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Pr Aoua Bocar Ly, Chercheuse associée à l'Institut d'études des femmes de l'Université d'Ottawa

(Canada) - Si, dans les années 80, l'Amérique du Nord (États-Unis, Canada) n'avait que de vagues échos de la pratique des mutilations génitales féminines (MGF) lui venant de l'Europe, il n'en sera plus de même dans les années 90 avec l'arrivée massive des immigrantes africaines.

En effet, le Conseil du statut de la femme du Québec (1995) et plusieurs chercheurs s'accordent sur le fait que les MGF sont devenues un nouveau problème de santé au Canada et au Québec. Car, au delà du risque de la perpétuation de ces pratiques sur les fillettes néo-québécoises, la plupart des femmes adultes originaires de pays «excisants» ont déjà subi l'opération avant leur arrivée.

Sous forme d'excision, la pratique des MGF est l'ablation du clitoris et d'une partie ou de la totalité des petites lèvres et, sous forme d'infibulation, on coupe entièrement les petites lèvres, le clitoris et on coud ensemble les grandes lèvres en ne laissant qu'un petit orifice qui permet le passage des urines et du flux menstruel. Au regard de leurs conséquences sur la santé physique et mentale des femmes, les MGF constituent l'une des formes extrêmes de la violence faite aux femmes.

Cette pratique qui constitue une violation des droits des fillettes et une atteinte à l'intégrité physique et psychique des femmes interpelle le mouvement des femmes dont le fer de lance est la lutte contre les violences faites aux femmes.

Une confrontation au quotidien.

Par ailleurs, les professionnels de la santé sont de plus en plus confrontés à des femmes excisées ou infibulées, surtout lors du suivi des grossesses et lors des accouchements. Souvent, une désinfibulation permettant le passage du nouveau-né est nécessaire, mais en plus, un bon nombre de ces femmes ou leur mari exigent la réinfibulation (Conseil sur le statut de la femme, 1994). Ce qui pose un problème éthique et moral. Ces cas provoquent bien sûr des chocs chez les intervenants de la santé qui ne sont pas préparés à ce genre de situation, ni techniquement ni psychologiquement.
Ce défi devient d'autant plus crucial qu'en 1993, parmi les 130 millions des femmes «mutilées», plus de 5 %, soit plus de 6 500 000, vivaient en Occident, dont au Québec. Leur nombre ne cesse de croître avec l'immigration et la diversité culturelle.

Deux professeures-chercheuses en sciences infirmières confirment ce fait : «Ainsi, les infirmières se retrouvent de plus en plus souvent dans la position délicate de signaler et de soigner les problèmes de santé associés à la mutilation génitale. Cette situation représente un défi important puisque très peu d'entre elles sont véritablement préparées à offrir des soins culturellement congruents aux MGF. Elles sont nombreuses à exprimer le besoin d'améliorer leurs connaissances et leurs pratiques transculturelles.» (Popiea, E., Moreau. D., 2004).

L'action en Europe

En Europe, dès la prise de conscience de la présence de ces MGF dans leurs pays, les féministes européennes ont manifesté une solidarité agissante à l'égard de leurs soeurs africaines. C'est ainsi que se sont formés plusieurs groupes mixtes occidentales-africaines de lutte contre les MGF. Ceux-ci se sont regroupés aujourd'hui au sein du Réseau européen pour la prévention des mutilations génitales féminines (Euro-Net - FGM) et agissent de concert dans chacun des principaux pays de l'Union européenne.

De même, le Parlement européen s'est activement impliqué dans cette action de prévention et d'éradication des MGF que mène Euro-Net et, en plus des législations, leur apporte un soutien financier et institutionnel. Mais en Amérique du Nord, tant du point de vue des gouvernements que du mouvement féministe, l'appui à la lutte contre les MGF reste timide.
Il est vrai qu'à l'instar de beaucoup de pays africains (14 au total) et européens (15), les gouvernements du Canada et du Québec ont pris des dispositions juridiques interdisant les MGF. En effet, en 1997, le gouvernement du Canada a spécifiquement ajouté deux paragraphes à l'article 268 du Code criminel interdisant la mutilation génitale des personnes de sexe féminin. Au Québec, c'est en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne (1997) que les mutilations génitales sont interdites. Ces lois prévoient des peines criminelles pour les personnes qui pratiquent une MGF ou qui incitent à une telle pratique, ce qui comprend les parents qui auraient demandé l'excision.

De même, aux États-Unis, en plus du gouvernement fédéral, plusieurs États, dont la Californie, le Delaware, le Minnesota, le Dakota du Nord, le Rhode Island, le Tennessee et le Wisconsin ont promulgué en 1996 des lois interdisant la pratique des mutilations sexuelles.

Cependant, les lois ne peuvent être que des mesures d'accompagnement dans la lutte pour l'élimination des MGF. C'est surtout grâce à l'éducation et à la sensibilisation des mères de famille, des leaders d'opinion dans les communautés, des exciseuses traditionnelles, des hommes (surtout les plus jeunes) et des membres du corps médical que l'on parviendra à vaincre les MGF.

En parler

C'est à cette tâche que s'attelle au Québec, le réseau Femmes africaines, Horizon 2015 depuis une dizaine d'années. Au cours des deux dernières années, en particulier, grâce à des subventions gouvernementales et de l'appui du ministre de la Santé du Québec, le docteur Philippe Couillard, ses membres ont pu mener des actions d'envergure de sensibilisation dans sept forums largement couverts par les médias. Ainsi, aujourd'hui, le tabou est tombé et «tout le monde en parle».

L'étape suivante est une recherche-action pour documenter la situation exacte des MGF dans le pays. Son objectif est de développer des stratégies adéquates de protection des fillettes néo-québécoises contre cette pratique, d'assistance aux femmes qui en sont déjà victimes et d'outiller les professionnels de divers secteurs -- justice, éducation -- et surtout, ceux de la santé et des services sociaux afin qu'ils soient à même de prodiguer des soins adéquats aux femmes souffrant des séquelles des MGF, surtout lors des accouchements.

Il est nécessaire que tous les segments de la société comprennent que la pratique des MGF est un nouveau problème de société au Québec et au Canada. Le réseau québécois «Femmes africaines, Horizon 2015» fait donc appel à la solidarité de tous et de toutes dans cette lutte contre la pratique des MGF en vue de sa prévention et de son éradication ici et ailleurs dans le monde.