Ont collaboré à ce numéro

 cirid,
 CNUCED
 ECOFIN
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 Min. Alioune SARR
 Pr Amsatou S. Sidibé
 Université de Pékin

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La « redécouverte » de l’Afrique à travers l’enseignement de l’histoire de l’Afrique

En quelques points je voudrais simplement vous faire part de mon parcours intellectuel de « redécouvrir » l’Afrique à travers mon expérience de l’enseignement de l’ histoire générale de l’Afrique à l’Université de Pékin, dont le Deapartement d’histoire est un fondateur de la discipline en hisyoire en Chine depuis 1958.

 

 

Bien qu’il y ait eu une rupture courte entre 2003-2007, on a mis l’accent toujours sur l’histoire « moderne », c’est-à-dire depuis l’arrivée du colonialisme. Par exemple, lorsque j’ai été formée par cette discipline entre 1993-1996, j’ai fait mon mémoire sur la Conférence du Berlin (1884-1885) et la colonisation africaine.

 Dix ans plus tard, après que j’ai pris mon doctorat en sciences sociales du développement- population- environnement à Louvain-la-Neuve (Belgique), je suis retournée a notre Département en faisant un postdoctorat sur l’histoire de l’Afrique à nouveau.

 Je suis partie d’une nouvelle perspective: le sujet de l’histoire de l’Afrique concerne avant tout l’histoire des peuples africains. Il faut montrer les initiatives et les valeurs humaines de ce continent. Avec cette idée comme guide, j’ai démarré le cours sur l’histoire générale de l’Afrique depuis le septembre 2007. Après plus de 3 ans de cet enseignement, je voudrais partager mon expérience avec vous.

 En Chine, selon ma connaissance, il n’y pas plus de cinq universités qui ont un enseignement sur l’histoire de l’Afrique pour le moment. Bien que cet enseignement soit assez marginalisé, je trouve que cette discipline a une valeur inestimable.

 Mon cours traverse toutes les périodes, c’est-à-dire pré-historique, ancienne et moyen âge (pré-coloniale), moderne (coloniale) et contemporaine (post-coloniale). Je mets donc la référence au terme colonial entre parenthèses, bien qu’elle soit très souvent utilisée comme critère de périodisation.

 Tout d’abord, je me suis plongée dans l’histoire ancienne de longue période, appelée souvent pré-coloniale. Bien qu’il y ait peu de documents écrits, les monuments, tels que le Grand Zimbabwe, les Mosquées à Djenne et à Tombouctou, les Palais royal d’Abomey, les peintures sur roche, et les sculptures du Nok, Benin et Ife, etc., existent jusqu’aujourd’hui. Ces monuments non seulement composent une partie de la civilisation mondiale, mais aussi montrent une contribution africaine très riche dans les domaines de l’art et de la construction de l’Etat.

 L’histoire de la construction de nombreux États en Afrique, surtout jusqu’aux XVI-XVIIème siècles m’a frappée par son originalité, comparée à celle de l’Asie et de l’Europe. Dans de nombreux cas, les États centralisés ont laissé une large autonomie aux pouvoirs coutumiers anciens, notamment dans la question de la gestion des ressources naturelles, la terre par exemple. Cela a concerné tant l’Afrique centrale (royaume du Kongo) que l’Afrique de l’ouest (empire du Songhai). Cela permettait aux collectivités locales de maintenir et perfectionner les institutions locales devant assurer la sécurité collective des populations. Et cela s’est manifesté dans la permanence des traditions culturelles et artistiques locale.

 On peut donc dire qu’il y a eu une forme de « gouvernance historique » particulière à l’Afrique, et dont il semble intéressant de méditer la leçon aujourd’hui. La question de la gouvernance en Afrique ne doit pas se limiter à l’imposition de modèles importés ou imposés de l’extérieur. L’histoire longue nous révèle une expérience originale de gouvernance. C’est du moins une chose qui m’a frappée dans ma « découverte » de l’Afrique à travers la préparation de mon enseignement de l’Histoire.

 J’ai été aussi frappée par la vitalité des économies africaines dans l’histoire longue. Au contraire de ce qui a été souvent affirmé dans la littérature coloniale, les peuples africains n’étaient pas enfermés dans une économie de subsistance autarcique. Il y avait une grande vitalité des marchés locaux et des échanges à longue distance dès le haut moyen age.

 Les chemins trans-sahariens et les routes entre l’Afrique et le Moyen Orient, avec les manuscrits arabes comme témoignages, peuvent être comparés avec la route de la soie. qui a traversé l’Asie centrale, de la ville de Chang’an en Chine jusqu'à celle d’Istanbul en Turquie. 

 Depuis l’arrivée des Portugais, le traite des esclaves noirs a évidemment changé les courants du flux des peuples africains. Ce cataclysme d’origine extérieure a bouleversé complètement les conditions du développement créées antérieurement en Afrique, entrainant des graves déséquilibres et de lourdes menaces pour l’avenir des société affectées, tant au point de vue démographique, politique, économique que culturel.

 D’un côté cela a entrainé la formation d’une nouvelle élite très agressive et tournée vers le marché international (on peut songer aux nouveaux royaumes dans le delta du Niger ou au royaume d’Abomey 1625-1900), et capable d’imposer les conditions de l’échange aux compagnies étrangères. De l’autre cela a menacé les conditions de reproduction démographique et sociale des sociétés locales, créant des conditions d’insécurité très déstabilisantes pour les populations et les productions locales.

 Dans la souffrance et la violence, l’Afrique a donc participé à l’avènement de l’économie mondiale dès le XVIème siècle. Mais elle a aussi contribué à l’avènement de nouvelles cultures hybrides hors d’Afrique, au Brésil, dans les Antilles, et d’autres parties de ce qu’on appelait le « nouveau monde ».

 Bien plus, la culture africaine a continué à faire preuve d’une grande créativité, et d’une capacité d’hybridation remarquable face à la pénétration de nouvelles religions, comme l’islam ou le christianisme, en combinant souvent les nouvelles pratiques avec l’héritage des religions animistes.

 La modification rapide des rapports de force entre l’Occident et le reste du monde au cours du XIXème siècle a été une nouvelle épreuve pour l’Afrique à travers la conquête  coloniale, avec la tentative européenne de soumettre complètement les sociétés africaines. Non seulement pour l’exploitation brutale de ses ressources, mais aussi pour lui imposer définitivement les normes de la « civilisation occidentale » comme seul horizon pour l’avenir. L’Afrique se voit alors déniée toute identité propre, et est présentée comme l’image même des sociétés primitives, immobiles, misérables à cause de leur superstitions, donc un monde qu’il fallait écraser pour le transformer par les lois universelles du progrès.

 Cette expérience est tout à fait différente que celle-ci s’est passée en Asie orientale. L'idéologie coloniale, a refusé la richesse culturelle africaine. On n’en parle pas non plus. Au lieu de cela, c’est la mission du blanc qui apporte la « civilisation » en Afrique. En comparaison avec la civilisation occidentale, les peuples africains et leur civilisation sont dégradés, humiliés.

 Cette vision a continué jusqu’à présent, malgré les deux guerres mondiales et le cinquantenaire de l’indépendance. En effet la plupart des discours sur le développement post-colonial ont été lourdement marqués par l’héritage raciste colonial. Souvent le concept de sous-développé, puis de pauvre, a pris le relai du concept de primitif.

 Depuis les indépendances et jusqu’à présent le développement de l’Afrique a été trop souvent défini par des intervenants extérieurs. L’Afrique est devenue une sorte d’enjeu défini à l’extérieur, d’abord dans la lutte entre le socialisme et le capitalisme pendant la « guerre froide », ensuite comme une sorte de continent d’expérimentation mondiale, à travers l’imposition des politiques d’ajustement économique puis de démocratisation politique, enfin récemment à travers les stratégies de réduction de la pauvreté et les Objectifs du Millénaire pour le développement.

 Mais dans ma « redécouverte » de l’Afrique, je voudrais dire que la culture africaine n’a pas été détruite complètement par le colonialisme, ni par le néo-colonialisme d’après les indépendances. Au contraire, il y a une diversité culturelle toujours plus riche et plus affirmée.

 Dès la période coloniale, grâce au courant de la « Négritude », les intellectuels africains nous ont présenté une restitution des valeurs du monde noir comme un objet de fierté et une contribution à la civilisation humaine au sens large. J’ai appris beaucoup et j’ai été vraiment touchée par ce mouvement, dont l’héritage a enrichi la littérature, promu le panafricanisme et contribué certainement à l’indépendance retrouvée après la péripétie coloniale, qui avec le temps apparaît comme une péripétie assez courte dans l’histoire longue de la civilisation africaine, j’en suis persuadée.

 Malgré toutes les difficultés et les pressions extérieures, on voit de plus en plus s’affirmer une volonté de réaffirmer l’initiative africaine dans le domaine du développement, à travers la mise en place d’institutions de coopération régionale.

 Les projets visant une plus grande intégration régionale comme ECOWAS (CEDEAO - La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest),  les initiatives politiques de l’OUA (Organisation de l’Unité africaine) et puis l’UA (l’Union Africaine), le NEPAD (The New Partnership for Africa’s Development/Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique), FESPACO, etc., montrent que dorénavant les élites africaines sont soucieuses de prendre des initiatives affirmant les exigences politiques, économiques et culturelles des Africains eux-mêmes.

 Dans le domaine culturel, j’ai été aussi frappé par une nouvelle dynamique concernant la réaffirmation de l’héritage culturel de l’Afrique.

 Par exemple le projet du Manuscrit à Tombouktou (1999-2010), suivant l’établissement de l’Institut des Hautes Etudes et de la Recherche Islamique Ahmed Baba (avant 2000, appelé CEDAB- Centre de Documentation et de Recherches Ahmed Baba), afin de construire une base de reconnaissance de la contribution de cette personnalité à la culture africaine. Ahmed Baba (1556-1627), en tant qu’imam à la mosquée de Sankoré pendant 30 ans, a été un grand savant musulman de la ville de Timbouctou.

 Un autre exemple est la proie de coopération Mali-Afrique du Sud depuis 2002, qui essaie de dépasser les clivages entre Christianisme et Islamisme, et entre Anglophone et francophone a la fois, en essayant de construire une identité africaine en intégrant ses diverses composantes.

 Face au défi contemporain, les valeurs africaines restent donc dans de nombreux cas très vivantes (la prédominance du respect de la coutume, la soumission de l'individu aux valeurs communautaires, familiales, ethniques, tribales, et les croyances des religions animistes sans canon, etc.). Chaque pays ou chaque nation a la fierté de son histoire. Par exemple, je trouve que la plupart de Maliens possèdent un sentiment semblable à celui des Chinois, en parlant de leur histoire.

 Malgré toutes les pressions extérieures et intérieures, les Africains ont essayé de maintenir ou réaffirmer une identité qui se base avant tout sur leur tradition en commun. Ils ne pensent pas les abandonner, mais plutôt les revaloriser comme ce qui se passe avec le Confucianisme en Chine, tout en devant s’adapter aux exigences de la mondialisation désormais globalisée.

 Donc, à travers ma modeste expérience de « redécouverte » de l’Afrique, je pense qu’il n’y a pas de vraie rupture entre les civilisations traditionnelles et modernes en Afrique. Comme le présent est une continuation et ainsi qu’une étape d’évolution des sociétés africaines, je crois que les Africains eux-mêmes ont suffisamment de sagesse pour trouver le moyen de développer leur continent. Et ce malgré tous les défis auxquels s’ils sont confrontés. En grande partie, ces défis sont dérivés non pas seulement de problèmes propres à l’Afrique, mais des rapports de force défavorables imposés par les pays développés et leurs entreprises multinationales, qui essaient par tous les moyens de maintenir les avantages acquis pendant les périodes coloniales et post-coloniales. Mais ces défis sont aussi confrontés aux pays dits émergents.

 Quelle en est la sortie ? Ma modeste expérience de l’apprentissage de l’histoire de l’Afrique me persuade que l’Afrique ne doit pas chercher à copier des modèles étrangers, occidentaux ou orientaux, car elle a une grande richesse culturelle sur laquelle elle doit capitaliser pour construire son propre modèle de développement.

 En considérant aux « Dragons de l’Asie », une identité culturelle, c’est-à-dire le Confucianisme dont les éthiques est importante pour garder un pays integré. Ce n’est pas une idéologie, mais une pratique partout dans la vie quotidienne. De plus, le processus de la formation d’Etat de l’Asie orientale est tout à fait different depuis le XVIème siècle. Mais les deux cotés, c’est-à-dire l’Afrique et les « Dragons » de l’Asie, ont une similitude dans la diversité culturelle. L’Asie a mélangé des religions daoiste, bouddiste, islamique et animiste, tandis que l’Afrique a melangé le Christianisme, l’Islamisme et l’Animisme comme ledit. 

 Dans le futur, ainsi, l’Afrique pourra quand même contribuer sa diversité cultuelle au monde. On peut apprendre sa toléance religieuse. En plus de ses dances et sports, le monde a besoin de l’Afrique en tant que « nouvelle frontière » du développement, non seulement pour explorer la voie du developpement, mais aussi pour corriger certainnes fausses conceptions. Les peuples africains se développent avec leurs initiatives tout s’adaptant à leur territoire. L’échec aujourd’hui pourra transformer en reussite demain, bien qu’il s’approche lentemain.

 En terminant, je voudrais dire que mon expérience de « redécouverte » de l’ étude de l’histoire africaine m’a aidé a comprendre l’originalité profonde de la civilisation africaine, et sa capacité de résister à toutes les agressions extérieures depuis des siècles, en se réinventant sans cesse dans une certaine continuité dynamique, qui n'empêche pas de s'adapter à la modernité.

 Je crois de plus que le monde au lieu de vouloir toujours donner des leçons à l’Afrique, devrait s’inspirer beaucoup plus de ces valeurs africaines pour penser aux conditions d’un développement humain durable à long terme.

 PAN, Huaqiong, Département d’Histoire

Université de Pékin-Yi He Yuan Lu, No.5
Haidian District-Beijing 100872- China