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Par Jan Hjärpe

Lund- (SUEDE) – Les crises qui se déroulent au Moyen-Orient sont interprétées différemment selon la personne à qui vous parlez. Ainsi, en Israël, la perception et la réaction qu’on peut avoir à l’égard du Hamas et du Hezbollah sont marquées par le traumatisme historique qu’a subi le peuple juif au cours des siècles. Tous les événements qui se déroulent dans ce pays sont perçus comme faisant partie du combat contre l’antisémitisme, qui constitue toujours un aspect essentiel du regard que portent les Israéliens sur le monde contemporain.

À l’opposé, les musulmans auraient tendance à interpréter les conflits en termes binaires. Depuis les années 70, les milieux musulmans se représentent les tensions mondiales comme un conflit entre “les arrogants” et les “méprisés”. Pour certains extrémistes musulmans des années 70 et 80, les Etats-Unis et l’URSS étaient des “diables arrogants”, voire “le grand Satan”.

Lorsque les parties en conflit donnent une narration interprétative si différentes de la réalité, c’est la communication et, au bout du compte, la résolution du conflit qui en souffrent.

Une immense partie de notre univers cognitif est façonnée par la narration — les histoires que nous entendons dans notre famille, entre amis, en classe d’histoire. Ces récits constituent l’“historiographie” du groupe, de la nation, de la communauté religieuse, en somme de tous les cercles dont l’individu fait partie. L’histoire est toujours une sélection de ce qui est considéré comme significatif. De plus, très rares sont les événements historiques préservés qui n’ont pas trait à l’identité d’un groupe donné. C’est ce qu’on appelle l’appartenance, l’identité, le “nous et eux”.

Les narrations de ce qui (nous) est arrivé par le passé façonnent notre perception des événements d’aujourd’hui. Pour nous, ces récits sont vrais au sens qu’ils reposent sur le fait historique ; nous les considérons comme particulièrement significatifs car nous y percevons ce qui (nous) est arrivé, même si nous n’étions pas nés à l’époque. Le “ils” des gens du passé est devenu le “nous” ; in illo tempore — “à cette époque” — est devenu “maintenant”. Le phénomène qui consiste à nous approprier l’histoire de nos ancêtres pour en faire la nôtre s’applique particulièrement au conflit israélo-palestinien.

Je lisais récemment un court livre d’histoire de la Palestine écrit pour la jeunesse. Si cet ouvrage rapportait bien les faits historiques, son intention principale était de créer un sentiment d’appartenance, la notion que “c’est notre histoire”. Ce qui manquait pourtant là, c’est le récit de “l’autre”. Des faits pourtant significatifs de l’histoire juive ne s’y trouvaient pas inclus. Inversement, dans l’historiographie israélienne, la narration de “l’autre”, le Palestinien, est totalement absente.

Le sentiment du “nous” est conforté par la commémoration rituelle. Les jeunes juifs nés des dizaines d’années après la deuxième guerre mondiale visitent des camps de concentration. Ils y éprouvent un sentiment d’appartenance et l’impression que l’holocauste leur est arrivé “à eux”.

Dans l’histoire palestinienne, la nakba, la catastrophe, a une fonction similaire : le traumatisme de ceux qui ont été chassés de leurs foyers appartient à tous les Palestiniens. De même, dans l’islam chiite, nous connaissons le rôle immense de la commémoration de la tragédie de Karbala (intervenue il y a plus de treize siècles). On voit aussi que le récit du martyre d'Hussein, le petit-fils du prophète Mahomet, fonctionne comme une interprétation des tragédies qui assaillent l’Irak d’aujourd’hui.
La question se pose : comment traiter ces perceptions divergentes de l’histoire ?

Tout d’abord, dans l’intérêt de la paix et des bonnes relations, il faut savoir que le récit de “l’autre” existe et s’y intéresser. Dans cet ordre d’idées, il est utile de se livrer à l’exercice mental qui consiste, après avoir identifié les schémas de perception de notre propre cerveau, à voir si les mêmes événements peuvent être lus à travers une interprétation différente. Ensuite, nous recherchons les points communs de nos récits du passé et agissons pour les revendiquer à nouveau. Nous pouvons voir que cette dynamique était présente dans le Processus de Barcelone — ce projet de réconciliation entre les 26 pays de la Méditerranée qui s’inspire de l’histoire de l’Andalousie et des époques où musulmans, juifs et chrétiens ont vécu en paix pendant huit siècles sous un pouvoir arabe.


Enfin, et c’est peut-être le plus important, il s’agit de susciter des narrations nouvelles par encouragement mutuel. C’est ce que nous voyons dans l’histoire de l’amitié entre le chef d’orchestre Daniel Barenboïm et l’écrivain Édouard Saïd et de l’orchestre du Divan Orient-Occident, formation symphonique constituée de jeunes musiciens arabes et israéliens, qu’ils ont fondée ensemble.

À l’écoute du récit de ce que des groupes différents ont pu réaliser ensemble, de nouveaux schémas de perception et d’interprétation se forment en nous. Ces narrations collectives existent bel et bien aujourd’hui, elles fonctionnent, elles constituent un élément vital du processus de paix.

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* Jan Hjärpe est professeur émérite d’Etudes Islamiques à l’Université de Lund. Cet article fait partie d’une série sur les relations entre juifs et musulmans écrite pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).

Source: Service de Presse de Common Ground (CGNews), 15 août 2008, www.commongroundnews.org