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Ou envoyez un courriel à Info@ContinentPremier.com

Vous êtes ministre d’Etat, ministre chargé des Affaires Etrangères du Sénégal. Quelles sont les raisons de votre visite à Genève ?

« J’étais invité par mes amis du magazine panafricain ContinentPremier.Com qui font un excellent travail d’information sur l’Afrique. Je me retrouve dans leur entreprise parce que, quand j’étais en France d’abord comme étudiant et ensuite aux Etats-Unis comme chercheur, nous avions fait le même travail. Celui de défendre l’image de l’Afrique et contribuer à une meilleure connaissance de la réalité africaine parce que malheureusement l’Afrique n’a pas une voix assez puissante pour être entendue et souvent ce sont les autres qui parlent pour nous. En parlant pour nous, quelles que soient leurs bonnes volontés, ils déforment nos réalités. Je trouve que leur entreprise est extrêmement importante parce que la Suisse est un pays carrefour. Un pays très important dans le système des Nations – Unies.

Genève est la deuxième patrie des Nations - Unies après New York. Par ailleurs, la Suisse avec ses valeurs et son implication en Afrique, constitue pour nous un pays modèle que nous apprécions beaucoup en Afrique, surtout au Sénégal. En outre la coopération suisse est exemplaire. C’est ce qui fait que je me suis dit j’ai été invité par des amis, des Africains qui ont une bonne cause, et dans un pays ami, alors je me rends en Suisse ».

2006 marque pour le Sénégal un grand évènement puisque c’est le 100e anniversaire de la naissance du Président Léopold Sédar Senghor. Pourriez - vous tirer un bilan de sa vision politique et son apport pour l’Afrique en général ainsi que pour le monde en particulier?

« Le centenaire de Senghor est un événement majeur en Afrique, mais aussi dans le monde. Le Président Senghor est un citoyen du monde, mais qui a défendu farouchement l’Afrique, la culture négro-africaine, et l’apport de l’Afrique à ce qu’il a appelé la Civilisation de l’Universel.

Senghor a « théorisé », perçu le courant irréversible menant à la mondialisation des valeurs, du partage des valeurs. Il a jugé cela avant tout le monde. Pour cette raison Léopold Sédar Senghor devrait être célébré par l’Humanité tout entière. Senghor refusait toute marginalisation et toute forme d'exclusion. Or la mondialisation économique qui a conduit à la mondialisation actuelle marginalise et exclue des peuples entiers. D'où l'actualité de Senghor et de sa pensée politique et philosophique.
A côté de Léopold Sédar Senghor, nous avons en Afrique un autre grand penseur, le Sénégalais Cheikh Anta Diop dont nous célébrons la vie et l'oeuvre car cette année marque le 20ème anniversaire de sa disparition. Il fut un historien, un scientifique qui a beaucoup apporté aux peuples du monde. En effet, il a aidé à replacer l'histoire de l'Humanité sur ses jambes car cette histoire reposait sur sa tête.

2006 est une année faste pour le Sénégal mais aussi pour toute l’Afrique.

Par ailleurs, le Président Wade va recevoir à Paris, le prix UNESCO pour la Paix. Le Président Wade est un homme de culture et un grand intellectuel. Sa distinction est aussi à rajouter au palmarès qui rend l’année 2006 particulièrement faste pour l'Afrique avec un éclat particulier pour le Sénégal »

On sait que le Sénégal veut dans la poursuite de son rayonnement briguer un siège au Conseil de Sécurité et une place au sein du Conseil des droits de l’Homme. Que propose votre pays pour les réformes des Nations - Unies ?

« Nous avons travaillé avec le groupe africain, dans le cadre de l’Union africaine pour dégager une position africaine commune. Ce qu’on appelle le consensus d’Ezulwini qui a été mis en place au Swaziland lors d’une rencontre dans la ville du même nom. Ezulwini a permis à l’Afrique de parler d’une seule voix sur la question de la réforme.

Il y a la réforme globale du Secrétariat, de la Commission de Droits de l’Homme en Conseil des Droits de l’Homme. Sur tout cela l’Afrique n’avait pas de problèmes. Mieux, nous avons soutenu le Secrétaire Général Kofi Annan quand il a voulu créer une Commission de consolidation de la Paix. Nous avons pensé que cela était extrêmement important. Il est aussi question de la réforme de l’Assemble Générale et celle de l’ECOSOC et des institutions en général pour les rendre plus efficientes, plus fonctionnelles, plus opérationnelles et à moindre coût etc.

Maintenant qu’on arrive au gros morceau que tout le monde suit avec beaucoup d’attention. C’est à dire le caractère non démocratique du Conseil de Sécurité. Ce dernier est aujourd’hui composé uniquement que de cinq (5) pays qui ont le droit de veto et qui décident seuls du sort du monde dans des moments critiques.

Tout le monde sait que ce système est complètement dépassé et que des pays comme l’Inde qui compte près d’1 milliard d’habitants et future puissance mondiale dans les dix, quinze prochaines années ont toute leur place dans le Conseil de Sécurité en tant que membre permanent.

Des pays émergents, presque développés, comme le Brésil en Amérique Latine ont toute leur place dans ce Conseil. Nous savons que le Japon aspire à rejoindre, l’Allemagne aussi et ce sont des pays pour lesquels, en tout cas, au Sénégal, nous avons beaucoup d’estime et de considération. Nous pensons effectivement qu’ils peuvent avoir leur place dans un Conseil de Sécurité élargi.

Mais plus que tous ces pays, qui sont des pays amis, c’est l’Afrique qui est la grande perdante du système international. Si les Européens disent qu’ils sont coincés entre la France et l’Angleterre, qui n’ont pas le mandat de représenter l’Union Européenne, il n’en demeure pas moins que la France et l’Angleterre sont des pays européens. Personne ne peut changer cette donne.

La Russie est aussi un pays européen donc l’Europe a quelque part trois représentants. L’Amérique Latine vous dirait que non, nous n’avons pas mandaté les Etats-Unis. D’accord mais il y a quand - même un pays de l’Amérique qui est représenté au sein du Conseil de Sécurité.

La Chine, bien qu’elle n’ait pas le mandat de représenter l’Asie, est aussi présente.
Quel est donc, le continent qui est absent sur les quatre?
C’est l’Afrique.
C’est pour cela que nous disons au Sénégal, que nous sommes d’accord avec le consensus d’ d’Ezulwini.

Il faudrait donc donner à l’Afrique des sièges permanents avec tous les droits et prérogatives dont disposent les Membres permanents. Il faudrait sinon supprimer le droit de veto à tout le monde ou du moins si on a des nouveaux Membres permanents ils doivent bénéficier des mêmes priviléges que les autres.

Il n’y a pas de membres permanents de première catégorie, de premier choix ou des membres de seconde catégorie. Cela n’est pas bon et ce n’est pas une réforme démocratique.

Maintenant certains ont dit qu’il faut faire des compromis.

Ceux qui ont le droit de veto peuvent opposer leur veto à toute réforme qui ne les arrangent pas. Ce qui est vrai et cela prouve le caractère particulièrement injuste du système actuel.

Mais si on doit faire des compromis, l’Afrique est prête. Notre position est de dire : Il faut que l’Afrique rentre au Conseil de Sécurité.

Le Sénégal a même avancé une autre idée en attendant qu’on s’entende sur le schéma global de la réforme et l’élargissement du Conseil de Sécurité, pour quoi la Communauté internationale à l’unanimité ne pourrait pas accepter qu’un pays de l’Afrique soit sélectionné pour rejoindre les 5 membres permanents.

On passerait de cinq à six. Ce qui poserait beaucoup moins de problèmes que de passer de cinq à onze. Nous pensons que ce schéma là, doit être étudié.

Ou bien on fait la Réforme globale et l’Afrique a ses deux sièges, ou si on n’est pas prêt à le faire, au moins qu’on accorde un siège permanent avec le droit de veto et tous les privilèges à un pays africain. Ainsi l’Afrique n’aura qu’à proposer une short-list de pays qui pensent pouvoir représenter le Continent ».

Comment expliquez - vous la décision de réouverture d'une ambassade à Berne. Quel est l'impact attendu pour les Sénégalais?

" L'impact est aussi pour la Suisse qui dispose d'une très belle ambassade au Sénégal. C'est donc un acte de réciprocité posé par le Gouvernement du Sénégal. Comme vous le savez le Président Wade est par ailleurs un grand Ami de la Suisse. En outre, l'expérience suisse en matière de fédéralisme, sa stabilité, le caractère exemplaire de sa coopération très saine, font que la Confédération Helvétique est un grand pays de la diplomatie internationale. C'est ce qui fait qu' il est intéressant pour un pays comme le Sénégal qui a des ambitions diplomatiques assez importantes d'être présent en Suisse.

Pour nos compatriotes, l'ouverture d'une ambassade leur donne une meilleure couverture etc. C'est aussi un acte de fierté pour eux de pouvoir dire par exemple :" je vais à l'ambassade du Sénégal", d'obtenir des informations, une protection consulaire et d'avoir une meilleure facilité d'accéder à des documents de voyage. Et s'ils ont des problèmes, ils peuvent trouver conseils ou assistance au niveau de leur ambassade.

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Vous avez parlé de la délivrance de documents de voyage comme les passeports. Beaucoup de réquérants d'asile n'ont pas de papiers. Quelle est la lecture que vous faites de la situation des émigrés sénégalais sans papier en Suisse?

" Vous touchez là, un des grands drames de notre ère moderne quand on voit ces jeunes africains qui meurent dans le désert, dans des embarcations de fortune. Cela heurte la conscience universelle. Il n'y a pas que les pays africains, les pays émetteurs ou récepteurs qui sont interpellés mais tous les autres pays le sont aussi.

Il faut dire que ces jeunes qui sont des êtres humains très honnêtes, ne demandent qu'à travailler et donner du sens à leur vie. C'est dommage que l'Afrique ne puisse pas les aider à le faire en Afrique, en tout cas, pas pour l'instant. Il faudra donc engager le dialogue de fond. Cependant le tout sécuritaire, la peur de l'émigré, la question des menaces sur les emplois, constitue une approche qui amène plus de problèmes que de solutions. Si au contraire, il y a un dialogue où les parties se disent pourquoi ces jeunes africains sont - ils prêts à braver la mort pour quitter leur continent? Pourquoi ils pensent que l'Occident par exemple leur offrira l'hospitalité? Pourquoi ils pensent qu'ils trouveront des opportunités dans ces pays? Cette approche là, est plus humaine et apportera des réponses plus humaines.

Si on crée des opportunités pour permettre aux Africains de rester chez eux, ils le feront. Je vous le jure l'Afrique est le plus beau Continent au monde. Il y a tout en Afrique. Nous avons le Soleil. Nous n'avons pas besoin de porter 40 kgs d'habits pour nous couvrir contre le froid. La musique est belle. Les gens sont beaux. Les gens sont heureux. Tout Africain mis dans des conditions minimales préfère rester en Afrique. Quel que soit le destin qu'il peut avoir à l'extérieur, l'Africain ne rêve que d'Afrique. Il ne parle que de l'Afrique. Il veut toujours rentrer chez lui. C'est pour cela, je dis à mes amis Américains et Européens, prenez un peu de hauteur en analysant la question migratoire et vous verrez qu'il y a un espace de dialogue plus humain".

Vous êtes venu à Genève pour également participer à une table - ronde pendant le salon de livre, et le 3eme salon du livre africain pour parler de l’image de l’Afrique.

" L'Image de l’Afrique m’a toujours passionné, quand je pratiquais le journalisme activement, comme que quand je l’enseignais également maintenant au poste de Ministre des Affaires étrangères du Sénégal où j’ai vraiment la grande opportunité de pouvoir parler de l’Afrique avec passion, avec l’amour et beaucoup de considération. Je vois la différence entre les milles actes positifs posés par les Africains chaque jour et les deux ou trois actes négatifs que la presse à sensation trouve beaucoup plus sexy ou plus intéressant que les milles autres actes faits par des femmes de l’Afrique pour défendre leurs droits, prendre la parole, montrer leur humanisme, montrer leur savoir-faire, leurs compétences etc. Tout cela n’est pas très intéressant! Les enfants africains qui inventent des choses, qui vont au champs, qui travaillent, qui préfèrent la dure labeur à la facilité. Tout cela n’est pas tellement intéressant!

Des gouvernements africains qui se réveillent à la démocratie, au droit des peuples, à la bonne gouvernance, à la transparence, qui font des efforts. Tout cela n’est pas intéressant!

Je le dis aux amis journalistes et je le répète aujourd’hui… Si en Occident un train qui arrive à l’heure, cela n’est pas une information, en Afrique c’est une très bonne information.
Quand les trains commencent à arriver à l’heure. Quand les Africains commencent à montrer un certain nombre de comportements, on doit les applaudir et les encourager. Mais quand on allume la télévision, ce qui est montré, ce sont des massacres dans tel et tel pays africain, noyade collective dans tel autre, enfant maltraité dans tel autre pays etc.
Qu'est-ce que cela renvoie comme message aux jeunes africains?
Peut-être le fait qu’ils quittent l’Afrique, en bravant la mort, est liée en particulier à l’image positive qu’on leur leur renvoie aussi de l’autre continent.
Chaque fois qu’ils regardent la télévision, et on sait que la télévision est dominée par les pays puissants. Ces pays choisissent non pas de parler des victoires de l’Afrique mais insistent toujours sur ses défaites et ses problèmes.
Dieu sait que si nous avions une télévision africaine centrée sur l’Europe - la Suisse, la France, la Belgique etc- et qui va faire les quartiers populaires et les commissariats de police pour ne prendre que les crimes passionnels- Un tel qui a étranglé sa femme, un tel qui a noyé son enfant dans une bassine d’eau, un tel qui a poignardé la copine d'une copine… Regardez si on ne parlait que de cela sur l’Europe tout en sachant que ce continent n'est pas que cela. C’est la même chose pour l’Afrique".

Ancien formateur à l'Ecole de journalisme, le CESTI de Dakar. Quel regard portez - vous sur le journalisme africain?

" Le journalisme africain traverse un moment critique. Un moment crucial. Le développement fulgurant de la presse a donné beaucoup de support de communication sans forcément donner beaucoup de professionnels de la communication. Le journalisme est un métier qui aujourd'hui, est occupé par des non - professionnels et il est temps de corriger cela. Le journalisme est un métier exaltant. C'est un métier de service rendu à l'Humanité, à la formation citoyenne. Ses objectifs et ses idéaux sont tellement nobles qu'on ne peut pas le laisser entre les mains de n'importe qui.

On ne peut pas prendre le bistouri d'un chirurgien et le confier à la première personne qui veut faire la médecine. Voyez , vous - mêmes, les ravages que cela va faire. C'est la comparaison, sans exagérer, que je fais avec la plume du journaliste. A quoi assiste -t- on? L'honorabilité de certains citoyens peut être attaquée injustement. Des autorités peuvent être attaquées de détournement de fonds par ici et par là.

Et si vous allez au Tribunal, le journaliste se défend en disant : "Non, j'avais entendu la rumeur quelque part mais je n'ai pas vérifié ou j'avais entendu quelque part et vous n'avez pas démenti. Je pensais que c'était vrai etc..."
Il y a des problèmes techniques qui se posent et la personne qui lit l'accusation que vous faites contre le journaliste n'est pas forcément la même personne qui relira le même journal où se trouve le démenti.

Une fois que le mal est fait, il est irréversible.
C'est pour cela que les vrais journalistes, les professionnels de l'information sont extrêmement très prudents. Ils peuvent poursuivre parfois une enquête pendant une à deux ans. Ils ne sont pas pressés. Ils prennent tout leur temps et quand l'information est du béton et qu'ils y voient un intérêt éthique, social pour faire avancer la société, ils la publient.
Mais quand ils n'y voient aucun intérêt que de faire mal à quelqu'un, de détruire quelqu'un ou une famille, un groupe humain, en général, ils ne la publient pas.

Cependant en Afrique, on a un continent où les tissus sociaux sont tellement fragiles, où on est en train de construire des nations, où vous avez parfois des problèmes ethniques, régionaux, des gouvernements qui sont restés très souvent, longtemps au pouvoir, ou qui viennent d'y accéder et qui veulent le consolider. Il y a tellement de tensions que le journaliste doit gérer son métier avec beaucoup de maturité et beaucoup de lucidité. C'est dommage qu'une bonne partie de la presse africaine ne soit pas comptabilisée parmi les faiseurs, je veux parler de, ceux qui consolident la démocratie mais qui au contraire l'entravent et empêchent l'émergence d'une société africaine réellement démocratique".

( Source "Radio - Cité" Genève, Magazine "Diva" en collaboration avec "ContinentPremier.Com")