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Par le Pr Gilles Manceron, historien français

Avant même son élection à la magistrature suprême de son pays, le Pr Gilles Mancéron s’inquiétait de la posture de Nicolas Sarkozy sur le passé colonial français. Ces textes ont été publiés le 30 avril dernier, 4 mois avant le discours révisionniste du premier des Français prononcé le 26 juillet 2007 à l’Université de Dakar. !

Pour rallier, lors de sa campagne présidentielle, la partie de l’électorat la plus nostalgique de la colonisation, souvent proche de l’extrême droite, Nicolas Sarkozy a fait, dans ses discours et surtout dans ses déclarations et courriers à des associations de rapatriés d’Algérie, des références au passé colonial de la France en des termes souvent inquiétants. Il a laissé poindre une véritable relance de l’éloge de la « colonisation positive » que voulait imposer, avec les résultats que l’on connaît, la loi du 23 février 2005.

En même temps, pour donner le change et éviter de provoquer les mêmes protestations que la loi en question, il s’est employé à démentir les interprétations que ses propos ont suscitées en France et en Algérie et a fait à des médias algériens des déclarations qui se veulent rassurantes.

Peu soucieux de cohérence, son langage s’est dédoublé et multiplié. Il a un langage pour les meetings, un autre, plus nettement « nostalgérianiste », réservé aux missives destinées à gagner les faveurs des nostalgiques de la colonisation, et même un troisième, « réservé à l’exportation », dévolu à des médias algériens soigneusement choisis, destiné, sans rien démentir du reste, à atténuer l’effet des précédents. Il est intéressant de rassembler les fils, pour faire apparaître les contradictions entre ces langages multiples, parfois simplement ambigus, parfois franchement choquants, mais qui suscitent les pires inquiétudes.

Le langage de Sarkozy dans ses meetings [1]
A Poitiers, le 26 janvier, il n’a eu nul besoin de faire, tel Jean-Marie Le Pen, des références pesantes à la bataille de 732 ; rien qu’une légère allusion, quand il a décrit Poitiers comme une « vieille ville gauloise et romaine à la fois, qui vit passer entre ses murs tant de capitaines… » ; mais il y a insisté sur la « crise morale […], crise des valeurs […], crise de l’identité » que connaîtrait la France, au cœur de laquelle, selon lui, serait un « dénigrement de la nation » qu’il s’est empressé de lier à la « question de l’immigration ». Les coupables : ceux qui veulent « rendre la nation responsable de toutes les injustices, de toutes les violences, […] ne voir que ses fautes […], cultiver la haine de la France… ».

De la même façon, à Caen, le 9 mars, il a exhorté son auditoire à être « fier de la France », une France définie comme un tout, comme une personne, fondamentalement bonne, qu’il a opposée implicitement à d’autres nations, implicitement mauvaises, comme celle -– suivez mon regard… –- qui a « inventé la solution finale » :

« Cette histoire est comme toutes les histoires, elle a ses heures sombres et ses heures éclatantes, elle a ses moments de honte et ses moments de gloire, elle a ses grandeurs et ses bassesses. Sans doute a-t-il fallu bien des crimes, des drames, des tragédies pour que du chaos des peuples émergeât la France. Mais au bout du compte nous avons tout lieu d’être fiers de notre pays, de son histoire, de ce qu’il a incarné, de ce qu’il incarne encore aux yeux du monde. Car la France n’a jamais cédé à la tentation totalitaire. Elle n’a jamais exterminé un peuple. Elle n’a pas inventé la solution finale, elle n’a pas commis de crime contre l’humanité, ni de génocide. Elle a commis des fautes qui doivent être réparées, et je pense d’abord aux harkis et à tous ceux qui se sont battus pour la France et vis-à-vis desquels la France a une dette d’honneur qu’elle n’a pas réglée, je pense aux rapatriés qui n’ont eu le choix au moment de la décolonisation qu’entre la valise et le cercueil, je pense aux victimes innocentes de toutes les persécutions dont elle doit honorer la mémoire. Mais la mode de la repentance est une mode exécrable. Je n’accepte pas que l’on demande aux fils d’expier les fautes des pères, surtout quand ils ne les ont pas commises. Je n’accepte pas que l’on juge toujours le passé avec les préjugés du présent. Je n’accepte pas cette bonne conscience moralisatrice qui réécrit l’histoire dans le seul but de mettre la nation en accusation ».

« […] la République […] s’est toujours battu depuis deux cents ans pour la liberté, l’égalité et la fraternité de tous les hommes. Non, tous les Français dans les colonies n’étaient pas des monstres et des exploiteurs. […] La vérité c’est qu’il n’y a pas eu beaucoup de puissances coloniales dans le monde qui aient tant œuvré pour la civilisation et le développement et si peu pour l’exploitation. On peut condamner le principe du système colonial et avoir l’honnêteté de reconnaître cela ».

Une essentialisation de la France qui est la porte ouverte à tous les nationalismes. Mais c’est lors des discours qu’il a prononcés dans le Midi, à Toulon et surtout à Nice, qu’à la fois il a été plus loin dans le thème de la réhabilitation diffuse de la colonisation et qu’il a tenu les propos les plus durs sur l’immigration.

A Toulon, le 7 février, il est revenu sur ceux qui, selon lui, dénigreraient la France et son histoire : « Ça ne peut plus durer les valeurs de la France bafouée, l’histoire de France répudiée, la nation dénigrée… » A ce qu’il a appelé « la mode de la repentance », il a opposé une forme de réhabilitation subtile de la colonisation qu’il a fait découler, par une sorte de déduction démagogique et biaisée, de l’éloge du courage et des bonnes intentions qui animaient de nombreux colons :

« Le rêve européen […] qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation. Cessons de noircir le passé. L’Occident longtemps pécha par arrogance et par ignorance. Beaucoup de crimes et d’injustices furent commis. Mais la plupart de ceux qui partirent vers le Sud n’étaient ni des monstres ni des exploiteurs. Beaucoup mirent leur énergie à construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux. Beaucoup s’épuisèrent à cultiver un bout de terre ingrat que nul avant n’eux n’avait cultivé. Beaucoup ne partirent que pour soigner, pour enseigner. On peut désapprouver la colonisation avec les valeurs qui sont les nôtres aujourd’hui. Mais on doit respecter les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont pensé de bonne foi œuvrer utilement pour un idéal de civilisation auquel ils croyaient. Il faut respecter ces milliers d’hommes et de femmes qui toute leur vie se sont donné du mal pour gagner par eux-mêmes de quoi élever leurs enfants sans jamais exploiter personne et qui ont tout perdu parce qu’on les a chassés d’une terre où ils avaient acquis par leur travail le droit de vivre en paix, une terre qu’ils aimaient, parmi une population à laquelle les unissait un lien fraternel. Je veux le dire à tous les adeptes de la repentance qui refont l’histoire et qui jugent les hommes d’hier sans se soucier des conditions dans lesquelles ils vivaient, ni de ce qu’ils éprouvaient ; je veux leur dire : de quel droit les jugez-vous ? Je veux leur dire : de quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes de leurs pères, que souvent leurs pères n’ont commises que dans votre imagination 
 […] A tous ceux d’entre vous qui sont revenus des colonies en ayant tout abandonné, n’emportant avec eux que leurs souvenirs de jeunesse et cette nostalgie qui ne les quittera plus jamais, je veux dire que si la France a une dette morale, c’est d’abord envers eux. »

A Nice, le 30 mars, il a franchi un pas de plus :

« Je veux que l’on respecte la Nation. Je veux dire aux Français qu’ils auront à choisir entre ceux qui aiment la France et ceux qui affichent leur détestation de la France. Français au sang mêlé, qui doit tout à la France, je suis fier d’être Français. Je veux redonner à tous les Français la fierté d’être Français. Je veux leur dire qu’ils auront à choisir entre ceux qui assument toute l’Histoire de France et les adeptes de la repentance qui veulent ressusciter les haines du passé en exigeant des fils qu’ils expient les fautes supposées de leur père et de leurs aïeux. Je suis de ceux qui pensent que la France n’a pas à rougir de son histoire. Elle n’a pas commis de génocide. Elle n’a pas inventé la solution finale. Elle a inventé les droits de l’Homme et elle est le pays du monde qui s’est le plus battu pour la liberté. […] Je veux dire que dans les colonies, tous les colons n’étaient pas des exploiteurs, qu’il y avait parmi eux beaucoup de gens courageux qui avaient travaillé dur toute leur vie, qui n’avaient jamais exploité personne, qui avaient construit des routes, des hôpitaux, des écoles, qui avaient enseigné, qui avaient soigné, qui avaient planté des vignes et des vergers sur un sol aride, qui ne devaient rien qu’à eux-mêmes, qui avaient beaucoup donné à une terre où ils étaient nés et qui un jour n’ont eu le choix qu’entre la valise et le cercueil. Ils ont tout perdu. Je veux qu’on les respecte. Je veux dire que si la France a une dette qu’elle n’a pas réglée, c’est celle qu’elle a vis-à-vis de ceux qui en Indochine et en Algérie se sont battus pour elle et ont du quitter leur pays pour ne pas être assassinés. Je veux que la France reconnaisse sa dette, vis-à-vis des harkis et des supplétifs d’Indochine et qu’elle l’honore. C’est une question d’honneur et l’honneur pour moi c’est encore une vertu cardinale pour un homme comme pour une nation. Je veux dire aux Français que le 22 avril et le 6 mai, ils auront à choisir entre ceux qui sont attachés à l’identité nationale et qui veulent la défendre et ceux qui pensent que la France a si peu d’existence qu’elle n’a même pas d’identité ».

Et, c’est en même temps dans ce discours de Nice qu’il a été le plus loin dans ses propos sur l’immigration en préconisant de subordonner le droit au regroupement familial des enfants des immigrés à « l’obligation d’apprendre à parler le français avant d’entrer sur le territoire national »…

Les lettres à des associations de rapatriés
Après le premier tour, à Rouen le 24 comme à Paris Bercy le 29 avril, Nicolas Sarkozy a martelé les thèmes du refus de la « repentance » et de la « détestation de soi », mais c’est, plus discrètement, quand il s’est adressé à des associations de rapatriés, qu’il a tenu les propos les plus inquiétants. Lors d’une rencontre avec des associations de harkis proches des « Algérianistes », le 31 mars, il a défendu « la création rapide d’une Fondation pour la mémoire sur la guerre d’Algérie, dans laquelle les harkis [auraient] toute leur place, avec les autres rapatriés » [2]. C’est l’annonce, purement et simplement, de la mise en œuvre d’une mesure qui faisait partie de la loi du 23 février 2005 (article 3), celle d’une Fondation officielle sur la guerre d’Algérie qui échapperait aux historiens pour être placée sous l’influence de lobbies mémoriels, mesure contre laquelle de nombreux historiens et citoyens s’étaient mobilisés au même titre que contre l’article 4 et dont le président Chirac avait eu l’intelligence de geler l’application. Le fait est qu’il suffirait d’un simple décret pour la mettre en œuvre.

Ensemble tout devient possible !

Mais là où Nicolas Sarkozy a été le plus loin, c’est dans les lettres qu’il a adressées à certaines associations de rapatriés, à commencer par celle envoyée le 6 avril au Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (CLAN-R) : « Vous êtes les descendants de celles et de ceux qui, dès le début du XIXe siècle, ont contribué à l’essor économique de l’Afrique du nord. La France leur avait demandé d’assurer son rayonnement par-delà les mers. Sa grandeur, notre pays la doit aussi à ces femmes et à ces hommes, témoins et acteurs d’une œuvre civilisatrice sans précédent dans notre histoire. […] Je ne suis pas favorable aux excès de la repentance : la France est une nation qui revendique son identité […]. Il est temps que le Mémorial de la France d’Outre-mer à Marseille voie le jour. Le Mémorial devra être inauguré en 2009 et les associations de rapatriés ont vocation à participer au comité de pilotage. […] L’Etat prendra toute sa part à la création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie ».

Il a écrit une seconde lettre, le 16 avril, au président du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés, après avoir reçu deux jours plus tôt une délégation de ce comité. Cette délégation comprenait deux représentants d’une association qui en est membre et est représentée à son comité directeur : l’Association des anciens de l’OAS, l’Adimad-OAS (site internet : adimad-oas.com) : Jean-François Collin et Philippe de Massey. Notons que son président, Jean-François Collin, a été, d’après l’ouvrage de Georges Fleury Histoire secrète de l’OAS (Grasset, 2002, p. 566 et 567), l’instigateur de la tentative d’assassinat sur son lit d’hôpital à Paris le 18 février 1962 du gaulliste Yves Le Tac, président du Mouvement pour la communauté, alors hospitalisé au Val-de-Grâce après avoir été grièvement blessé par l’OAS lors de trois tentatives d’assassinat à Alger les 3, 10 et 17 octobre 1961.

Deux jours après cet échange qui, selon lui, « a interrogé l’identité même de la France. Il restera un moment fort de cette campagne et plus encore dans ma mémoire », Nicolas Sarkozy a redit son « engagement de ne jamais sombrer dans la démagogie de la repentance » et souhaité « que les victimes françaises innocentes de cette guerre, jusqu’à l’indépendance, et, tout particulièrement, les victimes du 26 mars 1962, se voient reconnaître la qualité de “morts pour la France” et que leurs noms figurent sur une stèle officielle afin que personne n’oublie ces épisodes douloureux ». C’est emboîter le pas aux « Algérianistes » qui ne retiennent que les victimes européennes de cette guerre (alors qu’il y a eu entre 300 000 et 400 000 morts du côté algérien), et, à travers le cas des victimes de la fusillade de la rue d’Isly du 26 mars 1962 à Alger – victimes qui méritent compassion, comme toutes les victimes de ce conflit – cherchent à passer sous silence les responsabilités de l’OAS, alors que c’est cette organisation terroriste qui a organisé une manifestation vers un barrage de l’armée française, obligeant les militaires à tirer, probablement suite aux provocations de snipers perchés sur les toits, faisant 56 morts.

Dans ce même courrier, Nicolas Sarkozy a rejeté l’idée d’un traité d’amitié avec l’Algérie voulu par le président Chirac puis reporté après la polémique sur l’article 4 de la loi du 23 février 2005, préférant, en matière de relations franco-algériennes, développer les liens économiques : « L’Algérie a d’immenses ressources énergiques. La France maîtrise les technologies de l’électricité nucléaire. Nous devons trouver là les bases d’une coopération équitable ». Ecarter tout travail commun sur le passé franco-algérien, c’est pourtant exclure toute possibilité d’une véritable normalisation des relations entre les deux pays, qui ne peut être fondée sur l’économie seulement. Nicolas Sarkozy l’a lui-même reconnu à Toulon : « Le dialogue Euro-Méditerranée imaginé il y a douze ans à Barcelone n’a pas atteint ses objectifs. […] L’échec était prévisible dès lors que le commerce avait pris seul le pas sur tout le reste […] Ce que la France et l’Allemagne ont réussi à faire, les pays méditerranéens doivent pouvoir le faire aussi… ». Or, si les conflits franco-allemands ont pu être dépassés, c’est parce que les institutions, les historiens et les enseignants des deux pays ont pu adopter une vision convergente, dans ses grandes lignes, des conflits passés. Aucune normalisation véritable des rapports franco-algériens ne peut faire l’économie d’un effort vers une approche consensuelle du contentieux historique qu’ont représenté la conquête, la colonisation et la guerre d’indépendance algérienne. Ecarter l’idée que des historiens français et algériens soient encouragés à travailler ensemble sur ces questions, leur préférer la perpétuation de la guerre des mémoires, c’est s’éloigner de la perspective d’une réconciliation pour l’avenir.

Nicolas Sarkozy a écrit aussi à une autre association, l’Apumaf, « Association pour un Mémorial Algérie française en l’honneur du général Raoul Salan et pour tous ceux qui ont dit non publiquement à son abandon » [3]. A cette association qui milite aussi pour qu’on nomme à titre posthume le chef de l’OAS Raoul Salan maréchal de France, et précise que le Mémorial qu’elle souhaite serait voué aussi à Bastien-Thiry, qui a tenté d’assassiner le président de la République Charles de Gaulle au Petit-Clamart, en août 1962, et à Roger Degueldre, Albert Dovecar et Claude Piegts, tueurs des commandos Delta de l’OAS, condamnés à mort et exécutés en juillet 1962, Nicolas Sarkozy a répondu : « vous êtes les descendants de celles et ceux qui, dès le début du XIXe siècle ont contribué à l’essor économique de l’Afrique du Nord. La France leur avait demandé d’assurer son rayonnement par-delà les mers. Sa grandeur, notre pays la doit aussi à ces femmes et à ces hommes, témoins et acteurs d’une œuvre civilisatrice sans précédent dans notre histoire […] Il est temps que le mémorial de la France Outre-mer à Marseille voie le jour. Le Mémorial devra être inauguré en 2009 et les associations de rapatriés ont vocation à participer au comité de pilotage ». Autant de déclarations que le candidat Sarkozy se garde de publier sur son site de campagne.

Les justifications destinées à la presse algérienne
El Watan du 20/21 avril 2007, haut de la page 9.

La presse française, en particulier Le Monde du 21 avril, ainsi que la presse algérienne, en particulier les quotidiens El Watan des 20-21 et 24 avril et La Tribune du 27 avril, se sont légitimement émues de ces déclarations. Pour tenter d’atténuer cette émotion sans rien démentir, Nicolas Sarkozy a donné le 21 avril une interview au quotidien algérien arabophone Djazaïr News où il tenté de noyer dans des explications confuses son refus d’un traité d’amitié : « la France et l’Algérie sont des partenaires de premier rang » ; « nos relations dépassent de loin le domaine économique » ; « les deux pays connaissent une complicité constante »… Le choix d’un journal arabophone servait à faciliter son « grand écart » entre ce qu’il disait en France pour séduire les anciens de l’OAS et ce qu’il était obligé de dire aux Algériens pour éviter une grave crise diplomatique avec l’Algérie. Qui prêterait attention en France à un entretien à un quotidien algérien en arabe dont le site internet du candidat s’est bien gardé de reprendre les propos ?

Pour dresser un rideau de fumée devant l’objet réel de l’entretien, il a parlé sécurité, terrorisme, immigration clandestine, éducation, recherche, formation professionnelle, santé et hydrocarbures, et fait miroiter à la fois une coopération nucléaire — « la France possède une technologie très avancée dans le domaine nucléaire » — et des investissements des entreprises françaises. Mais le but réel de l’interview était, bien entendu, d’atténuer ses propos indulgents à l’égard du colonialisme destinés à attirer à lui l’électorat de Jean-Marie Le Pen et dont Le Monde et El Watan s’étaient fait l’écho. Pour cela, il a employé au sujet du colonialisme des termes qu’il se garde bien d’utiliser dans ses courriers aux associations « nostalgérianistes ».

Question du journaliste Hassan Ouali : « Mais il y avait bien un système colonial ? » Réponse de Nicolas Sarkozy :

« Vous ne pourrez jamais trouver en moi un défenseur d’un tel système, fondamentalement injuste, dont personne ne peut ignorer les injustices et inégalités qu’il a causées pour les Algériens. Mais, par ailleurs, mélanger le système colonial et les hommes et les femmes qui sont partis vers le sud, et dont la plupart n’étaient pas des exploiteurs, est une grave erreur.

« Nombreux sont ceux, parmi eux, qui ont consacré leurs forces à bâtir des routes, des écoles et des hôpitaux et à cultiver la terre. Tout comme, nombreux, parmi eux, étaient ceux qui sont partis pour soigner et enseigner. Parmi eux, il y avait des gens simples qui ont travaillé et œuvré dans des conditions difficiles, qui n’ont jamais exploité personne et qui ont tout perdu.

« On peut refuser la colonisation et je la condamne sans hésitation et sans précaution de langage, seulement nous devons respecter ces hommes et ces femmes qui ont sincèrement pensé [La Dépêche de Kabylie, qui a rendu compte brièvement de cet entretien le 24 avril, a traduit : “ qui ont naïvement pensé ”] faire le bien d’une terre qu’ils ont beaucoup aimée. »

[Traduction : LDH-Toulon.]

Désigner à un quotidien algérien publié en arabe le colonialisme comme un système injuste générateur d’inégalités et d’injustices inacceptables pour les Algériens, c’est bien tenter de « noyer le poisson » quand on écrit par ailleurs aux « nostalgérianistes » : « Vous êtes les descendants de celles et de ceux qui, dès le début du XIXe siècle, ont contribué à l’essor économique de l’Afrique du nord […] ces femmes et à ses hommes, témoins et acteurs d’une œuvre civilisatrice sans précédent dans notre histoire »… Sarkozy a bien un langage pour ce côté de la Méditerranée, modulé selon qu’il s’agit de meetings ou de correspondances ciblées, et un autre « pour l’exportation »…

Comme le dit l’expression populaire : « Ni vu, ni connu, je t’embrouille… » L’homme est rusé, mais ses propos à géométrie variable ne peuvent susciter dans les deux pays qu’inquiétude et vigilance.

[1] Les extraits des discours de Nicolas Sarkozy sont repris du site Internet "officiel" du candidat :
http://www.u-m-p.org/site/index.php/content/view/full/152/.

[2] Déclaration reprise sur la page : http://www.u-m-p.org/propositions/index.php ?id=harkis

[3] Source : http://babelouedstory.com/thema_les/elections/2129/2129.html

Source : http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2019] sur le site de la LDH de Toulon