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Par Julie WYLER

L'histoire de l'immigration éthiopienne démontre que l'identité raciale n'est pas fixée dans le temps ou l'espace. Au contraire, elle est renégociée en fonction du contexte ainsi qu'en rapport avec les identités perçues ou attendues des communautés d'accueil.

Un des phénomènes les plus atypiques de l'histoire récente des Noirs a débuté en 1977, lors du lancement de l'Opération Moïse, durant laquelle plus de 55,000 Juifs éthiopiens furent rapatriés en Israël au cours de ce que l'on peut aisément appeler un exode moderne. En 1991, la stabilité politique et économique de l'Éthiopie se détériore et les rebelles attaquent la capitale Addis Abeba. Inquiets du destin des Béta Israël, le gouvernement israélien, allié avec plusieurs autres groupes privés, se prépare à secrètement organiser le déplacement massif des Juifs éthiopiens en Israël.

Les Juifs éthiopiens sont une des rares communautés juives africaines. Ils sont les seuls Africains à avoir migré pour un motif religieux et à avoir intégré une société essentiellement blanche. Ces populations ont été volontairement amenées en tant qu'immigrants dans un pays ayant lui-même subit d'importantes persécutions.

La légende raconte que les Éthiopiens sont des descendants de tribus israélites, venues en Éthiopie avec Menelik I, fils du Roi Salomon et de la Reine de Saba. Bien que la Bible ne mentionne pas de mariage ou de relations sexuelles entre ces deux protagonistes elle raconte que la reine aurait été impressionnée par la richesse et le savoir du roi, après quoi elle aurait procédé à l'échange de cadeaux royaux avec lui, cadeaux qui ont été interprétés comme étant des relations sexuelles. Toutefois, l'incertitude quant à la nature même de cet échange constitue une source de doute, évoqué par plusieurs rabbins israéliens sur la « judaïticité » des Béta Israël. De plus, ce doute fut suffisamment important pour que les Ethiopiens se voient exigé une conversion officielle à la religion Juive dès leur arrivée en Israël, comme il est de coutume en cas de doute, aussi faible soit-il.

Bien que la création récente de l'Etat d'Israël soit fondée sur l'immigration de Juifs venant des quatre coins du monde, et que le pays soit habitué à de grandes vagues d'immigration, l'arrivée des Juifs éthiopiens a eu des implications sociales particulièrement importantes. Les Beta Israël ont fui l'Éthiopie, où ils étaient considérés comme des étrangers (Falasha), et ont immigré en Israël, un rêve de longue date. Mais, à leur arrivée, ils ne se doutaient pas qu'une fois sur place, leurs cadres de référence raciale, sociale et religieuse seraient questionnés et remodelés. En effet, la transition d'un pays africain aux populations noires à une société essentiellement blanche, a été potentiellement traumatique pour plusieurs raisons. Premièrement, beaucoup de Juifs Ethiopiens n'étaient pas conscients de l'existence d'une importante communauté Juive blanche. Deuxièmement, en Éthiopie, les Beta Israël avaient conçu leur identité sur la base de leur religion, ils étaient Juifs dans un environnement non-juif, et s'appuyaient plus fortement sur leur identité religieuse que sur leur identité raciale dans leur construction de soi. Pourtant, à leur arrivée en Israël, ils sont devenus conscients de leur couleur de peau et se sont rendus compte qu'en cherchant leur place dans la société israélienne, leur affiliation religieuse ne leur serait pas toujours suffisante. Troisièmement, les conceptions de couleur et la dynamique raciale des Éthiopiens eux-mêmes sont importantes à prendre en considération : les Juifs éthiopiens ne se considèrent pas "noirs", un terme qu'ils réservent aux groupes de statut plus bas tels que les esclaves, mais se voient plutôt en termes de « marron rougeâtre".

Il est probable qu'en manquant de prendre en compte l'importance des perceptions raciales dans la construction de l'identité, ainsi qu'en évoquant "la noirceur" des Juifs éthiopiens dans le cadre d'initiatives économiques ou sociales, les sociologues ainsi que des autorités israéliennes, aient mené les Beta Israël à entamer un processus durant lequel ils sont « devenus noirs ». Les jeunes Juifs éthiopiens en Israël semblent avoir modifié la hiérarchie de leur identification de soi, allant de « Juif » à « Noir », en développant une identité raciale distincte, différente de celles d'autres immigrants, en s'identifiant de plus en plus à la culture Afro-Américaine ou Rasta de par leur choix de musique, leur langage et leur style vestimentaire. Par conséquent, la couleur noire de peau semble être devenue une caractéristique dominante de l'identité de jeunes éthiopiens en Israël, remplaçant la religion juive qui était dominante en Éthiopie.

L'histoire de l'immigration éthiopienne démontre que l'identité raciale n'est pas fixée dans le temps ou l'espace. Au contraire, elle est renégociée en fonction du contexte ainsi qu'en rapport avec les identités perçues ou attendues des communautés d'accueil. De manière similaire, les Juifs Mizrahi et Yéménites ont passé par une catégorisation initiale en tant que "non-blancs" ou "noirs", jusqu'à ce qu'une communauté éthiopienne, "plus noire", n'arrive. Le processus par lequel les Juifs Mizrahi et Yéménites ont peu à peu intégré la société en s'assimilant davantage à la culture principale, est discuté en termes raciaux et désigné comme le processus de « devenir blanc ». Le cas Israélien est particulier étant donné que les immigrés sont activement recherchés et amenés en Israël afin de profiter pleinement des droits de citoyenneté et d'être intégrés sur les plans économiques, sociaux et religieux dans l'élite "blanche" dominante du pays. Dans ce cas, ce n'est pas tant la couleur de peau, mais plutôt la position sociale et économique dans la société qui devrait peser le plus lourd dans le processus de construction de l'identité.

Les Juifs éthiopiens resteront-ils "Noirs", du fait uniquement de leurs caractéristiques physiques? Ou peut-on imaginer que dans un contexte de changement social rapide, les différences socioculturelles ou ethniques s'effaceront peu à peu et perdront leur signification? Si cela devait se produire, l'identité juive se dirigerait vers une unification progressive et une identification commune sur le niveau national, ne laissant plus d'importance à l'ethnicité. Pourtant, une reconstitution satisfaisante d'une identité, reconnue et "honorée" par les Israéliens, semble être un premier pas important, notamment dans les sphères religieuses et économiques, afin que les Juifs éthiopiens puissent intégrer la société avec succès.

NB: Notre rédactrice, Melle Wyler, a effectué un excellent travail de recherches dans le cadre d'un cours sur les effets psychologiques de la migration internationale, publié en anglais aux Etats-Unis pour le Master's en Education Internationale à l'Université de New York (NYU).