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L’AFRIQUE ET LA SOCIETE DE L'INFORMATION

Publié le, 30 mars 2007 par

Par Mamadou Diouf, History and CAAS, University of Michigan, Ann Arbor.

Il faisait partie des six personnalités invitées comme témoins par le Président Jacques Chirac à la 24ème Conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique ( probablement le dernier sommet du genre entre la France et l’Afrique), Mamadou Diouf, écrivain, et éminent historien sénégalais, souvent désigné comme un politologue, a délivré cette réflexion en présence de son hôte qui n’a pas manqué de réagir. ContinentPremier.Com, vous propose ce texte en exclusivité.

CANNES – (France) - Lorsque l’on s’intéresse autant à la place qu’au rôle de l’Afrique dans la société de l’information – en train de se mettre en place ou déjà mise en place – il est nécessaire de faire un détour par les différentes représentations de l’Afrique sur la scène du monde. Celles-ci sont des images produites par les non-Africains mais aussi par des Africains. Elles se sont influencées et continuent de s’influencer, entretenant ainsi des relations très complexes dans un dialogue rythmé par des moments d’hostilité ou de complicité.

Cependant le facteur indéniable est que la perception de l’Afrique est plus l’œuvre de l’Occident et de la culture occidentale depuis les Grecs (et leur fréquentation de l’Egypte et imagination du reste du continent), les Romains et leur occupation de l’Afrique du Nord, jusqu'aux grandes découvertes à la conquête et l’administration coloniale de l’Afrique, en passant par les imaginaires religieux et culturels constamment révisés qui ont eux aussi suivi l’apparition et la mise en sens de l’Afrique sur la scène des différentes vagues de la mondialisation, du 15ème siècle à nos jours.

Il est possible d’isoler trois moments dans cette chronologie de l’inscription de l’Afrique dans le temps du monde configuré par l’expansion de l’Europe et la construction progressive de sa domination politique, économique, intellectuelle et culturelle du monde. Jacques Derrida interprète cette longue histoire comme le résultat de « la guerre anthropologique »  que l’Europe engage avec les mondes qu’elle rencontre. L’expression rend compte de la logique de production de la différence, de la classification, du droit de nommer.

Les conséquences de telles opérations sont des représentations qui sont, le mépris, l’esthétisation, la négation et /ou l’idéalisation. La « guerre anthropologique » serait donc au cœur la constitution d’un répertoire de narrations et de connaissances coloniales et postcoloniales, organisé autour d’un nombre défini de thèmes, de dispositifs conceptuels et narratifs et d’opérations logiques. Elle est le produit des présuppositions et préjugés idéologiques, culturels, littéraires et économiques à partir desquels les représentations sont mises en place et en œuvre.

Les formes prises par les différentes opérations de représentation de l’Afrique, des Africains et des sociétés africaines sont diverses et changeantes aussi bien dans le temps que dans l’espace, s’affinant et devenant de plus en plus complexes, de la période dominée par une imagination de l’autre comme opposé à soi - le temps du miroir où l’on se préoccupe très peu de coller au réel – du contact effectif avec les sociétés africaines – le temps de la colonisation et des empires - à celle que nous vivons aujourd’hui de la Société de l’Information. Un moment dans lequel semble-t-il les sociétés africaines ont plus de latitude pour produire leurs propres représentations et remettre en cause celles dérivant de sources et ressources d’origine non-africaines.

Les métamorphoses des représentations européennes de l’Afrique ne sont pas reconnues par tous les observateurs. Certains insistent sur leur permanence et rigidité. V. S. Naipaul  par exemple, écrit:

En fait la nature des liens associant de l’Africain et l’Européen n’ont pas réellement changé depuis que les premiers bateaux portugais ont atteint la côte occidentale du continent : la magie sophistiquée de l’homme blanc est demeurée irrésistible pour le noir. Les radios transistors et les magnétophones ont pris la place des perles et des miroirs (North-South, An African Journey, 1978 ; p.57).

A cette lecture, on peut opposer la réplique  de Chinua Achebe, analysant Conrad,
L’Afrique est un champ de bataille métaphysique d’où est absente une humanité reconnaissable… Un espace dans lequel l’Européen entre a ses risques et périls. Telle fut et telle est l’image dominante de l’Afrique dans l’imagination occidentale (An Image of Africa. Racism in Conrad’s Heart of Darkness, 1977).

Peut-on reconduire les appréciations ci-dessus à l’ère des ordinateurs, téléphones cellulaires et autres antennes paraboliques ? La survivance de nombreuses images des périodes les plus reculées à la période contemporaine, une humanité grouillante des épidémies permanentes, le désordre moral, l’obscurité spirituelle pour n’en citer que quelqu’unes est une indication forte d’une certaine continuité. Les exemples, Joseph Conrad, Heart of Darkness (1910), Alex Soumatoff, African Madness (1988) et Pascal Sevran, Sur la sexualité des Africains et l’humanité grouillante africaine (2006) ne font pas défaut.

Les appréciations relatives à l’impact et aux conséquences économiques, culturelles, sociales et politiques des nouvelles technologies de l’information et de la communication restent divergentes. Néanmoins, il est admis que la Société de l’Information dont elles assurent le développement est porteuse d’une révolution radicale qui est en rupture avec la situation antérieure, pour ce qui concerne la production d’images relatives aux sociétés non-Occidentales. Pour certains, elles offrent à l’Afrique, en particulier de nouvelles opportunités de développement économique et social (éducation et santé), d’une participation bénéfique au mouvement des capitaux, des biens, des idées, des hommes et des femmes et d’une meilleure contribution des citoyens au processus démocratique, au niveau local, national, régional, continental et mondial. Pour d’autres, la réalité n’est pas à la hauteur du rêve en train de tourner en cauchemar, surtout si l’on considère la situation africaine. Pour les partisans de cette thèse,

La privatisation des fruits de la créativité humaine, de la médecine traditionnelle à la musique la concentration des richesses entre les mains d’un petit groupe, et l’accès restreint aux idées, richesses et biens de ceux qui ne peuvent payer paraissent plutôt indiquer la direction du cauchemar et de l’exclusion du plus grand nombre (Brenda Zulu)

La journaliste zambienne que je viens de citer insiste que plutôt que considérer la Société de l’Information comme un instrument de promotion de la consommation capitaliste, il faudrait en faire un instrument de promotion de la solidarité et de la justice. Elle, elle devrait, selon elle, reposer sur la transparence, la diversité, la participation et une justice sociale et économique informée par les considérations de genre et les variations culturelles et régionales.

La position de Brenda Zulu est partagée par Dan Schiller, Digital Capitalism (1999) qui considère la Société de l’Information comme le dernier avatar du capitalisme moderne devenu très vorace avec les conséquences suivantes : la concentration des richesses ; l’hégémonie des grandes firmes multinationales et les abus des libertés civiques et de la démocratie. Contre la domination et le contrôle de la mondialisation par les firmes multinationales, contre l’absence de régulation, en particulier concernant les biens publics mondiaux, contre la marginalisation des citoyens et du développement social, Zulu et Schiller militent en faveur de l’inscription, au cœur de la Société d’Information, de la défense des droits de l’homme, la constitution de réseaux, d’instruments et de formules médiatiques au service du partage des savoirs et des technologies, l’amplification de la voix des groupes minoritaires, marginalisés et des pauvres et, enfin la célébration de la diversité culturelle et intellectuelle.

L’accord n’est pas non plus réalisé entre ceux qui pensent que la Société de l’Information est au service des besoins de la mondialisation capitaliste, ceux qui croient qu’elle profite aux producteurs d’infrastructures, de programmes, d’images… de produits d’information et de communications et ceux enfin qui pensent qu’elle peut profiter à tous (Abdoulaye Samassekou).

Etat des lieux

Le moment d’aujourd’hui qui est considéré comme l’ère de la Société de l’Information est caractérisée, selon la plupart des observateurs et chercheurs, par un extraordinaire changement dans la structure du marché du travail, le volume et la vitesse des flux de capitaux et l’incroyable extension de la géographie du commerce mondial.
Dans la plupart des pays développés, les services et activités liés a l’information emploient plus de travailleurs que les unités industrielles. Ces transformations affectent la culture mondiale avec les images des pays circulant d’un territoire à l’autre. Elles ont des conséquences autant matérielles qu’intellectuelles sur la croissance économique, la gouvernance moderne et les stratégies militaires entre autres.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication provoquent des transformations structurelles massives telles que le passage de la propriété publique à la propriété privée et du monopole à la compétition. Elles déploient dans un enchevêtrement de relations sociales, politiques, économiques et culturelles qui sont simultanément locales, nationales et mondiales. La nouvelle situation offre d’extraordinaires opportunités en termes d’innovation, de réussite et de progrès individuels et collectifs. Elles affectent profondément autant les politiques d’investissement, de l’aide publique et privée que l’architecture réglementaires des Etats. En effet les nouvelles technologies de l’information et de la communication ne se préoccupent pas seulement de technologies et d’information ; elles sont aussi relatives à la liberté d’accès à l’information pour tous en termes de création, d’accumulation et de diffusion de savoirs.

Prenant en compte les désaccords relatifs à la nature et à la direction des nouvelles technologies et l’information et de la communication, est-il possible de proposer une définition acceptable de la Société de l’information? Frank Webster identifie cinq écoles de pensée dont les approches sont différentes :

  • Une approche techniciste qui définit les sociétés considérant leurs techniques (technologies) de production, de l’âge de la pierre à l’âge de l’information.
  • Une approche économiciste qui englobe les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le cadre plus large de l’économie. L’information est considérée autant comme une matière première que comme un produit fini. Elle est la base des industries de l’information qui proposent des produits faisant l’objet de transactions financières. Ces dernières participent très fortement aujourd’hui à la formation du PNB.
  • Une approche qui s’appuie sur la structure du marché du travail et définit la Société de l’Information en terme du nombre croissant des employés du secteur, des avocats aux comptables en passant par les statisticiens, les ingénieurs…
  • Une approche qui se réfère a la géographie de la Société de l’information, le Village global. Elle affirme l’abolition des distances autant temporelles que géographiques grâce à la multiplication et à la densification des réseaux d’information et de communications. Selon Manuel Castells, The Rise of Network Society (1998) on assiste à la création d’un réseau intégré d’information mondial constitué de nœuds et de centres de retransmission qui structurent l’économie mondiale.
  • Une approche qui privilégie l’analyse de l’impact des technologies de l’information et de la communication sur les cultures. A l’énorme volume d’information circulant dans le monde est attribué la redéfinition et la reconfiguration de nos identités autant individuelles que communautaires. Les technologies de l’information et de la communication affectent aussi bien le champ politique, l’espace public, l’habillement, les goûts (culinaires, sexuels...) que les aspirations professionnelles et les rêves les plus fous de réussite.
  • Il est indispensable de mettre à l’épreuve en Afrique chacune des approches identifiées par Webster pour faire un état des lieux en vue de l’élaboration de stratégies précises, informées par des connaissances pertinentes, un calendrier et une échelle d’évaluation des résultats, à chaque étape de l’exercice d’incorporation des sociétés africaines dans la Société de l’Information. Dans ce cadre, il s’agit d’identifier les conditions structurelles, institutionnelles et culturelles favorisant ou contraignant la diffusion rapide et massive des ressources des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Non seulement est-il nécessaire de faire la liste des facteurs favorables et défavorables au recours à ces dernières, il est tout aussi indispensable de mesurer simultanément leur impact au niveau local et global, à partir de la perspective africaine.

    Pour conclure cette section il est indispensable de préciser d’une part que les nouvelles technologies de l’information et de la communication ne relèvent pas seulement du registre technologique. Elles sont éminemment politiques. D’autre part, il est difficile d’établir une relation précise de cause à effet entre la structure économique, culturelle et institutionnelle et la Société de l’Information.

    la societe d’information a l’epreuve de l’afrique

    A ce niveau de la réflexion, trois questions viennent à l’esprit. En premier lieu, comment l’Afrique s’inscrit-elle dans cette géographie de la Société de l’information ? En second lieu comment analyser, évaluer et mettre en pratique l’intégration des nouvelles technologies de l’information et de la communication, dans les parcours démocratiques, l’espace public, le monde des affaires et la société civile, aussi bien au niveau local, national, régional et global, en tenant en compte les conditions propres à l’Afrique, tant au plan historique qu’ à celui de sa longue et difficile insertion dans le temps du monde. En troisième lieu, le passage de la société industrielle à la société de l’information est-elle une nouvelle opportunité pour l’Afrique de combler le fossé avec les pays développés ou une nouvelle occasion d’élargir la distance qui les sépare, en termes de développement, d’amélioration des conditions de vie des populations et de participation effective à l’économie politique et morale du monde ?

    La réponse à chacune des trois interrogations se résume en une phrase : malgré quelques succès, l’Afrique reste globalement marginale, pour plusieurs raisons dont je ne vais citer que les plus importantes. Les plus pessimistes affirment que l’Afrique a déjà raté le coche, pour s’enfoncer dans une situation chronique de conflits et de sous-développement. Cette affirmation ne semble pas jurer avec la situation sur le terrain. La faiblesse incroyable des institutions africaines ne peut porter une Société de l’Information dont l’épine dorsale est de nature institutionnelle et non technologique. Dans de telles conditions elle est difficile voire impossible. La terrible conclusion qui s’impose, face aux défis de la Société de l’Information, est que le futur de l’Afrique dans le temps du monde des nouvelles technologies de l’information et de la communication est préoccupante.

    La situation africaine est caractérisée par :

  • Une domination des élites rurales, de l’économie agricole et de leur conservatisme social et idéologique très marqué combinée à un niveau technologique très bas.
  • Un niveau très élevé d’analphabétisme, des femmes en particulier dans les langues internationales de communication et une absence quasi générale des langues africaines dans les paquets technologiques et les véhicules de communications.
  • Des infrastructures et institutions économiques et réglementaires nécessaires au développement d’une Société de l’Information très peu nombreuses. Selon les chiffres disponibles en 2004, seulement 0,5% des Africains ont accès à Internet et 99,5% d’entre eux sont exclus de la Société de l’information (On constate cependant certains paradoxes qui sont porteurs d’espoir. Le Mozambique par exemple à un meilleur ratio téléphones cellulaires/téléphones fixes comparé à beaucoup de pays développés selon Ernest J. Wilson III, The Information Revolution and Developing Countries, 2004).
  • Les contraintes de la situation africaine ne sont pas seulement d’ordre infrastructurel. Aux contraintes et limites techniques, technologiques et industrielles, s’ajoutent des facteurs autant politiques, sociales que culturelles. Non seulement il existe un inégal accès entre pays pauvres et pays riches, entre régions pauvres et régions, mais le fossé entre ruraux et urbains, riches et pauvres se creuse.

    A la question que faire, trois domaines, économique, politique et culturel, me semble-t-il méritent notre attention.

               
    quelle strategie gagante pour l’afrique ?

    Secteur Economique

    La faiblesse des infrastructures jurent avec les conclusions retenues concernant les incidences économiques de la Société de l’information. Les technologies de l’information et de la communication sont indispensables à la mise en place d’une économie viable et compétitive. En effet il est établi qu’il existe, a) une relation positive directe entre la croissance économique et le degré de pénétration des technologies de l’information et de la communication ; b) leur importance a une incidence autant sur la structure du tissu économique que sur le volume et la diversité des investissements, même si plus que la structure, les processus ont un rôle plus central dans les opérations de développement.

    Aujourd’hui aussi bien les réseaux africains des hommes et des femmes d’affaires que les firmes multinationales opérant en Afrique ont conscience que les potentialités économiques demeurent inexplorées, comme c’est par exemple le cas marché de travail et le marché de consommation de biens et services. L’Afrique est devenue une nouvelle frontière économique à ouvrir.

    Les conditions à réunir pour une entrée réussie de l’Afrique dans la Société de l’information, relativement au secteur économique exige la mise en place des infrastructures techniques et institutionnelles. Une posture de réussite suppose la participation de l’ensemble des acteurs sociaux, politiques et institutionnels. Dans une certaine mesure l’Etat, l’administration et les réseaux d’affaires (nationaux, régionaux et multinationaux) s’y attèlent. Il s’agit maintenant de mobiliser et incorporer les autres acteurs (associations communautaires, activistes et mouvements sociaux) pour assurer le respect des droits de l’homme, la diversité culturelle et les libertés démocratiques.

    Deux priorités se dégagent dans le secteur économique :

  • la mise en place d’une architecture institutionnelle local, national et régional efficace, ouverte et plurielle,
  • le recours systématique aux technologies de l’information et de la communication pour la création de marchés sous-régionaux et régionaux et la discussion et la promotion des objectifs économiques de l’Union Africaine, en particulier le NEPAD. Est-Il par exemple possible d’imaginer la communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest jouant un rôle moteur dans cette perspective, identique à celui de la Commission Européenne ?
  • la reforme de la structure et des obligations du marché du travail.
  • Secteur Politique

    Il est admis que sans une intervention décisive dans l’espace public politique et en l’absence d’un leadership politique déterminé, la Société de l’Information n’a aucune chance d’advenir en Afrique. En effet, les observateurs et chercheurs établissent une corrélation forte entre le degré de pénétration des technologies de l’information et de la communication et la démocratie. Charles Kedzie, (The Third Wave », B. Kahin & C. Neeson (eds), Borders in Cyberspace (1997) soutient que le taux de couverture d’un pays par Internet est l’indice le plus révélateur de la profondeur et de la qualité de sa démocratie.

    L’observation de Kedzie met l’accent sur la nécessité pour les leaders locaux, publics et privés de mettre en place des coalitions politiques et de recruter des militants pour non seulement offrir des justifications intellectuelles mais aussi pour mobiliser leurs militants au service d’une cause importante et contre leurs adversaires.

    Au moins trois pays africains, le Ghana, l’Afrique du Sud et le Sénégal se sont engouffrés avec succès dans cette démarche. Ils illustrent le rôle crucial des individus et des institutions qui animent la révolution technologique. Au Sénégal et au Ghana le développement des télécentres et des cybercafés est une réponse à la demande sociale (transferts de ressources financières des communautés migrantes vers les pays d’origine) et aux besoins des universitaires, en particulier. Dans les deux pays, des individus bien formés, logés dans des réseaux professionnels et des institutions publiques ont été capables de jouer le rôle de promoteurs, d’avocats pour avancer leur cause. Ils ont été ainsi capables autour de leurs revues, rencontres, workshops… de créer de véritables communautés au service de la Société de l’information, par cercles concentriques. En Afrique du Sud, internet continue d’être utilisé comme instrument de mobilisation et d’intervention politique avec un certain succès par le Treatment Action Campaign (TAC). D’autres organisations s’investissent dans la consolidation de la société civile et l’exploration de nouvelles modalités et langages d’intervention politique et sociale, en particulier, la promotion des droits démocratiques (consultation des organisations de bases) et la défense des consommateurs.

    Mieux encore, les organisations africaines de la société civile qui ont adopté la Déclaration de Maputo (2003) veulent inscrire leur action de soutien aux nouvelles institutions de l’Union Africaine (NEPAD) dans cette perspective d’intervention politique et de participation à la formulation des politiques de développement. Dans ce cadre, l’accent est mis sur l’incorporation de la dimension sociale et culturelle.

    Secteur Culturel

    Les Africains affichent une grande sensibilité relativement à la question culturelle. Face à ce qu’ils considèrent comme le contrôle idéologique des contenus culturels des technologies de l’information et de la communication par les Etats-Unis et l’Europe au détriment des cultures d’Europe, d’Asie et d’Amérique latine, ils cherchent à préserver une autonomie culturelle. Cependant ce qui est perçu comme une menace culturelle est parfois une célébration de la différence qui cache des velléités répressives et anti-démocratiques. Il est clair en effet que les nouvelles technologies de l’information et de la communication déstabilisent fortement les pratiques politiques et culturelles traditionnelles.

    Deux éléments méritent l’attention de l’Afrique : a) le renforcement des cultures locales dans le temps du monde suppose l’interaction et le dialogue entre les cultures pour reprendre une expression chère à l’ancien Président sénégalais ; b) l’incroyable réussite de la World music africaine est une illustration de la capacité de certains secteurs africains à jouer à armes égales avec les autres régions du monde.

    quelle contribution africaine ?

    Elle se résume ainsi :

  • la liberté d’expression,
  • la lutte contre le racisme,
  • l’accent sur les valeurs humaines plutôt qu’économiques et technologiques,
  • la promotion de la paix et l’éradication de la pauvreté,
  • la promotion des valeurs communautaires, pas seulement individuelles,
  • la promotion de connaissances alternatives produites par les savoirs indigènes,
  • le respect des langues et cultures minoritaires,
  • la promotion de la solidarité internationale avec les victimes des guerres, des famines, des injustices et de la répression.