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RENAISSANCE AFRICAINE : LE MOT ET LA CHOSE.

Publié le, 22 février 2011 par Mamoussé DIAGNE

Toutes celles et ceux qui sont présents en ce lieu et à cet instant sentent passer le souffle puissant de l’histoire. Ils ont la claire conscience d’être des privilégiés : en se confrontant à des questions vitales que le siècle pose à toutes les parties de la planète, et en tentant d’y apporter des réponses pour la communauté africaine et sa diaspora, ils agissent au nom de tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre sont absents mais fondent tous leurs espoirs sur les résultats de leurs rencontres. C’est ce qui fait de nous tous, ici, réunis des chargés de mission, lorsqu’il s’agit de donner sens et contenu à l’idée de renaissance africaine sur cette portion la plus occidentale du continent où un cinéaste a filmé le soleil qui la bénit longuement avant de plonger dans la grande mer. Ici, se marient la parole ancienne venue des bords du Nil où chaque matin Osiris renaît dans toute sa gloire et les négrospirituals de nos frères qui résistèrent à la mort. Notre privilège vient de ce qu’une telle rencontre solennelle célèbre une renaissance, singulièrement la « Renaissance africaine ».

Notre privilège donc ne se distingue pas de notre mission puisque, à l’entame des travaux du colloque, le chef de l’Etat sénégalais a publiquement demandé aux intellectuels de prendre leurs responsabilités, toutes leurs responsabilités. Qui sont : de penser conceptuellement le mot et la chose concernés lorsqu’on parle de renaissance, la position du sujet qui en formule le projet qui est prêt à l’assumer historiquement à la face du monde, enfin les dispositifs tactiques et stratégiques qui structurent sa démarche. Si le rapport du savant et du politique est un rapport de complémentarité indissoluble, nous voulons voir dans l’invite du chef de l’Etat sénégalais un engagement de lui et de ses pairs à reconnaître toute leur place aux intellectuels pour dépasser les vœux pieux et les recommandations sans lendemain.

Re-naître c’est, littéralement, naître de nouveau, revenir à la vie, tel le corps démembré d’Osiris. Ce qui n’est possible que par la victoire sur la mort et le néant, ainsi que l’ont compris les civilisations agraires les plus anciennes avec le cycle annuel de la végétation. C’est ce qu’ont illustré, à une période plus récente, les sociétés occidentales qui, au sortir du Moyen Age et, après la grande récession économique du XIVe siècle et la terrible peste noire qui décima un tiers de la population, entamèrent une dynamique de redressement qui, au plan de la représentation fit appel aux idéaux de la Grèce et de Rome. Parce qu’elle fut au début un fait essentiellement italien, comme le note l’historien Jean Delumeau, le mot qui la désigna, avec son extension au reste de l’Europe fut : Rinascimento. Même si des débats subsistent sur les bornes de la séquence temporelle couverte par la Renaissance (l’Académie française retenant pour son début la fin du Moyen Age et la chute de Constantinople en 1453 et pour terme la mort de Charles Quint en 1558, alors qu’un auteur comme Paul Oskar Kristeller va jusqu’à remettre en cause la pertinence d’une définition temporelle dans Humanismus und Renaissance), on retiendra avec le philosophe Michel Foucault un changement radical d’épistémè par rapport au Moyen Age. L’idée de Renaissance est portée par une philosophie de l’histoire : la succession des faits temporels recèle un sens centré désormais autour du sujet humain.

Une nouvelle vision de l’homme et du monde que celui-ci habite se projette surtout dans l’œuvre d’art sous toutes ses formes, au point d’occulter parfois des inventions capitales comme l’imprimerie, l’horloge mécanique, les vitraux blancs, les révolutions dans les techniques de la navigation et de l’art militaire, le travail du textile et des métaux. Notre problématique se précise : penser conceptuellement la Renaissance africaine, c’est définir notre rapport au monde ici et maintenant dans ses différents aspects, le tout convergeant dans la cohérence d’un projet qui ne laisse pas de place au mirage et à l’auto-illusion.

La tache consistera, avant tout, à inventorier ces différents aspects. Outre la mise en place d’un socle théorique solide, elle a une vocation principielle au sens qu’Aristote donnait à ce terme : baliser l’horizon et dessiner les lignes régulatrices à partir desquelles la renaissance africaine quitte le domaine de la pure revendication ou du souhait pour se traduire en termes de programme à accomplir hic et nunc.

Depuis bien longtemps le facteur intellectuel est apparu dans les sociétés comme une force productive. On ne peut expliquer la place actuelle du Japon, ce chapelet d’îles dans l’immensité de l’Océan Pacifique sans richesses naturelles, la seule partie du monde à avoir subi le feu nucléaire, sans l’option décisive des réformes Meiji et Tanaka de tout miser sur la constitution d’un potentiel intellectuel de haut niveau. Car ce qui va décider du poids des nations aujourd’hui, c’est la concentration critique de matière grise dont elles disposent. D’où découle l’urgence des urgences pour l’Afrique, non pas après son unité mais dans son processus même d’unification : l’accélération de la formation de ses cadres à tous les niveaux, une politique capable de les retenir et de faire revenir ceux qui sont partis en leur offrant des conditions de vie décentes. Une décision si capitale parce qu’elle conditionne tout le reste, a un prix : la remise en cause radicale des politiques et des structures de formation. Dans le court terme, l’outil informatique offre des possibilités énormes dont il faut tirer profit par la mise en réseau des universités existantes et l’enseignement à distance.

Penser les prémisses théoriques et pratiques de la renaissance africaine et vouloir de toutes ses forces gravir le chemin escarpé qui mène au but, c’est assumer ce qui, toutes proportions gardées, a été porté par un homme nommé Obama, dont le père est parti de ce continent il n’y a guère : « Yes, we can ! » L’inscription dans la pierre de cette volonté de bâtir un nouveau monde en regardant vers le point où jusqu’ici tous les soleils se sont couchés, n’est-ce pas la vision (au sens fort de ce mot) que nous offre le Prometheus africanus vomi par les forces telluriques du volcan, avec sa compagne ? L’étoile pointée par le doigt de l’enfant au-delà de tout horizon discernable par l’œil, c’est ce qu’on demande aux intellectuels de fixer. Quelle mission exaltante, car c’est la passion de l’infini, l’infini du désir de l’Afrique et de sa diaspora, de contribuer à bâtir, dans la fraternité et le respect mutuel, un monde plus humain parce que plus juste dans sa symphonie.

 

                                                  Mamoussé DIAGNE, Agrégé de philosophie

                                                               Maître de Conférences (UCAD)