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POLICE ET DISCRIMINATIONS RACIALES

Publié le, 09 mai 2005 par

Par Yves Patrick Delachaux, Sous – brigadier, Police genevoise, auteur de Flic de Quartier (2003, Genève : ZOE) et Œuvrer pour la formation des policiers (2005, Genève : Université, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education)

Le travail policier s’illustre parfois dans les relations difficiles des forces de l’ordre auprès des populations migrantes, ceci mettant en exergue les difficultés d’une profession dont les tâches requièrent l’intervention, parfois urgente, et dans la plupart des cas lors de conflits, violences, abus, détresses, etc., d’hommes et de femmes, agent-e-s du service public, remi-e-s dans ce type d’actions et d’activités policières, à leur seule discrétion et professionnalisme… les « gardiens de la paix ».

Et c’est à ce propos que je souhaite soulever dans ce texte, l’interpellation effectuée auprès de la police, sur l’emploi du mot « race » utilisé pour qualifier une personne, sous-entendu dans le jargon policier « interpellation d’un homme de race… ; contrôle d’une bande de jeunes de race… ; appel de détresse d’une femme de race… » etc,.

Examen immédiatement entrepris afin d’imaginer une nouvelle terminologie plus respectueuse, et en accord à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, conclue à New York le 21 décembre 1965, approuvée par l’Assemblée fédérale le 9 mars 1993, entrée en vigueur pour la Suisse le 29 décembre 1994 (L’article 261 bis interdit la discrimination et l’atteinte à la dignité d’une personne ou d’un groupe de personne en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse.).

Notons que dans un arrêt, en relation à l’article 261 bis CP (discrimination), encore récent du Tribunal fédéral (ATF 124 (1998) IV 124, 2ème considérant), le TF s’exprime ainsi : Les noirs, en raison de la couleur de leur peau, constituent une race. Quant à l’utilisation de formulations telles que groupe racial, origine raciale, diversité raciale, société multiraciale, etc., il est intéressant de relever que l’Union européenne (UE) s’est opposée, à la Conférence mondiale de Durban en 2001, à l’utilisation de ces terminologies, considérant ces concepts comme sujet à de mauvaises interprétations, en tous les cas égaux à celui de race.

Ainsi après examen nous avons proposé à la direction de la police d’abolir l’emploi du mot « race » au bénéfice de celle de « type » ou « typé », semblant présenter des possibilités plus étendues, et moins discriminatoires.

Lors d’appels, contrôles ou interpellations, les policier-ère-s étant dès lors en mesure d’argumenter de façon neutre, des situations d’urgence telles que « à la recherche d’un individu typé européen (méditerranéen, etc.)… ; après appel et signalement de la centrale d’alarme nous avons contrôlé des jeunes typés rastas dans le secteur… ; une femme typée latino-américaine s’est… ».

Mais substituer un mot par un autre est-ce suffisant pour combattre toute forme de discriminations ?

Bien évidemment cet « échange » sémantique n’est nullement suffisant, d’autant moins si aucune explication objective ne l’accompagne, ni aucune formation, et ceci auprès des policier-ère-s parfois en état de dépaysement culturel (self-schocking), processus discuté par Magalit Cohen-Emerique, qui relève les différentes stratégies de défenses des professionnels en situations de menaces identitaires, celles-ci déclenchées par la confrontation à d’autres systèmes de valeurs, communications, codes culturels, etc.

Donc nous touchons ici le cœur du problème policier.

En effet, les confrontations quotidiennes des agent-e-s avec des groupes qui présentent des risques potentiels, provenant dans la majorité statistique policière de groupes formés par des populations en difficulté d’intégration ( ? Il n’y a pas lieu dans ce texte de discuter des raisons socioéconomiques et sociopolitiques, parfois productrices de délinquances, mais il est bien entendu que ces concepts doivent être discutés dans les détails pour comprendre les écarts entre les délinquances effectuées par les nationaux et ceux des non-nationaux ) entraînent les policiers à porter des regards emprunts de soupçons négatifs, cependant objectifs pour leur réalité professionnelle, à l’encontre de certains groupes. Avant de continuer comprenons que la réalité du policier se trouve être le rapport qu’il entretient aux situations de conflits, qu’il lui faut résoudre parfois en faisant usage de son pouvoir coercitif.

Maintenant mettons en relief les sources discriminatoires, en relevant que l’emploi, le logement et la formation devancent les plaintes effectuées contre la police pour des comportements à caractères discriminatoires. Et relevons, pour celles (plaintes) effectuées à l’encontre des policiers, qu’il apparaît que les situations de contrôles d’identité sont les situations les plus exposées, s’en suivent : les durées et les contraintes des gardes à vue, les mauvais traitements, les insultes, les refus d’enregistrer les plaintes ; et dans ces situations il est reproché à la police d’appliquer strictement le règlement, mais seulement certains segments de la population.

En filigrane à ces réflexions apparaissent deux concepts qu’il nous faut relever, soit, le pouvoir discrétionnaire et le pouvoir coercitif qui tous deux caractérisent le métier policier ; deux concepts qu’il faut nécessairement prendre en compte dans les politiques de formation en sciences humaines et/ou sociales de la police, mais encore dans le pilotage déontologique institutionnel, et mettre en relations directes avec les questionnements « discriminatoires ».

C’est pourquoi, et particulièrement dans les structures étatiques, l’attention portée sur l’utilisation d’un mot plutôt qu’un autre, révèle de stratégies éthiques qu’il y a lieu de défendre.

D’ailleurs n’est-ce pas l’utilisation abusive de certains propos et de certaines images (symboles) qui révèlent les tendances idéologistes de groupes politiques ? Que doit-on penser d’un mouvement politique, soit dit en passant aujourd’hui le plus grand groupe politique suisse, quand il défend une campagne de presse xénophobe, avant d’être en mesure d’appliquer ces principes ? N’est-il pas temps d’évoquer la philosophe américaine Hannah Arendt (1906 – 1975) qui nous fait remarquer dans son étude du totalitarisme, en 1951, que la préparation historique et politiquement intelligible précède la fabrication de cadavres ?

C’est pourquoi encore, la police doit aujourd’hui surveiller, certes, le comportement de ses agents, mais surveiller les abus verbaux, lourds de sens, qui peuvent cacher un certain nombre de déviances, défenses identitaires ou dénis des principes même des Droits de l’homme.

Maurice Chalom, chercheur associé au Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal et ancien conseiller senior en relations avec la communauté au service de police de la ville de Montréal, présente l’idée que se développe chez les policiers un sentiment d’impunité, où ils se perçoivent simultanément à part, au-dessus du reste de la société, ce qui amène parfois des gestes ou des comportements dérogatoires. Le policier ne reconnaîtrait petit à petit comme seul légitime mandant, que la majorité dont il est issu et qu’il oppose ainsi aux groupes minoritaires.

C’est dans ces perspectives que la police doit aujourd’hui réformer les approches de formations dispensées à son personnel, mais encore réformer les outils de résolutions de conflits qu’elle doit être en mesure de développer dans une société en voie de complexification, sachant que globalement chaque année ce sont plus de 500'000 personnes qui arrivent en Europe.

D’ailleurs à ce sujet Hélène l’Heuillet avance que plus les frontières s’estompent et que plus la question centrale de la police devient celle de la distance et de la proximité, et qu’ainsi la police semble perdre son articulation avec le territoire pour ne plus que s’occuper des populations, développant alors de nouveaux policiers dont la fonction est d’être des agents de liaison.

Ainsi le policier un agent (acteur) de socialisation ? Certes, le policier doit être en mesure aujourd’hui de recevoir de véritables mandats de sécurité, en correspondance avec des politiques partenariales clairement définies en étroite collaboration avec l’ensemble des intervenants sociaux.

Pour conclure, l’utilisation, ou non, de tels ou tels mots, expressions ou terminologies, n’est en soi peut-être pas l’aboutissement d’un combat contre les différentes formes de disciminations, toutefois emprunte la voie de plus de tolérance envers l’autre, cet étranger à nous-même selon Kristeva.