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Compte tenu du caractère européocentriste du système éducatif, il s'avère nécessaire pour nous, en tant qu'Africains, de procéder à une révision de ce système. Car, aussi longtemps que ce système sera maintenu, l'Afrique sera toujours soumise aux exigences de l'Occident soutenu par ce système qui leur est favorable. Dans cette perspective, Ngũgĩ soulève un certain nombre de questions dont les réponses pourront aider à mettre sur pied un système éducatif adéquat en Afrique:
Here is our main question: if there is need for a study of the historic continuity of a single culture, why can't this be African? Why can't African Literature be at the centre so that we can view other cultures in relationship to it? The aim in short should be to orientate ourselves towards placing , East Africa, then Africa in the centre. All other things are to be seen and considered in their relevance to our situation.[1]


Ngũgĩ prône une nouvelle orientation plaçant l'Afrique au centre des intérêts du système éducatif. En d'autres termes, nous devons avoir une nouvelle vision afrocentriste tout en considérant les cultures étrangères par rapport à celles africaines.
En grand littéraire, Ngũgĩ suggère de donner une plus grande place à la littérature africaine dont le rôle, rappelle-t-il dans Writers in Politics, est d'aider à prendre les initiatives appropriées: «I believe that we as teachers of literature can help in this collective struggle to seize back our creative initiative in history».[2] Il s'agit donc, pour une meilleure prise en charge du système éducatif, de se lancer dans une lutte organisée impliquant les intellectuels, plus particulièrement les littéraires. Pour ce faire, Asar et ses amis ont exprimé leurs idées dans un document conjoint qu'Armah nous présente sur une dizaine de pages (Osiris Rising, 213-223).

Dans ce document d'une grande portée, Asar et ses amis stipulent que la lutte pour la réforme du système éducatif doit se mener sur trois plans qui sont, par ordre de priorité, les études africaines ou africanistes, l'Histoire, et la Littérature (Osiris Rising, 191). Il convient de noter que l'ordre de priorité établi par le Manda Group n'est pas fortuit. En effet, mettre au point un système éducatif afrocentriste suppose d'abord que les masses s'intéressent à l'Afrique. Dès lors, pour contrecarrer la philosophie nihiliste du colonisateur concernant l'existence d'une culture africaine, il est nécessaire de recouvrer cette identité culturelle de l'Afrique («to seize back our creative initiative in history»[3] ). C'est dans cette perspective que les études africaines/africanistes s'avèrent importantes dans la mesure où elles nous permettent, en tant qu'Africains, de comprendre ce qui nous a amené au point où nous en sommes.

Cependant, une meilleure compréhension passe obligatoirement par des études approfondies de notre passé et du présent. C'est ce qui justifie l'importance du rôle de l'Histoire dans la perspective d'une réforme de l'Education. D'ailleurs, Cheikh Anta Diop considère que «ce qui est indispensable à un peuple pour mieux orienter son évolution, c'est de connaître ses origines, quelles qu'elles soient»[4]. Il faut donc, selon Cheikh Anta Diop, opérer une «analepse historique» dans le but de retrouver les éléments nécessaires à notre évolution en tant qu'Africains. Parmi ces éléments nous pouvons noter, par exemple, la restauration des vérités historiques jusque là enfouies sous des siècles de colonisation.

Par contre, étudier l'Histoire suppose un recours aux sources, aux éléments déjà existants de notre histoire. Pour ce faire, la littérature joue un rôle très important pour ce qui est des sources écrites. Il devient, dès lors, opportun de montrer d'une part ce rôle significatif que peut jouer la littérature dans la formation spirituelle des intellectuels en particulier, et des masses en général. D'autre part, il est nécessaire de prouver l'existence de traditions littéraires typiquement africaines et qui, pour des raisons colonialistes, ont été étouffées. Ainsi, les intellectuels, plus particulièrement les littéraires (professeurs et étudiants), doivent s'impliquer de manière plus franche dans cette lutte pour la réhabilitation du système éducatif. Armah a bien compris ce rôle important que doivent jouer les littéraires surtout au niveau supérieur de l'éducation. Il l'exprime à travers les propositions du Manda Group pour un nouveau programme éducatif: «It should be the vocation of university departments of literature to revitalize this tradition» (Osiris Rising, 220). Cette idée remet sur la sellette le rôle des universités africaines dans le processus de «décolonisation mentale» («decolonizing the mind»); un concept auquel Ngũgĩ accorde une grande importance. Cela est d'autant plus important que l'université africaine de manière générale est en quelque sorte une réplique de celle européenne. A ce propos, il est opportun qu'il y ait, au sein de l'université africaine, des ruptures avec un certain nombre d'éléments qui constituent des obstacles à l'évolution du système éducatif.
Cependant, en sus d'une définition du corpus littéraire africain, cela suppose la prise en compte des écritures en langues africaines. Cela passe aussi par la modernisation des bibliothèques dans les universités africaines, la promotion des écrivains africains et des écritures en langues africaines. Ainsi, la réadaptation du programme littéraire est inéluctable. L'afrocentrisme devient un point de passage obligé pour mettre au point un programme adéquat et durable. L'accent doit donc être mis sur les études africaines/africanistes. Ngũgĩ le confirme dans Writers in Politics:
(1) In all our schools, teacher training colleges and community centres we must insist on the primacy and centrality of African literature and the literature of African people in the West Indies and . Central to this the oral literature of our people, including their cotemporary compositions.

(2) Where we import literature from outside, it should be relevant to our situation. It should be the literature that treats of historical situations, historical struggles, similar to our own. It should be the kind of literature that rejects oppressive social-economic systems, that rejects all those forces that dwarf the creative development of man. In this case anti-imperialist literatures from Asia and Latin America and literature from socialist countries are very important. But anti-imperialist, anti-bourgeois literature and the pro-people literature of struggle from writers in imperialist countries can add a considerable contribution to our own struggles for a better world.[5]
Il faut au préalable un travail de synthèse aussi bien des aspects positifs que de ceux négatifs du système éducatif. Le but de ce travail (qui est évidemment un travail de recherche) est de répertorier tous les problèmes liés au système éducatif. Ceci constitue la première phase. La deuxième phase du travail consiste à réfléchir sur des propositions concrètes pour la résolution des problèmes identifiés. En d'autres termes, il s'agira de concevoir et d'appliquer des politiques éducationnelles concrètes et opérationnelles qui soient immédiatement applicables dans nos universités africaines. L'efficacité et l'adéquation de ces politiques éducationnelles permettent de sortir les universités africaines de la léthargie dans laquelle elles sont plongées par un système éducatif inopérant, inadéquat et, à la limite, obsolète.

C'est sur ce point qu'Armah veut attirer l'attention de la masse et des intellectuels africains. En effet, dans Osiris Rising, Asar, Ast et leurs compagnons du Manda Group ont compris cette nécessité d'identifier d'abord les problèmes du système éducatif afin de pouvoir les résoudre efficacement. D'ailleurs, après le travail de recherche et de synthèse mené par ce groupe d'intellectuels, des propositions concrètes sont faites concernant les études africaines/africanistes, l'Histoire et la Littérature :
That 50% of the first-year Humanities curriculum be devoted to an African Studies course harmonizing Sociology, Economics, History, Philosophy, Science and Culture; That the syllabus for this course follow a carefully planned unitary design concentrating on elements common to various branches of the African people;
/.../

That the teaching and study of African history henceforth begin with the study of Ancient Egyptian history;
/.../

That in the design of comparative courses, the present emphasis on Western history be corrected, and a more equitably weighted distribution of time and texts established to cover the societies of Asia, Australia, the Pacific environment, Pre-Columbian America, etc.;

/.../

That in overall syllabus design, a constant effort be made to observe a 50-25-25 weighting for African, Eastern and Western components respectively;
/.../

That in the distribution of texts and time, a 50-25-25 balance be maintained for African, Eastern, and Western inputs respectively;
/.../

That African history and sociology be given priority in research projects, in order to revitalize the traditional African recognition of history as prime material for literature;

That to this end, courses in Literature be planned in close collaboration with the Departments of African Studies, History, Sociology, Philosophy etc. (Osiri Rising, 221-223)

Une plus grande proportion est dès lors attribuée à la composante africaine aussi bien en Histoire qu'en Littérature: 50% contre 25% pour la composante orientale, et 25% pour l'Europe. Il faut noter qu'Armah renforce les théories de Cheikh Anta Diop sur les politiques éducationnelles en Afrique. Tout comme les membres du Manda Group, Cheikh Anta Diop s'est d'abord consacré à des recherches poussées dans le domaine qui va lui servir de base pour l'argumentation de ses hypothèses. En effet, Diop fonde son argumentation sur une quantité considérable de données archéologiques et paléontologiques.[6] Ce sont ces données réunies qui lui ont permis d'affirmer l'expansion de l'humanité à partir de l'Egypte.[7]

Partant de cette conception égyptocentriste de la civilisation africaine, Cheikh Anta Diop en déduit que la restauration de l'Egypte antique à l'Afrique doit constituer la base culturelle de l'éducation en Afrique. Cette intégration de la civilisation égyptienne ne sert pas seulement à prouver l'existence d'une culture et de traditions typiquement africaines. Elle permet aussi de conférer à l'Afrique une identité particulièrement positive du point de vue historique et culturel. C'est une manière de restaurer les vérités historiques et culturelles et de les pérenniser. En d'autres termes, il s'agit de rendre à l'Afrique sa véritable identité historique et culturelle. Il s'agit aussi de conserver les acquis et de les développer dans le cadre d'une évolution positive:
/…/ le socle culturel des Antiquités égyptiennes réintégrées dans la culture de l'Afrique qui vise à restaurer une image positive de l'Afrique à l'intention des nouvelles générations.[8]

Armah montre cet aspect inéluctable du recours à l'Egypte Antique par l'importance de la proportion à allouer à l'égyptologie dans le programme des études africaines/africanistes:

That an introduction to the study of ancient Egyptian society -its organization, politics, religion, science, literature and art- form at least 30% of the African Studies syllabus. (Osiris Rising, 221)

Il faut donc un retour aux sources comme l’a toujours prôné Cheikh Anta Diop. Qui plus est, le choix de l’école de formation des instituteurs dans Osiris Rising n’est pas fortuit. En effet, cela signifie que tout changement doit s’opérer d’abord à partir de la base. Le choix de Manda permet à l’auteur de dire que le changement concerne d’abord ceux qui constituent la future génération, c’est-à-dire les jeunes enfants qui sont à l’école primaire. Manda est donc une pépinière où l’on doit semer la graine du changement.
D’un autre point de vue, en faisant descendre le changement à la base, Armah montre qu’en réalité c’est le système éducatif colonial qui a mis l’Afrique dans sa situation actuelle. En d’autres termes, le colonisateur a su profiter de la jeunesse africaine à qui il a très tôt inculqué des idées européocentristes. Par conséquent, pour mieux préparer les nouvelles générations au changement, l’Afrique doit adopter la même stratégie que le colonisateur. Cette stratégie consiste à «formater» l’esprit de l’africain pendant qu’il est encore jeune, c’est-à-dire pendant que son esprit est encore malléable. C’est donc pour cette raison particulière qu’Ast et ses amis du Manda Group suggèrent que l’accent soit mis sur l’Afrique dès le plus bas âge.

Au Sénégal, cet aspect afrocentriste est compris par la Commission Nationale d'Histoire et de Géographie (C.N.H.G.) qui, dans son nouveau programme, «donne la priorité à une plus grande prise en compte de l'histoire de l'Afrique».[9] Ainsi, pour la C.N .H.G., le principal objectif du nouveau programme est de «connaître le rôle et la place de l'Afrique dans l'histoire de l'humanité»[10], mais aussi et surtout de:
comprendre le rôle des civilisations comme ressorts dans le processus d'identification, de modernisation des hommes et de développement des sociétés et des nations.[11]

Ce dernier argument corrobore celui d'Armah pour qui étudier l'histoire de l'Egypte antique correspond non seulement à une re-définition du peuple africain, mais aussi à une identification de soi. En d'autres termes, cela nous permet, en tant qu'Africains, de mieux nous connaître et de mieux comprendre notre situation. Ceci constitue la devise du Manda Group: «Who We Are and Why?» (Osiris Rising, 9). C'est dans cette perspective de la connaissance de soi que les nouveaux programmes d'histoire et de français dans les établissements sénégalais sont tournés de plus en plus vers l'Afrique. Ainsi, pour le programme d’histoire au niveau de la classe de seconde, par exemple, l’Afrique occupe 39 heures sur un volume horaire total de 45 heures, soit 86,67 %. Cette proportion passe à 81,81 % en classe de première, et à 62,79 % en terminale. Pour le programme de français, on note l’introduction de la poésie de la Négritude et du conte en classe de seconde. De même, en classe de première, la poésie de la Négritude est introduite en même temps que le théâtre:

1. Nouveau programme d'histoire.
a. Classe de Seconde
Ø La préhistoire africaine. = 9h
Ø Les civilisations de l'Afrique ancienne. = 8h
Ø L'Afrique Occidentale du 7ème au 17 ème siècle. = 10h
Ø La traite négrière et ses conséquences. = 6h
Ø L'Afrique du 18ème siècle à la veille de la poussée impérialiste. = 6h
Ø L'Europe et l'Amérique de 1776 à 1870. = 6h
Volume horaire total = 45h
b. Classe de Première
Ø La révolution industrielle et ses conséquences en Europe. = 8h
Ø L'impérialisme en Afrique. = 10h
Ø L'impérialisme dans le reste du monde. = 6h
Ø Le monde d'une guerre à l'autre. = 14h
Ø Le Sénégal de 1914 à 1945. = 6h
Volume horaire total = 44h
c. Classe Terminale
Ø Le monde au lendemain de la deuxième guerre mondiale. = 8h
Ø Décolonisation et affirmation du tiers monde. = 19h
Ø Les civilisations négro-africaines. = 8h
Ø La civilisation musulmane. = 8h
Volume horaire total = 43h
[Source: CNHG, Ministère de l’Education Nationale, Dakar, mai 1998, pp.22-27.]
2. Nouveau programme de français (séries L1, L2, S1, S2).
a. Classe de Seconde
Ø L'Humanisme, Le Classicisme, La philosophie des lumières, Le Préromantisme, La poésie de la Négritude, Le conte, La nouvelle.
b. Classe de Première
Ø Le Romantisme, Le Réalisme et le Naturalisme, Le Parnasse, Le Symbolisme, La création romanesque, Le théâtre, Poésie: la Négritude et les autres courants.
c. Classe Terminale
Ø Le Surréalisme, Esthétique des genres.
Source: CNHG, Ministère de l’Education Nationale, Dakar, mai 1998.
On note ainsi une tendance certaine de mettre l’accent sur les études africaines et africanistes. Mais cela suppose qu’il y ait une politique éducationnelle adéquate et durable. Cependant, malgré cela, nos gouvernants semblent être animés de mauvaise volonté vis-à-vis des politiques éducationnelles. Ceci se justifie surtout par les importantes sommes d’argent investies dans ce domaine. En effet, nos gouvernants sont conscients des fonds importants que les bailleurs injectent dans ce secteur. De ce fait, forts de cette conscience, ils mettent sur pieds des projets qui, en réalité, leurs permettent d’avoir accès à ces fonds dont une infime partie est affectée aux projets prévus, le restant servant à un enrichissement illicite.

Un des principaux obstacles demeure la transmission du message qui se fait surtout dans une langue étrangère: celle du colonisateur. Il se pose alors l'épineux problème de la langue dans laquelle le nouveau système éducatif doit être appliqué. Car, du point de vue fonctionnel, il est évident que les Africains comprendraient mieux certains concepts si le message était transmis dans leurs propres langues. Mais qu'en est-il de ces écritures en langues nationales? Quelle est la portée de ces écritures en langues nationales? C'est pour essayer d'apporter des débuts de réponses à ces questions que nous proposons d'analyser les écritures en langues nationales dans le prochain sous-chapitre.
Mamadou BA, PhD
Section de Langue, Littératures et Civilisations du Monde Anglophone
UGB, Saint-Louis

NB/

(Cet article est extrait de ma Thèse de Doctorat.)