que le père de l’indépendance qui a donné à la Côte d’Ivoire sa grandeur politique, économique et a permis une entente cordiale entre les Ivoiriens eux-mêmes et entre les Ivoiriens et les non Ivoiriens est lui-même fils d’un  étranger. Cette crise ivoirienne n’est-elle donc pas le résultat d’un manque d’information, car nous pensons que si la majorité de la population du pays savait qu’Houphouët est d’origine malienne, il y aurait moins de réticence, et de haine envers les étrangers mais aussi moins de préjugés envers des Ivoiriens de souche dont le seul tord est d’appartenir au groupe mandingue très répandu dans toute l’Afrique Occidentale mais connu sous des appellations différentes ou d’appartenir à une religion différente. 
Ceci étant, rappelons que la crise ivoirienne n’est pas seulement liée à ce manque d’information ou aux conséquences de l’ivoirité, elle est aussi un héritage colonial, une bombe à retardement posée par les autorités françaises bien avant les indépendances. En effet les ressorts de la crise ivoirienne s’inscrivent dans l’histoire coloniale de ce pays et dans les conditions de l’ouverture du jeu politique. En 1945, la France autorisa la vie politique dans ses colonies dont la Côte d’Ivoire alors que jusque là, seule la colonie du Sénégal élisait des députés à l’Assemblée Française. En Côte d’Ivoire, la France visait à contrecarrer la montée du nationalisme et du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), dirigé par Félix Houphouët Boigny. Dans ce dessein, l’administration manipula le sentiment ethnique ou celui d’appartenance à un peuple des opposants au PDCI. Cette manœuvre devait être lourde de conséquences pour l’évolution du pays, car elle contribua à ethniciser les rapports sociaux et à brouiller les enjeux politiques. 

Attirons, enfin, l’attention des dirigeants et hommes politiques ouest-africains. Il faut, aujourd’hui plus que jamais, qu’ils arrêtent de jouer sur la fibre ethnique, le régionalisme ou l’appartenance religieuse. Ce qui se passe aujourd’hui en Côte d’Ivoire peut arriver à n’importe quel pays de la sous région si on s’amusait à jouer sur l’ethnicité , l’appartenance à telle ou telle communauté, telle ou telle région ou de localiser un individu en se basant sur son patronyme (nom de famille), caste etc. 

Dr Amadou Ba, Historien-

Courriel : beewdoo@gmail.com