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CARTHAGE- (envoyé spécial)- Nous l’avions interrogé l’année dernière ici même à Carthage en marge du symposium du RCD (parti au pouvoir en Tunisie) à la veille de l’élection présidentielle au Sénégal. Il disait « je ne regrette pas l’alternance». Il annonçait une situation économique difficile au Sénégal tout en décriant l’équipe « incompétente» d’Abdoulaye Wade. Ce dernier a reconnu cette semaine « d’une manière sincère» selon les termes de Niass qui a voulu prendre de la hauteur que la situation économique du pays est difficile.

Moustaphe Niass, le leader de l’AFP, bien connu dans le cercle des Nations – Unies, a pour sa part appelé les Sénégalais de tous bords à venir secourir leur pays avec désintéressement pour empêcher la banqueroute morale, culturelle et économique de leur pays. ContinentPremier a travaillé à Tunis en parfaite collaboration avec Le Matin de Dakar et Walfadjri. (Entretien).

Le président de la République vient d'annoncer des mesures tendant à réduire le train de vie de l'Etat et à baisser les prix de certaines denrées.

Ces mesures que vous avez apprises depuis Tunis où vous vous trouvez, vont-elles dans le sens?

«J'ai appris depuis Tunis comme tous les Sénégalais que le président de la République dans une adresse à la nation, hier soir, a annoncé un certain nombre de mesures. Parmi ces mesures, l'on cite la réduction de ministres du gouvernement sénégalais, mais également quelques mesures sur le train de vie de l'Etat et des recommandations qu'il aurait faites pour inviter les Sénégalais à réduire leur consommation d'électricité et d'énergie en général. Je voudrais tout d'abord dire que le Sénégal a aujourd'hui plus que jamais besoin d'apaisement. D'apaisement parce que les Sénégalais doivent être mis dans les conditions les meilleures pour pouvoir ensemble se livrer à une introspection qui conduise vers une concertation à tous les niveaux, toutes classes et toutes catégories sociales confondues pour aller ensemble vers une réflexion en immersion pour trouver des solutions définitives aux questions que se posent les Sénégalais, surtout aux problèmes de leur vie quotidienne. C'est tant mieux si le chef de l'Etat se trouvait un jour en mesure de mettre en application les intentions et les mesures qu'il annonce. Comme le budget de l'Etat n'est pas encore soumis à l'Assemblée nationale, le budget 2008 n'étant pas ainsi un budget réel, je pense qu'il devrait aussi annoncer la réduction du projet d'enveloppe budgétaire allouée à la présidence de la République. En effet, il a été constaté que l'augmentation du budget de la présidence de la République se chiffre à plusieurs dizaines de milliards. Je pense que ce serait une mesure de sagesse qui irait dans l'esprit et dans la direction des annonces qu'il a faites. Même si je ne veux pas polémiquer, je pense que c'est une mesure normale. Je pense également que le président de la République devrait être en mesure de rassurer les Sénégalais de manière définitive sur sa décision qui pourrait être une bonne décision d'écarter toute idée d'acquérir un avion nouveau à 60 milliards de francs Cfa pour ses déplacements. Il devrait de la même manière annoncer qu'il n'a jamais pensé ou qu'il pense plus à l'achat d'un Challenger canadien qui va coûter 35 milliards de francs Cfa. L'un dans l'autre, on n'est pas loin de 100 milliards de francs Cfa. Qu'il annonce que ces idées-là, sont écartées définitivement. Je pense aussi que le président de la République devrait voir, sans avoir besoin de les intégrer dans son cabinet ou dans son gouvernement, comment il pourrait s'adresser à des compétences sénégalaises de manière totalement gratuite et sans qu'il y ait un gouvernement d'union nationale élargi ou non. Qu'il demande aux compétences sénégalaises de l'aider à régler les problèmes de l'énergie, mais que ce soit gracieux et que cela n'empêche à ces Sénégalais d'avoir leurs idées, leurs options, leurs choix de société et que ce soit dans une dynamique de globalisation des capacités de réflexion des Sénégalais et de créativité de modes nouveaux de pensée et d'action pour sortir le pays du marigot au fond duquel il est enlisé. Il semblerait, d'après ce qui m'a été dit depuis Dakar, que son allocation d'hier (vendredi, Ndlr) était profondément empreinte de sincérité et c'est tant mieux pour les Sénégalais et c'est tant mieux pour notre pays. Mais je crois que le président de la République doit s'ouvrir, non pas en termes d'intégration ou de nomination de qui que ce soit, (mais) il doit s'ouvrir vers la réflexion, l'échange d'idées sans que cela ne conduise encore une fois à responsabiliser des gens parce que la plupart des compétences sénégalaises reconnues aujourd'hui - il y en a de par le monde comme au Sénégal - n'ont pas besoin de poste, ni de salaire, ni d'autre forme de rémunération ou de récompense pour se lever et aider leur pays».

Etes-vous prêt à donner un coup de main en tant que compétence ?

«Il n'y a aucun problème. Je suis prêt à aider, non pas le président de la République, mais les Sénégalais. Mais je ne veux aucun poste. Je ne veux aucune position. Je ne veux aucune rémunération. Et je ne cherche aucune responsabilité à caractère officiel ou officieux. Et je ne suis pas le seul. Il y a des dizaines de Sénégalais au Sénégal comme ailleurs dans le monde qui sont prêts à aider ce pays si les conditions sont créées. Quand les gens parlent de gouvernement d'union nationale, mais c'est pour aller où. Vous croyez que quarante personnes peuvent régler les problèmes du Sénégal. Si le président constitue un gouvernement de quarante à cinquante personnes, on va dire que c'est pléthorique, ce qui sera vrai. Mais ce n'est pas cinquante personnes qui vont régler les problèmes du Sénégal. On y mettrait les cent cinquante députés que cela ne servira à rien. On y mettrait les cent faux sénateurs, qui viennent d'être nommés ou désignés par le président de la République, que cela ne servirait à rien. C'est le peuple sénégalais qu'il faut mobiliser dans une atmosphère de concertation ouverte, dans l'apaisement des cœurs et des esprits. Parce que si ce pays va à l'eau, c'est nous tous qui allons perdre. Et quel legs, quel héritage allons-nous laisser aux générations futures. Il faut abandonner toutes ces querelles de partis, ces querelles de régime, ces querelles entre le néo-libéralisme, le libéralisme et le socialisme. Quand le Sénégal est en cause, qu'il est là face à ses priorités, quand des problèmes se posent en termes de survie, en termes de retour de la respectabilité dont le Sénégal bénéficiait à travers le monde, il faut oublier tout cela. Non pas encore une fois pour se retrouver dans une équipe. Ce n'est pas mon idée, ce n'est pas mon projet et je n'y pense pas. Mais il faut que les Sénégalais se retrouvent et qu'ils redressent leur pays. Mais alors à ce moment-là, il ne faut pas que ceux qui gèrent le pays aient une peur panique ou subissent le supplice de Tantale comme si on les avait accrochés au sommet d'une montagne pour tirer à l'arc pour savoir lequel des tireurs serait le plus adroit et quelle partie du corps il faudrait toucher avec sa flèche. Non, il faut s'élever, rester sur les hauteurs et le Sénégal a besoin de cela. C'est pourquoi je parle d'apaisement. Il faut un climat d'apaisement pour aller de l'avant»

Que peut-on aujourd’hui retenir du projet d’aller vers des assises nationales ?

«L'idée a été présentée de manière tellement approximative que le pouvoir a peur de ces assises nationales comme s'il devait s'agir d'assises pour faire le bilan du gouvernement et prendre des sanctions à son encontre. Il faut s'élever sur les hauteurs, rester grand et aller avec grandeur vers la solution des problèmes du Sénégal».

Vous aviez prévu ce qui se passe aujourd'hui en disant ici à la même période que les caisses de l'Etat sont vides. Pourquoi cette hauteur ?

«Oui, je vous l'avais dit l'année dernière. On ne peut pas diriger un pays par la fiction»

Fiction, dites-vous?

« Vous savez, est fiction toute proposition dont l'auteur, qui la formule, est plus convaincu que quiconque que cette promesse ne va pas se réaliser. Je ne veux pas revenir sur les détails parce que cela ne sert à rien. J'aimerais m'élever sur les hauteurs. On s'attendait certes à cette situation, mais si rien n'est fait, elle sera plus difficile dans un an parce que le Sénégal sera dans une situation de banqueroute totale. Cette banqueroute n'est pas une notion financière, c'est une notion morale, nationale à la fois économique et culturelle ... Et le Sénégal sera bloqué. Je le répète. Il faudrait que nous cessions de nous bercer d'illusions. Nous devons nous dire encore une fois que toute journée, qui est perdue, est perdue pour toujours. Mais il est encore temps de redresser les choses. Evidemment, quand tu dis ça, certains vous diront au Sénégal, il pense à entrer dans un gouvernement. Je le dis, moi je ne veux entrer dans aucun gouvernement. Par ailleurs, je ne veux envoyer aucun des membres de mon parti dans aucun gouvernement. Il y a des moyens de régler ces genres de situation. La crise que nous traversons aujourd'hui s'est produite ailleurs et elle a été réglée. Ce n'est pas à travers des nominations d'un ou d'une telle à un poste de ministre ou de chargé de tel que nous allons régler les problèmes du Sénégal. Il faut s'oublier. Le Sénégalais doit comprendre que celui qui a une expérience, un savoir faire, une expérience politique économique, pratique ou autre, doit aider le Sénégal. Qu'il doit s'oublier. Si nous sommes capables de nous oublier, d'oublier les conditions matérielles dans lesquelles certains souhaiteraient vivre, et d'oublier qu'il faut se faire une carrière en étant sous l'ombre d'un autre. Il faut également que les tenants du pouvoir n'aient pas peur comme disait Jean Paul II : ‘N'ayez pas peur’. Il ne faut pas qu'ils aient peur. Demain, ceux qui vont les remplacer, de manière ou d'une autre, ceux-là, ce sont des citoyens sénégalais qui ne prendront pas le pouvoir par la voie des urnes pour organiser des procès comme au pire temps du communisme»

Justement. Certains disent que Niasse est bon mais c'est un rancunier. S'il est élu, il va emmener tous les anciens dirigeants en prison.

«M'avez-vous, vous-mêmes entendu dire ça, vous qui avez l'habitude de m'interviewer?»

M. Niasse, la question est, qu'avez-vous envie de dire aux Sénégalais sur ce sujet ?

«Vous savez le délinquant a toujours peur du gendarme de telle sorte que quand il voit ce dernier, il a tendance à courir. Le délinquant a toujours peur. Mais si le délinquant a peur, c'est son affaire pas celle du gendarme. Je suis une autorité morale comme beaucoup de Sénégalais. Je pense que je n'ai pas besoin de vous dire que mon intégrité n'est pas remise en cause. Je n'ai aucune raison d'avoir de la rancune avec quiconque que ce soit. Combien de gens ont quitté l'Afp pendant deux ou trois ans et qui sont revenus. Nous les avons accueillis les bras ouverts. Je ne connais pas la rancune, d’abord parce que je suis un croyant, je suis un Imam, et un talibé (ndlr, disciple) de Cheikh Ahmeth Tidiane Chérif. Ce serait le même si j'étais mouride ou Khadre. Ceux qui ont peur, ce sont ceux qui ont peur de la discipline, de l'ordre et de la justice. Je ne menacerai personne. Je ne poursuivrai personne. C'est dire que je ne connais pas la rancune. Et ceux qui me connaissent bien peuvent en témoigner. Certains m'ont trahi, d'autres m'ont attaqué, certains m'ont vilipendé et je les rencontre. Il y en a des dizaines. Et je les reçois encore chez moi».

Pensez-vous que la baisse des salaires, qui doit intervenir en même temps que la baisse de certains prix, soit une mesure viable ?

«Je vais vous parler en tant qu'économiste, parce j'ai dirigé le gouvernement deux fois. Et j'ai été ministre pendant de longues années. Et depuis 25 ans, je suis opérateur privé, je préside beaucoup de conseils d'administration et je gère des sociétés. Le président de la République n'est pas en mesure aujourd'hui de décider de réduire le prix de certaines denrées sauf à revenir sur les augmentations récentes. Cela est possible s'il trouve dans les mécanismes de régulation des prix, des ressources additionnelles pour compenser les pertes que subiront les sociétés si ces sociétés qui vendent les produits ont acquis ces produits selon une structure de prix donnée. Ce sera une question de calcul économique. Les sociétés ne peuvent pas vendre à moins d'un niveau donné. Parce que la structure des prix, c'est tous les ingrédients qui permettent de fixer le prix de revient d'un produit donné, on y ajoute une marge bénéficiaire qui intègre en plus les taxes que l'Etat perçoit : c'est ça qui fait le prix total. Donc le président de la République, pour les mesures d'augmentation des salaires qui ont été prises depuis sa réélection, car depuis cette date, il a commencé à augmenter les prix, il peut revenir sur cela s'il trouve les mesures additionnelles pour réaliser les compensations et les équilibrages. Cela est possible techniquement. Pour les salaires, vous savez les salaires sont fixés à partir de point d'indices et de paramètres qui sont liés au coût de la vie. C'est de cette manière-là que les salaires, qui ont été augmentés, l'ont été. Par contre, il y a certains salaires qui ont doublé voire triplé pour une minorité de Sénégalais parce qu'ils occupaient des postes ou évoluaient dans des catégories professionnelles dont peut-être le pouvoir avait besoin pour les élections passées. Là c'est son problème. C'est lui qui avait personnellement décidé d'augmenter ces salaires-là, à lui de négocier avec ces catégories socio-professionnelles qui sont une minorité infime parmi les salariés pour leur dire écoutez, c'était pas vraiment une augmentation mais un doublement ou un triplement maintenant je vous ramène à la normale et c'est à lui de négocier. Ceci n'a rien à voir avec une mesure globale de réduction des salaires des Sénégalais. Parce qu'il peut décider de réduire les salaires des fonctionnaires de la fonction publique mais il ne faut pas oublier que le salaire est un droit acquis. Le salaire appartient au patrimoine du fonctionnaire et ses droits acquis, on ne peut pas les attaquer, on ne peut pas les violer, on ne peut lui créer un obstacle ou les réduire à moins que cela soit selon une procédure prévue par la loi. Première difficulté. Deuxième difficulté, le président de la République n'est pas en mesure de réduire les salaires des travailleurs du secteur privé. Quid de cela ? Si on réduit les salaires comme mesure d'économie en maintenant les prix ou en réduisant les prix des denrées de manière très limitée, il n’y aura pas d'effet ou au contraire ce sera catastrophique. Donc il y a une question de calcul économique, de ratio comme on dit en droit économique entre le revenu et le coût des denrées de première nécessité»

Quelle comparaison faites-vous des processus de développement de la Tunisie et du Sénégal, au regard du cheminement des deux pays ?

«La Tunisie et le Sénégal avaient au niveau de chacun des deux pays des populations de six millions d'habitants. Nous avions le même niveau de développement d'après les statistiques de la Banque mondiale. La Tunisie depuis l'époque de Bourguiba a beaucoup investi dans une éducation et une formation de qualité. Essentiellement fondées sur deux plans : les humanités pour connaître l'histoire du monde et son évolution et les disciplines scientifiques pour entrer dans la société du savoir, celle de la modernité. Le miracle tunisien provient de ce que les Tunisiens ont été formés aux sciences modernes, aux disciplines de technologie allant vers l'avenir sans perdre leurs racines à partir d'une formation de base qui leur a permis de savoir ce que Jugurtha avait fait, ce que Hannibal avait fait. Aujourd'hui, le Sénégal devrait reprendre la tension morale que Senghor avait créée, qu’Abdou Diouf a essayé de maintenir mais que tout a été abandonné. Puisqu'on casse de l'étudiant, de l'élève, du professeur, du syndicat, les Sénégalais ne sont plus dans les conditions qu'il faut pour entrer dans la société du savoir. La Tunisie forme chaque année cent mille ingénieurs informaticiens. Et ce sont de jeunes Tunisiens qui font la comptabilité des sociétés américaines en Californie. Pendant qu'il fait jour ici, les Américains dorment. Et quand ils se réveillent, les jeunes Tunisiens et les jeunes Indiens ont déjà traité la comptabilité des sociétés de Californie sans avoir besoin de bouger ni de Tunis ni de New Dehli. Pourquoi n'irait-on pas vers cette direction. On s'accroche au numérique mais c'est théorique, c'est la formation des Sénégalais qui est à faire. Les Tunisiens ont eu l'intelligence d'aider les classes moyennes à entrer dans l'économie moderne. Les classes moyennes tunisiennes ont pris en charge le développement, encadrées par les élites et soutenues par les pouvoirs publics. Voilà pourquoi la Tunisie d’aujourd'hui est un pays qui a réussi et qui est entré dans l'émergence économique et qui est un pays moderne. Regardez la ville de Tunis et tout ne se concentre pas à Tunis. Vous allez à Nabeul, Monastir, Sousse, vous trouverez le même niveau de développement parce qu'il y a une démocratisation de la politique d'aménagement du territoire qui met les régions sur un même niveau d'égalité. Il faut qu'on le fasse au Sénégal : une vraie politique d'aménagement du territoire».

Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade NDOYE